Discours du 1er janvier 1971 au 25 juin 1980

<Discours de Marcel Masse du 1er janvier 1971 au 25 juin 1980>
<Texte électronique établi par Denis Monière à partir des archives de M. Masse : 2015>
<Correction et standardisation orthographiques – balisage et lemmatisation : Denis Monière et Dominique Labbé 2015>

<Masse19710100>
<VOEUX DE MONSIEUR MARCEL MASSE DEPUTE DE MONTCALM À LA POPULATION
DU QUÉBEC, DE LA RÉGION ET DU COMTÉ DE MONTCALM JANVIER 1971>

Le Québec vit depuis quelques années un temps de mutations rapides et profondes, dont nous ne
savons pas encore exactement ce qui en sortira. Période exaltante, puisqu’elle nous permet d’explorer en une seule
année plus de changements, plus d’idées nouvelles, plus de découvertes qu’il ne s’en produisait jadis en un siècle.
Période troublante aussi, puisque tout est devenu incertain, que tout est contesté ou remis en question et que nous cherchons de la sécurité et de la certitude, nous ne trouvons bien souvent que la plus désespérante confusion.

Hélas, pour beaucoup, la tentation est grande de chercher de faux prophètes ou de donner notre confiance à des charlatans qui prétendent posséder les réponses à toutes les questions. La tentation est grande de rejeter nos responsabilités sur ces voyants ou ces thaumaturges qui offrent de penser et d’agir à notre place. La voie dans laquelle ils voudraient nous conduire n’est-elle pas celle de la passivité et de la démission collective ?

Ayons assez de courage et de lucidité pour ne pas sacrifier à rabais les libertés encore très incomplètes
que nous avons conquises de haute lutte. C’est à nous tous qu’il incombe d’inventer notre avenir. C’est
ensemble que nous devons trouver les solutions à nos problèmes.
C’est toute la communauté québécoise qui doit participer à cette recherche.
Souhaitons qu’en 1971, les Québécois et les Québécoises, qui ont les mêmes convictions et les mêmes
buts sauront faire équipe. C’est là le souhait le plus normal pour que notre jeune nation sache profiter de l’accélération
de l’Histoire pour s’affirmer toujours davantage selon ses propres virtualités et qu’elle continue de s’épanouir dans la joie et la liberté.

<Masse19710119>
<CONFERENCE DE MONSIEUR MARCEL MASSE DEPUTE DE MONTCALM PRONONCEE LORS D’UN DEJEUNER-CAUSERIE DEVANT LES MEMBRES DU CLUB RICHELIEU-MAISONNEUVE
AU RESTAURANT SAMBO MONTREAL LE 19 JANVIER 1971>

Parce que vous vivez en ce pays, parce que vous faites partie de ce peuple, parce que nous sommes,
chacun de nous, avant tout, des citoyens d’un monde différent des autres, nous avons tous ressenti une angoisse,
subi un déchirement, vécu une minute de vérité collective.

Et c’est silencieusement que certains d’entre nous avons ressenti ce besoin tellement humain de
remettre en question chacune des valeurs, chacune des conceptions qui, ensemble et jusqu’à ce jour, ont composé
notre façon de vivre.

Comme tous les autres, l’homme politique subit les pressions du coeur, de la logique, de la passion et de l’esprit.

Comme tous les autres, l’homme politique connaît des chimères, nourrit des ambitions, réagit aux influences du quotidien, mais plus que tous les autres, l’homme politique, parce qu’il a choisi d’être le délégué d’un groupe de citoyens et qu’il est devant eux le symbole ou le représentant d’une idéologie ou d’une volonté, plus que tous les autres, l’homme politique se doit, surtout aux moments de détresse, de retrouver les sources, de s’inspirer des commencements, de repasser dans tous ces
chemins qui nous ont collectivement conduits où nous sommes.

il s’agit alors, en présence de l’ancien, de l’actuel et de l’avenir de refaire le partage et de trouver de nouvelles voies.

il y a quelques années, un groupe d’hommes inquiets formaient un nouveau parti politique afin que tout
un peuple puisse s’exprimer d’abord et avant tout en fonction de son histoire et de ses intérêts.

En fait ces hommes, en provenance de formations politiques diverses organisaient à un moment donné
de notre histoire un mouvement de résistance structuré.

Conscient de son éparpillement, le Québec se forgeait un instrument politique, selon ses besoins, ses aspirations et sa volonté d’être, afin d’assurer son existence collective.

C’était là le début du nationalisme québécois, cette expression du coeur qui allait être partagée par les
citoyens de toutes les classes sociales… c’était là le début de l’Union Nationale.

En nous procurant une plus grande liberté fiscale, la création d’un parti comme le nôtre devait nous
procurer du même coup la possibilité de parfaire, ou du moins de développer dans une très large mesure notre équipement
collectif sur le plan culturel, économique et social.

La fondation d’un parti totalement dédié à l’épanouissement des Québécois nous a finalement sortis de notre défaitisme. Elle nous a purgés de nos complexes de dépendants, d’entretenus, d’éternels quémandeurs.

Mais l’avènement d’un parti bien à nous devait faire mûrir au sein de la collectivité québécoise  quelque chose de bien plus profond et de bien plus important, soit une véritable conscience nationale.

Une fois cette conviction acquise, il fallait en tirer les conséquences. Et l’une des conséquences était
qu’il devait y avoir égalité au Canada sans quoi ce pays ne pourrait pas survivre. Égalité d’abord économique, et cela
va de soi, politique.

il est encore des droits, des égalités et des prospérités que nous pouvons acquérir, sans pour cela mettre en jeu le bien acquis, sans pour cela perdre ni la face ni la liberté. Dans un monde où la préoccupation actuelle de chacun est la vie de tous les jours, dans un monde où même les géants qui nous entourent sont embourbés dans des déchirements idéologiques et des dilemmes économiques, la négociation demeure la solution normale.

Pour ce faire, le Québec doit affirmer les conditions de sa participation au sein de la communauté canadienne et ce dans sa propre constitution.

Dans cette décennie qui commence, sur notre coin de continent, nous sommes un troisième monde.

Entre la puissance américaine et la présence anglo-saxonne britannique, nous sommes un troisième monde.

Farouchement habités d’un passé, d’un en semble de traditions aussi charnelles que spirituelles, dépositaires
de notre propre dimension continentale, nous sommes un troisième monde.

Un troisième monde à l’intérieur duquel il nous faut rebâtir un front commun, une union populaire, un
rassemblement national.

Un troisième monde à l’intérieur duquel il nous faut retrouver l’option du juste milieu, afin d’empêcher
toute servilité qui, éventuellement, ne peut que nous appauvrir davantage, afin d’éviter un excès qui nous conduirait
vers d’autres déchirements.

Nous sommes un troisième monde à l’intérieur duquel la première place doit être occupée par l’homme,
celui de tous les jours comme celui de demain.

Nous sommes un troisième monde à l’intérieur duquel les priorités doivent demeurer humaines.

il faut cesser de croire que l’État est l’unique instrument de solution à tous nos maux. L’État doit être restauré et devenir un levier de développement qui s’appuie sur la collectivité locale et l’entreprise.

A cette fin, le parlement définit, le gouvernement assume et l’administration obéit.

il faut cesser de croire que l’économie pourra retrouver l’équilibre grâce  à des slogans démagogiques, des théories brumeuses et un laisser faire fatalisme, l’économie c’est l’innovation.

L’État doit assurer une législation, des conditions, un climat permettant aux individus et aux entreprises
de donner forme aux ambitions et aux initiatives qui sont le développement.

Nous sommes un troisième monde à l’intérieur duquel il nous faut aujourd’hui, demain, après-demain,
désamorcer les désespoirs, oublier les préjugés, raisonner les colères, soulager les indignations, défaire une fois
pour toutes ce qui ne tient pas debout et refaire en neuf ce qu’on veut qui demeure après nous.
Nous sommes un troisième monde, et repliés sur nous-mêmes en tant que peuple, appuyés de tous ceux
qui de par tous les mondes veulent réussir, froidement armés d’intelligence et de détermination – première de
toutes les forces authentiques – nous allons rendre ce monde habitable afin de justifier finalement toutes ces ambitions
que tant de générations d’hommes désespérés ont jusqu’à ce jour rêvé pour chacun d’entre nous.

<Masse19710120>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE DEPUTE DE MONTCALM PRONONCEE LORS D’UN DINER-CAUSERIE AU CLUB RENAISSANCE DE QUEBEC LE 20 JANVIER 1971>

Je tiens avant tout à remercier ceux, nombreux, qui ont accepté de participer à ce dîner.

Prévu depuis plusieurs semaines, cette rencontre se situe à l’intérieur de la politique du Club Renaissance
qui offre à ses membres, et ce, chaque mois, un dîner-causerie.

Cette soirée ne doit pas être considérée comme une réponse à qui que ce soit, une réplique à d’autres
groupes ou mouvements. Cette mise au point étant faite, abordons des sujets qui nous préoccupent Ils sont nombreux.

Hier, invité par un groupe social, le Richelieu Maisonneuve, à Montréal, j’ai eu l’occasion de livrer
quelques réflexions sur divers sujets. après avoir évoqué la crise vécue par le Québec et les Québécois, après avoir
rappelé ce qu’a été pour moi l’évolution de l’Union Nationale, j’ai abordé brièvement trois points: la constitution,
l’État, l’économie.

il sera nécessaire, au cours des semaines à venir, d’expliciter chacun de ces points.

Dans quelques heures, les membres du Conseil National, convoqués à Québec, auront à décider de la
date et des modalités du congrès de nomination annoncé pour 1971. Leur décision sera lourde de conséquences.

Saurons-nous assumer nos responsabilités envers l’Union Nationale ? Question fondamentale.
Nous avons le choix entre plusieurs avenues. Déjà, des groupes militent en faveur de diverses thèses.

Permettez-moi d’expliquer à des militants de l’Union Nationale mon point de vue. Quelques semaines après la transmission des pouvoirs au printemps de 1970, le chef de l’Union Nationale, monsieur Jean-Jacques Bertrand, a rendu public une décision fort importante: il ne sera pas à la tête de l’Union Nationale lors des prochaines élections. On peut le regretter,
mais c’est un fait. Et à partir de ce fait, la discussion devait nécessairement s’engager sur la question suivante:
« congrès d’orientation ou de nomination » ? – Des arguments intéressants étaient avancés en faveur de deux tendances.

À la suite d’une réunion des candidats du parti aux dernières élections, le 6 novembre 1970, monsieur
Bertrand a annoncé la convocation du Conseil National peur le 23 janvier, en vue de la tenue d’un congrès de leadership
au cours de 1971. A quelle période de l’année y aurait-il lieu de tenir ce congrès ?

D’autres ont déjà donné leur avis là-dessus et vous me permettrez sans doute de donner la mienne en
toute déférence pour les membres du Conseil National, dont il va de soi que j’accepte d’avance la décision.

Nous avons plusieurs possibilités, mais regardons les choix quant à la date, en procédant par élimination.
L’année 1971 se divise pour nous en deux parties, soit le printemps et l’automne, puisqu’au départ les mois d’été sont peu propices à ce genre de réunion.

Devons-nous attendre à l’automne, donc entre neuf ou dix mois ? Depuis la déclaration de monsieur
Bertrand, le parti, c’est évident, est à la recherche d’un successeur et ce n’est blesser personne, il me semble,
que de reconnaître les inconvénients que comporte, pour l’Union Nationale, le fait de n’avoir plus de leader, responsable
incontesté de son orientation, de son organisation et de sa stratégie.

Si nous attendons trop, nous aurons un congrès, mais il n’y aura peut-être plus d’Union Nationale.

Nos membres auront quitté les rangs, nos députés se seront ancrés dans des orientations trop diverses pour offrir un
programme commun. Neuf mois de gestation et nous risquons d’accoucher d’un être difforme.

Le congrès devrait se tenir le plus tôt possible, c’est-à-dire avant l’été. Cela laisse deux périodes, avant ou après les vacances parlementaires de Pâques.

En 1969, la période de congrès a duré du 15 mars au 20 juin, soit plus de deux mois. Les candidats, les militants, les observateurs, ont été unanimes à reconnaître et à écrire que cela avait été trop long. D’ailleurs, l’exemple des partis politiques de l’Ontario, de la Nouvelle-Écosse et du Manitoba devrait nous servir.

Quant à moi, mon opinion est claire. Le congrès devrait se tenir d’ici Pâques. Une période de congrès
trop longue est propice à des blessures profondes, à des dépenses d’argent exagérées. Et comme je ne crois pas
que l’Union Nationale doive choisir son chef dans le bruit des fanfares et à l’ombre des « balounes », nous devrons
mettre un point final à tout ce qui peut nous entraîner dans une foire ou un carnaval.

Divers groupes, pour des raisons qui leur sont propres, pensent autrement Ils n’ont pas encore trouvé le candidat de leur choix, les structures du parti seraient trop faibles, etc…

Je ne crois pas au candidat-messie, à l’idéologie-miracle. Les partis politiques sont formés de membres et c’est le travail de chacun, sous la direction d’un chef choisi par eux, qui assure le succès.

Je m’adresse aux militants et eux plus que tous les autres savent l’importance d’un responsable, d’un
chef, d’un leader.

L’Union Nationale vit des moments difficiles; ne nous éternisons pas dans ces zones inconnues. L’avenir
est là qui nous attend; choisissons l’option Renaissance.

<Masse19710219>
<CONFERENCE DE PRESSE DE MONSIEUR MARCEL MASSE DEPUTE DE MONTCALM
AU CLUB RENAISSANCE DE QUEBEC LE 19 FEVRIER 1971>

La relance de l’Union Nationale est commencée. La crise d’un parti qui semblait se chercher une
nouvelle conscience s’estompe et fait place au renouveau. Chaque jour, davantage, se manifeste le mouvement de réforme
de ce parti qui ressent mieux que quiconque l’impérieuse nécessité de retourner au peuple québécois, source
de sa légitimité. Ce dynamisme nouveau rapproche ensemble des citoyens de tous les milieux sociaux, qui entendent
transformer l’Union Nationale et en faire une réelle solution d’espoir.

Compris dans, ce contexte, le congrès de nomination que l’Union Nationale tiendra en juin prochain, prend une signification particulière. Ce congrès ne représente pas une simple affaire de succession qu’il faut liquider, selon les coutumes de vieilles familles. C’est beaucoup plus que cela : il s’agit de la rénovation fondamentale d’un parti. L’option RENAISSANCE.

L’Union Nationale n’est pas morte : elle a vieilli ; elle s’est momentanément usée aux taches du pouvoir.
Dans une société qui évolue aussi rapidement que la société québécoise, l’Union Nationale doit regarder la vérité
en face et prendre conscience qu’elle est maintenant à l’heure du choix. C’est là un tournant grave de son histoire;
c’est aussi un moment extrêmement stimulant.

La relance de l’Union Nationale est commencée. La crise d’un parti qui semblait se chercher une
nouvelle conscience s’estompe et fait place au renouveau. Chaque jour, davantage, se manifeste le mouvement de réforme
de ce parti qui ressent mieux que quiconque l’impérieuse nécessité de retourner au peuple québécois, source
de sa légitimité. Ce dynamisme nouveau rapproche ensemble des citoyens de tous les milieux sociaux, qui entendent
transformer l’Union Nationale et en faire une réelle solution d’espoir.

Regarder la vérité en face, cela veut dire rompre avec un certain style vieilli, avec des attitudes dépassées,
et des schémas sclérosés : en un mot, avec tout ce qui sert de paravent à ceux qui tentent de cacher leur
démission. Regarder la vérité en face, c’est refuser catégoriquement tout raccommodage, tout replâtrage et tout compromis : c’est être résolu à rénover et à innover. Ce qui doit primer à notre avis, c’est la démocratisation de l’Union
Nationale. C’est-à-dire un retour à ses sources premières, qui sont à la fois essentiellement populaires et authentiquement québécoises.

Si l’on veut redonner au parti l’efficacité, la vitalité et l’esprit d’initiative qui sont les siens, il n’existe qu’une seule solution : retourner au militant de base, lui restaurer sa place et lui redonner la parole, relancer par l’animation politique la réflexion et la création Il nous faut remettre l’Union Nationale sous l’autorité pleine et entière de la masse de ceux qui constituent, depuis toujours, à la fois sa source d’inspiration et son moteur d’action.

De cette manière, l’Union Nationale se réconciliera avec ce qui demeure un rapport des plus valables dans le passé d’un parti qui, avant et plus que tout autre, fut le parti national des Québécois. Des militants entretiennent des inquiétudes
sur la rentabilité électorale des options politiques de l’Union Nationale ; certains souhaiteraient même voir ce parti basculer vers des thèses plus radicales. Ces tergiversations ne se justifient absolument pas : l’Union Nationale
est décidée à laisser à d’autres le soin de se casser les reins. Elle a choisi pour sa part une politique de lucidité
et de réalisme – lucidité et réalisme qui correspondent, en définitive, beaucoup mieux à l’attente des Québécois que
tous les mirages idéologiques et que toutes les folles aventures où certains voudraient les entraîner et qui ont pour
but de frapper les imaginations pour mieux déguiser la vérité.

C’est dans cette optique que doit s’inscrire la contribution de l’Union Nationale. Le Québec a besoin d’un parti politique capable de restaurer l’État, de réaliser l’égalité du Québec au sein de la communauté canadienne et de relever le défi socio-économique actuel.

Je sais que l’Union Nationale peut assumer ces tâches et c’est cette conviction qui motive ma participation.

La restauration de l’État

La fragilité de l’État du Québec est certaine.  Un premier facteur de cet état de chose, c’est, nul ne l’ignore,
le régime Bourassa lui-même. Le diagnostic est simple, tout le monde l’a fait : en se dérobant devant le pouvoir, en fuyant devant les responsabilités, le gouvernement actuel a réussi, en l’espace de quelques mois, un véritable tour de force : affaiblir définitivement l’État du Québec et mettre gravement en danger le fonctionnement de ses institutions.

il s’agit là d’un facteur d’ordre conjoncturel. Le second facteur est d’ordre plus général : il s’agit
des structures de l’État lui-même. Parce qu’elles relèvent d’une conception de la démocratie qui n’a simplement
plus cours aujourd’hui, nos structures ne répondent plus, à l’heure actuelle, aux exigences modernes de l’exercice
du pouvoir politique.

il est inutile de le cacher, notre système politique, tel qu’il fonctionne actuellement est archaïque,
vieilli, bloqué Il est absolument incapable d’innover face à la complexité croissante des responsabilités de l’État, et tout aussi incapable de fournir les réponses précises, les réponses efficaces que tout le monde attend aux difficultés
que connaît présentement la communauté québécoise.

Au Québec, lorsque l’on a un problème, l’on croit régler la chose et s’en tirer aisément en créant une nouvelle régie,
au lieu de chercher une nouvelle politique. L’on a la passion du contenant et la phobie du contenu.

L’État, tel qu’il fonctionne chez nous est un mauvais outil Il faut avoir le courage de le dire, et plus encore, celui de s’attaquer à la tâche. Nous sommes, pour notre part, décidés à réaliser de vrais changements. Ces changements, quels sont-ils ?

En premier lieu, ils concernent l’Assemblée Nationale. L’Assemblée parlementaire québécoise, telle que nous la connaissons, joue mal son rôle ; sa représentativité est artificielle et la fonction du député n’a tout simplement plus aucun sens de la façon dont elle est vécue à l’heure actuelle. Sans doute, faut-il réaliser, sans délai, la réforme du système électoral de manière à ce que les diverses facettes, l’opinion populaire se reflètent fidèlement dans la composition de l’Assemblée Nationale. Ces correctifs resteront cependant des «trompe l’oeil» aussi longtemps que le rôle du député continuera à se réduire à celui de « pion » parlementaire. Comment s’étonner que tant de gens en viennent à ne plus croire à la démocratie alors que les taches du député restent mal définies et qu’il a si peu de contact réel avec ses électeurs. Ceux qui ont l’impression de n’être pas représentés à l’Assemblée Nationale sont nombreux et ils ont raison Ils éprouveront ce sentiment tant que le député ne représentera pas plus efficacement toutes les tendances et toute la gamme d’opinions de la population
qui l’investissent de son mandat.

La désuétude des structures de l’État concerne, en second lieu, le Conseil Exécutif. A cet égard, l’instauration d’un régime présidentiel constitue une innovation essentielle. Les motifs qui militent en faveur de cette institution sont multiples, mais il en est trois de fondamentaux.

Un régime présidentiel pallierait, tout d’abord, l’une des plus graves carences de notre système politique – carence qu’illustre mieux que jamais l’équipe au pouvoir actuellement : le manque de légitimité dramatique du chef de l’État. Dans un pays démocratique, cette légitimité doit être incontestable et s’appuyer sur des bases solides. Un régime présidentiel apporterait également une réponse appropriée au phénomène récent du pluralisme politique.
il permettrait enfin de mieux délimiter le champ respectif des pouvoirs exécutifs et des pouvoirs législatifs
et donnerait au chef de l’État toute la latitude nécessaire pour réunir, au sein du Conseil exécutif, les compétences
requises. Le Québec en a besoin.

Toutefois, la restauration de l’État doit aller plus loin et remettre sérieusement en cause le providentialisme selon lequel la centralisation est source nécessaire d’efficacité administrative. La grande bataille, la vraie bataille, au-delà de la bataille constitutionnelle, c’est celle de la régionalisation.

La régionalisation, cela signifie que le gouvernement québécois assume à plein ses responsabilités en
matière de décision politique, et qu’au niveau de l’application de ces décisions, l’on tienne compte du contexte particulier
de chaque région.

Cela signifie que l’on s’attache à donner à chaque partie du territoire québécois, sans exception, les outils nécessaires à une revalorisation et à un développe ment adapté à ses besoins humains et économiques.

Cela signifie enfin que l’on brise définitivement la défiance et l’aliénation du citoyen face à l’anonymat
de l’État en créant des instances politiques régionales et en faisant du député un véritable représentant local.

C’est là que se situe, en fin de compte, le véritable débat sur la question de la centralisation du pouvoir.

Égalité et fédéralisme

L’égalité du Québec au sein de la communauté canadienne. Le fédéralisme canadien ne constitue
pas une alliance conforme aux aspirations du Québec. L’intransigeance de l’État fédéral paralyse toute négociation sérieuse en vue d’aménager un nouveau régime constitutionnel. Décriée par une proportion importante de la jeunesse
québécoise dont l’impatience n’est pas dénuée de motifs sérieux, cette négociation demeure un recours nécessaire.

Que les efforts passés n’aient pas donné les résultats espérés ne changent pas la nécessité de la négociation, mais
justifie de la part du Québec une attitude éminemment ferme. Le temps n’arrange plus rien.

il serait dommage que les tergiversations autour du rapatriement de la constitution et de son mode d’amendement
s’éternisent et détournent de l’essentiel : le partage des juridictions Il faut chercher un régime d’association souple qui assure pleinement l’autonomie culturelle sociale et économique du Québec au sein d’une communauté canadienne.

L’objectif d’égalité s’appuie sur une logique fondamentale; il affirme le droit inaliénable d’un peuple à
l’autodétermination. Cette réalité échappe encore au gouvernement fédéral et si cette inconscience persistait, le
Québec ne pourrait pas raisonnablement se réfugier dans une patience devenue coupable. Dans ces circonstances, un
durcissement du style de la négociation constitutionnelle est nécessaire et le Québec devrait, en toute légitimité,
occuper les champs de compétence dont il a besoin. A cette fin, il faudrait en appeler au peuple souverain et promulguer la constitution du Québec.

Le défi socio-économique
Au cours des dernières années, le Québec a fait un réel effort de développement économique. Cet effort n’a pas donnée les résultats espérés. Cet échec que les économistes attribuent aux répercussions de la conjoncture américaine défavorable n’est toutefois pas irrémédiable. Doté des compétences constitutionnelles requises, le Québec est capable d’initiatives économiques dynamiques, fondées sur des politiques mesurées et fonctionnelles.
Desservi par un fédéralisme désuet, le destin économique du Québec ne dépend pas d’un choix entre le capitalisme et le socialisme; une pensée politique qui se fige dans cette alternative dépassée colle mieux aux douloureuses réalités des années 29 qu’aux espoirs légitimes d’un État moderne. Le Québec peut créer un régime économique original qui privilégie l’entreprise comme instrument de développement et précise la fonction régulatrice de l’État.

Toutefois, il importe de ne pas réduire l’économie au cadre étroit des phénomènes de production.
Le développement économique a une finalité sociale et assurer l’égalité des chances pour chacun n’est pas la moindre
responsabilité de l’État. En ceci, l’économie rejoint le social et appelle des politiques cohérentes dans les domaines
des affaires sociales, de l’éducation, du travail et du loisir.
J’annonce officiellement ma candidature à la direction de l’Union Nationale.

<Masse19710308>
<CONFERENCE PRONONCEE PAR MONSIEUR MARCEL MASSE DEPUTE DE MONTCALM
AU CLUB RENAISSANCE DE MONTREAL LE 8 MARS 1971>

Jamais peut-être, tout au long de son histoire tourmentée, le Québec n’aura-t-il éprouvé un tel sentiment de vide, d’abandon et de frustration qu’en ce moment. Ce malaise qui se traduit en termes d’angoisse,
d’inquiétude se fait sentir à tous les niveaux. Rien ne va plus dans l’État du Québec. Sur le plan économique, comme
sur le plan social ou politique, une profonde dégradation mine la société québécoise. On dirait, depuis quelques
mois, que tout élan a reflué, que la paralysie s’est emparée des institutions et des hommes et que plane sur
notre pays un lourd rideau de brume dont on n’arrive pas à se dégager.

Sans doute, dans l’euphorie trompeuse de leur nombre, les membres du gouvernement ne s’en rendent-ils pas compte et s’imaginent-ils béatement que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Et pourtant,
certains d’entre eux, plus lucides que les autres parce que moins aveuglés par la partisanerie étroite qui
ne dépasse pas les proches frontières de la satisfaction de soi, ont-ils déjà tiré la sonnette d’alarme. Mais, passé
le moment de mauvaise humeur qu’ont pu susciter dans les rangs ministériels les déclarations du ministre des
Affaires sociales ou du ministre du Travail, chacun s’est retrouvé dans la contemplation radieuse de sa médiocrité.

Assis sur la majorité confortable que lui vaut les caprices de la loi électorale et rassuré par la division des forces
de l’Opposition, le gouvernement actuel se réfugie dans la quiétude de l’inertie Il ne vient à l’esprit d’aucun des
parlementaires libéraux que leur gouvernement n’est pas l’émanation du consensus populaire, mais bien le résultat
factice d’une conjugaison de forces qui n’ont de commun entre elles que le refus d’accepter la réalité d’une nouvelle
société canadienne-française.

Jamais peut-être un gouvernement disposant d’une aussi commode majorité de sièges ne s’est-il
trouvé dans une situation aussi précaire, aussi dangereuse. Il est, pour l’instant, le bouchon qui bloque le volcan, mais
il n’entend pas gronder le volcan. Il ne sait pas analyser la situation depuis le moment où, porté au pouvoir par
l’unanimité des voix anglophones du Québec et par moins de 20% des votes canadiens-français, il devenait un étrange
représentant du peuple québécois jusqu’à celui où il doit rencontrer la réalité de nos aspirations nationales.
Difficile dilemme, on le conçoit, que celui d’être élu pour faire échec aux visées libératrices d’un peuple et d’être
en même temps responsable du progrès de ce peuple.

C’est ce qui explique probablement l’attitude de l’actuel gouvernement: ne rien faire est pour lui le meilleur moyen
de résoudre le dilemme. La population québécoise ne s’y trompe guère. L’inquiétude qui l’habite n’a pas de cause
plus importante. Depuis les élections truquées d’avril dernier, elle sait, dans son immense majorité et en dépit
de la variété de ses options, que les hommes qui exercent le pouvoir ne sont pas ses vrais représentants et qu’ils
ont été élus sous de fausses représentations.

A partir de la déclaration alarmiste des courtiers de la maison Lafferty jusqu’à la fausse sortie
des fonds du Royal Trust dans les camions de la Brink’s en passant par la promesse solennelle de créer 100,000
nouveaux emplois dans les douze mois à venir toute la campagne libérale ne fut qu’une immense fumisterie.

Tout était mis en œuvre pour affoler la population et en même temps lui faire miroiter les avantages d’un vote pour
l’équipe libérale. C’est toujours la même tactique, celle des démagogues: d’une part la crainte, de l’autre la séduction. Cette fois, la combine a réussi au delà de toute espérance, grâce  aussi à la dispersion du vote nationaliste
et le Québec s’est retrouvé, à sa grande surprise, avec un gouvernement fort d’une majorité de sièges mais faible
de son imprudence et de la méfiance populaire.

Mais encore fallait-il le voir à l’œuvre pour mesurer toute l’ampleur de la supercherie. Voilà un gouvernement
qui s’est fait élire sous le signe de l’efficacité! Voilà une équipe qui réclamait les responsabilités gouvernementales
au nom de la compétence . Voyons un peu ce qu’il en est après neuf mois d’exercice du pouvoir. Commençons par le commencement et prenons les responsabilités dans l’ordre d’importance.

C’est le Premier Ministre lui-même qui s’est engagé à appliquer des politiques économiques audacieuses
susceptibles de faire éclore au Québec la prospérité et la création de 100,000 emplois nouveaux. On sait
ce qu’il en est. Il faut diviser par huit le nombre des emplois promis pour trouver le nombre des emplois créés;

14,000 contre 100,000. Pire encore, jamais le Québec n’a connu une période de récession économique aussi grave
que celle que nous traversons. Le gouvernement libéral, avec l’aide du gouvernement fédéral, a fait du Québec une
province de chômeurs. Un Québécois sur dix est sans travail. Au lieu d’accélérer la relance économique, l’actuel gouvernement, par ses bourdes monumentales et sa passivité devant Ottawa, s’est rendu complice du freinage
de notre économie. Et ce ne sont pas les injections du ministère fédéral de l’Expansion économique régionale
qui peuvent tonifier le secteur industriel asphyxié par les mesures anti-inflationnistes. Au cours de l’année
1970, les prêts du fédéral aux petites entreprises du Québec ont atteint, tenez-vous bien, la somme fabuleuse de
$2,800,572, Est-ce avec une aide aussi ridicule que le Premier Ministre du Québec prétend créer 100,000 emplois
nouveaux ?

Sous la signature de l’honorable E. J. Benson ministre des Finances à Ottawa, un ami du Premier Ministre
du Québec, on lit dans la revue « Commerce », dans l’édition consacrée à la revue annuelle de l’économie du Québec,
l’opinion suivante: « La croissance de l’emploi au Québec dépend, du moins en partie, de la répartition sectorielle
des investissements. Si l’on excepte le logement, on constate que pendant la décennie 1960-1970, c’est le
secteur gouvernemental et celui des services institutionnels qui ont investi le plus, suivi de près par celui des
services d’utilité publique ». Or, qu’a fait le gouvernement actuel dès sa prise du pouvoir: il a mis de côté tous les projets gouvernementaux et suspendu les investissements publics, avec le résultat que l’on connaît. Et ce n’est qu’au moment où la crise du chômage a atteint son paroxysme qu’il s’est décidé à jeter dans l’économie québécoise quelques miettes. Encore n’a-t-il guère tenu compte de la régionalisation et s’est-il contenté de faire un tardif effort dans la seule région métropolitaine où il sentait gronder la colère.

En dépit de l’optimisme officiel entretenu par le sourire permanent du Premier Ministre, la situation
sur le plan de l’économie s’avère désastreuse. Premier touché par la politique fédérale de lutte à l’inflation, le
Québec sera, par l’inertie du gouvernement, le dernier à sortir de la crise. « il faut s’armer de courage », disait le ministre de l’Industrie et du Commerce en déposant son rapport annuel. Ce n’est pas le courage qui manque, ce sont les « jobs ». Et si les « jobs » ne viennent pas, le courage finira par manquer. Je suis de l’avis, sur ce point, avec le ministre permanent du travail: « Si l’on ne donne pas du travail aux Québécois, la tentation de la violence ne fera qu’augmenter ». Et l’on ira ensuite crier au secours à Ottawa pour avoir l’aide de l’armée. Voilà où nous a conduit l’efficacité personnelle du Premier Ministre au chapitre de l’économie.

On nous promet de faire mieux. Le discours inaugural est truffé de promesses vagues sur des mesures
législatives de faire redémarrer l’économie. Mais d’idées neuves, on n’en voit aucune. Ce gouvernement est aussi dépourvu d’imagination que d’efficacité Il escomptait sur l’aide fédérale pour se tirer d’affaires, mais là encore il a tellement manqué d’énergie que le grand frère l’a laissé tomber. De caisse d’aide conjoncturelle, point.

De retour des $200. millions extorqués aux Québécois au titre du progrès social, il n’est plus question. De fédéralisme
rentable, pas davantage. Les investissements continuent à se concentrer sur l’Ontario au point qu’ils doublent
en 1970 les sommes investies au Québec. Mais le gouvernement à 20% du député de Mercier ne bronche pas.

A qui la faute si le fédéralisme n’est pas rentable ? On ne peut trouver pourtant de coalition plus étroite que celle qui unit Québec à Ottawa, de plus grande fraternité. Toutes les conditions de l’amitié et de la complaisance sont réunies. Le Premier Ministre lui-même assure la responsabilité des Affaires intergouvernementales. Est-il plus efficace à ce niveau ? Voyons un peu.

En moins d’un an, il a réussi à saboter le projet de constitution nouvelle demandée par le Québec et
déjà, à regret et peut-être par lassitude, acceptée par d’autres provinces, et à retomber dans le gouffre d’une
autre formule d’amendement. D’un coup, le Québec est revenu dix ans en arrière. Tout ce que le Québec avait
réussi à gagner par sa détermination et sa ténacité est à nouveau compromis. On repart vingt marches plus bas.

Il faudra encore se battre pendant des années, perdre son temps et celui des autres, pour retrouver ce qui avait été
péniblement acquis Il faudra encore que fulmine la colère d’un peuple pour que l’on comprenne et qu’une autre fois,
on se précipite en pleurant dans les bras du grand frère pour qu’il renvoie l’armée ” Ce n’est plus du fédéralisme,
c’est du caporalisme .

Et pourtant, le Premier Ministre devrait savoir qu’il n’a guère d’illusion à se faire. Qu’il demande
au ministre des Affaires sociales ce qu’il en pense, lui qui a tenté de convaincre Ottawa d’une conception québécoise
du problème global du bien-être social et qui s’est fait opposer une fin de non-recevoir aussi claire que catégorique.

Voilà une question où l’efficacité est en jeu. Voilà un point où le Premier Ministre aurait dé jouer son
va-tout. Mais personne ne l’a entendu formuler la moindre protestation. Comme d’habitude, il s’est incliné sans
mot dire. Oh, à la rigueur, dans une revue étrangère peu répandue au Québec et peut-être pour préparer son voyage
en France, le Premier Ministre amorce-t-il quelques gestes d’indignation et se gonfle-t-il un peu la voix. Mais
cela n’abuse personne, pas même le  »patron’ d’Ottawa.

Gouvernement à 20%, efficacité à 20%, compétence à 20%. Ce sont les caractéristiques de l’équipe
ministérielle. même les observateurs les plus sympathiques au régime ne reconnaissent dans ce groupe que deux ou trois hommes qualifiés. Et ce sont eux qui font tout le travail Il faut bien admettre que sur une réserve de soixante-douze députés, c’est un peu mince.

Les autres sabotent ce qu’ils ont à faire. il suffit de voir ce que le ministre des Affaires municipales, responsable de l’Office de Planification, a réussi à faire avec le plan d’aménagement Il a tout simplement démissionné, faute de comprendre l’essentiel.

Il faut voir ce que le ministre dont dépendait le Haut-Commissariat a réussi à faire dans ce secteur particulièrement important des loisirs et des sports. Une vraie catastrophe ” Les structures sont démolies, des années d’efforts perdus Il a même fallu que l’initiative privée supplée, pour la tenue des Jeux d’hiver du Québec, à la carence gouvernementale. Et le Premier Ministre s’est dépêché, avant que tout ne s’écroule, de  transférer le Haut-Commissariat à un autre ministère.

Si cela continue, il ne restera bientôt que deux ou trois ministères dans tout le gouvernement, tous  les autres leur étant transférés.

Que dire du ministère de l’Agriculture sinon que l’on ne sait même plus s’il existe encore. On pourrait
en dire autant des Richesses naturelles ou des Terres et Forêts. Sogefor est une illustration de leur incompétence.
Quant au ministre des Transports, il ne sait même pas lire les directives gouvernementales et signe encore des contrats en anglais.

Et pendant que le ministre de la Voirie se spécialise en autoroutes inutiles, le ministre du Tourisme
fait des parades de mode et replonge dans l’inertie un ministère qui avait pris un essor incroyable avec son prédécesseur.
Des autres, il est inutile de parler, la population ne sait même pas qu’ils existent.

Comment voulez-vous qu’un tel gouvernement se sente investi de la souveraineté populaire ? Élu
par la fraude, il gouverne par défaut. Rien ne saurait mieux expliquer le malaise actuel du Québec. Le peuple
dont on a trompé la confiance et qui mesure l’incapacité de ses dirigeants s’inquiète. Les groupes de pression
n’hésitent pas, à tout instant, à pousser au pied du mur des politiciens indécis, dépourvus de toute pensée précise.

Il est presque normal que des groupuscules activistes profitent de la situation pour semer le désordre Il suffirait
de tellement peu pour que tout bascule dans le vide.

Pourquoi se le cacher, le Québec est en péril. A l’un des moments les plus décisifs de son histoire,
il manque de structures politiques. Devant lui s’ouvre, par l’absence actuelle d’un véritable parti populaire, deux
avenues hérissées d’embûches: l’intégration libérale ou l’aventure séparatiste qui se teinte de plus en plus d’idéologie
marxiste. Entre la république populaire et l’anéantissement dans le « canadianisme » bourassien, il doit exister une autre voie, une troisième voie. Cette voie, c’est à nous de l’Union nationale à la définir, à la proposer à nos concitoyens. Pendant trente-cinq ans, l’Union nationale a incarné les aspirations du Québec. Nous venons, par le jeu des circonstances, de subir une éclipse. Mais il suffit de raisonner un moment pour se rendre compte que tout est encore possible et que si nous rassemblons
nos énergies et nos idées le succès est au bout de la route. Quel est le peuple qui, entre deux solutions dangereuses,
ne choisira pas la voie du salut. Encore faut-il la lui montrer.

Pour cela, il faut renaîre l’Union nationale, l’adapter à son temps, la moderniser, la vivifier. Ce que
je propose aux partisans de l’Union nationale, c’est la renaissance à partir de laquelle nous pourrons construire le
Québec de demain sans rien perdre de notre identité nationale.

Deux étapes marqueront cette renaissance. La première, c’est le congrès pour le choix d’un nouveau
chef. Il impose aux militants une participation étroite, plus intense qu’elle ne le fut jamais. Chacun d’eux doit
s’imposer de bien connaître les candidats, d’étudier leur programme, de porter sur eux un jugement impartial, dénué
d’intérêt personnel et une fois le choix établi de travailler avec acharnement pour le succès de celui qu’il juge le meilleur.

L’Union nationale ne survivrait pas à un congrès de chambres d’hôtel. C’est le peuple qui doit parler
pour que demain il puisse se reconnaître dans celui qu’il aura choisi et l’épauler jusqu’à la victoire qui sera
la sienne. Notre parti ne peut retrouver toute sa force, tout son dynamisme, toute sa résonance populaire qu’à
la condition que les Québécois puissent s’identifier à lui et d’abord à celui qui en porte la responsabilité Il faut
qu’il soit le prolongement de la volonté populaire, l’instrument de son accomplissement. Je vous offre d’être
celui qui tirera l’Union nationale de sa retraite pour la ramener sur le chemin du pouvoir en s’appuyant totalement sur le peuple. A vous de juger.

La seconde étape, après le congrès et si je suis le choix de la majorité, sera de reconstruire nos structures sur des bases nouvelles. Pour répondre à la diversité du Québec, pour refléter les différentes facettes de son identité, il faut absolument régionaliser notre représentation de base. Pour cela nous devrons tenir une sérieusement de congrès régionaux d’où ressortiront les aspirations et les besoins des différents secteurs géographiques.

Mais pour ne pas cloisonner les régions, il faudra aussi mettre sur pied des comités réunissant autour de problèmes identiques des représentants de chacune des régions et travaillant ensemble à trouver des solutions pratiques et réalistes. A la suite de ces congrès, pour recueillir le fruit du travail des comités, nous devrons tenir de nouvelles assises d’où sortira notre programme d’action  politique.

Je le dis sans détour: dans l’Union nationale de demain on ne se débarrassera pas du parti avec un
chèque annuel, fut-il de $50.00. Il faudra en être, y donner de son intelligence et de son travail. Le salut du Québec
est à ce prix, le seul qui compte pour moi.

Vous êtes des Québécois: ce parti est à vous. Prenez-le et faites-le à l’image de vos aspirations. Je ne demande rien d’autre pour ma part que de vous aider à réussir.

<Masse19710329>
<DECLARATION PRELIMINAIRE DE MONSIEUR MARCEL MASSE DEPUTE DE MONTCALM
LORS DU DISCOURS DU BUDGET 1971-72 LE 29 MARS 1971>

Le budget 1971-72, présenté jeudi le 25 mars par le ministre des Finances, n’est pas en mesure
d’assurer la relance économique du Québec : il n’établit, en effet, aucune priorité économique réelle. Dans ces
conditions, le recours à un déficit budgétaire aussi important est grave, voire dangereux pour l’avenir du Québec.

L’un des premiers objectifs que se propose d’atteindre le ministre des Finances est de limiter les dépenses
courantes, sauf pour « les programmes ayant une incidence plus immédiate sur le soutien de l’activité économique ».
Dans un budget en hausse de 13.3%, on aurait pu s’attendre à des modifications dans la structure des
masses budgétaires mettant véritablement l’accent sur les dépenses ayant un impact économique.

Or, qu’en est-il ?

Les dépenses des ministères à vocation proprement économique : Tourisme, Chasse et Pêche, Agriculture
et Colonisation, Industrie et Commerce, Institutions financières, Compagnies et Coopératives, Richesses
naturelles, Terres et Forêts, représentaient dans le précédent budget 5.47% du budget total. Elles représentent
cette année 5.8%.

Si l’on regarde maintenant les dépenses d’infrastructure qui nourrissent et soutiennent la croissance et qui regroupent les dépenses des ministères des Communications, du Transport, des Travaux publics et de la Voirie, leur pourcentage qui représentait 12.22% tombe aujourd’hui à 12.17%. Au total, les dépenses ayant un impact direct ou indirect sur l’économie représentent en valeur relative 17.47% cette année, contre 17.69% l’an passé.

Rien n’est changé. On nous dira qu’en valeur absolue les dépenses vont augmenter, et c’est vrai. Mais que l’on ne
vienne pas nous faire croire qu’il s’agit de priorités économiques.
Pour se faire une idée des priorités du gouvernement actuel, il suffit de comparer les dépenses du
ministère de l’Industrie et du Commerce (le principal moteur de l’activité économique publique), elles sont rigoureusement identiques aux dépenses de l’Assemblée nationale, du Conseil exécutif et de la Fonction publique (secteur-maison) !

Dans ces conditions, une hausse du budget, telle qu’elle est présentée avec une impasse budgétaire de
plus de 400 millions, financée exclusivement par le recours à l’emprunt, peut être dangereuse et néfaste.

En effet, de même qu’une certaine dose d’inflation n’est acceptable qu’en période de forte croissance,
de même un déficit budgétaire ne peut être toléré que s’il constitue un puissant instrument de relance économique. Si non, il n’est qu’une solution de facilité.

Ce budget indique que le gouvernement n’a pas l’intention de marquer les événements, mais de suivre
le courant comme il l’a fait depuis qu’il est au pouvoir.

Le gouvernement de monsieur Robert Bourassa compte avant tout, pour assurer la reprise économique,
sur un regain de confiance du consommateur et sur une nouvelle poussée expansionniste des entreprises. Or,
le budget actuel est incapable, nous l’avons vu, de stimuler efficacement cette reprise d’activité…d’autant plus
que le maintien du niveau actuel de taxation est loin d’être assuré.

Le gouvernement affirme qu’il n’y aura pas d’augmentation d’impôt, pour ensuite déclarer que la négociation de diverses conventions collectives occasionnera des déboursés, qu’il se sent incapable d’estimer, mais dont il faudra trouver la couverture quelque part. N’est-ce pas un avertissement qu’il n’entend nullement s’engager à maintenir les taxes à leur niveau actuel pour toute l’année fiscale. Comment, dans ces conditions, exiger un regain de confiance de la part du consommateur
comme du secteur industriel ?

Sur le plan des rapports Québec-Ottawa, nous retrouvons le même attentisme, la même tendance à la facilité.

Le gouvernement Bourassa prie le fédéral de réviser ses positions quant à certaines propositions de réforme fiscale, mises de Pavant par ce dernier. Mais il ne va pas plus loin Il se contente de demeurer sur la
défensive alors qu’il aurait du exprimer clairement ses positions et expliquer sans ambiguïté le plan d’action que
le gouvernement du Québec entend suivre si Ottawa fait la sourde oreille à la position du Québec.

La répartition actuelle des pouvoirs fiscaux est illogique. Ceci a déjà été dit et répété trop souvent…
mais la solution définitive de ce problème n’est toujours pas en voie d’adoption. Est-ce au gouvernement fédéral
de nous imposer la réforme ? Nous croyons qu’elle doit faire l’objet d’une négociation qui devrait aboutir le plus
tôt possible… faute de quoi le gouvernement du Québec, face à ses priorités propres, ne devrait pas hésiter à prendre l’initiative, ainsi que l’Union nationale a déjà décidé de le faire dans les années passées.

En résumé, c’est un budget essentiellement attentiste que soumet au peuple le ministre des Finances.

Le gouvernement Bourassa a soumis un budget sans éclat, c’est un budget d’attente. Attente que le fédéral prenne l’initiative
quant à la réforme fiscale. Attente quant à savoir si les taxes seront  augmentées, une fois les conventions collectives renouvelées. Attente quant à savoir si les sommes à emprunter seront disponibles sur le marché régulier. Attente pour les commissions scolaires qui ne reçoivent qu’une partie infime de leurs déficits accumulés.

L’économie québécoise ne pourra qu’attendre des jours meilleurs.

<Masse19710407>
<CONFERENCE DE PRESSE DE MONSIEUR MARCEL MASSE DEPUTE DE MONTCALM DONNEE A QUEBEC
SUR LES RESULTATS DE LA PRE-TOURNÉE LE 7 AVRIL 1971>

A l’occasion d’une conférence de presse au Club Renaissance de Québec, le 19 février dernier,
j’ai déclaré aux journalistes, convoqués pour leur annoncer ma candidature au poste de leader de l’Union Nationale,
mon intention d’entreprendre une tournée des comtés du Québec.

Depuis ce temps, accompagné de monsieur Fernand Grenier, nous avons visité 103 comtés et rencontré
les responsables U. N. de ces régions. Je rapporte de ce périple la conviction profonde que notre parti est sur la voie du retour puisque, partout, nos membres, nos supporteurs sont disposés à rebâtir l’Union Nationale, mais ils posent certaines conditions et ils exigent certaines garanties:
– ils exigent d’être des membres à part entière en tout temps (non seulement en période électorale);
– ils exigent que les membres des structures du Parti soient consultés régulièrement;
– ils veulent la garantie qu’ils pourront discuter librement de l’orientation du parti et ce, dans des congrès annuels;
– ils veulent pouvoir, à ces occasions, proposer tous les articles d’un programme politique qui
leur semble indispensable à un meilleur Québec;
– ils exigent et ils veulent avoir la garantie que les structures seront véritables, efficaces et surtout démocratiques, ce qui implique que les cliques, les castes, ce qu’on appelle communément « l’establishment,  ne retiendra plus le parti dans ses griffes, mais que l’organisation devra être confiée à ceux qui militent aux niveaux régional et local et qu’ils en soient responsables;
– ils exigent enfin que les finances du parti soient contrôlées de façon démocratique.

C’est devant cette manifestation de renouveau et du désir de participation que nous avons décidé
d’organiser avec l’appui de certains de nos supporteurs: intersection Drummondville, maintenant connue
sous la sigle  » I. D. Intersection Drummondville, c’est un mini-congrès, ce sont des mini-assises, c’est un regroupement
des forces agissantes de l’Union Nationale, c’est un début de réponse aux exigences de nos membres. C’est
là que nous dialoguerons et c’est là que viendront nos schémas d’orientation au titre de candidat au leadership de
l’Union Nationale.

« I.D. « , ce sont deux journées de réflexion en commun sur les grands problèmes du Québec au cours
desquelles il appartiendra aux militants d’apporter leurs idées, leur expérience et leurs suggestions;
I.D. « , c’est un échange de vues sous le signe d’un réalisme politique qui refuse tous les slogans à la mode et les solutions utopiques;

« I. D. « , c’est un lieu de rencontre pour tous ceux qui veulent élaborer des éléments de réponse
aux préoccupations actuelles de notre collectivité, dans un esprit de modération et d’efficacité que nous croyons
être celui de la majorité des Québécois;

I.D. « , ce sont les 17 et 18 avril prochain, quatre ateliers de discussion autour des thèmes:
– parti
– économie
– rôle de l’État
– constitution
qui regrouperont nos préoccupations et permettront d’élaborer en commun nos orientations.

C’est dans cette optique que nous avons lancé dès le début cette campagne « Renaissance » et c’est
avec tous ceux qui ont foi en l’Union Nationale et en sa destinée que nous voulons contribuer au mieux-être des Québécois.

<Masse19710418>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE DEPUTE DE MONTCALM PRONONCEE LORS D’INTERSECTION-DRUMMONDVILLE CONCERNANT LA NEGOCIATION LE 18 AVRIL 1971>

Que ceux qui ont la nostalgie des temps anciens de ce pays m’écoutent, que ceux qui ont la volonté
de vouloir vivre ici m’entendent; nous ne connaîtrons plus jamais ou la prospérité ou la paix tant que chacun ne se
sera d’abord réconcilié avec la réalité qui l’entoure et nous ne connaîtrons jamais la liberté tant que cette réalité
ne sera devenue la base de volontés individuelles – de volontés axées sur des initiatives personnelles, d’initiatives
froidement dirigées vers la réussite.

Il ne s’agit plus pour nous de planifier dans l’abstrait ou de tenter perpétuellement d’inventer par voie législative des remèdes à tous les maux qui nous habitent, il nous faut d’abord essayer de faire en sorte que chacun puisse faire son propre partage, se retrouver à l’intérieur de sa réalité et qu’à partir de cette base essentielle, une négociation soit entreprise.

Chaque homme a ses failles et ses faiblesses. Mais chaque homme a aussi sa propre force qu’il
lui appartient de découvrir. Cela est absolument nécessaire, puisque c’est un ensemble d’hommes qui forme toute communauté et c’est l’apport de chacun qui en influence la destinée.

C’est la force de l’un complémentant la force de l’autre recouvrant les faiblesses d’un troisième utilisant les énergies d’un quatrième… ce sont des éléments humains, pris individuellement et considérés séparément qui font qu’une cause, qu’un ensemble, qu’une entité puisse se composer.

Que ceux qui parlent perpétuellement se taisent pour écouter… que ceux qui n’ont jamais la parole
parlent à leur tour… afin que nous puissions entendre et savoir quelle volonté les anime, quel désir les commande…
afin que nous puissions conjointement nous mesurer et décider en pleine connaissance de cause de quel monde
nous voulons faire partie… et des moyens à prendre pour y parvenir.

Un homme debout… à côté d’un autre peut réconcilier les différends, organiser les échanges, établir les bases d’un accord de vie en vue d’une entente profitable aux deux parties, à condition que chacun parle et que chacun dise la vérité.

Nous avons alors une entente, la conclusion d’une négociation. Nous avons alors deux voisins. Deux
hommes qui se sont entendus pour travailler dans le même sens, et par le fait même, améliorer leur sort.

A partir de ce principe, deux voisins qui négocient avec deux autres voisins peuvent devenir éventuellement
une paroisse, un village, une ville, une entité qui doit logiquement aboutir à la réussite, parce que chacun
des principes fondamentaux qui régit l’ensemble a été étudié, considéré, soupesé… parce que chacun des individus impliqués a décidé lui-même de son apport, que cet apport a été négocié en fonction de la force et la rentabilité
de 1T ensemble.

Nous n’en sommes plus à nos premières négociations. Notre présence en ce continent, notre appartenance
à ce coin du monde, notre vie en tant que peuple est le résultat d’une longue sérieusement de négociations de
toutes sortes.

Car nous avons négocié l’océan. Nous avons négocié les saisons et les forêts. Nous avons négocié
des misères de toutes sortes; des victoires et des défaites, des conquêtes et des libérations. Nous avons négocié notre survivance avec les conquérants, avec les seigneurs du temps, avec l’Église, avec les puissances et les pouvoirs du moment.

Et si certaines de nos négociations nous ont été très onéreuses, nous répondrons à qui veut nous
entendre que nous venons de très loin, et que si nous avons pu négocier une poignée d’immigrés en une force de six
millions d’hommes, il n’est aucune ambition que nous ne puissions atteindre, à condition toutefois de savoir calculer
les risques et de choisir en toute connaissance de cause les terrains sur lesquels nous entendons négocier.

Au cours des trois cents ans de notre existence, nous avons collectivement accumulé des forces et des talents qui sont des armes valables, des atouts maîtres en toutes négociations. Des armes d’autant plus redoutables
qu’elles sont d’une immense valeur aux yeux de ceux qui ont besoin de notre sorte d’acharnement pour commencer leur réussite, pour perpétuer leur prospérité, et par le fait même, nous enrichir.

Des négociations passées nous ont amenés au strict minimum vital d’aujourd’hui. Et nous considérons, dans l’avenir, comme
plus avantageux de négocier non seulement avec les mondes qui nous entourent, soient-ils Canadiens anglais
ou États-Unis d’Amérique, mais aussi et surtout avec ceux pour qui nos forces et nos talents ont le plus de valeur qu’ils soient d’Europe, d’Asie ou d’Afrique, afin de pouvoir atteindre le maximum sur tous les plans, un maximum
dont nous avons d’autant plus besoin que nous l’espérons depuis si longtemps.

A tous ceux qui vous soutiendront que la liberté peut s’obtenir automatiquement par une croix bien
placée sur un bulletin de vote, vous pourrez répondre qu’ils sont dans l’erreur… car c’est là un raisonnement
d’esclave… d’esclave ou de charlatan… et nous ne pouvons plus nous permettre de vivre d’illusions ou de demi-
vérités.

A tous ceux qui vous maintiendront que la prospérité consiste à savoir voter pour les partis politiques au pouvoir en d’autres lieux, vous pourrez répondre qu’ils sont dans l’erreur, car il ne peut y avoir de négociation véritable entre complices.

Nous sommes devenus un peuple sans excuse. Nous n’avons plus d’autre choix que la réussite et
nous n’avons plus d’erreur à commettre. A cette fin, que chacun commence à retrouver
ses lignes de force. Que chacun se réconcilie avec sa vérité. Que chacun fasse son choix.

Que ceux qui veulent réussir nous suivent.

<Masse19710428>
<ALLOCUTION PRONONCEE PAR MONSIEUR MARCEL MASSE
DEPUTE DE MONTCALM  » REFLEXIONS SUR LES ORIENTATIONS D’UNE  POLITIQUE ECONOMIQUE QUEBECOISE  » DEVANT LES MEMBRES DU CLUB KIWANIS – SAINT-LAURENT A L’HOTEL RITZ CARLTON
DE MONTREAL LE 28 AVRIL 1971

Il m’est agréable de venir vous présenter les réflexions que m’a inspirées la situation économique
actuelle du Québec, et de soumettre à votre jugement les grands axes vers lesquels, à mon point de vue, la politique
économique devrait s’orienter.

Je ne voudrais pas abuser de votre temps, ni vous abreuver, à la fin de ce repas, de statistiques
quelque peu indigestes, c’est pourquoi j’ai jugé préférable de consigner par écrit mes « réflexions sur les orientations d’une politique économique québécoise ».

Je me bornerai donc ici à vous présenter l’esprit et l’essentiel de ce texte que j’ai le plaisir de vous remettre.

Ces réflexions sont à la fois ambitieuses et limitées, et soyez assurés que j’en suis pleinement conscient:
– ambitieuses dans la mesure où j’ai tenté d’analyser l’activité économique dans son ensemble;
– et limitées par le seul fait du niveau global auxquelles elles sont situées.
il s’agit d’orientations et non pas de programmes: je pense en effet qu’avant de fournir les vraies
réponses, il importe de se poser les vraies questions.

Cependant, pour ne pas en rester à un niveau d’abstractions nébuleuses, je me suis contraint à chiffrer un certain nombre d’objectifs, non pas tant pour le plaisir d’avancer des chiffres que pour tester la cohérence des objectifs entre eux et pour bien mettre en relief les efforts que leurs réalisations impliquent.

I – Population et structures économiques

Les développements qui vous sont soumis dans ce document partent d’une analyse actuelle et prospective
du marché du travail. On prévoit que la population totale du Québec atteindra 7.4 millions de personnes en 1980, contre
plus de 6 millions actuellement; ce qui correspond à un taux de croissance démographique nettement supérieur à ceux des autres pays industrialisés. Compte tenu de la pyramide des âges de notre population, la population active atteindra plus de 3 millions de personnes en 1980, En tenant compte du nombre actuel des chômeurs et en prenant pour base la population active effectivement au travail en 1971, on en vient à la conclusion que d’ici à dix ans, il nous faut créer de toute pi?ce un
million d’emplois ou, si l’on préfère, accroître de 50% le nombre de ceux qui existent actuellement.

Ajoutons que 80% des emplois sont à prévoir en milieu urbain et qu’un tiers des emplois devra
être satisfait par des femmes. 60% de la population active est employée à l’heure actuelle dans le secteur tertiaire et 33% environ dans le secteur secondaire. Le taux de croissance de l’emploi dans le secteur tertiaire est nettement plus
fort que celui que l’on note dans le secteur secondaire.

– Au Québec, on a observé que l’emploi dans le secondaire augmentait quatre fois moins vite que
la production dans ce secteur. Compte tenu de la structure actuelle du secteur industriel, on ne peut espérer
qu’une absorption marginale de la main-d’œuvre additionnelle par ce secteur.

– Le seul secteur susceptible d’accueillir la grande majorité des travailleurs se présentant chaque
année sur le marché du travail est donc le secteur tertiaire.

Or, et c’est bien ce qui constitue le cercle vicieux, ce secteur tertiaire, compte tenu de la croissance
de la production dans le secteur secondaire, est déjà hypertrophié. Dans ces conditions, il est utopique de dire
que l’on solutionnera le problème de l’emploi dans son ensemble en faisant appel aux investisseurs étrangers dont
la seule et légitime motivation est la rentabilité escomptée des capitaux investis et qui, compte tenu de la technologie
avancée dont ils disposent et le niveau des salaires pratiqués au Québec, ne seraient normalement pas incités
à implanter des industries de main-d’œuvre.

Les pouvoirs publics ont bien sûr la possibilité de fausser les règles du jeu (celles de la rentabilité qui sont pourtant les seules acceptables) en établissant tout un système de subventions, de primes ou de détaxes. Ces artifices arriveraient sans doute à inciter certains industriels à consommer davantage de main-d’œuvre, mais à quel prix ? Et l’on connaît les enchaînements absurdes auxquels conduisent une politique de ce genre dont les frais en tout état de cause doivent être supportés par le consommateur final.

Au reste, les politiques à court terme de création d’emplois plus ou moins artificielles, pour tenter
de répondre coûte que coûte à un slogan électoral, ont suffisamment fait faillite pour que nous recherchions dans une autre direction des solutions plus sérieuses à ce grave problème: il ne s’agit pas de créer 100,000 emplois une fois pour toutes, c’est tous les ans qu’il nous faut mettre 100,000 personnes au travail.

Nous pensons que la seule possibilité pour briser le cercle vicieux dans lequel nous nous engageons est de promouvoir un secteur secondaire, intégré, extensif, et à haute productivité, permettant de dynamiser un secteur tertiaire alors capable, mais alors seulement, d’absorber la plus grande part de la main-d’œuvre additionnelle.

Le critère en matière d’investissements, étrangers ou non, ne doit pas être le nombre d’emplois créés mais bien davantage la recherche d’un appareil de production efficace. Il faut donc concevoir la politique industriel le selon deux axes que nous avons qualifiés d’extensif et d’intégré.

La politique extensive consiste:
– à moderniser et à accroître la capacité de production d’entreprises existantes;
– à reconvertir un certain nombre de ces entreprises vers de nouvelles vocations industrielles plutôt que
de les soutenir artificiellement si leur première vocation semble périmée; à créer de nouvelles entreprises pour répondre soit
à un besoin nouveau, soit pour se substituer à un produit précédemment importé.

Cela nécessite la mise en place d’une politique régionale cohérente et éventuellement des aides de
l’État pour les reconversions nécessaires ou la promotion de nouvelles initiatives.

La politique d’intégration industrielle consiste pour sa part à faire un pas « en aval » dans le processus de production.
La plupart de nos ressources minières ne sont exploitées qu’à l’état brut et les industries qui en découlent n’intègrent pas le processus de production dans sa totalité, mais se limitent aux produits semi-finis. Ces industries se sont développées grâce  aux ressources et à l’énergie à bon marché dont elles disposaient d’une part, et à une conjoncture internationale favorable à la demande de ces produits non élaborés d’autre part. Ce fut d’abord la période de reconstruction d’après guerre,
puis celle des années 50 avec le « boom coréen ». En raison de la concurrence internationale,
l’avenir de ces industries est plus incertain et il serait dangereux pour le Québec de continuer à vivre sur cet
acquis.

EL ne faut pas se cacher les difficultés de la mise en place d’une telle politique. Cependant, les applications industrielles des métaux dont nous disposons sont largement inexploitées et les possibilités d’intégrer davantage la structure industrielle sont nombreuses. Que l’on songe par exemple aux utilisations: – du cuivre dans toutes les industries électriques (tréfileries);
– du zinc dans les industries chimiques (peinture), du zinc électrolytique pour la protection des aciers;
– de l’amiante dans les fibrociments, les isolations thermiques, etc…
Rappelons que la loi en vigueur régissant l’exploitation des ressources naturelles interdit théoriquement
aux compagnies étrangères l’exportation de minerais à l’état brut. Cette loi fait, cependant, l’objet d’une dérogation permanente.

n est certes plus facile pour un gouvernement de percevoir à la source des « royalties » sur les exportations
de son minerai que de favoriser l’implantation d’unités de transformation de ces ressources en mettant
en place des infrastructures et des structures d’accueil nécessaires à leur fonctionnement.

C’est pourtant dans cette optique qu’il convient de promouvoir les investissements qui auraient en
outre des effets bénéfiques sur le marché du travail. En effet, plus on se rapproche du produit fini, plus la valeur
ajoutée de travail contenue dans ce produit est forte.

Structures de l’appareil productif et modalités de croissance

Si la structure de l’appareil productif conditionne le fonctionnement d’une économie, elle ne suffit pas pour autant à engendrer et à entretenir d’elle-même la croissance. Les trois conditions essentielles de la croissance sont l’investissement, les hommes et les marchés. Nous voudrions nous y arrêter quelques instants.

Au cours des vingt-cinq dernières années, la part du produit national québécois consacrée à l’investissement s’est située aux environs de 28%. Globalement, ce taux peut être considéré comme satisfaisant et se compare avantageusement à ceux des principaux pays développés. Cependant, en Allemagne et en Italie, par exemple, la même part du PNB consacrée aux investissements a permis d’atteindre des taux de croissance supérieurs de près de 50% à ceux de notre économie. La raison
de ce décalage doit être recherchée dans l’orientation de ces investissements.

En effet, si l’investissement global, par rapport au PNB, représente 28%, l’investissement dans
le secteur des entreprises manufacturières, qui est le véritable moteur du développement économique, ne représente
que 5% du PNB. Le reste des investissements est effectué dans des secteurs qui ont des effets induits sur la croissance économique nettement plus faibles.

Dans une économie de marché, où la libre entreprise est considérée comme le moteur du développement économique
et où l’État n’a pas de rôle direct à jouer dans la production, il est anormal que la plus grande part
de l’investissement soit effectuée dans des instances gouvernementales dont on peut, pour le moins, douter
de la productivité économique. Le critère de rentabilité étant en ce domaine remplacé par une appréciation
beaucoup plus vague dite de « services publics ». L’investissement dans le secteur productif est équivalent
à l’investissement consacré à la construction de logements domiciliaires. Ce choix qui, du point de vue social, peut paraître souhaitable, est difficilement compatible avec les impératifs d’une croissance économique accélérée.

En conclusion, nous pensons que le principal problème consiste pour l’heure à redéfinir les priorités
d’investissements et à apprécier les dépenses des pouvoirs publics selon des critères économiques et à maximiser
les effets des sommes investies grâce à une meilleure gestion.

Le vieil adage « il n’est de richesses que d’hommes » est plus vrai que jamais de nos jours. Sans
insister sur les thèmes bien connus de la formation professionnelle, je voudrais souligner deux aspects qui me paraissent importants et que le responsable politique doit avoir à coeur de favoriser.

L’innovation tout d’abord sur laquelle repose la vitalité d’une économie. A cet égard, un certain
nombre de blocages, tant dans les domaines administratifs et financiers que dans celui de l’information, sont à faire
sauter pour permettre aux hommes d’agir et d’agir avec plus de liberté et en meilleure connaissance de cause.

La mobilité de la main-d’œuvre en second lieu, qui est une condition nécessaire à la fluidité de l’économie
et permet son adaptation au processus de croissance. Cette mobilité qui de nos jours peut apparaître
comme inhumaine doit, en fait, être consciemment préparée et non subie comme c’est le cas actuellement.

La principale tache qui incombera sans doute aux responsables de la politique économique de demain
sera de résorber les coûts sociaux entraînés par la  croissance. La troisième condition de la croissance
implique qu’à une augmentation de la production corresponde une demande, interne ou externe, équivalente.

Là encore, notre situation est très précaire. Un peu plus de 50% seulement de nos fabrications
sont destinées au Québec et un peu moins de la moitié sont dirigées vers les autres provinces du Canada et vers
l’étranger. Mais cette part qui est destinée au marché externe ne reflète pas une réelle vocation exportatrice.

En effet, le total de ces exportations (au sens large) ne couvre pas le montant des importations qui ont été nécessaires
pour réaliser la production. La situation actuelle n’est donc pas propice à fournir un exutoire à la croissance
industrielle du Québec.

En effet, dans une conjoncture à la baisse, notre production dépendant de la demande extérieure pour
50%, le moindre ralentissement de cette demande (Ontario ou U. S. A. ) aura des répercussions catastrophiques
sur les entreprises québécoises. Dans une conjoncture  à  la hausse, un accroissement de la demande extérieure
se traduira par un accroissement de la demande d’importation quasiment équivalent. La valeur ajoutée locale n’est donc que résiduelle.

Ce n’est que dans la mesure où nous aurons une politique industrielle plus intégrée et extensive que le
Québec pourra prétendre offrir des produits élaborés et diversifiés tant sur le marché intérieur que sur d’autres
marchés, tout en réduisant ses importations. C’est la condition préalable à toute politique de promotion, mais
les données dont dispose le Québec: espace, énergie, ressources naturelles, situation géographique favorable aux
exportations, qualité et créativité de la main-d’œuvre, semblent favorables à une telle politique de développement
des produits québécois.

Cependant, dans l’immédiat, l’économie québécoise étant très dépendante de biens en provenance
d’autres provinces du Canada et de l’étranger, il est anormal qu’elle doive surpayer certaines marchandises dont
elle a besoin, à cause des tarifs douaniers en vigueur. Après une analyse des secteurs qui pourraient
être pénalisés, le gouvernement du Québec aurait à négocier avec le gouvernement fédéral l’établissement
de nouveaux barèmes douaniers.

La dernière partie de cet essai est consacrée  à la « croissance et à l’équilibre ». C’est dire que
nous nous interrogeons successivement sur le financement des investissements et sur la compatibilité du plein emploi et de la stabilité monétaire. A l’heure actuelle, moins de 19% des investissements totaux sont assurés par l’épargne des particuliers.

Compte tenu de la faible propension à épargner des Québécois qui représentent 7 à 8% du total des
revenus disponibles, il serait dangereux et inflationniste d’assurer l’accroissement du financement de l’économie
par le seul accroissement des crédits bancaires (transformation de dépôts à vue en prêts à moyen Ou long terme).
il semble au contraire préférable d’accroître l’épargne. Des mécanismes d’incitation à l’épargne (taux d’intérêts,
avantages fiscaux) et une surveillance plus attentive de la politique du crédit à la consommation devraient être
mis en place.

Par ailleurs, l’établissement d’une politique sélective du crédit devrait viser à modifier l’orientation
des investissements pour les diriger davantage vers les entreprises du secteur secondaire.

Enfin, l’État lui-même peut, sans prendre de participation dans les entreprises d’économie mixte
(S. G. F.), jouer le rôle de banque d’investissements pour financer les projets ou les extensions d’entreprises québécoises.
Ces divers moyens, tant sur le plan de la politique de l’épargne que sur le plan de la politique sélective
du crédit, devraient être mis en œuvre et exécutés par un « Conseil québécois du Crédit », fonctionnant en accord avec la banque centrale du Canada et qui permettrait d’élaborer la politique monétaire du Canada, en
tenant compte des impératifs et de l’évolution spécifique de l’économie du Québec.

Croissance et équilibre

Dans les économies modernes, à tout instant, des tensions conjoncturelles peuvent remettre en cause et ruiner les efforts d’une politique de développement. Juguler ces pressions sans casser la croissance sera en fin de compte le juste équilibre qu’il faudra trouver pour mener à bon port notre économie.

Il faut bien se rendre compte qu’aucun équilibre possible, aucun fonctionnement durable de l’économie ne peut être atteint si la progression des salaires réels évolue à un rythme supérieur à celui de la productivité de l’économie. Mais de meme que le responsable de la politique économique trahirait sa mission en donnant satisfaction, par faiblesse ou par démagogie, à toutes les revendications sociales; de même il serait dangereux qu’il méconnaisse qu’un tel climat correspond à la recherche
d’une plus grande justice et à des relations sociales d’un type nouveau qu’appelle l’évolution des sociétés contemporaines.

Négociations ? Conventions collectives ? Contrats de progrès ? Politique des revenus ? Modèle suédois ? Participation ?
Les modalités du contrat social de demain sont pour la plupart encore à inventer. Mais alors que celles d’hier ont été le fruit
de juristes froids, que celles d’aujourd’hui sortent du cerveau de quelques technocrates; nous souhaitons que celles
de demain proviennent de l’imagination réciproque d’hommes responsables et solidaires du bien commun.

Bref, nous nous proposons d’infirmer de manière permanente et totale l’ironique définition de Paul Valery :
« La politique est l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde ».

<Masse19710428b>
<REFLEXIONS DE MARCEL MASSE DEPUTE DE MONTCALM SUR LES ORIENTATIONS D’UNE
POLITIQUE ECONOMIQUE QUEBECOISE LE 28 AVRIL 1971 >

La tâche essentielle qui incombe aux responsables de la politique d’un ensemble économique quel
qu’il soit: État, collectivité, entreprises, consiste à satisfaire des besoins à partir d’un certain nombre de
moyens.

Cette définition très générale et quelque peu simpliste est à rappeler à l’heure où certains plus soucieux
de verbalisme que de réalisme s’abusent de mots et s’adonnent à des variations brillantes sur les mérites comparés
de systèmes, en méconnaissant la réalité, ou pis, en la dénaturant de telle sorte qu’elle « colle » à leurs spéculations.

Déjà au 18ième siècle, le philosophe et économiste anglais Stuart Mill écrivait: « Les systèmes ont
leurs fanatiques, la science qui succède aux systèmes n’en a jamais il peut paraître étrange qu’un homme politique
ne soit pas à la recherche de fanatiques; en fait, les hommes de ma génération sont nés dans un monde où le
fanatisme faisait recette, ont grandi parmi les ruines et les constructions baroques qui lui ont fait suite, arrivés
à l’âge adulte, l’aménagement du monde leur semble une tâche qui requiert plus de modestie que de fanatisme, plus
d’imagination que de solutions toutes faites.

L’homme de science n’est en effet pas l’homme qui fournit les vraies réponses, mais celui qui pose les vraies questions. C’est à partir, et à partir seulement, d’une analyse des données et des faits que nous nous poserons les vraies questions sur notre temps, notre pays, notre avenir.

Le seul fait de se poser ces questions dans un cadre cohérent conduit à des solutions alternatives possibles.
Le passage des solutions possibles à la solution souhaitable relève du choix politique. On comprend mieux
dès lors que face à cette énorme responsabilité le fanatisme ne soit pas de mise.

Cependant, devant ces arbitrages constants entre le possible et le souhaitable, le responsable politique doit avoir recours à deux puissants guides pour effectuer ses choix.

L’un d’ordre immatériel est un cadre de référence de pensée, constitué des valeurs philosophiques,
éthiques ou spirituelles qui sont les siennes. L’autre d’ordre matériel est le consensus populaire immédiat ou à terme qui accueillera sa décision. Faute d’apprécier les résultats des analyses froides de l’économiste, à la lumière de valeurs plus
humaines, l’homme politique risque d’entraîner la collectivité dont il a la charge dans les plus sombres aventures.

A cet égard, deux préoccupations seront sous-jacentes à tous nos développements: nous saurons répondre aux aspirations de notre temps dans la mesure où à « la notion de plus » nous saurons substituer « la notion de mieux ». La poursuite de la
croissance n’a de sens que si nous nous interrogeons sur les finalités de la croissance; les seuls critères
quantitatifs ne suffisent plus à justifier nos choix, les appréciations qualitatives doivent de plus en plus motiver
nos décisions; nous nous efforcerons en second lieu de situer notre réflexion dans un cadre prospectif. Si les choix du présent doivent être faits pour répondre aux problèmes de l’heure, ils ne doivent en aucun cas compromettre l’aménagement du futur.
Il nous faut maintenant préciser les limites de cet essai et la méthode que nous nous proposons de suivre.

Limites

Nous nous bornerons à dégager d’une analyse réaliste les orientations souhaitables et à esquisser
quelques grands objectifs pour l’économie québécoise de demain. C’est dire que nous raisonnerons à un niveau global
afin de dégager un diagnostic d’ensemble. Si la thérapeutique que nous préconiserons ne descendra pas dans
le détail de la médicamentation, nous nous efforcerons cependant de chiffrer quelques grands objectifs. Le fait de
poser un chiffre n’a pas de valeur absolue en soi, il permet simplement de tester la cohérence des objectifs entre eux et de préciser les contraintes qu’ils soulèvent.

Faute de nous astreindre à cette exigence, notre exposé ne serait qu’un catalogue de voeux pieux qui
se réduirait à une peau de chagrin le jour où il serait appelé à orienter l’élaboration et la mise en œuvre d’un
programme économique concret.

Méthode

Devant une réalité aussi complexe que celle de l’activité économique, deux attitudes mentales sont
possibles: – l’une partant de l’idée que l’interférence des phénomènes économiques est la loi de cette jungle compacte
« tout est en tout » conduit à des analyses mal centrées, des diagnostics flous et à des recommandations contradictoires
et partielles; – l’autre, au risque de simplifier la réalité, tente de hiérarchiser les phénomènes, d’analyser leurs emboîtements
successifs et d’en dégager une structure opérationnelle. C’est cette dernière approche que nous choisirons.

Nous partirons donc d’un phénomène que nous privilégierons comme point d’encrage: le marché du
travail. Partant de ce phénomène, nous en déduirons les implications linéaires successives qui en bout de course
doivent se boucler dans un ensemble économique cohérent et équilibré. Le problème de l’emploi se pose actuellement avec une telle acuité qu’il nous parait normal de centrer nos réflexions autour de ces différents aspects.

La répartition de la population active par grands secteurs d’activité, (primaire, secondaire, tertiaire), reflète la structure d’une économie. A partir de cette structure qui constitue la toile de fond de l’économie, nous analyserons les conditions de son fonctionnement, et les modalités de sa croissance. Enfin, partant de la contrepartie monétaire du travail: le revenu et de son utilisation en consommation et épargne, nous nous interrogerons sur les conditions de l’équilibre économique global.

I – POPULATION ET STRUCTURES ECONOMIQUES

1.1 – Population totale et population active L’évolution démographique étant un des facteurs les plus déterminants de l’activité économique, il convient de nous y arrêter en premier lieu. A la fin de 1908, la population du Québec
avait atteint le seuil de 6 millions d’habitants, comparativement au 3.6 millions de 1946. – Le taux de croissance
annuel de la population durant cette période a été de 2.3%, ce qui représente un taux nettement supérieur à celui de la plupart des pays industrialisés (Europe, 1.1%) et comparable à celui des pays en voie de développement. Depuis
1960 toutefois, la baisse du taux de natalité tend à modifier le rythme de la croissance démographique. Cependant,
malgré la régression actuelle du taux de natalité, on s’attend au cours des années 70 à une augmentation de
la population totale d’environ 120,000 par an. A ce rythme on peut prévoir une population de 6.7 millions en 1976
et 7.4 millions en 1980, ce qui signifie une croissance démographique pour la décennie à venir encore nettement
supérieure à celle des autres pays industrialisés. Tous les chiffres que nous avançons sont tirés d’une étude (Horizon 80) publiée par le ministère de l’Industrie et du Commerce en 1970.

La population sera non seulement plus élevée dans l’avenir, mais également plus concentrée. Avant la deuxième guerre mondiale, le Québec était largement rural, actuellement 80% de la population québécoise habite
les villes et on prévoit que ce taux atteindra 86% en 1980. Cette concentration a des effets et des conséquences sur
la construction de logements, d’écoles, sur les transports, les équipements socio-culturels, etc.. et particulièrement
sur le marché du travail et les types d’emplois qui doivent être offerts à plus de 80% dans les zones urbaines.

La répartition de la population par groupes d’âge a également des conséquences économiques importantes.
On prévoit que la population active augmentera plus vite que les groupes dont elle assure la subsistance (enfants, vieillards). Si cette répartition est favorable à un développement économique, puisqu’elle fait supporter les charges de la collectivité sur une population active plus large, elle nécessite une augmentation de la demande
de travail, appelée couramment offre d’emplois, supérieure à l’accroissement démographique.

Jusqu’en 1960, le groupe d’âge de 15 à 64 ans représentait 60% de la population. Si l’on exclut de
ce groupe d’âge les étudiants qui poursuivent leurs études à plein temps, et les ménagères qui travaillent à leur foyer,
on obtient la population active. En 1968, cette population active était estimée à plus de 2 millions de personnes contre 3 millions en 1946, marquant une progression annuelle de 2.3%. Ce taux nettement supérieur aux autres pays du monde, est dé non seulement à l’accroissement démographique naturel, mais à l’immigration et surtout à
l’apparition des femmes sur le marché du travail.

En raison de l’évolution de la structure d’âge de la population, on prévoit que le rythme de population
active va s’accélérer encore jusqu’en 1976. A partir de 1976, on assistera à un certain ralentissement de l’accroissement
de la main-d’œuvre dé au tassement de l’accroissement démographique des années 60. Au total, on prévoit
que la population active atteindra plus de 3 millions de personnes en 1980,

En tenant compte du nombre actuel des chômeurs et en prenant pour base la population active effectivement au travail en 1971, on en vient à la conclusion que d’ici à 10 ans, il nous faut créer de toute pièce un million d’emplois. Ou si l’on préfère, accroître de 50% le nombre de ceux qui existent actuellement, ce qui représente un accroissement annuel moyen du marché du travail de 4%.

Sur 3 millions de personnes qui devraient normalement être au travail dans 10 ans, plus du 1/3 sera
composé de femmes. Par ailleurs, cette création d’emplois se fera surtout pressante dans les cinq prochaines
années. On peut estimer grossièrement que 550,000 emplois nouveaux sont à créer d’ici à 1976 et 450,000 de
1976 à 1981.

On comprend dès lors que le problème de l’emploi n’est pas un simple problème conjoncturel et
qu’il ne peut être réglé par une politique de création plus ou moins artificielle de 100,000 emplois une fois pour toutes.
C’est tous les ans qu’il nous faut mettre 100,000 personnes au travail.

Seule une politique visant à adapter les structures de l’économie québécoise à un tel afflux de population
peut permettre d’espérer atteindre cet objectif. Au reste, les politiques à court terme de
création d’emplois pour tenter de répondre coûte que coûte à un slogan électoral ont suffisamment fait faillite pour
que nous recherchions dans une autre direction des solutions plus sérieuses à ce lancinant problème, dont les données
sont les suivantes:
– Là où l’économie québécoise offrait du travail pour 2, il faudra qu’il y en ait pour 3 dans 10 ans;
– Le problème se posera avec plus d’acuité dans la première moitié de cette décennie que dans l’autre;
– 80% des emplois sont à prévoir en milieu urbain; – 1/3 des emplois devra être satisfait par des femmes.
1.2 – Population active et secteurs d’activité après nous être interrogés sur la répartition
de la population totale et de la population active et sur leurs évolutions prévisibles, il nous faut maintenant
analyser la répartition de la population active entre les grands secteurs de l’économie et, à partir de leurs évolutions, dégager quelques enseignements. On distingue généralement 3 secteurs d’activité:
– le secteur primaire qui comprend l’agriculture et les industries d’extraction;
– le secteur secondaire qui comprend les industries manufacturières;
– le secteur tertiaire qui regroupe les services.

Ces trois secteurs servent d’une manière très générale à classer les activités économiques mais
permettent également de caractériser la production de ces secteurs eu égard au concept de leur productivité relative

Les enseignements  sont particulièrement clairs: encadrant un secteur secondaire
statique, les secteurs primaire et tertiaire présentent des évolutions dynamiques comparables mais asymétriques:
– le secteur primaire a vu sa place régresser considérablement depuis 20 ans, sa position relative tombant de
24.6% à 9.6% de la population active totale; – le secteur secondaire: le pourcentage de la main-d’oeuvre employé dans le secteur secondaire plafonne à 1/3 environ de la population active totale. En fait, le taux d’accroissement de la population active totale et sa position relative se dégradent lentement.

Ce phénomène qui du point de vue de l’emploi est défavorable peut avoir deux significations économiques bien différentes Il peut en effet traduire un manque de dynamisme du secteur de transformation et, ou, un accroissement de la productivité de ce secteur. Pour dégager les réalités que ce phénomène recouvre, il nous faut comparer les taux de croissance de la production dans le secteur des industries manufacturières et les taux de croissance de l’emploi dans ce même secteur et ceci
pour divers pays.
Le taux de croissance de la main-d’œuvre au Québec dans le secteur secondaire
est quatre fois inférieur au taux de croissance de la production dans ce même secteur (coefficient de 4). Ce
qui signifie que, compte tenu de la structure industrielle du Québec actuel, il faudrait accroître la production industrielle
de 100% pour accroître la main-d’œuvre de 25% seulement.

Ce coefficient dépend du stade de croissance auquel est parvenue l’économie d’une part, et de son
degré capitalistique d’autre part.

– Pour les pays ayant une structure industrielle très développée et ancienne, ce coefficient est très élevé ce qui signifie un multiplicateur d’emplois faible,  U. S. A. : 12, Royaume-Uni: 2.5; alors que pour les pays à vocation industrielle plus récente et à grand dynamisme (Allemagne, Italie) ce coefficient se situe aux environs de 2.

Ce coefficient qui était de 4 pour le Québec tombe à 2.2 pour l’ensemble du Canada. On pourrait en déduire que
l’économie québécoise est plus capitalistique, donc plus développée, que l’économie canadienne en général. En
fait, ceci s’explique par la vocation économique qu’on a assignée au Québec: celle d’exploiter des ressources
naturelles sans toutefois assumer le processus de transformation industrielle jusqu’au produit fini. Cette vocation n’est pas propre a développer une structure industrielle combinant harmonieusement capital et main-d’œuvre.

Il ressort de cette analyse que compte tenu:
1) de la place occupée par le secteur secondaire dans l’emploi total : 33%;

2) du taux d’accroissement annuel de cette main-d’œuvre dans le secteur: 1.2%, on ne peut espérer dans l’état actuel de la structure du secteur industriel, une absorption de plus de 0.4% de la main-d’œuvre additionnelle dans le secteur secondaire.

Or, nous avons vu que le taux d’accroissement annuel de la population active totale serait de 4%. Nous pouvons donc dire qu’en l’état actuel des choses un travailleur sur dix, se présentant sur le marché du travail, a une chance
d’exercer une activité dans le secteur secondaire.

Ayant analysé la situation du secteur secondaire, il nous faut maintenant nous interroger sur celle du secteur tertiaire.

Depuis 20 ans, le secteur tertiaire a vu ses effectifs croître à un taux annuel moyen de 3.6%, et en
1965 ce secteur assurait à lui seul 57.5% de l’emploi total. Nous pouvons estimer que sa part représente actuellement
de 60 à 64% de la population active totale. Quelle est la signification économique de ce taux, qui est une des caractéristiques fondamentales de notre économie ?

Le fait que près de deux personnes sur trois dans une économie soient occupées à des taches tertiaires
peut avoir deux significations: – une économie parvenue à un degré d’industrialisation
avancée, possédant un secteur secondaire fortement capitalistique, permet de soustraire une part importante
de la population active des taches de la production proprement dite, et nécessite en aval de ce secteur
de production toute une infrastructure de services (transport, commerce, banque, publicité etc.. ), pour
« appuyer » ce potentiel productif. C’est l’exemple type des U. S. A. où dès 1965 le secteur tertiaire occupait 61% de la population active; – à l’inverse, une hypertrophie du secteur tertiaire se rencontre également dans les économies sous-développées.
Elle traduit alors un chômage déguisé, les activités productives trop rares n’étant pas susceptibles
d’offrir des emplois en nombre suffisant, la majeure partie de la population qui ne s’adonne pas, ou plus, à
dés activités agricoles vient gonfler le secteur tertiaire qui se compose alors de fonctionnaires et de cireurs
de souliers .

On peut cerner la signification économique de ce phénomène dans une économie donnée en rapprochant
la production des industries manufacturières et l’emploi dans le secteur tertiaire. Le Québec arrive à la sixième place quant au taux de croissance de l’emploi dans le secteur tertiaire, alors qu’il occupe la treizième place seulement dans celui de
la production;  le coefficient moyen entre le taux de croissance de l’emploi du secteur tertiaire et celui de la production des industries manufacturières pour les cinq pays considérés comme les plus développés ou les plus dynamiques: U.S.A., Japon, Allemagne, Italie, Israël, est de 3.2 alors que pour le Québec ce coefficient n’est que de 1.3; semblable quant à la dynamique de l’emploi dans le secteur tertiaire, le Québec et le Canada divergent quant à leur croissance industrielle. Le même potentiel
tertiaire est au Québec au service d’une production moins vigoureuse qu’au Canada Il existe donc une déperdition
de productivité du secteur tertiaire.

Nous pouvons soit en conclure que le Québec possède un secteur tertiaire au-dessus de ses moyens, dangereusement
inflationniste et à l’appui de cette thèse dénoncer par exemple l’affection de 70% du budget à des dépenses
d’ordre social (éducation, santé, etc… ) que ne lui permet pas son potentiel économique.

Soit en déduire que le secteur industriel du Québec, compte tenu du potentiel d’infrastructure tertiaire qui est à sa disposition, devrait connaître un dynamisme nettement supérieur.

En effet, si l’on applique au Québec le coefficient de 3.2 (des pays dynamiques) entre la croissance de l’emploi du secteur tertiaire et la croissance du secteur industriel, l’importance du secteur tertiaire autoriserait une production industrielle deux fois et demie plus forte.

Ces deux conclusions en dépit de leur aspect tautologique conduisent à des politiques d’inspirations
bien différentes que l’on peut, si l’on veut, caractériser de déflationniste et d’expansionniste. Promouvoir un mot
au rang de politique économique n’a jamais rien résolu. Le problème consiste à agir à tous les niveaux où c’est nécessaire avec le plus d’efficacité et de cohérence possible. C’est pourquoi, avant de définir et de justifier les orientations
qui nous paraissent souhaitables, il n’est pas inutile de rappeler les principaux enchaînements qui nous y conduisent:
1) le Québec doit faire face à l’arrivée de vague annuelle de 100,000 personnes sur le marché du travail;
2) le secteur secondaire, en son état actuel, ne peut éponger que 10% de cette population additionnelle;
3) le seul secteur susceptible d’accueillir les 90% restant est le secteur tertiaire;
4) or, ce secteur tertiaire, eu égard au niveau de la production du secteur secondaire, est déjà artificiellement
gonflé.

Ces quatre propositions décrivent le cercle vicieux de l’économie québécoise. Le seul problème pour
le responsable de la politique économique consiste à briser ce cercle.

Dans ces conditions, nous dénonçons violemment, et la gravité de la situation nous y autorise, les
politiques qui tentent de faire croire à la possibilité de réaliser la quadrature du cercle Il est, en effet, utopique
de dire que l’on solutionnera le problème de l’emploi dans son ensemble en faisant appel aux investissements étrangers.

La seule et légitime motivation des éventuels investisseurs est la rentabilité escomptée des capitaux investis.
Or, compte tenu du niveau des salaires pratiqués au Québec et de la technologie avancée dont ses investisseurs
disposent, il est peu probable que ces investisseurs viennent créer des entreprises à forte densité de main-d’œuvre. Rappelons qu’aux U. S. A, l’emploi dans le secteur  industriel augmente douze fois moins vite que la production
• Les pouvoirs publics ont bien sûr la possibilité de fausser les règles du jeu (celles de la rentabilité qui sont
pourtant les seules acceptables) en établissant tout un système de subventions, de primes ou de détaxes. Ces artifices arriveraient sans doute à inciter certains industriels à consommer davantage de main-d’œuvre. Mais à quel prix ?

D’une part, ces entreprises, compte tenu de leur coût de fonctionnement élevé, ne pourraient travailler
que pour un marché étroit: le marché national, ce qui, en raison des économies d’échelle, renchérirait
encore le prix de leur produit; d’autre part, pour leur permettre de survivre, l’État serait amené à les protéger
de la concurrence étrangère et devrait ériger tout un système de protection douanière. On voit à quels enchaînements
absurdes conduit une politique interventionniste qui aboutit en tout état de choses à faire supporter les frais de cette intervention par le consommateur final.

La seule possibilité de briser le cercle vicieux est de promouvoir un secteur secondaire intégré, extensif et à haute productivité (1) permettant de dynamiser un secteur tertiaire alors capable d’absorber la plus grande partie de la main-d’œuvre additionnelle.

Les réflexions de cet essai ont pour seul but de faire comprendre cette différence d’optique. Avant d’expliciter notre conception, nous voudrions dire un mot des solutions miracles que l’on nous propose. Compte tenu des perspectives du marché de l’emploi et de la structure actuelle de notre industrie, un marché commun avec les U. S. A., outre le préalable d’indépendance qu’il présuppose, conduirait à nous « Portoricaniser ». Porto Rico est en effet un État librement associé
aux U. S. A., qui sous des airs de Byzance offre à la majorité des Porto Ricains l’alternative suivante: aller
grossir le prolétariat des centres urbains américains ou demeurer à San Juan comme liftiers, marchands de glace
ou danseurs papous.

Ne nous abusons pas, nos « richesses naturelles » seraient aux Américains ce que sont le soleil,
la mer et le sable fin aux Porto Ricains.

STRUCTURES DE L’APPAREIL PRODUCTIF ET MODALITES DE CROISSANCE

Nous avons précédemment caractérisé la structure de l’économie québécoise en fonction de la répartition de la population active et nous en avons conclu qu’il fallait porter l’appareil de production à un niveau suffisant
pour permettre au secteur tertiaire d’être « le grand employeur du Québec ».

Ce choix nécessite quelques explications préalablement à l’analyse des conditions nécessaires à sa
réalisation. Nous pensons que du point de vue de la qualité de l’emploi, le développement du secteur tertiaire
est souhaitable. En dehors du fait que 80% des emplois doivent être localisés en milieu urbain et 33% exercé par
des femmes, il nous parait que le secteur tertiaire offre un éventail de choix susceptible de favoriser l’épanouissement de la grande majorité des individus et des conditions de travail qui répondent aux aspirations de l’homme moderne.

Nous ne nous étendrons pas davantage sur cet aspect, il nous suffira de dire que nous prônons cet
objectif qualitatif comme une des finalités de la croissance et que nous considérons comme inacceptable toute politique
économique qui tendrait à aliéner davantage l’homme à son travail. Cependant, il faut bien voir que la loi
des économies développées fonctionnant avec un secteur tertiaire important, oblige, sous peine de voir l’économie
se vider de sa substance, le secteur productif ou secondaire à croître plus rapidement que l’ensemble de l’économie. Cette croissance implique non seulement un développement de la production existante mais également une adaptation des structures de l’appareil productif.

Dans quelle mesure l’économie québécoise est-elle susceptible d’assumer ces contraintes ?

2.1 – Adaptation des structures de l’appareil productif

Nous avons en conclusion de la première partie de cette étude recommandé de promouvoir un secteur secondaire intégré et extensif Il nous faut expliciter ces qualificatifs quelque peu hermétiques. Pour saisir la structure de l’industrie manufacturière au Québec, nous pouvons diviser celle-ci en trois secteurs;

a) les industries liées à des richesses naturelles: papier industries connexes, métalliques primaires, aluminium
raffinage des métaux, électro-métallurgie, électrochimie;
b) les industries de transformation légère, aliments et boissons, textiles, cuir, tabac, caoutchouc;
c) les industries de transformation lourde, technologiquement avancées: automobile, pneumatique, appareillage
électrique.
a) Le premier groupe d’industries liées aux ressources naturelles est en général composé d’industries
de transformation se limitant aux produits semi-finis et orienté vers l’exportation. Ces industries se sont développées grâce aux ressources et à l’énergie à bon marché dont elles disposaient sur place d’une part, et à une conjoncture
internationale favorable à la demande de ces produits non-élaborés d’autre part. Ce fut d’abord la période
de reconstruction d’après guerre, puis celle des années 50 avec le « boom coréen ».

En raison de la concurrence internationale, l’avenir de ces industries est plus incertain et il serait
dangereux pour le Québec de vivre sur cet acquis. En outre, la plupart des ressources minières ne sont exploitées
qu’à l’état brut, ne donnant pas lieu à une transformation sur place, et les industries qui en découlent n’intègrent pas le processus de production dans sa totalité.

Ce qui constitue en terme de valeur ajoutée un manque à gagner pour l’économie québécoise. Bien que l’intégration
ne soit pas toujours possible, ni quelques fois souhaitable pour toutes les branches de ce secteur, une politique
industrielle dans ce domaine devrait tendre à « faire un pas en aval » pour se rapprocher du stade du produit
fini.

Les applications industrielles des métaux dont nous disposons sont largement inexploitées et les possibilités
d’intégrer davantage la structure industrielle sont nombreuses. Que l’on songe, par exemple, aux utilisations du cuivre dans toutes les industries électriques (tréfIleries); – du zinc dans les industries chimiques (peinture), du zinc électrolytique pour la protection des aciers; – de l’amiante dans les fibrociments, les isolations thermiques.

C’est avant tout dans cette optique et non pas en se référant au seul critère du nombre d’emplois créés qu’il convient de promouvoir les investissements et d’attirer les capitaux étrangers.

Rappelons que la loi en vigueur régissant l’exploitation des ressources naturelles interdit théoriquement
aux compagnies étrangères l’exportation de minerais à l’état brut. Cette loi fait l’objet d’une dérogation permanente.
II est certes plus facile pour un gouvernement de percevoir à la source des royalties sur les exportations
de son minerai que de favoriser l’implantation d’unités de transformation de ces ressources, en mettant en pla
ce les infrastructures et les structures d’accueil nécessaires à leur fonctionnement.

Une politique visant à une transformation des structures industrielles nécessite de la part des pouvoirs
publics une politique d’aménagement du territoire (routes, logements, écoles, hôpitaux, etc…) qui permette
l’éclosion de certains centres miniers en véritables pôles de croissance. C’est un mouvement cumulatif dans le déclenchement duquel le gouvernement a une part importante de responsabilité. Que pourraient les investisseurs
les mieux disposés si la population était dans l’incapacité matérielle de pouvoir venir travailler dans les
lieux où devraient être situées ces nouvelles unités de production.

Dans la mesure où l’on facilite cette nouvelle polarisation de la main-d’œuvre, le processus d’intégration
permet la création d’emplois économiquement sains. En effet, plus on se rapproche du produit fini,
plus la valeur ajoutée de travail contenue dans le produit est forte. Cette intégration tendrait donc à réduire l’écart entre le taux de croissance de la production et le taux de croissance de remploi dans le secteur secondaire.
b) Le groupe des industries légères. A l’inverse du premier, ce groupe comprend les industries de
transformation de type évolué qui fournissent un produit fini et travaillent en quasi-totalité pour le marché intérieur.
Si la production du marché intérieur lui permet de vivre, son étroitesse les condamne à vivoter (industries
cotonnières). Une politique extensive visant à l’adaptation des structures de l’appareil productif devrait tendre:
– à moderniser leurs équipements et à accroître leur capacité de production, afin de permettre, grâce à une
meilleure rentabilité, l’accès aux marchés extérieurs; à reconvertir un certain nombre de ces entreprises vers
d’autres vocations industrielles, plutôt que de les soutenir artificiellement si leur première vocation semble
périmée;  à créer de nouvelles entreprises pour répondre soit à des nouveaux besoins, soit pour se substituer à des produits
précédemment importés.

C’est selon ces trois axes qu’une politique industrielle extensive devrait être menée. Elle nécessite
la mise en place d’une politique de développement régional pour harmoniser la diffusion spatiale de la croissance ce
qui implique des études de marché, de rentabilité, de choix d’implantation par branche industrielle et, éventuellement, des aides de la part de l’État pour les reconversions nécessaires ou la promotion de nouvelles initiatives.

Là encore, une politique extensive des industries légères est favorable à la création d’emplois; car c’est dans ce
groupe d’industries que la main-d’œuvre proportionnellement à la production est la plus forte.

c) Le troisième type d’industries regroupe généralement des compagnies de grande importance dont
la direction est de l’autre côté de la frontière et qui ont pour la plupart des marchés extérieurs au Québec. Ce
secteur a le mérite d’apporter avec lui le progrès technologique. C’est en terme de structure industrielle, un
secteur dynamique Il contribue à renforcer le potentiel productif du Québec, mais il serait illusoire de compter exclusivement sur lui pour être un moteur d’emploi.

Aucun sentiment xénophobe ne rentre dans ces considérations. A l’heure des entreprises multi-nationales la question n’est pas de promouvoir ou non un secteur industriel purement québécois. Le problème est d’infléchir
nos structures industrielles afin de créer un secteur secondaire économique sain qui permette au processus de
la croissance de se développer.

Avant d’analyser les conditions de la croissance proprement dite, regardons les modifications qu’entraînerait
la réforme des structures industrielles sur l’emploi. Nous avons vu précédemment qu’un taux de croissance de la production des industries manufacturières de 4.8%, l’emploi dans ce secteur n’augmentait que de 1.2%.

Le rapport était donc de 4. Compte tenu d’un accroissement de la population active de 4%, il faudrait, si nous voulions conserver le même pourcentage d’emploi dans le secteur secondaire, soit 33%, que la production de ce secteur s’accroisse
à un taux annuel de 16%, ce qui est proprement impensable. Par contre, si nous infléchissons progressivement
les structures de l’appareil productif vers des structures de type industriel dynamique (Allemagne, Italie) grâce à
une politique intégrée et extensive, nous aurons un rapport accroissement de production accroissement de main-d’œuvre
qui se rapprocherait de 2. Le taux de croissance de la production des industries manufacturières devrait se situer
(pour absorber la main-d’œuvre additionnelle) aux alentours de 8%. La production du secteur secondaire re
présentant 40% de la production totale, le taux de croissance de l’économie globale se situerait aux environs de
5.5%.

L’obtention d’un tel taux semble tout à fait compatible avec les possibilités économiques du Québec. A son tour, ce taux de 8% de la production industrielle autoriserait la croissance de l’emploi dans le secteur tertiaire au rythme annuel de 4%. Là encore le rapport accroissement de la production industrielle accroissement de l’emploi tertiaire serait sensiblement égal à 2.

2.2 – Les conditions de la croissance

Si la structure de l’appareil productif conditionne le fonctionnement d’une économie, elle ne suffit
pas pour autant à engendrer et à entretenir d’elle-même le processus de croissance.

L’étude de la croissance est certes complexe, mais au niveau macro-économique un certain nombre
de facteurs sont requis et nous nous proposons de les analyser rapidement afin de voir dans quelle mesure leur
utilisation est ou pourrait être maximisée.

Tout processus économique consiste à combiner les moyens en vue de satisfaire des besoins,avions-nous rappelé au début de cet exposé. Dans l’optique de la croissance, les moyens dont nous disposons ont pour nom l’investissement et les hommes et les besoins à satisfaire s’identifient au concept du marché.

2.2.1 – L’investissement

De même que l’accumulation du capital détermine le niveau d’une économie, l’accroissement additionnel
du capital, c’est-à-dire l’investissement, conditionne le rythme de croissance de cette économie.
Au cours des 25 dernières années, la part du produit national québécois (PNB) consacrée à l’investissement
s’est située aux environs de 28%. Durant (l) Le PNB: concept de comptabilité économique qui n’implique pas d’idée de souveraineté nationale.
Au milieu des années 50, années où les taux de croissance ont été les plus forts, cette part a atteint 32%.

Globalement ce taux peut être considéré comme satisfaisant Il correspond et dépasse même bien souvent les taux des principaux pays développés et aurait permis d’espérer des taux de croissance du PNB (produit national brut) supérieurs à ceux enregistrés au Québec.

En Allemagne et en Italie par exemple, la même part du PNB consacrée aux investissements a permis d’atteindre
des taux de croissance supérieurs de près de 50% à ceux de l’économie du Québec. La raison de ce décalage doit
être recherchée dans l’orientation des investissements.
En effet, si l’investissement global par rapport au PNB représente 24% en 1968, l’investissement dans le secteur des entreprises manufacturières, qui est le véritable moteur du développement économique, ne représente
que 5% du PNB. Le reste des investissements est effectué dans des secteurs qui ont des effets induits
sur la croissance économique nettement plus faible.

Dans le secteur secondaire (fabrication), l’évolution est à la baisse et traduit une perte de substance
inquiétante. L’habitation qui avait fléchi après 1953 est très nettement orientée à la hausse.

Enfin, les dépenses des investissements des institutions et ministères gouvernementaux sont à la hausse depuis 1953.

Plus que les évolutions, les parts respectives d’investissement dans chaque secteur sont révélatrices des options d’une collectivité. D’un point de vue strictement économique, la répartition des investissements est alarmante et corrobore les conclusions auxquelles nous sommes déjà parvenus.

Dans une économie de marché, où la libre entreprise est considérée comme le moteur du développement économique
et où l’État n’a pas de rôle direct à jouer dans la production, il est anormal que la plus grande part de l’investissement
soit effectuée dans des instances gouvernementales dont on peut, pour le moins, douter de la productivité
économique. Le critère de rentabilité étant en ce domaine remplacé par une appréciation beaucoup plus vague
dite de « services publics », il y a là le signe manifeste d’une déperdition pour l’économie québécoise.

Attacher autant d’importance à la construction de logements domiciliaires qu’à l’investissement dans le secteur
productif est difficilement compatible avec les impératifs d’une croissance économique accélérée.

– On peut certes tout faire, mais pas tout en même temps. Si d’un point de vue social ce choix peut paraître souhaitable,
à moyen terme il compromet non seulement la croissance économique, mais également le développement
social qui en dépend.

En conclusion, nous pensons que la part du PNB consacrée aux investissements totaux est suffisante
pour promouvoir un développement économique satisfaisant Il faut seulement veiller à ce que cette part relative
ne diminue pas comme elle aurait tendance à le faire depuis plusieurs années. Le principal problème consiste pour l’heure
à redéfinir d’une part les priorités d’investissement et d’autre part à apprécier les dépenses des pouvoirs publics
en matière d’investissement selon des critères économiques et en maximiser les effets grâce à une meilleure gestion des
sommes investies.

Objectif en matière d’investissement

L’investissement dans le secteur manufacturier représente 20% du total des investissements, alors
que la part de ce secteur dans le PNB est de 30 à 40% pour respecter la proportionnalité, l’augmentation des investissements
dans le secteur manufacturier devrait donc être au minimum de 50%. Par ailleurs, nous avons retenu
un taux de croissance du secteur manufacturier de 8% contre 5% aujourd’hui. L’augmentation du taux de croissance
serait donc de 60%. Sachant que l’investissement dans le secteur industriel induit la croissance de ce secteur, son
accroissement devrait être plus que proportionnel au taux de croissance retenu pour la production industrielle. L’objectif
souhaitable en matière d’investissements industriels devrait donc être une augmentation de l’ordre de 80%.

Nous retiendrons une fourchette d’accroissement de l’investissement industriel de 50 à 80%.

2.2.2 – Le capital humain

Le vieil adage « il n’est de richesses que d’hommes » est plus vrai que jamais de nos jours. Dans une société où la machine et la technologie semblent régner en reine et maîtresse, il est frappant de constater combien paradoxalement la qualité humaine est une denrée recherchée.

De la qualité des entrepreneurs ou des managers que nous préférons appeler les innovateurs, dépend
pour une large part la réussite de leurs initiatives. D’une main-d’œuvre qualifiée, bien adaptée
à ces taches, dépendent les résultats de l’entreprise.

Ces thèmes sont bien connus et nous nous n’y attarderons pas. Nous soulignerons simplement deux aspects qui nous paraissent fondamentaux: l’innovation et la mobilité de la main-d’œuvre.

L’innovation:

Le peuple québécois est reconnu comme ayant le sens de la créativité et le goût de l’initiative privée,
il n’en faut pas davantage pour promouvoir une race  d’innovateurs qui dans le cadre d’entreprises personnelles
ou dans des compagnies plus larges peuvent mettre en valeur leurs talents. Les opportunités de création de biens
et de services de demain sont plus fortes qu’hier et la décennie qui vient, viendra renouveler, non seulement une
bonne part de nos connaissances, mais également les biens qui nous entourent. Favoriser l’innovation sera une
tâche que le responsable politique devra avoir a coeur et, il en a les moyens. Que l’on songe à toutes les tracasse administratives auxquelles doit se soumettre le porteur d’idées et l’on comprendra pourquoi tant de projets
n’ont pas vu le jour. Que l’on tente d’emprunter des fonds et l’on se rendra compte que le critère des financiers
n’est pas l’intérêt de l’entreprise ou la qualité du promoteur, mais bien son répondant financier.

Que l’on veuille s’informer sur tel ou tel aspect d’un problème et l’on se heurtera à la carence ou
au stockage de l’information en des tiroirs inaccessibles. Dans ces domaines administratifs financiers et de l’information,
un certain nombre de blocages sont à faire sauter pour permettre aux hommes d’agir, et d’agir avec plus de liberté et en meilleure connaissance de cause.

Mobilité de la main-d’œuvre:

Le niveau de formation professionnelle est certes un facteur indispensable au développement industriel.
Cependant, alors que cet impératif était dans le passé une condition nécessaire et suffisante, il apparaît de nos jours
que cette main-d’œuvre doit être non seulement formée, mais également mobile.

Le processus de croissance entraîne l’apparition de nouvelles activités qui lentement se substituent
et supplantent des entreprises plus anciennes, frappant d’obsolescence les produits qu’elles fabriquaient.

Dans l’hypothèse la plus favorable, l’entreprise peut se reconvertir et la main-d’œuvre doit s’adapter à de nouvelles techniques.

Dans l’autre hypothèse, l’entreprise ferme ses portes, la main-d’œuvre doit trouver à s’embaucher
ailleurs.

Il est prévisible, qu’en raison de l’accélération des progrès technologiques, une vie professionnelle
normale s’exercera non plus dans une seule entreprise, mais dans plusieurs. La mobilité de la main-d’œuvre
sera une des conditions nécessaires à la fluidité des économies. Cette mobilité qui, de nos jours, peut apparaître
comme inhumaine, doit en fait être consciemment préparée et non subie comme c’est le cas actuellement.

La principale tâche qui incombera sans doute aux responsables de la politique économique de demain
sera de résorber les coûts sociaux entraînés par la croissance. Faute d’avoir été prévus, les conflits qui
opposent les partenaires économiques, salariés, patrons, État, explosent dans un climat d’opposition irréductible
et se dénouent dans des solutions erratiques et superficielles.

Une politique dans ce domaine ne peut être réalisée au coup par coup, elle doit reposer sur des analyses
prospectives afin de prémunir la collectivité contre les chocs du futur tout en rendant le présent et son adaptation acceptable,
C’est tant au niveau des mentalités que des structures à prévoir que le travail doit se faire.

En effet, rien ne sert de créer des cours de recyclage, de favoriser les migrations de population,
de pourvoir financièrement au temps mort d’une partie de la population active, de créer des structures d’accueil
et des équipements collectifs auprès des nouveaux pôles de croissance; si la population ressent cette mobilité en
terme de déracinement et non en tant que mobilité  promotionnelle.

2.2.3 – Les marchés

Il est bien évident qu’à une augmentation de la production doit correspondre une demande équivalente. Cette condition d’équilibre peut se décomposer en ses principaux éléments. La valeur ajoutée du secteur
industriel (secondaire) est égale à sa production (output) moins la consommation nécessaire (input) à la réalisation
de cette production. Les « inputs » peuvent être soit des importations, soit de la consommation intermédiaire de
produits en provenance d’autres entreprises nationales.

A son tour, la production (output) se décompose suivant sa destination en production destinée
au consommateur final, production destinée à la consommation intermédiaire des autres branches, et en exportation.
L’équation générale s’écrit donc Impt. + Cons. Interm. + Valeur ajoutée = Production =Prod. Cons. + Cons. Interm. + Export.

Les proportions des différents termes nous renseignent sur la vocation industrielle plus ou moins autarcique
du secteur industriel.

Une étude sur la destination des expéditions manufacturières des produits fabriqués au Québec en 1967 nous apprend que sur une production totale de 11.4 milliards de dollars, 6 milliards, soit 53.3%, sont destinés au marché québécois, 3.3 milliards, soit 29.6%, aux autres provinces du Canada, et 1.9 milliards, soit ( Revue statistique, décembre 1970). 17.1%, sont exportés dans d’autres pays. Le secteur industriel  travaille donc à un peu moins de 50% pour l’extérieur.

Arrivé à ce stade d’analyse, il convient de se poser deux questions.

1 – Dans quelle mesure les 53.3% de biens produits et destinés au marché intérieur satisfont la demande totale
de biens qui s’y exercent ?

2 – Dans quelle condition se fait la réalisation des 43.7% destinés à l’extérieur du Québec ?

La première question appelle la remarque suivante: sur les 53.3% de produits destinés au marché intérieur, une partie seulement est constituée de produits finis destinés au consommateur final, le reste étant comme
on l’a vu, destiné à rentrer de nouveau dans le processus industriel. C’est cette part qui va au consommateur
final qu’il nous faut comparer, soit à la consommation intérieure totale, soit aux importations de produits finis,
pour déterminer le degré de satisfaction des besoins du Québec par le secteur industriel.

Au niveau d’un pays, ceci ne pose pas de problème, mais lorsqu’il s’agit de systèmes régionaux
comme au Québec, le problème statistique devient insoluble et nous ne pouvons nous contenter que d’une affirmation
très générale tirée de l’expérience courante, à savoir que la production industrielle québécoise ne suffit pas à satisfaire la demande intérieure de biens durables, semi-durables et non-durables.

On nous dira que c’est bien normal, puisque près de la moitié de la production (47.3%) est destinée
au marché extérieur (autres provinces et étranger). Ceci nous amène à répondre à la deuxième
question que nous nous sommes posée: dans quelle condition l’économie québécoise travaille-t-elle pour l’extérieur ?

Si nous analysons notre équation d’équilibre, nous connaissons le montant de la production totale
11.4 milliards, la valeur ajoutée du secteur de fabrication du Québec a été estimée à 3.8 milliards en 1968.

Les « inputs » (importation + consommation intermédiaire) représenteraient donc 11.4 – 3.8 = 7.6 milliards.

En faisant l’hypothèse très large, compte tenu de la structure industrielle peu intégrée du Québec,
que 50% de la production destinée au Québec est réintégrée dans le processus industriel, la consommation intermédiaire
des branches serait de 3 milliards (la production destinée au Québec étant de 6 milliards).

Nous en déduisons donc que les importations nécessaires au processus de production seraient de
7.6 – 3 = 4,6 milliards. Si nous comparons maintenant ces importations au total de la production destinée à l’extérieur
(4.3 milliards), nous ne concluons pas que l’industrie québécoise travaille à près de 50% pour l’extérieur, mais que
le total de ces exportations (au sens large) ne couvre pas le montant des importations qui ont été nécessaires pour
réaliser la production.

Ce genre de situation est caractéristique des économies coloniales, et des relations importations –
exportations qui s’établissent entre une maison-mère située dans la métropole et une filiale située dans la colonie,
qui bien souvent n’a été créée que pour profiter de la protection du marché Il ne faut pas pour autant nier l’apport économique que représente pour la colonie ces têtes de pont étrangères (valeur ajoutée locale), mais ce serait s’abuser profondément que de croire qu’une telle situation reflète une vocation exportatrice réelle.

La situation actuelle des marchés extérieurs n’est donc pas propice à fournir un exutoire à la croissance
industrielle du Québec. Puis cette situation d’exécutant nous met dans une position très précaire, de dépendance
en amont comme en aval.

En effet, dans une conjoncture à la baisse, notre production dépendant de la demande extérieure pour
50%, le moindre ralentissement de cette demande (Ontario ou U. S. A. ) aura des répercussions catastrophiques sur les entreprises québécoises.

Dans une conjoncture à la hausse, un accroissement de la demande extérieure se traduira par un accroissement
de la demande d’importation quasiment équivalente. La valeur ajoutée locale n’étant donc que résiduelle, les
risques encourus sont disproportionnés par rapport aux gains escomptés.

Par ailleurs, le fait que 50% des énergies productives soient employées à la satisfaction des besoins
extérieurs conduit à délaisser les opportunités que pourrait offrir le marché québécois.

Dans ces conditions, quelles sont les orientations souhaitables en matière de débouchés pour l’industrie québécoise. Elles sont liées très directement à l’infléchissement des structures de l’appareil productif vers des structures plus dynamiques, telles que nous les avons définies plus haut. C’est en effet dans la mesure où nous
aurons une politique industrielle plus intégrée et extensive que le Québec pourra prétendre offrir des produits élaborés
et diversifiés tant sur le marché intérieur que sur d’autres marchés, tout en réduisant ses importations.

C’est la condition préalable à toute politique de promotion.

Pour prétendre percer sur un marché qu’il soit local ou extérieur, nous voudrions mentionner pour
terminer deux aspects qui nous paraissent importants. Le premier est la dimension des unités de production, n est en effet impensable de pouvoir rivaliser avec la concurrence étrangère si nos compagnies n’atteignent pas le seuil de rentabilité adéquat. La pluralité des entreprises existantes dans un même secteur (le meuble) nous interdit l’espoir d’atteindre cet objectif.

Une politique industrielle devrait donc favoriser les concentrations et les fusions d’entreprises.

Le deuxième aspect est la qualité du produit. Il est à peu près certain que dans les années qui
viennent la plupart des pays produiront à des coûts voisins des produits techniquement comparables. La discrimination
ne se fera plus selon la compétitivité des prix ou les qualités techniques du produit, qui seront considérées comme allant de soi, mais sur des critères qui nous paraissent aujourd’hui beaucoup plus marginaux tels que: le design de l’objet, beauté des formes et la bonne adéquation aux fonctions qu’il est censé remplir; l’emballage, le service après vente, et d’une manière générale, toutes les fonctions de « marketing ».

Les données dont dispose le Québec: espace, énergie, ressources naturelles, situation géographique
favorable aux exportations, qualité et créativité de la main-d’œuvre, semblent favorables à une telle politique
de promotion des produits québécois.

La production du Québec étant dans l’immédiat largement tributaire de biens en provenance d’autres provinces du Canada et de l’étranger, il est anormal qu’elle doive surpayer les marchandises dont elle a besoin à cause de certains tarifs douaniers en vigueur; tarifs qui permettent aux entreprises ontariennes de pratiquer des prix supérieurs aux prix internationaux.

Le gouvernement du Québec aurait donc à mener après une analyse détaillée des secteurs qui paraissent
pénalisés, une négociation avec le gouvernement fédéral pour l’établissement de nouveaux barèmes douaniers.

CROISSANCE ET ÉQUILIBRE

Le processus de croissance ne peut être durable que si les grands équilibres sont, en moyenne période, maintenus: offre et demande de biens et services, importations et exportations, épargne et investissement, dépenses et recettes budgétaires, accroissement de productivité et accroissement des salaires.

L’équilibre n’a pas une signification comptable, des décalages sont possibles et même nécessaires,
mais ils doivent être le reflet d’une anticipation de croissance et non le constat d’un bouclage impossible.

Dans le premier cas, un déficit ou un décalage traduit le processus dynamique de la croissance (je
dépense plus aujourd’hui pour gagner davantage demain).

Dans le deuxième cas, cela signifie un appauvrissement cumulatif qui doit un jour ou l’autre être soldé. Ces dénouements apparaissent alors sous forme d’inflation, de dépréciation monétaire et de chômage.

A partir de l’équilibre du marché du travail, notre analyse nous a conduits à déterminer un certain
nombre d’objectifs qui se ramènent au schéma suivant.

Seul le secteur tertiaire peut éponger la plus grande partie de la main-d’œuvre additionnelle. Ce
secteur ne peut vivre que grâce à un secteur secondaire dynamique. La dynamisation de ce secteur secondaire
dépend de l’accroissement de sa production et de sa productivité, qui est lié, à l’exception du facteur exogène
du marché, à la combinaison des facteurs de production capital et travail.

Ce sont ces deux mêmes aspects que nous devons prendre en considération, mais cette fois-ci sous
l’angle de l’équilibre, compte tenu des objectifs de croissance  que nous avons retenus.

C’est dire que nous nous interrogerons successivement sur le financement des investissements
et sur la compatibilité du plein emploi et de la stabilité monétaire.

3.1 – Le financement de l’économie

Nous avons retenu précédemment un accroissement des investissements dans le secteur de transformation
de 50 à 80%. Avant de voir dans quelle mesure cet accroissement est finançable, nous analyserons la situation actuelle de l’utilisation du revenu national.

Consommation et épargne:

En schématisant,le revenu national se décompose en deux grandes masses: le revenu lié au travail
et le revenu tiré du capital. Dans l’optique de la dépense, les revenus qui nous intéressent sont d’une part ceux dont
les personnes physiques disposent et d’autre part ceux des personnes morales (compagnies). Nous laisserons
pour le moment de côté l’état et les collectivités qui ont principalement des activités de transfert.

Après impôt, le revenu disponible des individus se répartit en consommation et épargne. Le revenu
des entreprises, c’est-à-dire le bénéfice, est utilisé en autofinancement, dividendes et réserves. Il est
impossible de suivre les flux financiers pour savoir d’où ils viennent et où ils vont, mais un certain nombre d’agrégats
sont significatifs.

Utilisation des revenus des particuliers:

Au niveau du Canada, en 1968, les parts respectives de la consommation (biens et services) et de
l’épargne représentaient 91.7% et 8.3% du total des dépenses personnelles des Canadiens. En 1969, la part de
l’épargne baissait en valeur absolue et ne représentait plus en valeur relative que 7.2%.

Compte tenu du revenu plus faible par tête (Revue statistique, décembre 1970) au Québec qu’au Canada, la propension à épargner des Québécois ne doit pas être supérieure à celle des Canadiens en général. Si nous appliquons le pourcentage d’épargne de 7.2% sur un revenu personnel disponible au Québec de 10.8 milliards en 1967, l’épargne des ménages
se montait donc à 778 millions contre plus de 10 milliards qui seraient destinés à la consommation de biens et de
services.

En 1967, le total des investissements publics et privés au Québec se montait à 4.3 milliards.

Nous en concluons que le financement de l’économie est assuré à concurrence de moins de 19% par l’épargne des particuliers. Ce montant équivaut grosso modo aux investissements correspondants à la rubrique habitation.

Il n’y a pas bien sûr adéquation entre l’épargne des ménages et les dépenses d’habitation, mais au
niveau global et dans l’optique de l’équilibre, nous pouvons affirmer que, puisque le montant de l’épargne privée
correspond aux investissements d’habitation, cette épargne ne peut concourir au financement des investissements
du secteur productif de transformation.

Dans ces conditions, le financement de ce secteur ne peut être le fait que de l’autofinancement ou
de la création de liquidités bancaires, rappelons que le phénomène du crédit du système bancaire équivaut à une
création de monnaie.

En comparant les bénéfices des sociétés après impôt et leurs dépenses en investissement sous forme
de machines, équipement, et construction non domiciliaire, il semble qu’elles seraient en mesure de s’autofinancer
(en supposant qu’elles ne constituent pas de réserve, ni qu’elles distribuent des dividendes), à près de 70%
(bénéfices après impôt 1.3 milliards, investissements 1.8 milliards). Compte tenu de la rémunération normale
des capitaux et des réserves à pourvoir, on peut penser que cette capacité d’autofinancement ne dépasse pas 50%.

Pour les entreprises du secteur secondaire, compte tenu de la lourdeur des équipements nécessaires, la marge d’autofinancement est généralement inférieure à ce qu’elle peut être pour l’ensemble des sociétés.

Au terme de ce rapide survol du financement de l’économie, nous retiendrons: 1 – que l’épargne des particuliers représente 7 à 8% du total des revenus disponibles; 2 – que le pourcentage du revenu consacré à l’épargne tend à baisser;
3 – que le montant total de cette épargne représente 19% du total des investissements; 4 – que si les bénéfices des sociétés primaires ou tertiaires leur permettent de s’autofinancer à près de 50%, les entreprises du secteur secondaire ont plus de difficultés à s’autofinancer.

Or, c’est justement pour ces entreprises que nous avons établi un accroissement souhaitable de
leurs investissements de 50 à 80%. Financement des entreprises du secteur secondaire: Les investissements des entreprises du secteur secondaire, qui représente, rappelons-le, 20% des investissements totaux, atteignent 850 à 900 millions
annuellement. Les accroître de 50 à 80% représente un investissement additionnel annuel de 450 à 700 millions.

Pour atteindre ce montant, il faut, soit accroître le total des investissements de 10 à 15%, soit réduire d’autant les investissements dans d’autres secteurs pour diriger le surplus ainsi dégagé dans les entreprises du secteur secondaire.

Nous avions posé précédemment que le taux des investissements, par rapport au PNB, était théoriquement
suffisant pour financer l’économie, ce qui nous amènerait à préconiser la seconde solution. Cependant,
comme il est impossible de geler du jour au lendemain les crédits destinés à un secteur ou d’arrêter des programmes
déjà en cours, il est préférable d’agir sur les deux composantes. Pour ce faire, nous recommandons
de mettre en œuvre conjointement une politique de l’épargne et une politique de crédit sélectif.

Politique de l’épargne: Compte tenu de la faible propension à épargner des Québécois, il serait dangereux et inflationniste
d’assurer l’accroissement du financement de l’économie par le seul accroissement des crédits bancaires (transformation de dépôts à vue en prêts à moyen ou long terme).

Il semble au contraire préférable et possible d’accroître l’épargne, ce qui signifie, à revenu constant, une baisse de la consommation et des incitations à épargner.

Nous pourrions fixer comme objectif le  passage de la propension à épargner de 7.2 à 10%, ce qui permettrait de dégager quelque 300 millions.

Des mécanismes d’incitation à l’épargne (taux d’intérêt, avantages fiscaux) et une surveillance plus attentive de la politique du crédit à la consommation devraient être mis en place à ces fins.

Politique du crédit sélectif: Une telle politique viserait à modifier l’orientation des investissements actuels et devrait dégager
à la marge quelque 150 à 400 millions, ou si l’on veut déduire les investissements effectués dans d’autres secteurs
que ceux des entreprises secondaires de 3 à 9%.

Les investissements dans les sociétés de services dont on a vu qu’elles disposaient d’une marge
d’autofinancement appréciable, pourraient voir diminuer leurs facilités d’accès au crédit. Enfin, l’État lui-même peut sans prendre de participation, dans des entreprises d’économie mixte (S.G. F.), jouer le rôle de banque d’investissements
pour financer les projets ou des extensions d’entreprises québécoises (Banque d’Expansion industrielle).

Ces divers moyens, tant sur le plan de la politique de l’épargne que sur le plan de la politique sélective
du crédit, devraient être mis en œuvre et exécuter par un Conseil québécois du Crédit, fonctionnant en accord
avec la banque centrale du Canada et qui permettrait d’élaborer la politique monétaire du Canada en tenant
compte des impératifs et de l’évolution de l’économie du Québec.

3.2 – Plein emploi et inflation

Nous avons basé tous nos développements jusqu’à présent en nous plaçant dans l’hypothèse du départ:
celle du plein emploi. Nous avons même retenu un taux de croissance maximal de la population active de 4%, ce
qui nécessitait des objectifs de croissance de production industrielle et d’investissements suffisamment élevés
pour entraîner une surchauffe de l’économie et faire apparaître des tensions inflationnistes. Juguler ces pressions,
sans casser la croissance, sera en fin de compte le juste équilibre qu’il faudra trouver pour mener à bon
port l’économie du Québec.

Nous serions tentés de dire que nous n’avons pas le choix. En effet, laisser s’aggraver le chômage ne nous met pas pour autant à l’abri de l’inflation, dans la mesure où les allocations de chômage substantielles viennent gonfler la demande face à une offre en baisse, puisque l’économie ne tourne pas à sa pleine capacité de production.

C’est le phénomène de la « stagflation ». Le plein emploi est inflationniste dans la mesure où il est réalisé grâce à des moyens qui sont eux-mêmes porteurs d’inflation:- main-d’œuvre surabondante dans des entreprises non-productives, nécessitant le recours à des subventions gouvernementales d’équilibre; – financement des investissements par recours à l’émission monétaire ou par la création de liquidités bancaires; disproportion des investissements non-productifs par rapport aux investissements productifs; accroissement de la consommation.

Or, qu’avons-nous préconisé?  Une réforme des structures du secteur industriel afin
de le rendre par lui-même productif et non la création d’entreprises artificielles de main-d’œuvre;
un financement des investissements productifs par une augmentation de l’épargne et par une diminution des
investissements non directement productifs.

La politique de développement que nous préconisons n’est donc pas en elle-même inflationniste. Par ailleurs, notre objectif de plein emploi est suffisamment large pour nous laisser une marge de sécurité appréciable.

Dans les économies modernes, à tout instant, des tensions conjoncturelles peuvent remettre en
cause et ruiner les efforts d’une politique de développement; et l’on doit bien se rendre compte qu’aucun équilibre
possible, aucun fonctionnement durable de l’économie ne peut être atteint si la progression des salaires
réels évolue à un rythme supérieur à celui de la productivité de l’économie. Mais de même que le responsable de la politique économique trahirait sa mission en donnant satisfaction, par faiblesse ou par démagogie, à toutes
les revendications sociales; de même il serait dangereux qu’il méconnaisse qu’un tel climat correspond à la
recherche d’une plus grande justice et à des relations sociales d’un type nouveau qu’appelle l’évolution des sociétés
contemporaines.

Négociations ? Conventions collectives ? Contrats de progrès ? Politique des revenus ? Modèle
suédois ? Participation ? Les modalités du contrat social de demain sont pour la plupart encore à inventer.

Mais alors que celles d’hier ont été le fruit de juristes froids, que celles d’aujourd’hui sortent du cerveau de quelques technocrates; nous souhaitons que celles de demain proviennent de l’imagination réciproque d’hommes responsables et solidaires du bien commun.

Bref, nous nous proposons, et cela nous tiendra lieu de conclusion, d’infirmer de manière permanente
et totale l’ironique définition de Paul Valéry: « La politique est l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde ».

RÉSUMÉ DES PRINCIPALES ORIENTATIONS SOUHAITABLES

– Assurer le plein emploi grâce au secteur tertiaire

– Revitaliser le secteur tertiaire par la dynamique du secteur secondaire

– accroître la productivité du secteur secondaire par l’infléchissement des structures productives vers des
unités industrielles intégrées et extensives

– Réaliser l’adaptation de ces structures industrielles par:

– l’accroissement de l’investissement dans ce secteur;

– l’amélioration de la qualité de la main-d’œuvre (innovation et mobilité);

– le développement des marchés extérieurs

– Assurer les investissements nécessaires dans le secteur industriel par:
– une modification de l’orientation des investissements totaux;
– un développement de l’épargne

Réaliser cette modification d’orientation de l’investissement par une politique sélective du crédit
Assurer l’équilibre conjoncturel par une politique salariale compatible avec les exigences de la productivité.

<Masse19710429>
<COMMUNICATION DE MONSIEUR MARCEL MASSE  DEPUTE DE MONTCALM
A LA COMMISSION DE L’ASSEMBLEE NATIONALE SUR LA « REFORME DU SYSTEME ELECTORAL AU QUEBEC » >

La notion de démocratie sur laquelle est fondée l’organisation politique de notre société est issue de l’idée d’une participation active et continue de tous les citoyens aux décisions du gouvernement. Ce système de démocratie directe, tel que le connaissaient les cités antiques, a évolué à travers les temps pour faire place à une conception plus complexe et plus étendue des principes qui fondent l’exercice du pouvoir par le peuple: le régime démocratique est devenu synonyme à l’heure actuelle, dans le monde occidental, de l’existence de libertés publiques fondamentales et de l’égalité de tous devant
la loi.

Mais c’est avant tout la tenue régulière d’élections libres qui constituent le fondement et la garantie
d’une vie démocratique active et authentique. Aussi, convient-il de faire preuve d’une vigilance toute particulière
à l’égard de l’aménagement et du fonctionnement des mécanismes électoraux qui assurent à l’ensemble des citoyens
la possibilité de choisir les représentants qui exercent le pouvoir en leur nom.

C’est dans cet ordre d’idée que nous proposons pour le Québec un certain nombre de modifications
à apporter à un régime électoral qui ne satisfait plus à l’heure actuelle les exigences de justice et d’efficacité
démocratiques que les Québécois sont en droit de réclamer de leur système politique.

Les principales réformes du système électoral québécois proposées dans ce document sont les suivantes:
1 – Création de 120 circonscriptions électorales ayant chacune une population moyenne de 30,000 électeurs
environ; l’écart maximum toléré autour de cette moyenne étant de 25%.
2 – L’élection des 2/3 des députés au scrutin majoritaire et de 1/3 des députés au vote proportionnel.
3 – La limitation des dépenses électorales des partis à un plafond fixé par la loi et le remboursement par l’État de 100% des frais électoraux engagés par les formations politiques reconnues.
4 – La prise en charge par l’État de la publication et de la diffusion, en fin de période électorale, du programme
de chaque parti présentant des candidats.
5 – L’établissement d’une liste permanente d’électeurs au Québec.

Ces modifications visent à atteindre quatre objectifs: – obtenir une meilleure représentativité du corps électoral;
– permettre un fonctionnement efficace du Parlement en favorisant la formation d’une majorité gouvernementale;
– mettre l’accent sur l’aspect régional et sur l’expression de toutes les facettes idéologiques de la population; assurer une vie démocratique du pays en permettant aux partis politiques de fonctionner sur des bases financières saines.

POUR UNE REFORMULATION DE LA LOI ELECTORALE DU QUEBEC ANALYSE TECHNIQUE

I- INTRODUCTION

1.1- Pourquoi modifier la loi électorale du Québec ? La loi électorale actuellement en vigueur au Québec date de 1853, année où le ministre Hinks-Morin a refondu complètement la carte électorale utilisée pour les élections provinciales . Des modifications mineures ont été apportées à divers aspects de la loi depuis lors , mais aucun changement majeur n’a été
apporté à la carte électorale, au mode de scrutin. Pourtant au cours des décennies écoulées depuis, le Québec
a subi des transformations très importantes dans sa structure socio-économique.

Il est bon de rappeler ici les principales transformations dont il faut tenir compte:
a) Comme tous les pays développés, le Québec s’est urbanisé à un rythme rapide. Depuis le début du siècle,
les pourcentages respectifs de la population urbaine et de la population rurale ont évolué de la manière suivant e.Cette évolution a entraîné, malgré l’accroissement du nombre des comtés en milieu urbain, une sous-représentation de la population des villes à l’Assemblée Nationale.

En 1966, la population moyenne par comté était de 32,212 électeurs. Pour les régions de Montréal et de Québec, la population par comté s’élevait respectivement à 56,695 et 43,693, entraînant des écarts supérieurs à la moyenne de 76% et 35%.

En bonne logique et pour respecter le principe de représentativité, la région de Montréal, compte tenu
du découpage actuel, aurait donc du avoir droit à 7 députés pour quatre comtés et celle de Québec à 4
députés pour trois comtés; b) Les procédures d’élection , qui avaient été édictées en fonction du système bipartite en vigueur lors de la constitution du Canada, ne sont plus adaptées en raison de l’apparition de nouveaux partis politiques;
c) L’élévation du niveau de la conscience politique de la population d’une part, et les impératifs de développement d’une société moderne d’autre part, nécessitent une redéfinition du rôle du député; d) Les partis politiques ont tendance à l’heure actuelle à souhaiter une participation financière de l’État à leurs ressources en vue d’assurer leur indépendance
à l’égard des groupes de pression, condition fondamentale à l’expression d’une vie démocratique saine.

1.2 – Que modifier dans la loi électorale du Québec ?

L’exposé des modifications structurelles profondes qu’a subies la société québécoise démontre que
la loi électorale actuelle ne correspond plus aux conditions socio-politiques du Québec de 1970 et qu’il est urgent d’effectuer les réformes nécessaires en vue d’instaurer un système qui satisfait aux conditions de base d’un régime vraiment démocratique.

Les secteurs à réviser sont: a) la carte électorale; b) le mode de scrutin; c) le financement des partis politiques;

d) d’autres aspects spécifiques de la loi électorale.

Le problème étant défini, les divers points à traiter sont si intimement reliés qu’il n’est pas possible
de modifier l’un d’eux sans engendrer, par le fait même, des répercussions sur les autres aspects. La définition
de l’approche à prendre constitue donc une étape capitale dans l’analyse et la solution de ce difficile problème.

1.3 – Comment modifier la loi électorale du Québec ?

Trois éléments fondamentaux doivent être définis avant de commencer la recherche des modifications
à apporter à la loi électorale: a) la variable qu’il faut optimiser; b) les contraintes dont il faut tenir compte;
c) les interactions entre les paramètres et les effets en chaîne de façon à définir l’ordre dans lequel on aborde
les questions.

1.3.1. – Quelle est la variable à optimiser ?

La démocratie implique que chaque individu soit égal devant la loi. Il y a donc lieu de veiller à ce que la carte électorale et le mode de scrutin permettent l’expression de la volonté politique de tous les citoyens responsables et que les résultats des élections soient le reflet aussi fidèle que possible de ce choix exprimé par la population.

Sauf contraintes justifiables, le principe « un citoyen, une voix » devrait être respecté à l’échelle
de tout le territoire national. En second lieu, il faut veiller à ce que le Parlement élu soit, le plus possible,
le reflet fidèle des choix et aspirations des citoyens, autrement dit, la répartition des députés à l’Assemblée
Nationale doit se rapprocher du pourcentage du vote accordé à chacun des partis reconnus.

On optimise donc des techniques de sorte qu’elles permettent un fonctionnement efficace de la démocratie.

1.3.2. – Quelles sont les hypothèses de base de l’étude ?

Parmi les hypothèses posées au départ, certaines ont trait à des principes fondamentaux ou options
socio-politiques qui définissent le cadre philosophique à l’intérieur duquel on évolue, d’autres concernent
les modalités d’application de ces principes.

Hypothèses socio-politiques:

– Le Québec veut vivre en régime démocratique, mais le respect de ce principe ne doit, en aucun cas, conduire
à une paralysie de l’action gouvernementale. A cet effet, le système à mettre en place devrait, tout en respectant la condition formulée précédemment, favoriser l’élection de gouvernements majoritaires, pourvus d’une opposition forte, représentative et de qualité, n faut se rappeler que c’est une opposition dynamique qui stimule le mieux l’équipe au pouvoir. Quant aux gouvernements minoritaires, ils n’ont pas, pour leur part, la force nécessaire pour assurer le leadership qu’une collectivité
attend de ses élus.

– Dans un même esprit démocratique, la réforme à apporter doit rendre impossible l’installation permanente
d’un parti au pouvoir, par un découpage des comtés, favorisant l’une des formations politiques.

– Le mode de scrutin doit être simple, car faute de compréhension et d’obtention rapide des résultats, il rebute les électeurs et ceux-ci perdent de l’intérêt au choix de leur gouvernement. Or, il va de soi que la démocratie
exige que le mode de scrutin favorise la participation du plus grand nombre d’électeurs possible lors des élections.

– Les partis politiques marquent leur accord quant à la publication des comptes relatifs à leur opération et publicité
et admettent que l’État règle les dépenses autorisées.
– Le nombre de députés à élire doit, d’une part, être suffisant pour représenter les diverses idées et aspirations
des Québécois, mais ne doit pas être tel que la multiplication des interventions empêche une marche efficace des travaux parlementaires.

– Par ailleurs, la fonction même de député doit être redéfinie en tenant compte, d’une part, de la plus grande
technicité des problèmes qu’il aura à résoudre dans le domaine législatif et en assurant, d’autre part, la représentation
de sa collectivité dans un contexte régional économiquement plus significatif.

1.3.3. – Schéma de l’étude

Il a déjà été signalé que les divers aspects de la réforme électorale à entreprendre et, plus particulièrement, la réforme de la carte, du mode de scrutin et, éventuellement, du nombre de députés, agissent l’un sur l’autre de sorte que l’ordre dans lequel
on doit effectuer l’étude de chacun d’eux n’est pas indifférent Il y a lieu d’analyser les interrelations réciproques
en vue de déterminer la méthodologie précise de l’étude.

Plus particulièrement depuis le 29 avril 1970, l’accent est mis, dans l’opinion publique, sur la
réforme de la carte électorale. Est-ce cet aspect qu’il convient d’étudier en premier ressort ?

Notons d’abord que pour pouvoir entreprendre le découpage du Québec en comtés ou circonscriptions
électorales, il faut savoir combien de comtés ont été jugés nécessaires. Or, ce nombre ne peut être fixé avec
précision à priori, puisqu’il dépend en partie du mode de scrutin qui sera retenu.

En effet, si on accepte la marge de 100 à 200 députés, suivant que ceux-ci seront élus par un système
homogène (vote majoritaire ou proportionnel) ou mixte (scrutin majoritaire et scrutin proportionnel), leur
nombre et le nombre de comtés seront différents. Si, par contre, l’on détermine en premier lieu le mode de
scrutin et que l’on fixe un nombre de circonscriptions géographiques approximatif, on peut entamer l’analyse
par le choix du principe de vote et fixer ensuite le nombre de circonscriptions électorales et la division de la
carte. Nous optons pour cette dernière solution.

Les changements à apporter au financement des partis, ainsi que d’autres aspects de la loi électorale sont indépendants du reste et peuvent donc être étudiés subséquemment.

Les chapitres suivants traiteront donc des sujets suivants:
Chap. 2 – le mode de scrutin
Chap. 3 – le nombre de députés
Chap. 4 – la carte électorale
Chap. 5 – le financement des partis
Chap. 6 – la liste électorale
Conclusions

LE CHOIX DU MODE DE SCRUTIN

Le scrutin majoritaire à un tour, tel qu’il est pratiqué actuellement au Québec (et au Canada dans
son ensemble) est acceptable dans des conditions spécifiques: système bipartite et population des comtés assez
égale. Ces conditions ne prévalent plus actuellement, de sorte que ce mode de scrutin am?ne des inégalités
considérées comme inadmissibles entre le pourcentage de voix obtenu par un parti et le nombre de sièges qu’il
se voit attribuer.

Les résultats des trois dernières élections illustrent ce phénomène qui s’est fortement accentué avec l’apparition de nouveaux partis.

Divers autres systèmes peuvent être envisagés: – vote majoritaire à deux tours; – vote alternatif ou préférentiel (utilisé autrefois au Canada); – la représentation proportionnelle: – intégrale; – approchée: – attribution des sièges au plus fort reste;
– attribution des sièges restants à la plus forte moyenne; – quotient rectifié; – les systèmes mixtes: – à dominante majoritaire;
– à dominante proportionnelle.

Ces divers types de scrutin sont bien définis et ont fait l’objet de nombreuses études , de sorte
qu’on se bornera ici à passer en revue les principaux avantages et inconvénients de chaque approche.

2.1 – Le vote majoritaire

Le principal avantage de ce mode de scrutin est sa simplicité, du moins dans sa formule de base.

De plus, en raison des divisions géographiques du territoire que ce système requiert, et pourvu qu’elles soient
suffisamment nombreuses, il y a des liens assez étroits entre les électeurs et leur député.

Les inconvénients paraissent cependant supérieurs aux avantages: les dispersions entre pourcentage
de vote et représentation à l’Assemblée sont assez fortes. Ainsi ce mode de scrutin donne-t-il lieu à
des injustices plus ou moins importantes.

Le système majoritaire à deux tours qui corrige très peu les injustices inhérentes au premier tour et qui, quelquefois, peut les accentuer (phénomène identique à celui des élections partielles), est en plus la source de marchandages et tractations entre partis qui ne se font pas toujours pour le plus grand bien des électeurs.

2.2- La représentation proportionnelle

Ce mode de scrutin a pour principal avantage l’équité de la représentation, de sorte que l’Assemblée
est un reflet fidèle de la population dont tous les secteurs ont ainsi la possibilité de se faire entendre
démocratiquement. Les représentants étant élus sur une base géographique plus vaste que le comté (la région),
le choix des électeurs porte plus sur des idées que sur des hommes comme c’est le cas dans le scrutin majoritaire.

Cette dimension des circonscriptions électorales rend les irrégularités plus difficiles. Les marchandages
entre partis qui prévalaient dans les scrutins majoritaires à deux tours sont évités tout en préservant,
et même en améliorant, le principe de l’équilibre entre les votes et les députés élus.

Les inconvénients de cette formule sont cependant réels, car si elle permet à chacun de s’exprimer
et d’être représenté, elle entraîne la multiplicité des partis et des candidats indépendants. Ce mode de
scrutin favorise la fragmentation de l’opinion publique de sorte que la division des sièges entre de multiples
partis rend difficile la constitution de gouvernements majoritaires. Seules des directions pluralitaires soumises
à une opposition fragmentée, mais forte si elle s’unit, ont des chances d’émerger.

Les risques du système sont importants. Si un parti tente de former un gouvernement minoritaire,
il risque d’être constamment soumis au veto de l’opposition; si au contraire, une coalition gouvernementale
se forme entre plusieurs partis, ceux-ci doivent en général accepter de modifier leurs programmes de manière
à ce qu’ils soient acceptables pour toutes les parties concernées. Dans les deux cas, il est difficile de
prendre et de faire accepter par le pouvoir législatif des grandes décisions engageant l’avenir de l’État. Il est particulièrement malaisé d’effectuer une planification économique à moyen terme, car celle-ci implique souvent
des prises de position fondamentales quant aux objectifs économiques et sociaux du gouvernement.

Notons, enfin, que les tractations entre électeurs et candidats, qui peuvent exister dans le cas
d’un scrutin majoritaire, risquent d’être reportées à l’intérieur du parti. L’établissement de la liste des
candidats officiels fera souvent l’objet de pressions et tiraillements internes basés trop souvent sur l’anciennété,
l’obéissance passive aux directives du parti, le dévouement aux doctrines et activités partisanes, bien plus que sur la compétence, la largeur de vue et le sens civique des candidats-députés.

2.3 – Les systèmes électoraux mixtes

L’émergence des systèmes mixtes vise à palier les inconvénients de chacun des modes homogènes
de scrutin en procédant à une combinaison de deux formules qui compense leurs désavantages respectifs pour
faire ressortir les avantages.

2.4 – Choix du système le mieux adapté aux conditions du Québec

La recherche débouche rapidement sur un système mixte, puisqu’on a déjà constaté que les inconvénients inhérents au système majoritaire ou proportionnel utilisé isolément sont nettement supérieurs aux avantages qu’ils peuvent offrir. Les formules de systèmes mixtes sont cependant nombreuses, puisqu’on peut faire varier le nombre absolu de députés dans chaque mode, la proportion de l’Assemblée élue au majoritaire, le nombre de députés élus par circonscription, le jeu
de compensation entre les votes obtenus et chaque mode de scrutin, etc… Chacun des arrangements aura des
impacts différents sur les variables à optimiser.

Le système en vigueur dans la République Fédérale Allemande est une bonne illustration de
ce type de scrutin mixte. En prenant ce système comme base de référence, nous y apporterons divers aménagements.

Rappelons que dans ce système, la moitié (248) des députés au Bundestag est élue à la majorité
simple dans des circonscriptions (système actuel au Québec), tandis que l’autre moitié (248) est élue dans
chaque « Land » (province) d’après une liste et en proportion du vote obtenu par chaque parti. L’électeur, sur
un premier bulletin, choisit son candidat préféré puis, sur un deuxième, vote en faveur du parti de son choix.

Les sièges sont attribués de telle façon que chaque parti dispose, sièges de circonscription et sièges de « Land » étant additionnés, du nombre de députés qui lui reviendrait d’après une répartition proportionnelle
des votes des « Land au deuxième vote.

Ainsi, si le nombre de sièges obtenus par les députés d’un parti élu au scrutin majoritaire est égal
au nombre de sièges total auquel il a droit en fonction des résultats du deuxième vote, rien n’est changé. Si
les députés élus au vote majoritaire sont moins nombreux que la proportion du second vote (vote de parti) le permet,
des députés sont choisis sur la liste du parti jusqu’à concurrence d’une représentation proportionnelle
au vote populaire.

Si, par contre, un parti remporte, grâce au vote majoritaire dans les circonscriptions, un nombre de sièges supérieur à celui auquel il aurait droit en vertu de la représentation proportionnelle, il conserve ses élus, quitte à ce que le nombre total des sièges au  « Bundestag » soit augmenté d’autant.

Pour éviter la prolifération des petits partis, seules les formations politiques ayant obtenu au
moins 5% du vote proportionnel et qui ont remporté au moins un siège au scrutin majoritaire ont droit au recours
à la liste.

La liste des candidats est définie en fonction des résultats d’élections primaires semblables à celles qui existent aux États-Unis et ce, afin que l’ordre des candidats soit préparé démocratiquement et ne soit pas laissé au bon vouloir des partis.
Les avantages du système sont les suivants: l’intégration des deux systèmes permet de conserver
les principaux avantages de chacun d’eux tout en éliminant certains de leurs inconvénients;
l’électeur n’a plus à préférer « l’homme » au « parti » ou le « parti » à « l’homme », puisqu’il lui est permis
d’effectuer deux choix indépendants; l’élection de députés sur base régionale permet de
donner une signification et une application efficace de l’esprit régional; l’établissement d’une liste de candidats régionaux
(dont les premiers sont presque certains d’être élus) permet au parti d’avoir recours à des hommes de va leur qui, en raison de leur caractère, ne sont pas enclins à faire des campagnes électorales locales où les idées fondamentales sont souvent négligées au profit de problèmes locaux.

Cependant les désavantages du système sont les suivants: – le système n’est pas propice à l’élection de partis
ayant la majorité absolue surtout lorsque plus de deux partis sont en lice. Le pays doit donc être dirigé par
des coalitions gouvernementales ou par un gouvernement minoritaire.

– les calculs à effectuer pour établir les résultats finaux des élections sont longs et, dans l’esprit de certains électeurs, ces délais peuvent être assimilés à des « tractations » ou leur faire perdre de l’intérêt au processus électoral.

2.4.1. – Le système recommandé pour le Québec
Tenant compte de ces aspects positifs et négatifs, il y a lieu de proposer d’éventuels amendements
au système de manière à l’adapter au mieux aux exigences du Québec.

Dans les conditions socio-économiques actuelles, le premier inconvénient (difficulté de dégager
une majorité absolue) ne nous paraît pas admissible au Québec Il nous semble évident que si le gouvernement
en place se doit d’agir en tenant compte des avis de l’opposition, il ne doit pas pour autant être à sa merci. Le
mode de scrutin à instaurer doit donc favoriser la constitution de gouvernements majoritaires. Le système proposé
devrait aboutir à une probabilité acceptable qu’un parti soit porté au pouvoir lorsque l’électorat en a clairement
manifesté la volonté, tout en permettant l’élection d’une opposition suffisamment nombreuse.

Dans un pays où plusieurs partis briguent les suffrages et où les écarts entre le nombre d’électeurs
des différentes circonscriptions électorales sont réduits au minimum, il parait très peu probable qu’une formation politique puisse obtenir plus de 50% des votes exprimés. Le scrutin proportionnel est défavorable à l’élection d’un parti ayant la majorité absolue des sièges.

Le système mixte allemand ne parait pas plus satisfaisant de ce point de vue. Nous avons vu en
effet précédemment que la méthode de compensation qu’il utilise conduit à rétablir un rapport proportionnel
entre le nombre de sièges obtenus au scrutin majoritaire (dans les circonscriptions) et le nombre de voix recueillies
par chaque parti dans l’ensemble du territoire.

(A l’exception des cas où un parti remporte par le vote majoritaire un nombre de sièges supérieur à ce qui lui
est adjugé en vertu de la représentation proportionnelle: dans ce cas, la péréquation ne s’applique pas).

Il faudrait donc que contrairement au système allemand, le système mixte québécois n’adopte pas
le principe de compensation.

Une partie des députés serait élue au scrutin majoritaire et une autre partie au scrutin proportionnel.
Les deux phases (qui peuvent matériellement avoir lieu en une seule opération) seraient tout à fait indépendantes.
L’adoption d’un tel système permettrait de dégager plus facilement une majorité absolue.

Étant donné que la répartition du suffrage populaire entre les deux derniers partis d’un système
quadripartite influence les chances d’obtenir un gouvernement à majorité absolue des sièges, il est nécessaire
d’avancer certaines hypothèses quant à cette répartition. Cependant, le problème est simplifié par le fait que l’on
doit se situer entre deux extrêmes: 1) le parti le plus faible recueille un pourcentage du
suffrage peu important; le système quadripartite revient alors effectivement au cas tripartite; 2) les deux partis les plus faibles se partagent également le vote. C’est cette dernière hypothèse que nous avons retenue pour effectuer les calculs.

Les deux cas de figure étudiés ici sont: 1) une répartition égale entre les sièges (50% au majoritaire – 50% au proportionnel);
2) une répartition 2/3 – 1/3 entre le majoritaire et le proportionnel.

La possibilité d’avoir une majorité absolue apparaît lorsque le pourcentage des voix du premier
parti est supérieur ou égal à 40% et l’écart avec le second parti au moins égal à 5%.

Cependant, la possibilité de dégager une majorité absolue est plus forte dans le cas où la répartition est 2/3 – 1/3. Compte tenu des hypothèses que nous avons fait pour étendre la loi des cubes au système quadripartite,
il apparaît préférable de prendre la plus grande marge de sécurité possible.

Nous retiendrons donc le système 2/3 – 1/3. Cette proportion nous parait en outre préférable à une répartition
de 50/50 qui entraînerait soit un doublement du nombre des députés vu l’état actuel de la carte électorale,
soit un doublement de la superficie des comtés si le nombre des députés restait constant Il semble donc que
la bonne mesure soit à trouver entre ces deux extrêmes ce que permet la répartition 2/3 – 1/3.

Le principe du système de scrutin mixte sans compensation étant posé, il s’ensuit que l’électeur
disposera de deux bulletins de vote. Le premier sur lequel figureront les noms des candidats se présentant
dans la circonscription et qui seront élus suivant le type du vote majoritaire. Sur un second bulletin figureront
uniquement les noms des partis qui ont déposé une liste de candidats.

L’électeur vote pour un homme sur le premier bulletin et pour un parti sur le second bulletin. Il aura eu connaissance des noms des candidats choisis par chaque parti par la publicité que ceux-ci auront faite durant la campagne. Les listes pourraient d’ailleurs être affichées dans les bureaux de scrutin afin que tous les électeurs soient bien informés.

Avant d’étudier l’affectation géographique des députés élus du scrutin proportionnel, il faudrait
expliquer brièvement la méthode du choix de ces candidats et du rang auquel ils figureront dans la liste de leur
parti respectif. Le système des primaires (candidature à la candidature) est le plus démocratique en théorie,
mais il présente plusieurs inconvénients, tels le coût, les longs délais et l’impression donnée aux citoyens d’être
toujours en campagne politique. La méthode des primaires est de plus impossible à appliquer dans le régime actuel où le premier ministre peut déclencher des élections à n’importe quel moment.

Nous favorisons plutôt le système de grandes conventions à l’intérieur de chaque parti où les candidats
seraient choisis démocratiquement au cours d’assemblées régionales.

En cas de décès d’un député de circonscription, son remplaçant sera élu lors d’élections partielles
comme cela s’effectue actuellement. Le remplaçant d’un député élu au vote proportionnel sera le candidat
qui figurait à la suite de l’élu sur la liste déposée par le parti du décédé (ou du démissionnaire) lors de la

dernière élection générale.

Affectation géographique des députés élus au scrutin proportionnel

Après avoir établi qu’un mode de scrutin mixte dans lequel 2/3 des députés sont élus au vote majoritaire
et 1/3 au scrutin proportionnel, constitue la formule qui satisfait le mieux aux exigences posées com
me contraintes, il reste à déterminer l’affectation géographique des députés élus au scrutin proportionnel.

Plusieurs formules peuvent être envisagées dont les deux extrêmes sont les suivants: chaque
parti dépose une liste globale comptant autant de candidats qu’il y a de postes disponibles au proportionnel dans l’ensemble du Québec. Lorsque les résultats du scrutin sont connus, chaque parti obtient un nombre de députés proportionnel au pourcentage du vote qu’il a reçu de l’ensemble des électeurs. Les députés élus sont nécessairement choisis dans l’ordre dans lequel ils figuraient sur la liste déposée par le parti avant les élections.
L’autre possibilité est le dépôt de listes régionales sur lesquelles le choix s’effectue en fonction des résultats
du vote partisan dans la région.

Quels sont les avantages et inconvénients de chacun de ces systèmes ?

L’élection des députés élus au scrutin proportionnel à partir d’une liste québécoise a pour principal avantage de faciliter les calculs visant a déterminer le nom des élus. Cela permet en outre aux députés choisis par ce système de se détacher plus facilement de tous les problèmes et sollicitations venant de leurs électeurs spécifiques Ils peuvent donc se consacrer à
des questions d’envergure générale et proposer des politiques à long terme bénéfiques à l’ensemble du Québec
même si elles doivent, à court terme, léser éventuellement certaines de ses circonscriptions ou régions. Toutefois, cette approche comporte aussi des inconvénients. Parmi ceux-ci, il faut mentionner le risque de voir la
plupart de ces députés provenir des grands centres urbains (plus particulièrement Montréal et Québec) et avoir tendance même inconsciemment à préconiser des politiques favorisant trop les villes au détriment des régions rurales. Dans ces conditions, même si la carte électorale assure à ces régions rurales une représentation
valable dans le groupe des députés élus au scrutin majoritaire, le système risque d’être déséquilibré par
l’action des représentants élus au scrutin proportionnel.

Le dépôt de listes régionales pallie ces inconvénients puisque chaque région est représentée par
un nombre de députés proportionnel à sa population. Elles ont donc des représentants qui défendent les intérêts
de la région à l’Assemblée Nationale et qui, sans être préoccupés par des questions trop locales, se soucient
du bien-être des habitants et électeurs qu’ils représentent. La prédominance des zones métropolitaines est ainsi atténuée et les politiques générales sont mieux coordonnées aux politiques régionales Il y aurait ainsi
un parallèle entre la volonté de décentraliser l’administration et de déconcentrer le pouvoir d’une part, et
la représentation politique d’autre part, surtout si les limites des régions électorales correspondent à celles
des régions administratives déjà établies. Ce système favoriserait la prise de conscience régionale et permettrait
une coordination entre le travail des députés régionaux et des représentants des circonscriptions comprises
dans leur région.

En raison de leur peuplement assez faible, de nombreuses régions éliront au proportionnel un nombre de députés (1 ou 2) inférieur au nombre de partis qui seront en compétition Il se peut que des différences soient constatées entre le nombre de députés élus par parti si on effectue le calcul sur la base du vote régional ou sur la base du vote national.

En ce qui concerne le scrutin proportionnel, il nous faut donc concilier deux impératifs: – réduire l’écart entre le nombre de
voix et le nombre de sièges; – et équilibrer la représentation des différentes régions.

Si on s’en tenait à une représentation proportionnelle stricte sur une base régionale, plus de 70% des députés régionaux proviendraient des deux régions de Québec et de Montréal, dont plus de 50% pour cette dernière.

De plus, dans ces deux régions, le poids des zones métropolitaines est tel que la plupart des députés, dits régionaux, seraient redevables des électeurs urbains.

On peut décomposer la région de Montréal en trois sous-groupes: Montréal -Métropolitain; Montréal-Nord, comprenant les sous-régions administratives de Joliette et de Terrebonne; Montréal-Sud, comprenant les sous-régions de Granby, de St-Jean, de Beauharnois, de St-Hyacinthe et de Richelieu.

Le nombre d’électeurs se répartit approximativement de la manière suivante: – Montréal-Métropolitain 1,200,000 65%
– Montréal-Nord 280,000 15%, – Montréal-Sud 380,000 20%, 1,860,000 100%.Pour la région de Québec, la répartition
entre la ville de Québec et ses environs, et le reste de la région, est de 50/50.

Le poids des deux seules villes de Montréal et de Québec est donc de: Montréal: 1,864,000 x 65 1,200,000,
Québec: 612,000x 50 300,000 TOTAL 1,500,000 soit 43% du corps électoral de l’ensemble du Québec.

Si l’on vent profiter de l’adoption du scrutin proportionnel pour promouvoir un nouveau type de députés,
soucieux du développement et de l’aménagement d’une région, il convient d’effectuer une certaine pondération
à la répartition proportionnelle. Au niveau global, cette pondération ne sera pas préjudiciable à une
bonne adéquation entre le nombre de sièges et le nombre de voix dans la mesure où le scrutin majoritaire, grâce à une refonte de la carte électorale, aura permis de réduire les plus fortes inégalités.

Nous proposons donc d’adopter pour le scrutin proportionnel des bases régionales d’éligibilité
différentielles permettant non seulement d’harmoniser la représentation des régions entre elles, mais également
d’atténuer le poids des deux principaux centres urbains.

Afin de mettre l’accent sur les priorités régionales, sans toutefois compromettre le bénéfice du
scrutin proportionnel, une répartition proportionnelle pondérée du type de celle que nous avons calculée, nous
semble préférable à une répartition proportionnelle pure.
Modalités d’application:

Chaque parti ayant présenté des candidats pour fins de scrutin majoritaire dans au moins 20% des
circonscriptions du Québec, peut déposer des listes régionales comprenant autant de noms que de sièges « proportionnels »
disponibles. Les candidats qui se présentent au scrutin majoritaire dans les circonscriptions ne peuvent pas toutefois être inscrits sur ces listes. Pour faire élire on député au vote proportionnel dans la province, un parti doit avoir soit:

a) déjà un député élu dans une circonscription et obtenir plus de 2% des votes valides au scrutin proportionnel
et ce pour l’ensemble du Québec, soit

b) obtenir plus de 4% des votes valides au scrutin proportionnel et ce pour l’ensemble du Québec.

Si un parti ne remplit pas l’une de ces deux conditions, il n’a droit à aucun député « proportionnel.

– LE NOMBRE DE DÉPUTÉS
Dans tout le débat relatif à la révision de la loi électorale, peu d’attention a été apportée jusqu’ici
au nombre souhaitable de députés. Cependant, pour réaliser l’objectif de fonctionnement de la démocratie, cet
élément doit aussi être optimisé Il ne peut l’être qu’en procédant à une analyse poussée de la fonction de député
et, sur la base de cette étude, à déterminer d’une part le nombre minimum de circonscriptions électorales et
ensuite le nombre minimum de députés. Ces deux nombres ne sont pas nécessairement égaux, car l’un est
déterminé par les relations du député avec ses électeurs et l’autre par la participation du représentant du peuple aux travaux de l’Assemblée Nationale. Puisque nous avons proposé qu’un tiers des députés soit élu sans attache directe
à un comté, il n’y a pas d’inconvénient pratique à une telle inégalité entre le nombre de circonscriptions
et le nombre de députés.

3.1- La fonction de député

Un système parlementaire moderne accorde normalement trois fonctions principales au député:

a) fonction législative;
b) fonction de contrôle de l’action du gouvernement et, en particulier, la ratification du budget;
c) fonction de représentation d’une collectivité de ses électeurs d’un groupe géographique ou d’une entité sociologique
– de son parti.

En milieu rural, où l’action de l’État est plus globale et par conséquent mieux ressentie par les
citoyens qu’en milieu urbain, le député se voit imposer  un rôle particulier: il est constamment appelé à servir
de lien entre ses électeurs et l’administration gouvernementale.

Voyons successivement les activités inhérentes et chacune de ces fonctions.

3.1.1, – Fonction législative
Le fonctionnement de la démocratie par voie indirecte, exige l’élection de représentants du peuple qui, à sa place, légifèrent et contrôlent les actions du gouvernement. La fonction législative qui est fondamentale et constitue théoriquement la justification et l’activité principale des députés est, au Québec comme ailleurs, sans cesse diminuée par une concentration croissante des initiatives et des pouvoirs entre les mains de l’exécutif, que ce soit au niveau du Québec ou au niveau
régional (communautés urbaines).

Le gouvernement étant doté de services de recherche nombreux et bien documentés dans tous les
domaines de la législation, il possède en pratique le monopole de l’information administrative et tend à devenir l’unique promoteur des lois qu’il soumet ensuite pour approbation à l’Assemblée. La faiblesse des moyens que
les députés – et plus particulièrement ceux de l’opposition – ont à leur disposition pour effectuer des recherches
sur les sujets sur lesquels ils doivent légiférer ne permet pas toujours aux représentants de la population d’exprimer
leur vote en connaissant tous les aspects de la loi discutée. Plus le sujet est technique, moins forte est la connaissance de la majorité des députés.

Pour concilier l’objectif d’efficacité qui tend à donner l’initiative des projets de lois au gouvernement
et de démocratie qui veut que les représentants se prononcent avec une connaissance suffisante du sujet traité, il semble que les travaux en commission soient la meilleure formule. Chaque commission parlementaire est spécialisée
dans l’étude de matières bien définies et composée de représentants des différents partis politiques.

En vue d’obtenir un travail efficace au sein de ces commissions, il est nécessaire de leur fournir des
moyens de documentation et d’analyse adéquats et, pour ce faire, doter les partis politiques d’équipes de recherchistes qui préparent le travail suivant les orientations du parti. Dans ces conditions, un travail démocratique
et documenté pourra se faire en commission, avant que le débat ne soit porté devant l’Assemblée Nationale.

Comme il devrait y avoir au moins autant de commissions qu’il y a de ministères, plus certaines
autres consacrées à des sujets tels que la planification et le contrôle, nous en supposons le nombre à environ
25. En système quadripartite, il serait difficile d’avoir moins de 10 à 20 députés par commission selon les circonstances,
étant donné qu’il est souhaitable qu’un député ne fasse pas partie de trop de commissions, nous arrivons
à un nombre total de députés variant de 100 à  125 pour respecter ces critères.

3.1.2. – Contrôle de l’exécutif

Cette fonction de contrôle de l’action administrative s’exerce essentiellement par deux moyens:
– l’étude et le vote des législations à incidence administrative proposées par l’exécutif;

– le vote du budget.

La première partie de ce rôle a de nombreux aspects communs avec la fonction législative puisqu’il
s’agit surtout de proposer d’éventuels amendements aux lois déposées par les ministres et d’exprimer ensuite
par un vote l’appui ou l’opposition aux projets de lois soumis à la ratification de l’Assemblée Nationale.

Quant à l’étude du budget, elle nécessite pour toute personne qui veut la mener à fond, un certain
nombre de renseignements, d’analyses et de calculs.

Certes les parlementaires peuvent difficilement proposer des amendements à la loi des finances, mais la qualité de leurs critiques est souvent proportionnel à la valeur des recherches qu’ils peuvent mener sur ce sujet.

il convient de mentionner ici que pour les  deux premiers rôles que nous venons d’étudier, la qualité
et la compétence des parlementaires (qu’ils soient ministériels ou de l’opposition) sont aussi importantes
sinon plus que leur nombre. On peut supposer que le niveau des débats s’élèverait considérablement si l’opposition,
notamment, avait les moyens de faire en plus d’une critique d’orientation politique, une analyse technique
des projets et actions gouvernementales sans devoir se contenter, comme trop souvent, d’arguments
fondés sur l’intuition ou quelques recherches rapides.

Faute de pouvoir s’exprimer de manière positive et durable à l’intérieur du système démocratique, l’opposition
glissera à d’autres niveaux et se fera par d’autres moyens dont on peut, pour le moins, douter du caractère démocratique.

3.1.3 – Représentant d’une collectivité

Les deux premiers rôles du parlementaire sont formels et l’ensemble de la population peut assez
aisément juger des qualités des parlementaires dans l’exercice de ces fonctions.

Lorsque le député agit en tant que représentant de ses électeurs, de groupes sociologiques ou d’un parti, son efficacité peut être évaluée surtout par ses mandats. Parmi ceux-ci, les principaux sont naturellement les électeurs de sa circonscription. Pour qu’un député puisse garder un contact assez étroit avec ses commettants, il est nécessaire que le territoire couvert
par sa circonscription ne soit pas trop étendu et que le nombre d’électeurs ne soit pas trop élevé.

S’il veut être un reflet assez fidèle des opinions de ses électeurs, les députés doivent être élus
dans des circonscriptions électorales homogènes. Or, pour satisfaire ce critère d’homogénéité, le nombre de
députés doit être assez élevé afin de tenir compte des disparités linguistiques, économiques et sociologiques
qui caractérisent la population. Lorsque l’on respecte la nécessité d’avoir des circonscriptions géographiquement
et sociologiquement homogènes, même en milieu urbain, on aboutit rapidement à un nombre de circonscriptions
dépassant la centaine.

3.1.4. – Rôle de protecteur et de défenseur des citoyens
Ce rôle s’exerce surtout en dehors des grands centres urbains, car dans les villes, la population
peut exercer son action politique par le canal des corps intermédiaires (syndicats, chambres de commerce, etc.),
et des gouvernements municipaux ou régionaux (communauté urbaine), auxquels de nombreux pouvoirs ont d’ailleurs
été délégués par le législateur (par exemple à Montréal).

S’il constitue en fait le représentant de la population dans les actions législatives, le député est
également perçu par plusieurs comme le lien naturel entre la population et la machine administrative. On peut
concevoir que les parlementaires, en tant qu’informateurs privilégiés du gouvernement, cherchent à défendre
les intérêts des collectivités qu’ils représentent, que ce soient leurs électeurs, des groupes de pression ou
leur parti, et, qu’à ce titre, ils tentent de promouvoir des intérêts communs mais, en aucun cas, il ne devraient
être les défenseurs d’intérêts injustifiés. En tant que représentants de la population, ils doivent refléter les aspirations de celle-ci lors des votes et susciter les législations et politiques gouvernementales qui correspondent
aux options de leurs commettants. A cet égard, leur nombre peut être optimisé par la même approche
que celle envisagée en 3.1.3.

3,2 – Le nombre de circonscriptions électorales

Partant de l’hypothèse que 2/3 des députés sont élus au scrutin majoritaire dans des circonscriptions et 1/3 est élu sur base de scrutin proportionnel, on devra limiter le nombre de circonscriptions à un minimum
acceptable si l’on ne veut pas obtenir un nombre total de députés beaucoup trop élevé.

Le nombre de circonscriptions dépend en partie de la nécessité des contacts directs que le député doit avoir avec ses électeurs. Les éléments principaux à prendre en compte sont donc la superficie de la
circonscription, sa population et l’homogénéité de celle-ci. En fonction de ces paramètres, et nous référant au
nombre actuel de comtés qu’il ne nous parait pas sage de diminuer, nous recommandons que le Québec soit découpé
à l’avenir en 120 circonscriptions électorales. Avec ce nombre, puisque le corps électoral s’élevait à
3, 500,000 personnes en 1970, il y aurait environ 30,000 électeurs en moyenne par circonscription.

3.3 – Le nombre de députés

Nous avons posé plus haut que 120 circonscriptions électorales est le nombre optimum à considérer dans le futur découpage de la carte électorale pour les députés élus au scrutin majoritaire.

D’autre part, nous avons démontré auparavant que le mode de scrutin à retenir dans les circonstances
actuelles implique la nomination de 2/3 des députés par vote majoritaire et 1/3 sur base proportionnelle.

La combinaison de ces deux approches aboutirait à la constitution d’une Assemblée de 180 députés:
120 élus dans des circonscriptions et 60 sur liste régionale. Ce nombre total est acceptable non seulement
du point de vue travail en commissions, mais en outre il permet aux partis d’avoir un nombre suffisant de députés de liste pour bien représenter les différentes régions du Québec.

IV – LA CARTE ELECTORALE
Quel que soit le mode de scrutin retenu, la refonte de la carte électorale est une condition de base
pour un bon fonctionnement de la démocratie au Québec. Tous les partis se sont d’ailleurs prononcés en faveur
de ce changement depuis avril 1970.

Un premier pas a été accompli par la suppression des comtés protégés, ce qui enlève toute contrainte
légale aux travaux futurs dans ce domaine. Toutefois, certains éléments, tels que la nature différente
du travail du député rural par rapport à un représentant élu en ville, devront être retenus.

Le découpage du territoire en circonscriptions peut favoriser certains partis suivant les tracés
retenus. La pratique est d’ailleurs consacrée par une appellation désormais classique, mais peu française,
le « gerrymandering ». Afin d’éviter toute tentation semblable, il apparaît nettement préférable que ce travail
soit confié à un comité d’experts formé de politicologues, de sociologues, de géographes, et d’autres spécialistes
en ce domaine Il nous semble également nécessaire et utile d’y faire participer les représentants des différents
partis politiques afin que ceux-ci puissent apporter aux recherches du comité le fruit de leur expérience ainsi
que la pensée de leur groupe. De toute façon, les conclusions devront être présentées à l’Assemblée Nationale pour fins de ratification.

Dans le but d’éviter autant que possible que d’autres élections aient lieu sur base de la carte actuelle,
il est nécessaire de fixer à ce comité un délai raisonnable mais assez court: un an au maximum.

Les hypothèses fondamentales du travail du comité devraient être les suivantes:
a) le territoire du Québec doit être découpé en 120 circonscriptions électorales;
b) le découpage doit constituer dans la mesure du possible des entités sociologiques homogènes tant du point
de vue géographique, qu’économique, linguistique, culturel et social;
c) la population moyenne de chaque circonscription sera d’1/120 de la population du Québec;
d) en aucun cas une circonscription ne pourra compter plus ou moins de 25% de cette population moyenne;
e) dans les régions rurales, le découpage devra tenir compte des facilités de transport jusqu’à la ville la
plus importante qui serait l’éventuel chef-lieu de circonscription;
f) quoique le souci d’homogénéité doit être constamment pris en compte, il ne pourrait être l’excuse à un découpage
« en dentelle » des limites d’une région. Il faut veiller à constituer des blocs spatiaux;
g) les écarts par rapport aux limites inférieures et supérieures seront tels, dans chaque circonscription, qu’étant donné la croissance démographique prévisible, il soit peu probable que les limites soient dépassées
dans les 5 années à venir;
h) une circonscription ne devrait pas chevaucher sur deux régions administratives afin que chaque circonscription
puisse s’identifier à une région;
i) les régions ou s’effectuera le dépôt des listes des partis et l’élection de députés élus au scrutin proportionnel
devront être déterminées;
j) les moyennes retenues pour l’élection des candidats dans les régions devront être calculées en fonction du
nombre de députés ‘régionaux accordé a chaque région.

V – LE FINANCEMENT DES PARTIS
Il convient de faire une distinction entre l’activité des partis politiques en période électorale et
l’action qu’ils mènent de façon courante: les dépenses engagées ne sont pas identiques dans chacun des cas.
Alors qu’au moment des élections, les sommes dépensées sont considérables, elles se maintiennent à un niveau beau
coup plus bas en période parlementaire. L’on distinguera, dans l’analyse, ces deux aspects, en raison de leurs
particularités.

5.1 – Les besoins financiers des partis
5.1.1. – En période électorale

Durant la période électorale, les besoins financiers des partis sont très élevés en raison des frais d’organisation et de publicité importants qui sont consentis. Les techniques publicitaires et les moyens de communication
les plus modernes et les plus efficaces sont utilisés en vue de convaincre les électeurs.

La télévision, la radio, les journaux et revues, les tracts, les affiches et panneaux publicitaires
de toutes dimensions sont utilisés en plus des contacts directs avec la population lors d’assemblées et autres
réunions publiques.

Quelles que soient les ressources financières actuelles des partis, tous ont recours selon leurs moyens aux divers média énoncés ci-dessus. La forte demande simultanée et concentrée sur une courte période est à la fois cause et effet de la surenchère et de la multiplication des messages publicitaires.

Vu le coût élevé d’utilisation de ces moyens de communication, plus de 70% du budget des partis est,
en période électorale, consacré aux dépenses de publicité. Notons qu’aux sommes payées par les partis
pour la publicité, il faut ajouter les dépenses de publicité des candidats-députés qui représentent 40% de leurs
dépenses.

Au total, durant une campagne électorale, le coût de la publicité (candidats et partis) représente la moitié des dépenses:

5.1.2 – En période parlementaire

Entre les périodes électorales, les partis maintiennent des services administratifs, organisent des
réunions périodiques de leurs membres et, le cas échéant, des congrès de nomination de leur chef.

A l’exception de ces congrès assez coûteux – trop peut-être – les dépenses courantes sont assez faibles comparativement aux sommes engagées en période électorale. Les besoins financiers sont donc réduits si on considère que les frais inhérents aux services des parlementaires (recherche) sont, ou du moins devraient être, à charge de l’État.

5.2 – Les ressources financières des partis

Après avoir examiné les besoins financiers des partis, nous pouvons étudier maintenant quelles sont
leurs sources de financement, analyser les avantages et inconvénients du système, pour finalement proposer une
méthode de financement qui tienne compte des critiques formulées à l’égard des pratiques en cours.

La distinction entre périodes électorale et parlementaire est opportune en ce qui concerne les besoins, elle ne parait plus être le meilleure approche quand on étudie les origines des ressources financières des partis. En ce qui a trait au financement des dépenses, il parait préférable d’étudier les pratiques actuelles avant d’envisager les changements à apporter.

5.2.1. – Le système actuel de financement

Les fonds dont disposent les partis politiques proviennent de trois sources: l’État, les cotisations
des membres et les contributions reçues des compagnies, des corporations et des syndicats, ainsi que des particuliers
autres que les adhérents du parti.

La législation fixe un montant maximum de dépenses qui ne peut être dépassé par les partis et les candidats durant la période électorale et, en outre, prévoit le remboursement par l’État à certains candidats
d’une partie de leurs dépenses électorales. Il s’ensuit que seuls les partis et candidats reconnus sont autorisés
à effectuer des dépenses au cours de la période électorale.

Les partis reconnus sont, selon la loi électorale actuelle, « le parti du premier ministre ou du chef
de l’opposition officielle, et un parti qui, aux dernières élections générales, avait 10 candidats officiels ou qui,
aux élections générales en cours, est admis à désigner un agent officiel suivant l’article 375 ».

L’article 375 stipule que la nomination d’agents officiels n’est acceptée que si le parti avait au moins 10 candidats officiels aux dernières élections générales (condition précédente) ou s’il démontre qu’il aura ce nombre aux élections qui sont en cours. Cet article 375 peut donc être interprété très largement.

Les candidats qui, légalement, ont droit au remboursement partiel de leurs dépenses sont: – « le député qui se représente, quel que soit le suffrage obtenu; – le candidat du parti reconnu qui était arrivé premier ou deuxième lors des dernières élections générales, quel que soit le suffrage obtenu; le barème actuel de remboursement est de: 100% des premiers $0.15 par électeur
20% des $0.25 suivants par électeur 100% du reste jusqu’au maximum autorisé.

– le candidat qui obtient au moins 20% des votes exprimés.
 »

Cette contribution de l’État aux finances des partis est très limitée puisqu’elle concerne uniquement
les dépenses engagées par des candidats en période électorale. En d’autre temps, tous les déboursés effectués
par les partis quel qu’en soit l’objet, sont à leur charge. L’État fixe, en ce qui concerne les dépenses
électorales, un plafond que les partis ne peuvent dépasser.

Les dépenses des candidats non remboursées par l’État et celles des partis sont financées par
deux sources: les cotisations des membres et les contributions volontaires. Si les cotisations ne posent, en
soi, aucun problème particulier, il n’en va pas de même des dons plus ou moins généreux que des particuliers,
des compagnies ou des syndicats font aux partis surtout en période électorale.

Ces contributions sont souvent effectuées avec l’espoir que le parti receveur, surtout s’il parvient
au pouvoir, se souviendra de l’aide qui lui a été fournie pour y arriver. Cette pratique place les hommes politiques
dans une situation difficile dont ils souhaitent se libérer. L’opinion publique les soutient dans leurs efforts,
mais pour abolir ce système, il faut lui en substituer un autre qui satisfasse tous les partis reconnus, ainsi que l’ensemble des électeurs.

Dans les paragraphes suivants, nous proposerons une nouvelle organisation du financement des
formations politiques qui tienne compte des souhaits exprimés par les partis en cause.

5.2.2 – système proposé de financement des dépenses des partis et des candidats

Il est peut-être exagéré de parler de « financement » comme tel des partis, car certains systèmes
et principes peuvent être retenus, qui permettront aux partis d’obtenir des services (publicité), qu’ils paient
actuellement, sans devoir engager de dépenses. Suivant le type de service en cause, les solutions envisagées peuvent varier.
Certains principes de base doivent toute fois être établis avant de passer à l’étude des modalités
d’applications détaillées.

Un certain nombre de principes fondamentaux doivent être posés par tous les partis et pour tous
les candidats Ils ont trait à la réglementation de la concurrence partisane, à la nature et au montant des dépenses
payées par l’État, aux mesures à prendre pour limiter les « tentations » chez certains hommes politiques et
électeurs et contrôler le respect de ces principes par les particuliers, les compagnies et les partis.

5.2.2.1- Financement des partis en période électorale

a) Tous les partis reconnus doivent être égaux devant la loi en ce qui concerne le remboursement des dépenses
électorales et l’accessibilité aux média d’information.

b) Tous les partis reconnus ou non reconnus qui présentent des candidats à une élection doivent limiter leurs
dépenses électorales aux montants plafonds fixés par la loi.

c) L’État financera jusqu’à concurrence de 100% du plafond les dépenses des partis politiques reconnus. Ce
plafond devra tenir compte du coût du scrutin proportionnel qui sera à la charge des partis,

d) Par parti reconnu, on entend le parti qui a présenté un candidat dans au moins 20% des circonscriptions
électorales et qui a obtenu plus de 5% du vote au scrutin proportionnel à l’élection précédente. Pour les
nouveaux partis, ils deviendront reconnus et admissibles rétroactivement aux subventions prévues par
la loi s’ils ont présenté un candidat dans au moins 20% des circonscriptions et s’ils obtiennent 5% du
vote au scrutin proportionnel lors de leur première élection. Ce système permet de limiter le nombre
de partis qui seront subventionnés par l’État et de soutenir uniquement les formations qui ont une emprise
québécoise ou régionale suffisante. Sans favoriser la multiplication de petits partis, ce système
laisse une ouverture aux formations politiques nouvelles ayant rallié des candidats et des votes dans un
assez grand nombre de circonscriptions. En outre, il permet de limiter le budget que l’État peut consacrer
au financement des partis, en mettant une entrave à la multiplication des partis marginaux ou
farfelus.

Par contre, tous les partis jouissant d’un appui populaire substantiel sont mis sur un pied d’égalité en ce qui a trait au remboursement de leurs dépenses électorales Il y a également des chances au départ pour toutes les formations politiques ayant un support sérieux de la population,

e) Information et publicité:

L’État doit favoriser la diffusion par les partis d’informations objectives et de programmes clairs.

Le choix entre les partis est souvent difficile pour les électeurs en raison du manque de clarté des programmes
et de la prédominance des déclarations subjectives ou peu claires sur les informations positives et
aisément compréhensibles.

Pour remédier à cette lacune, l’État devrait prendre en charge la publication et la large diffusion, en fin de
période électorale, du programme de chaque parti présentant des candidats. Le document devrait être
diffusé sur l’ensemble du territoire et contenir, dans une présentation standardisée, les objectifs de chaque
parti, les moyens qu’il entend mettre en œuvre pour les atteindre, ainsi que les noms de candidats de circonscription
et de liste qu’il propose pour réaliser ses politiques.

Par la présentation uniforme de ces programmes qui aura été préalablement soumise au Président général
des élections qui jugera du respect des normes légales de présentation, les électeurs pourront comparer plus aisément les divergences partisanes et effectuer leur choix en pleine connaissance de cause.

La loi instituant cette publicité standardisée devrait se préoccuper aussi de réglementer les autres formes
de publicité électorale, tant au niveau de leur contenu que des règles, de l’affectation et de la distribution
des tracts et autres pamphlets.

Ayant admis que l’État doit participer au financement et à la fourniture des moyens publicitaires aux partis
satisfaisant à certaines conditions et que ces partis doivent être égaux devant la loi, nous sommes en
mesure d’analyser les divers systèmes qui permettront d’atteindre ces objectifs.

L’État peut, soit accorder aux partis un montant maximum de subvention qu’ils utilisent suivant leur entière
initiative, soit exiger des média d’information (télévision, radio, hebdomadaires, quotidiens) qu’ils mettent
du temps ou de l’espace à la disposition des partis, gratuitement ou moyennant rémunération à partir
des fonds publics.

Le principe de la réquisition ne peut être retenu dans un pays où la liberté a toujours été large tant au niveau
individuel que dans la vie économique Il créerait un précédent dangereux qui pourrait inciter le
gouvernement à recourir régulièrement à cette formule et ce dans divers domaines. Les média d’information devront donc être rémunérés pour les services qu’ils rendront aux partis.

Afin de laisser à chaque formation l’initiative la plus complète dans l’organisation et la conception de sa publicité, il est préférable qu’ils prennent eux-mêmes les arrangements nécessaires avec les journaux et stations émettrices. Les factures seront toutefois payées directement par les soins du Président général des élections afin de veiller à ce que des « prix de faveur » ne soient pas consentis à certains. Les montants payés sont débités au compte des partis
jusqu’à concurrence du montant de subvention qui leur sera accordé par l’État.
Ce système sera appliqué pour la publicité réalisée à la télévision, à la radio, dans les journaux et revues,
les impressions d’affiches et locations de panneaux d’affichage et, en général, pour toutes les formes de
publicité dont le coût du contrat est important.

Les factures reçues pour les autres dépenses pourraient être réglées selon le même principe. Un tel
système permettrait au Président général des élections un contrôle plus facile et plus juste de l’ensemble
des dépenses électorales.

De plus, le Président général des élections devra rassembler tous les documents et preuves permettant de vérifier le respect du plafond de dépenses par chacun des partis et de leurs candidats. Le Président fera un rapport public au parlement sur les résultats de ses recherches et prendra l’initiative d’éventuelles actions en justice à l’égard des contrevenants,
que ce soient des partis, ou des particuliers ou compagnies ayant transgressé la loi (dépenses non autorisées,
etc…)

5.2.2.2 – Le financement des partis en période normale Quoique les dépenses électorales constituent
la part prépondérante des sorties financières des partis, il serait regrettable que ceux-ci ne fassent preuve
de dynamisme qu’à l’occasion d’une élection. Le bon fonctionnement de la démocratie exige davantage un travail continu et approfondi des partis durant une législature que le lancement d’opérations publicitaires coûteuses
à intervalle de quatre ans.

Pour ce faire et pour mettre tous les partis dans une même situation financière, nous recommandons
l’octroi par le gouvernement d’une subvention forfaitaire annuelle de $100,000. à chaque parti reconnu,
lui permettant de faire face à certains frais, tels que la tenue de congrès et de colloques, la publication d’un journal,
le fonctionnement d’un secrétariat permanent, etc..

Cette somme ne constitue pas un plafond de dépenses autorisées. L’instauration d’un tel système
exigerait, en effet, un contrôle continu, « tatillon », très lourd et d’une efficacité douteuse, qui représenterait
en outre une atteinte aux libertés politiques.

Les solutions proposées pour le financement des partis, tant en période électorale qu’en période
normale, visent à édifier un système dans lequel les partis sont très peu dépendants des contributions financières
privées.

Si en période normale ces financements privés peuvent aider l’existence et le travail des partis,
elles ne doivent en aucun cas fausser le jeu politique en période électorale. Par ailleurs, l’octroi de subvention
par l’État, sur base égalitaire, permet à tous les partis d’avoir des ressources financières presque égales et de limiter une concurrence publicitaire effrénée. Enfin, le système proposé tend à répartir plus équitablement
dans le temps le travail des partis politiques.

5.2.2,3 – Financement des candidats en période électorale

a) L’État fixera un plafond de dépenses autorisées pour chaque candidat de circonscription.

b) Dans la limite du plafond autorisé, l’État financera 100% les dépenses effectives de tous les candidats qui
auront obtenu 10% du vote dans leur circonscription.

c) Les sommes versées par les candidats à titre de dépôts ne sont pas considérées comme dépenses électorales et seront à charge des candidats.
d) La comptabilité des candidats de circonscription indépendants ou non sera tenue par leur agent électoral.
Seuls les agents électoraux ont le droit d’engager des dépenses en période électorale. La loi devra définir
précisément ce qui est considéré comme dépense électorale et prévoir des pouvoirs d’enquête.

e) Le remboursement des dépenses des candidats se fera directement par le Président général des élections,
ou son représentant local, auprès des fournisseurs de biens ou de services, sur présentation de pièces justificatives.

f) La loi devrait être également très explicite au sujet des citoyens qui sollicitent ou acceptent de monnayer leur vote.

5.2.2.4 – Financement des activités du député en période parlementaire

Nous nous bornerons ici à faire une simple remarque d’ordre général.

il faut, d’une part, donner aux députés les moyens de remplir avec le plus d’efficacité possible les
différentes fonctions qui sont les leurs (secrétariat et éventuellement recherchistes) et, d’autre part, ne pas
décourager par un traitement insuffisant d’éventuels candidats de valeur.

5.2.3 – Incidence financière du système proposé
Nous prendrons comme base de référence les chiffres des élections de 1970 et nous raisonnerons
sur une période de quatre ans (durée d’une législature).

Dans le système actuel, l’incidence financière de la « vie politique » sur le budget de l’État peut
être schématiquement résumée dans le tableau ci-dessous:
Dans le système que nous préconisons, en raisonnant toujours pour 1970, l’incidence financière serait
la suivante:

a) Durant la campagne électorale de 1970, les partis avaient un plafond total de dépenses autorisées de
3,465,057.00 Ils ont dépensé effectivement 1,963, 501.04; montant qui leur serait remboursé
à 100% selon le système proposé;

b) Les dépenses remboursées aux candidats ont été de 2,426,054,96 sur un total de dépenses effectives de
4,402,173.94. C’est le dernier chiffre qu’il convient de retenir et non la totalité des dépenses permises
(7,457, 131.70). Cependant, puisque nous préconisons 120 députés au scrutin majoritaire au lieu de 108,
les dépenses effectives des candidats que l’État devrait rembourser à 100% se montraient à:
4,402, 173.94 x 120 : 4,891,303.20

c) Les partis recevraient, en période normale, une subvention annuelle de $100,000.00, soit pour quatre partis
et sur 4 ans: 1,600,000.00.

(1) Les candidats des partis au scrutin proportionnel n’auraient pas droit à ce remboursement, étant
donné qu’ils n’ont pas à mener une campagne dans des comtés, mais qu’ils se font élire sur une liste
présentée par chaque parti au niveau des régions.

d) Le nombre total de députés passant de 108 à 180, le coût total des députés à: s’élèverait à 7,776,000.00 x 180 : 12.960.000.00

Nous estimons qu’un pourcentage supplémentaire de 0.078% du budget peut être consacré à l’assainissement de la vie
politique du pays.

VI – AUTRE ASPECT DE LA LOI ELECTORALE

Après avoir étudié les aspects les plus caractéristiques et les réformes urgentes de la loi électorale,
il nous reste à analyser les problèmes soulevés par la liste électorale.

6.1 – La liste électorale

Il est inutile de revenir sur les inconvénients bien connus du système actuellement utilisé pour
établir les listes électorales. La question n’est donc pas de savoir s’il faut changer mais comment changer.

La liste permanente des électeurs est le système adopté de longue date dans beaucoup de pays; elle n’y fait l’objet ni de critique ni de controverse.

Cela ne signifie pas qu’aucun inconvénient n’est attaché à cette pratique, mais que les avantages sont tels que
les partis et population de l’Australie, des États-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne (pour ne citer
que les principaux pays) en sont satisfaits.

Le principal reproche qui est généralement formulé à l’égard de la liste permanente a trait à
son coût plus élevé que le système actuel d’énumération des électeurs avant chaque élection. Les chiffres qui
ont été avancés par le Président général des élections semblent confirmer cette opinion Il ne faut cependant
pas oublier que l’établissement d’une liste permanente pourrait avoir des usages autres que celui de servir
uniquement aux élections générales. Elle pourrait notamment être utilisée pour les élections municipales et éventuellement
pour les élections dans les commissions scolaires.

De plus, la constitution d’un fichier central pourrait se transformer en un recensement permanent
de la population du Québec, recensement qui serait extrêmement utile pour diverses recherches économiques
et sociales. Le coût d’établissement et de fonctionnement d’un fichier devrait donc être réparti entre les divers
usages qui pourront en être faits.

Le recensement et la liste permanente pourraient être facilités par l’usage d’une carte d’électeur ou d’identité obligatoire que chaque citoyen serait tenu de faire mettre à jour en cas de changement d’adresse,
d’état civil, etc… Cette carte servirait de preuve, lors des élections, de la légalité du vote de leur détenteur
et permettrait d’éviter les pratiques illégales. En outre, la carte d’identité obligatoire permet d’autres usages
et avantages qui l’ont fait adopter par de nombreux pays ayant un respect de la liberté individuelle et de la
démocratie aussi élevé que le Québec et le Canada.

CONCLUSIONS

Le système électoral proposé Le système électoral recommandé a les caractéristiques suivantes:

-2/3 des députés sont élus au scrutin majoritaire.

1/3 des députés est élu au vote proportionnel.

– les deux modes d’élection sont indépendants l’un de l’autre.

– 120 circonscriptions électorales sont définies dont la population moyenne est de 30,000 électeurs environ.

– l’écart maximum autorisé autour de cette moyenne est de 25%, c’est-à-dire que les circonscriptions compteront 22,600 électeurs au moins et 37,400 au plus.

Les pourcentages de sièges à attribuer à chaque parti dans le scrutin proportionnel sont calculés sur des
bases régionales.
– les moyennes régionales d’éligibilité sont calculées sur des bases différentielles selon les régions ou les
sous-régions pour harmoniser la représentation des régions et amortir le poids des villes.

– des contraintes sont fixées pour empêcher la multiplication des petits partis.

Ses avantages sont les suivants: – l’élection de 2/3 des députés au scrutin majoritaire
conduit à une forte probabilité d’avoir un gouvernement majoritaire.

Les députés locaux permettent au gouvernement et aux partis en général de garder un contact étroit avec la
population et d’être au courant de son état d’esprit, l’élection d’1/3 des députés au vote proportionnel permet
d’atténuer les distorsions entre % des votes obtenus et % des sièges obtenus qui sont souvent créées
par le système majoritaire pur. L’élection de députés au scrutin proportionnel encourage
la participation d’hommes peu enclins à faire des campagnes électorales locales, les partis politiques peuvent mieux mettre l’accent sur leur programme à moyen et long terme en limitant les promesses locales.
L’établissement de listes régionales au scrutin proportionnel favorise la prise en compte des priorités régionales.
Les différents courants d’opinion peuvent être représentés à l’Assemblée Nationale à condition qu’ils trouvent l’appui d’une partie minime de la population, le système concilie efficacité (un gouvernement majoritaire)
et démocratie (faible différence entre % vote et % représentation).

Les députés élus sur les listes auront moins de travail de contact avec les électeurs et auront donc plus de
temps à consacrer à leurs tâches législatives et régionales.

Le financement des partis

Nos principales recommandations concernant le financement des partis sont:
– des plafonds sont fixés par la loi pour les dépenses des partis et des candidats députés.
– l’État rembourse 100% des dépenses payées par des partis reconnus, 100% des dépenses des candidats.
– l’État verse une subvention forfaitaire annuelle de $100,000.00 des dépenses des candidats.
– les montants des dépôts ne sont pas remboursables et sont donc à charge des candidats.
– l’État favorise la diffusion par les partis, d’informations objectives et de programmes clairs.
– l’État met à la disposition des partis du temps ou de l’espace sur les divers média d’information (télévision,
radio, journaux, etc,..).
D’autres aspects de la loi électorale – une liste permanente des électeurs du Québec devrait
être établie. Cette liste sera utilisée lors des élections générales et municipales et par sa mise à jour constante ôtera
tout aspect politique au recensement des électeurs.

-La mise à jour permanente de la liste et la vérification de l’habilitation des personnes se présentant aux
bureaux de vote sera facilitée par l’instauration d’une carte d’identité permanente qui servira aussi de carte
d’électeur et permettra au fichier d’être aussi un recensement constamment à jour de la population du Québec.

<Masse19710514>
<PROPOS DE MONSIEUR MARCEL MASSE DEPUTE DE MONTCALM SUR L’INDUSTRIE DES PATES ET PAPIERS DANS L’ECONOMIE DU QUEBEC TENUS A BAIE-COMEAU LE 14 MAI 1971>

Les réserves forestières dont le Québec dispose sont abondantes. Le volume de bois qui pourrait
être coupé, d’une façon économique et rentable chaque année, dans les conditions actuelles d’aménagement de la
forêt, pourrait être augmenté de 80 à 100%. L’industrie des pâtes et papiers utilise à elle seule 70% de la coupe.

Cette industrie est particulièrement développée; le Québec possède, en effet, 57 usines de pâtes et papiers sur
un total de 139 au Canada (soit 41%), alors que sa superficie forestière représente 20% de la superficie forestière
du Canada.

L’industrie des pâtes et papiers donne directement de Remploi à quelque 45,000 travailleurs (28,500 à l’usine et 16,500 en forêt). Par ailleurs, 50,000 petits producteurs de bois tirent une partie de leurs revenus en vendant des cordes de bois à l’industrie.

Enfin, un emploi dans l’industrie des pâtes et papiers crée deux autres emplois dans l’économie (services: transport, commerce, finance). 100,000 autres emplois dépendent indirectement de cette industrie.

On peut dire que l’industrie des pâtes et papiers fait vivre près d’une famille québécoise sur dix.

L’industrie québécoise des pâtes et papiers vend à l’étranger les 4/5 de sa production totale. La valeur des exportations de cette industrie représente 20% des exportations du Québec. Le papier journal, son principal produit, assure à lui seul 15.8% des exportations totales.

Près de 20% du total des investissements manufacturiers se fait dans l’industrie des pâtes et papiers.
Ces quelques données situent la place de l’industrie des pâtes et papiers dans notre économie et le
rôle vital qu’elle est appelée à y jouer. Or, cette industrie passe actuellement par une période difficile dont nous
allons analyser les principales causes.

La concurrence

il fut une époque où le bois mou à longues fibres (sapin, épinette) dont le Québec est abondamment pourvu était jugé préférable pour la fabrication de la pâte et du papier. Aujourd’hui, grâce à une nouvelle technologie,
le bois dur, qu’on peut récolter aux États-Unis et ailleurs,  concurrence directement le bois mou avec succès;
c’est ainsi que le Québec a perdu un gros marché  dans l’est et le sud des États-Unis.

L’équilibre des forces sur le marché mondial tente à se modifier. Les plantations de pins du Chili
sont très productives et donnent un rendement à l’âcre de trois à cinq fois supérieur à celui des forêts canadiennes.

La Russie qui possède environ la moitié des forêts de bois mou du monde pourrait tôt ou tard affecter le marché
mondial des pâtes et papiers.
Il faut tenir compte, également, du danger que posent les fibres de cellulose qu’on peut récolter chaque
année. La bagasse permettra, par exemple, au Mexique de devenir un concurrent sérieux sur le marché européen.

Cette situation de concurrence internationale n’est pas exclusive aux pâtes et papiers, mais le
Québec n’a plus l’indépendance qu’il avait vis-à-vis de ces acheteurs américains Il y a vingt ans, les éditeurs américains
s’approvisionnaient en papier journal à concurrence de 40% au Québec. Cette part est aujourd’hui à 30%,
part trop faible pour que l’industrie québécoise puisse agir sur les prix mais suffisamment élevée pour rendre
notre industrie très dépendante de l’extérieur. Qu’une grève aux U. S. A., par exemple, paralyse le tirage d’un
gros journal, plusieurs usines québécoises s’en ressentiront fortement.

Le Québec doit rencontrer une nouvelle concurrence et accepter les prix d’un marché plus ouvert.

Libéralisation du dollar

Les effets de la quasi-parité du dollar canadien par rapport au dollar américain affectent toutes
les entreprises d’exportation. Cette prime monétaire de 8%, qui est supprimée depuis le 1er juin dernier, à rogner
d’autant les marches bénéficiaires de ces industries.

Le Kennedy Round

Les accords du Kennedy Round de 1967 n’ont pas avantagé l’industrie canadienne des pâtes et papiers.
Entre le Canada et les U. S. A., il n’existe aucun droit de douane pour la pâtes et le papier journal,
mais les autres papiers et cartons, qui étaient assez fortement protégés, ont vu leurs tarifs baissés. La réduction
des droits canadiens a ouvert le marché canadien aux producteurs des U. S. A. et a contribué à rendre la situation
des industries canadiennes plus difficile.

Taxes et impôts

L’industrie papetière québécoise est nettement désavantagée du point de vue fiscal par rapport à nos concurrents des États-Unis. 54% de ses profits bruts vont au fisc, alors que nos homologues américains ne payent qu’entre 42 et 44%. Sur ces 54% d’impôts, la majeure partie 41.1% est perçue par le gouvernement fédéral.
Le coût de production
Le coût du bois et de la main-d’œuvre rentre pour les deux tiers dans le prix de revient de la fabrication
d’une tonne de papier journal. La croissance des arbres est lente au Québec, les arbres y sont de petit diamètre
et il faut couper de grandes étendues pour récolter un volume de bois suffisant. Certaines compagnies doivent
couper du bois à des centaines de milles de l’usine.
Ceci explique les frais d’exploitation forestière particulièrement élevés. Par ailleurs, les salaires versés à la main-d’œuvre employée dans les usines de pâtes et papiers sont parmi les salaires les plus élevés des industries du
Québec. Enfin, la lutte contre la pollution est de nature à renchérir le coût de production de l’exploitation forestière.

Le coût de transport des produits finis

Comme les 4/5 de notre production totale sont exportés et que les frais de transport sont à la charge
du vendeur, le coût du transport réduit encore les marges bénéficiaires des producteurs québécois et les désavantagent
d’autant par rapport aux Américains qui supportent des frais de transport deux à trois fois moins élevés.

Conclusions et propositions
La demande mondiale pour les produits du papier doit doubler d’ici une vingtaine d’années. Les perspectives
de la demande sont donc encourageantes. Cependant, le Québec n’est plus dans une position de privilégié,
la concurrence mondiale est sévère, et la seule possibilité de vendre à l’étranger est d’être compétitif.
Compte tenu de l’impact de ce secteur sur la vie économique et sociale du Québec (une famille sur dix), on doit
accorder à la mise en valeur de cette ressource naturelle la priorité qu’elle mérite. Mais sous prétexte que cette
industrie nécessite de fortes immobilisations, par rapport au nombre d’emplois qu’elle crée, on n’y accorde pas
beaucoup d’attention.

Face aux nouvelles conditions dans lesquelles elle se trouve, l’industrie des pâtes et papiers aurait
dé faire l’objet d’une politique précise et cohérente. L’hésitation et le manque de décision de la part du gouvernement
concernant la politique forestière au Québec ne sont plus tolérables. Le climat d’insécurité régnant quant au
fait de savoir si le gouvernement entend socialiser, par rachat et expropriation, les forêts du Québec, n’incite
pas les compagnies à réinvestir dans les usines, de même l’indécision du gouvernement vis-à-vis de la politique des
concessions forestières crée un frein à l’ouverture de nouvelles voies de pénétrations pour l’exploitation forestière. Dans le sud-est des U. S. A., un mille de route est construit et entretenu aux frais des contribuables
pour chaque mille carré de forêt. Ce genre de politique, si on l’appliquait au Québec, représenterait une subvention
de $6.00 par chaque corde de bois récoltée.

Dans le domaine de la pollution, une politique plus réaliste devrait être appliquée. Aux U. S. A. et
en Su?de par exemple, l’État prend à sa charge une partie des sommes consacrées à la lutte contre la pollution,
alors qu’au Québec l’industriel doit même payer les taxes d’achat fédérale et provinciale sur le matériel et les approvisionnements destinés à la lutte contre la pollution. Ne pourrions-nous pas créer immédiatement
un Institut de recherches pour la protection des eaux et de l’air, financé par l’État et par les industries.

Il faut également rechercher (État et industries) plus activement de nouveaux produits et encourager
et développer la production et la mise en marché des papiers fins et des papiers spéciaux.

Dans le domaine fiscal, une hausse déraisonnable de certaines taxes et charges publiques et l’escalade
des salaires risquent de compromettre l’avenir de l’industrie des pâtes et papiers dont la survie et le développement
sont liés à son degré de compétitivité et, donc, à sa capacité d’investissements.

Il faudrait insister auprès du gouvernement fédéral pour que les impôts des industries exportatrices
soient au moins au même niveau que celles de nos concurrents des U. S. A. Cette mesure semble plus propice à redonner
un ballon d’oxygène à l’industrie des pâtes et papiers que l’aide financière que le gouvernement peut accorder
à l’établissement de nouvelles usines de pâtes et papiers dont la justification économique n’est pas prouvée.

<Masse19710520>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE DEPUTE DE MONTCALM DEVANT LES MEMBRES DE LA
JEUNE CHAMBRE DE MONTREAL  » POUR UN GOUVERNEMENT AUTHENTIQUE  » LE 20 MAI 1971>

S’il est une idée à laquelle les Québécois ont massivement donné leur appui au cours des récentes
années, c’est bien à celle-ci : « d’une manière ou d’une autre, le gouvernement a la responsabilité du progrès
économique et social ».

Cette adhésion massive m’apparaît évidente. En effet, connaissez-vous un programme de parti politique qui, dans son essence, dépouillé de ses particularités idéologiques, ne se résume pas à cette idée ? Ni les libéraux, ni les unionistes, ni les péquistes, ni les créditistes n’ont échappé à cette sorte de fatalité, ils ont constamment cherché à la traduire en programmes et en slogans électoraux.

Il pourrait sans doute s’agir d’une de ces aspirations créées de toutes pièces par les hommes politiques
eux-mêmes. Mais, à mon point de vue, il n’en est rien Il s’agit plutôt d’un mouvement de fond auquel
les hommes politiques eux-mêmes font écho.

Sondez les milieux de l’entreprise, du commerce, du travail, des collèges et des universités, le monde urbain et le monde rural, l’U.C.C., la F. T. Q., la C. S. N., la C. E. Q., le mouvement coopératif et les associations patronales, les sociétés à buts humanitaires et socio-culturels, la Société Saint-Jean-Baptiste et les Conseils économiques régionaux et vous verrez qu’il y a
unanimité sur cette question. Vous constaterez – bien sûr – des divergences de point de vue quant aux priorités
et aux moyens, quant au rôle respectif du gouvernement d’Ottawa et de celui du Québec en la matière, mais partout
vous entendrez l’expression de cette idée simple: le gouvernement a la responsabilité du progrès social et
économique.

Mais, aussi paradoxal que cela puisse paraître, plus l’adhésion à cette idée devient réelle et plus
la réponse des partis politiques et des gouvernements se veut à la hauteur du défi que constitue ce rôle de responsable du progrès économique et social, moins les implications réelles de ce rôle deviennent précises et moins les gouvernements successifs apparaissent aptes à assumer cette responsabilité.

C’est cette constatation qui m’amène à vous suggérer une réflexion sur le rôle de l’État au Québec.

Cette réflexion, je voudrais avant tout la conduire en évitant un piège: celui de l’approche doctrinaire
de la notion de rôle de l’État. Libéralistes, socialistes, socio-démocrates, anarchistes, travaillistes et
autres tenants d’une doctrine cataloguée ont tour à tour fait de ce thème un chapitre important de leur enseignement
politique. L’heure des doctrines en conserve, de gauche et de droite, est dépassée. C’est par rapport aux grandes questions d’actualité et à la manière du contexte québécois qu’il faut s’interroger sur le rôle de l’État.
I – Signification de cette adhésion

Analysons d’abord la signification de cette adhésion à une sorte d’idéal de progrès économique et
social et au rôle conséquent du gouvernement en la matière. A ce point de vue, il est .d’abord intéressant
de noter qu’il n’y a que peu de raisons de différencier ce phénomène québécois du même phénomène observé
aux Maritimes, en Ontario, au Canada, dans la plupart des pays occidentaux en général et dans certains pays
d’Asie ou du bloc communiste en particulier.

Le Québec n’échappe pas à ce mouvement mondial d’aspiration au progrès économique et social qui
remet en cause la seule recherche du niveau de vie. Il constate la qualité de vie des sociétés dites industrielles
et, en particulier, les ordres de priorités et les échelles de valeur de ces sociétés Il identifie les pouvoirs publics
comme instrument potentiel d’une sorte d’émancipation individuelle et collective. Aussi, aucun État, quel que
soit le type de gouvernement qu’il a, ne pourra échapper à la tâche d’assurer la permanence du progrès économique
et social, d’en réajuster la distribution et d’en contrôler l’orientation.

Dans cette optique, gouverner, dans les sociétés très scolarisées, abondamment informées, hautement industrialisées et fortement urbanisées, est devenu un véritable défi. Un défi d’autant plus grand d’ailleurs que les barèmes d’après lesquels la performance des gouvernements est jugée, n’ont pas encore été traduits en objectifs politiques clairs.

Les barèmes qui sont utilisés à l’heure actuelle s’expriment plutôt en termes quantitatifs qu’en termes
qualitatifs. Contentons-nous de prendre l’exemple de l’emploi pour illustrer ce point de vue Il ne semble
pas suffire de viser un niveau de plein emploi pour répondre aux aspirations populaires en la matière Il y a de toute façon déjà quelques années qu’une proportion importante de la main-d’œuvre a délaissé, souvent en faveur des paiements de sécurité sociale, certains types d’emploi, en agriculture et en pêcherie par exemple, jugés à la fois trop ardus et trop peu rémunérateurs. Dans le domaine des emplois mieux rémunérés et moins ardus, on fait face à des pressions constantes pour l’obtention d’améliorations continuelles des conditions de travail : charge de travail plus légère, semaine de travail plus
courte, meilleurs salaires, etc… Enfin, au niveau de la préparation au marché du travail, on remarque dans
les écoles secondaires comme au niveau collégial une nette préférence pour le travail dans le secteur tertiaire.
C’est donc au moins autant la qualité que la quantité des emplois offerts qui est en cause.

En ce sens, il importe de préciser que la contestation de la qualité de vie atteinte n’est pas uniquement
dirigée contre les responsables politiques. Elle est dirigée contre tous les centres de décision qui influencent
la qualité de vie. Les gouvernements sont particulièrement visés parce qu’on semble attendre d’eux la formulation
de nouvelles normes de vie économique et sociale.

En somme, ce mouvement me semble aller aussi loin qu’à mettre en cause la société dite d’abondance elle-même.
Parce que la société d’abondance n’a pas réussi à créer l’abondance en tout ni pour tous, parce qu’elle a trop privilégié les objectifs quantitatifs au détriment des objectifs qualitatifs, on serait prêt à y substituer, progressivement
ou brutalement selon les sources d’inspiration politique, une sorte de société de l’excellence.

Le Québec, à mon point de vue, n’échappe pas à ce mouvement propre aux sociétés fortement urbanisées
et industrialisées. Mais à cause de ses structures sociales, politiques et économiques particulières, ce mouvement
y prend une signification originale. Le fait est que le Québec n’est pas entré dans ce mouvement par voie
d’évolution historique, mais il y est entré par voie de mutation historique.

La société urbaine et industrielle québécoise n’a en effet pas été générée de l’intérieur. Sous l’impact de forces économiques et sociales extérieures, les Québécois se sont en quelque sorte trouvés brutalement héritiers d’une société d’abondance. Des héritiers avec tuteurs économiques et politiques. Aussi quand ils ont voulu faire la critique de cette société, ils ont vite
réalisé que, dans tout le tissu des institutions sociales, politiques et économiques responsables, la seule institution
qui leur semblait à la fois assez familière et suffisamment proportionnée à la situation était le gouvernement
du Québec. D’où, à mon sens, pour le Québec deux particularités significatives du vaste phénomène esquissé
plus haut: les Québécois ont d’abord plus que d’autres le sentiment de se faire imposer une qualité de vie médiocre et, plus que d’autres, ils sont portés à attendre du niveau politique l’énoncé d’une sorte de projet
d’émancipation individuelle et collective.

Voilà donc, à mon point de vue, en quels termes fondamentaux se pose la question du rôle de l’État.
Toute simplification de ces termes dénote soit l’inconscience, soit l’incapacité politique.

On peut résumer cette analyse par les propositions suivantes:

a) ce qui est visé, c’est d’abord la performance de la société; cette performance laisse à désirer tant au plan
de la distribution de l’abondance qu’à celui de la qualité de vie offerte par cette société;

b) quand il s’agit d’identifier une institution responsable, on vise moins le système économique que le système
politique;

c) on confie à ce dernier le soin d’assurer la permanence du progrès économique et social, d’en réajuster la distribution
et d’en contrôler l’orientation.

Le gouvernement peut-il être à la hauteur de la situation ? Il faut bien réaliser en nous replaçant cette
fois dans le contexte social, politique et économique québécois, que le gouvernement du Québec n’a que peu d’emprise
sur ce que nous avons commodément appelé le progrès économique et social.
Au plan sociologique, nous sommes fortement dominés par la société nord-américaine qui est en grande partie responsable de notre propre qualité de vie.
Au plan économique, notre progrès est, dans une très large mesure, déterminé par les États-Unis; notre rythme
de croissance est fonction de celui de nos voisins du sud. Au plan politique, compte tenu de la répartition des pouvoirs
entre le gouvernement canadien et le gouvernement du Québec, il faut bien admettre que le gouvernement fédéral
a plus de responsabilités relatives à l’orientation du progrès économique et social québécois que n’en a le gouvernement
québécois lui-même.

Ces constatations devraient nous conduire à plus de réalisme quand il s’agit de parler du rôle et des responsabilités du gouvernement québécois. Certains veulent nier cette réalité en proposant une illusoire rupture
brutale de tous les liens de dépendance soulignés plus haut; d’autres, à l’extrême, proposent la disparition pure
et simple de la société québécoise comme entité culturelle distincte; d’autres, enfin, parlent comme s’il n’existait
aucune contrainte d’aucune sorte et contribuent ainsi à donner, du gouvernement du Québec, l’image d’un gouvernement
d’autant plus incapable que les objectifs qu’ils lui fixent sont, dans une large mesure, hors de sa portée.

La distinction entre les objectifs à long terme et à court terme s’impose ici d’emblée. S’il apparaît irréaliste de vouloir confier
à court terme au gouvernement du Québec la responsabilité que la population semble vouloir attribuer au gouvernement
en matière de progrès économique et social, il apparaît par compte indispensable de doter, dans une optique à long
terme, la société et le gouvernement du Québec des moyens nécessaires pour assumer ce rôle. Autrement, ce que
nous appelons maintenant « identité culturelle et nationale québécoise » se dégradera vite au rang de « particularité
folklorique ».

En ce sens, un gouvernement responsable ne peut reculer devant la tâche, immédiate mais à long
terme, de favoriser l’émergence des institutions financières, économiques et culturelles nécessaires au Québec.
C’est dans cette perspective d’ailleurs que doit se poursuivre l’épreuve de force fédérale-provinciale. Cette épreuve
de force doit, elle, aboutir à un nouveau fédéralisme canadien au sein duquel le Québec disposera d’une égalité de
fait à l’égard des autres communautés constituantes et des moyens d’action nécessaires à tout gouvernement chargé
d’assurer la permanence du progrès, d’en réajuster la distribution et d’en contrôler l’orientation. A terme, cette
tâche sera sans doute partagée avec le gouvernement canadien, mais à l’intérieur d’un système de rapports qui ne
compromettra plus l’identité culturelle et nationale des Québécois.

Si j’insiste sur l’aspect politique de l’objectif d’autodétermination des Québécois, je ne voudrais pas pour autant que l’on en ignore l’aspect proprement social et économique Il est tout aussi important de disposer d’institutions financières, économiques et culturelles proprement québécoises que de disposer d’un gouvernement
autonome. L’indépendance politique, isolée, proposée par certains comme une fin en soi, constitue un leurre.

Le danger de survaloriser l’indépendance politique au détriment des autres formes de souveraineté
est d’ailleurs d’autant plus grand qu’il existe des recettes d’indépendance politique. Mais il n’existe pas de recette
pour un pays qui veut atteindre, en matière économique et culturelle, un degré d’autodétermination souhaitable.

Les institutions nécessaires surgissent d’une sorte de vouloir collectif que le gouvernement peut sans doute amorcer
en devenant l’instrument de la concertation sociale, politique et économique.

Dans cette optique, trois dangers principaux peuvent nous faire échec. D’abord, il y a ce danger qui vient du fait
que la population et les groupements sociaux québécois adoptent, dans leur attente à l’égard du gouvernement du
Québec, les mêmes attitudes qu’ils adopteraient si ce gouvernement avait de fait la pleine responsabilité du progrès
social et économique.

En second lieu, il y a la surenchère électorale qui permet à certaines formations politiques de tirer momentanément profit des attentes des Québécois à l’égard de leur gouvernement.

Enfin, il y a le défi de la connaissance et de sa diffusion. Dans nos sociétés, que l’on dit abondamment
informées, il reste que l’on n’a pas encore trouvé moyen de véhiculer efficacement autre chose que l’information
conflictuelle.

En somme, dans une perspective à long terme, le gouvernement du Québec doit être l’instrument par
l’intermédiaire duquel la société québécoise se donnera les moyens de façonner son avenir.

Cette orientation qui assume, d’une façon que je considère difficile mais réaliste, l’essence même des aspirations les plus profondes des Québécois doit se concilier avec le rôle que le gouvernement du Québec doit jouer à plus court terme.

Or, il me semble que, compte tenu de la structure économique, sociale et politique actuelle du Québec,
fortement marquée par la dépendance de centres de décision extérieurs au Québec, ce qui s’impose le plus
c’est de cesser de prendre tour à tour l’attitude d’un gouvernement autonome puis celle d’un gouvernement de colporteurs.
A écouter les porte-parole de l’actuel gouvernement libéral, on a parfois l’impression d’avoir affaire à Washington Ils discutent de politiques conjoncturelles et de perspectives de croissance comme s’ils manipulaient le budget des États-Unis. A d’autres moments, on a l’impression qu’ils sont prêts à laisser aller aux Américains ou à Ottawa, pour quelques gros sous, tout ce qui reste au Québec de marge de souveraineté.

Je le répète: on fait fausse route en laissant croire que le gouvernement du Québec dispose actuellement
des moyens d’assurer la permanence du progrès économique et social, d’en réajuster la distribution et
d’en contrôler l’orientation: on fait également fausse route en laissant croire que d’autres peuvent indéfiniment
se charger de cette tâche à notre place sans que cela ne signifie une sorte de suicide national: on fait enfin fausse
route en laissant croire qu’une indépendance politique qui nous serait miraculeusement consentie réglerait tous
nos maux.

Le Québec se doit d’élaborer une véritable politique de développement de ses ressources, de financement
privé de son développement industriel, d’épargne, des salaires, des prix et de consommation et mettre en
place ou contribuer à la mise en place des institutions qui nous font actuellement péniblement défaut.

Au plan des politiques économiques gouvernementales, par exemple, cela implique qu’à la lumière
d’analyses faites dans une optique québécoise, le gouvernement du Québec doit se préparer à infléchir, s’il le faut,
la politique monétaire, fiscale, douanière et de péréquation du gouvernement canadien, n doit, de même, se préparer
à infléchir, s’il le faut, toutes les politiques de ministères du gouvernement canadien qui ne seraient pas
conformes, dans leur application au Québec, aux objectifs poursuivis par le Québec dans les secteurs concernés.

En somme, au plan des politiques économiques gouvernementales, cela implique que le gouvernement
du Québec négocie, de façon très serrée, les décisions que d’autres gouvernements prennent et qui affectent le développement québécois, sa croissance, la situation de l’emploi, les épargnes et les investissements.

Cette contestation peut se faire et de façon profitable si nous devançons les autres dans la connaissance et la planification des conditions du développement québécois. Cette approche m’apparaît d’ailleurs être un prérequis à la revendication même de nouvelles juridictions québécoises.

Voilà des options à court terme qui ne me semblent pas trahir nos objectifs à long terme.

Conclusion

En somme, en matière de rôle du gouvernement, si nous voulons coller de près à la réalité québécoise,
l’équation se présente simplement. Ce qu’il importe, c’est de faire coïncider les aspirations des Québécois à une sorte d’excellence sociale, économique et politique à l’objectif d’autonomie sociale, économique et politique. C’est à la réconciliation permanente dans le temps de ces deux éléments fondamentaux de la réalité québécoise que doit s’attaquer le gouvernement du Québec.

Cette tâche, je ne le cache pas, n’est pas facile. Je crois cependant qu’elle est possible pour un
gouvernement qui fonderait son effort sur un dialogue constant avec la population. Un tel dialogue est essentiel au
réalisme que l’on doit imprimer aux objectifs successifs et complémentaires qu’un État doit proposer à la société qu’il a fonction d’incarner.

<Masse19710602>
<PROPOS TENUS PAR  MONSIEUR MARCEL MASSE DEPUTE DE MONTCALM  » REFLEXIONS SUR L’UNION NATIONALE ET LA QUESTION CONSTITUTIONNELLE  » A VAUDREUIL LE 2 JUIN 1971>

L’Union Nationale est un parti politique strictement et délibérément québécois, sans attache avec
aucune formation fédérale.

C’est ainsi que l’ont voulu ses fondateurs et ses chefs et c’est ce que veulent encore ses militants
et sympathisants Ils ont compris que seule cette indépendance pratique des pressions et des chantages exercés
par les partis fédéraux permettait à leur formation politique d’être résolument autonomiste, sans être pour cela
séparatiste, et que seule cette attitude pouvait favoriser les objectifs fondamentaux du Québec.

Inversement, tout l’effort des partis fédéraux traditionnels a tendu à transformer les partis provinciaux en succursales pour mieux les absorber et les rendre dociles aux voeux de l' »establishment », voeux indéfiniment et constamment centralisateurs.

L’Union Nationale est donc un parti dévoué aux seuls intérêts québécois et c’est essentiel qu’il en demeure
ainsi. C’est ce qui lui permet d’accueillir en ses rangs des membres adhérant à tous les partis fédéraux,
de recevoir l’appui de l’électorat non-engagé, avec la conviction qu’en matière de politique, seules les aspirations
du Québec et des Québécois sont la pierre de touche de notre vocation.

Sans prétendre que cette position soit la seule possible ailleurs, nous croyons qu’elle est la seule acceptable pour le Québec, à cause du caractère ethnique de notre population et de ses besoins particuliers.

C’est ce qui donne de la force aux positions du Québec lorsqu’il est dirigé par un gouvernement de
l’Union Nationale. En effet, même en supposant que la députation du Québec à Ottawa fasse un bloc homogène au
sein du parti au pouvoir de façon à lui assurer la majorité au parlement, ce serait se nourrir de graves illusions de
croire qu’un gouvernement fédéral puisse gouverner d’abord en faveur d’une minorité. Son devoir est de gouverner
pour le bien commun de toutes les provinces, ce qui lui serait plus facile dans un pays ethniquement homogène où les différences de langues et de lois seraient peu sensibles ou inexistantes.

Mais dans un pays comme le Canada, où les citoyens de langue française sont concentrés dans un
seul État, brisant ainsi l’homogénéité, il saute aux yeux que les représentants des autres provinces ont eu dans
le passé, ont de nos jours, et auront toujours une tendance naturelle à faire bloc solide, sinon délibérément contre
les citoyens de langue française, du moins inconsciemment en faveur de leurs compatriotes de même langue
qu’eux. C’est une réaction naturelle. Les Canadiens français du Québec courent donc le risque constant d’être traités en minorité par le Canada d’expression anglaise ou d’être assimilés. C’est d’ailleurs plus qu’un risque,
c’est une vérité historique indéniable que la Commission Laurendeau-Dunton a surabondamment démontrée et
qui marque les péripéties de l’histoire du Canada.

Or, le contrepoids à cette situation ne se trouve pas, par la force même des choses et des conditions
précédemment énoncées, au niveau du gouvernement fédéral, il doit résider entièrement et uniquement dans
la division des pouvoirs entre les gouvernements et dans l’attribution au gouvernement québécois de tous les pouvoirs
qui sont inhérents à l’épanouissement de la population du Québec, telle n’est pas la réalité présente. Si le Canada existe aujourd’hui et s’il doit continuer demain, c’est à la condition « sine qua non » d’être un État fédératif de fait et non seulement de nom.

Que faut-il entendre par un État fédératif de fait ? La réponse de l’Union Nationale doit être principalement
celle du droit constitutionnel. C’est celui où l’on reconnaît ouvertement et dans les textes que l’État
fédéral est ultérieur aux États constituants, qu’il est leur créature et qu’il n’a pas d’autre but que de promouvoir
leurs intérêts communs, c’est-à-dire les intérêts que les États constituants jugent suffisamment semblables pour
être confiés à un seul représentant de tous, en vue de plus de souplesse, d’économie et d’efficacité.

De là découle un certain nombre de principes fondamentaux.
Le premier est que le gouvernement fédéral n’a pas d’autres pouvoirs que ceux qui lui sont donnés par
la constitution Il ne peut prétendre s’insinuer dans les fonctions et juridictions des provinces, ni à la faveur d’une
guerre, ni par des moyens détournés sous prétexte d’exercer ses fonctions internationales, ni par la complicité
de pays étrangers Il ne le peut pas davantage ni par des déclarations et actions strictement politiques, sans
que la question ait été soumise aux États constituants, ni par le détour de moyens fiscaux ou de décisions de tribunaux
créés par lui pas plus qu’en invoquant des urgences ou des intérêts qualifiés de nationaux et qui souvent se révèlent purement électoraux. Finalement, il ne le peut pas sous le couvert de théories fausses mais subtiles,
comme de prétendre que l’évolution historique est centralisatrice, ou que le progrès économique est à ce prix, ou
enfin que les sciences et la technologie exigent plus de centralisation.

Or, c’est exactement ce que fait tout naturellement l' »establishment » fédéral. De telle sorte que, pour prévenir cette dégradation de la volonté populaire et celle des fondateurs du régime, pour empêcher que les provinces ne soient ramenées à n’être que de simples circonscriptions administratives, pour assurer qu’elles puissent s’acquitter de leurs fonctions légitimes pour le bien de leurs citoyens, pour empêcher que les Québécois d’expression française ne soient de perpétuels citoyens
de seconde zone dans leur propre pays et pour que soit affirmé le principe de l’égalité des individus et des collectivités,
il est nécessaire que la constitution comporte des garanties, des crans d’arrêt, des limites, aux pouvoirs
de l’État fédéral. Ces garanties essentielles sont les suivantes:

a) un texte constitutionnel suffisamment clair pour ne pas donner prise à des interprétations fantaisistes ou abusives;

b) un tribunal constitutionnel qui offre des gages de loyauté, d’impartialité et de reconnaissance des divergences ethniques et historiques qui ont rendu nécessaire le caractère fédératif de la constitution;

c) une liste des pouvoirs fédéraux qui soit limitative et à laquelle correspondent des pouvoirs fiscaux également
limités;

d) une procédure d’amendements constitutionnels qui soit  obligatoire et qui ne permette pas d’accroître unilatéralement
les pouvoirs du gouvernement fédéral.

Ces conditions n’existent pas à l’heure actuelle et l’on peut affirmer sans hésitation que là se situe
la cause profonde du malaise canadien, non seulement politique et constitutionnel, mais en même temps économique et social.

Le deuxième principe fondamental est que tous les pouvoirs résiduaires, c’est-à-dire toutes les
fonctions qui ne sont pas attribuées au gouvernement fédéral soit par la constitution initiale, soit par les amendements
qu’on y a apportés, doivent être réservés aux États constituants. C’est l’esprit du pacte confédératif.
L’autonomie est le droit de privilège et la faculté de se décider par soi-même Il prend aujourd’hui le nom de
droit à l’autodétermination Il faut se rappeler que c’est l’Union Nationale qui, la première, a énoncé ce principe
et qu’elle en a fait le leitmotiv de son action politique.

Ce droit est le fondement des libertés naturelles que l’on désigne de nos jours sous le nom de droits de l’homme et du citoyen et que l’on divise en droits politiques, économiques, sociaux et culturels. Ces droits sont d’abord
ceux des personnes et les États n’ont pas juridiction pour les leur enlever Ils peuvent tout au plus les réglementer
pour les mieux assurer et empêcher que certains n’abusent de leur force pour les contester à autrui.

Toute la force de la démocratie est dans l’autonomie et les libertés des citoyens. Mais dans les
pays très vastes, cette autonomie et ces libertés passent par les institutions régionales. C’est la raison pour laquelle
le fédéralisme veut que les États constituants, que la survivance colonialiste persiste à abaisser en les appelant des provinces, soient de véritables États possédant le droit de se déterminer eux-mêmes et d’entrer en relations contractuelles les uns avec les autres. Et ceci par le jeu d’une constitution qui doit favoriser la protection de leurs droits comme États, la préservation de la paix entre eux, le respect des lois et des traditions de chacun d’eux et l’accroissement de la prospérité commune.

Il n’y a rien d’exclusif ni de révolutionnaire dans ce second principe. De tous les États fédératifs
qui existent dans le monde, et ils sont plus d’une vingtaine, le Canada est le seul où le gouvernement fédéral
prétend jouir des pouvoirs résiduaires. Parce que cela est contre la nature des choses, cette question doit être
résolue de façon claire et précise. Les clauses que l’on a invoquées autrefois pour asseoir l’autorité et la compétence des provinces, c’est-à-dire toutes les matières d’ordre local, toutes les questions qui touchent à la propriété
et aux droits civils sont devenues insuffisantes à cette fin parce que des jugements erronés, des interprétations
fallacieuses, des querelles de sémantique et l’avènement de nouvelles sciences ont modifié le sens des mots,
faussé l’esprit initial et que des ambiguïtés ont été cultivées et utilisées au gré des difficultés et des pi?ges de
la traduction.

Si tous les pouvoirs résiduaires appartiennent aux États constituants, il n’est pas nécessaire de prétendre les énumérer tous de façon exhaustive Il faut et il suffit, comme fait la constitution des États-Unis, de proclamer sans équivoque que les États membres sont les États fondateurs et l’État fédéral l’État fondé.

Cela entraîne, ici encore, une série de corollaires à la fois élémentaires et éclairants:

a) le premier, c’est que seuls les États constituants peuvent consentir des amendements à la constitution, l’État
fédéral ne pouvant jamais y procéder seul, ni par une loi étrangère comme on le fait présentement en
s’adressant au parlement britannique, ni par une simple loi fédérale, quelle que soit la matière en jeu;

b) le second, c’est qu’il y a des matières où les États constituants peuvent ne pas être tous d’accord, et où, cependant, l’intérêt de plusieurs semble être de consentir à un élargissement des fonctions fédérales; cet élargissement ne peut alors se faire que par voie d’amendements constitutionnels selon les règles d’une majorité à déterminer;

c) le troisième est que les États constituants ne peuvent jamais consentir à adopter une formule d’amendements
à moins de savoir d’abord, au préalable, quels sont les pouvoirs qu’ils sont disposés à confier au gouvernement
fédéral, mais surtout, et comme condition fondamentale, que les pouvoirs résiduaires leur soient
reconnus, que le tribunal constitutionnel soit constitué comme il se doit, et qu’il y ait dans la constitution des limites à l’action unilatérale de l’État fédéral.

L’un des plus graves défauts de la constitution actuelle est qu’elle ne prévoit aucune procédure
d’amendements, aucune initiative reconnue aux provinces pour obtenir des amendements, et aucune distinction entre
les matières de première et celles de seconde importance. Il y a là une énormité juridique et politique qui
doit être corrigée le plus tôt possible.

Le troisième principe d’une constitution fédérative réside dans la flexibilité ou, si l’on préfère, la possibilité d’adaptation aux circonstances. On y arrive en créant une liste des pouvoirs dits concurrents, où l’État fédéral peut légiférer et dépenser des deniers publics, mais à la condition que les États constituants puissent le faire également et aient le droit absolu de voir
leur législation primer la législation fédérale dans tous les cas non autrement prévus.

Nous n’affirmons pas que le gouvernement fédéral doit être exclu de toute activité nouvelle. Au contraire,
il doit y avoir une liste concurrente beaucoup plus étendue qu’à l’heure actuelle, mais l’expérience a démontré
surabondamment que cela devait être assorti d’un droit de retrait, d’exception ou, en anglais, « opting out »,
sans qu’il en résulte de pénalisation pécuniaire ou autre pour les provinces qui n’acceptent pas la mainmise ou la
prédominance fédérale en des domaines qui ne sont pas clairement attribués au gouvernement fédéral.

Cette manière de procéder est éminemment sage et pratique. C’est celle que l’on retrouve dans toutes
les constitutions modernes. Or, s’il est un point sur lequel l’Union Nationale doit être catégorique, c’est bien
que la constitution ou loi suprême, sous laquelle doit se dérouler l’activité politique et économique du Canada, ne
le c?de en rien à celles d’autres pays ni en efficacité, ni en modernisme. Cela se comprend, puis qu’il s’agit d’une
loi fondamentale qui conditionne le fonctionnement de l’État.

Nous savons que les questions constitutionnelles sont en même temps des questions juridiques, économiques,
sociales, internationales et électorales. Voilà justement pourquoi l’Union Nationale est et veut rester
un parti strictement québécois, parce que seule l’action d’un parti voué aux intérêts québécois peut faire échec en
certains cas et contrepoids en d’autres cas à ce qui sera indéfiniment la tendance fédérale de chercher à empiéter,
à accroître sa puissance, à augmenter le poids de la majorité dans un légitime désir d’uniformisation.

Nous savons également que la langue française ne sera jamais protégée autrement qu’à partir du
Québec. Nous savons d’expérience que le Québec doit avoir son autonomie à la fois financière et fiscale. Nous savons d’expérience que les partis fédéraux sont mus d’abord par le désir de la concentration des pouvoirs et que
ce désir se fonde sur l’électoralisme d’une part et l’establishment bureaucratique d’autre part. L’Union Nationale
doit donc prendre la seule attitude valable, celle d’avoir les mains libres vis-à-vis toutes les puissances fédérales,
qu’elles soient de parti, d’argent, d’information, d’opinion ou autres.

il serait possible d’allonger encore la liste des principes fondamentaux du fédéralisme. Je me
contenterai d’en énoncer un quatrième, celui de la participation efficace et effective des États constituants aux grandes politiques de l’État fédéral. Cela doit se faire par la mise sur pied d’organismes institutionnels qui soient
des structures de l’État fédéral, mais où les provinces aient droit de nomination et, en certains cas, voix délibérante.
Ces institutions principales sont d’abord un Sénat renouvelé où les provinces nommeraient un certain nombre
de sénateurs, soit au moins autant que le gouvernement fédéral lui-même. Puis une banque centrale revigorée,
un Conseil économique et social et, surtout, plus que tout le reste même, un organisme fiscal qui verrait à la fois
à la préparation des réformes fiscales et à la planification budgétaire qui doit être établie pour le plus grand
soulagement du contribuable.
Nous croyons, en effet, que la répartition des pouvoirs fiscaux et des ressources découlant de la constitution actuelle et de ses gauchissements est souverainement injuste pour les provinces et, par répercussion, pour
les institutions municipales et les contribuables. Il ne sert à rien de multiplier les déclarations claironnantes sur les
droits des individus et l’autonomie des provinces si on les dément dans la pratique.

Voilà donc, brièvement, mais aussi simplement que possible, quelle doit être la position constitutionnelle
de l’Union Nationale. J’ai cherché à en élaguer toute considération électoraliste, et toute confusion avec les
objectifs économiques. Cette position peut se ramener à vouloir faire de la constitution canadienne une constitution
véritablement fédérative au lieu d’une constitution centralisatrice et quasi-unitaire. Cela ne peut se faire par un
nouveau texte constitutionnel incorporant ce qu’il y a de bon dans le texte actuel, en enlevant tout ce qui est désuet,
périmé ou dangereux, y ajoutant ce qui est nécessaire pour qu’il soit à la fois décentralisateur et efficace, par opposition
au courant colonialiste, loyaliste et centralisateur qui fut la marque des années passées.

Pour y arriver, nous sommes prêts à collaborer avec les autres provinces dans la révision de la
constitution par des discussions et négociations qui doivent être franches et productives. On ne saurait trop sur ce sujet se reporter aux déclarations fondamentales de Daniel Johnson lors de la conférence de Toronto sur la constitution de demain. Une constitution canadienne, faite au Canada, par des Canadiens et pour des Canadiens,
ne se laissait-il pas de dire. Ceci demeure profondément vrai et nécessaire. Encore faut-il reconnaître que depuis
ce temps la conférence constitutionnelle permanente piétine et s’embourbe dans l’indifférence de certains et les
intérêts électoraux des autres, d’où l’impatience grandissante des citoyens québécois.

Il y aurait également lieu de réfléchir sur l’opportunité pour le Québec de promulguer sa constitution
interne, affirmant le rôle du gouvernement dans le développement économique, social et culturel des Québécois et reconnaissant les libertés fondamentales de ceux-ci.

En résumant, les grands principes de ce que devrait être la révision constitutionnelle, j’ai cherché à éclairer la route à suivre, route dont on s’est écarté dans une nouvelle conjoncture imprimée par les hommes plus que par les faits, depuis trois ans. Cette route ne peut être que celle de la collaboration entre les éléments dynamiques et éclairés du Canada.

J’ai affirmé que l’Union Nationale ne voulait être inféodée d’aucune manière au gouvernement fédéral
quel qu’en soit le nom ou le parti; l’Union Nationale devra être prête à collaborer avec lui mais jamais au
prix de la perte du droit du Québec à l’autodétermination et à ses pouvoirs fondamentaux. Cette collaboration pourra
être d’autant plus efficace que les fonctions et les pouvoirs fédéraux seront plus clairement délimités. Elle sera
en même temps d’autant plus fructueuse qu’elle ne sera entachée d’aucune compromission à l’intérieur d’un parti
unique qui prétendrait être à la fois fédéral et provincial, obligé de ménager la chèvre et le chou. L’Union Nationale
doit continuer d’être le parti constitutionnel québécois qu’elle a été.

Que deviennent en tout ceci les minorités de population vivant au Québec ? Il nous serait facile de répondre que le passé est le garant de l’avenir et qu’elles n’ont jamais été brimées au Québec où le parti de l’Union Nationale, notamment, leur a toujours reconnu tous leurs droits acquis. Mais il est possible que ces minorités se sentent, se disent ou se croient mena?ées dans leur développement nature, au même sens et au même degré que les Canadiens français le sont et le sentent dans le reste  du Canada. Auquel cas la réponse devrait être que ces minorités recevront au Québec le même traitement que les
Canadiens d’expression française reçoivent dans les autres provinces où ils sont des groupes comparables à celui
que forment les anglophones dans le Québec. Cette réponse se conforme à la stricte justice.

Mais l’Union Nationale doit être disposée à faire mieux, à aller plus loin que la stricte justice.

Pour cela elle doit s’engager à insérer dans la constitution québécoise, dont la nécessité s’impose chaque jour
davantage, des garanties comparables à celles que les États constituants doivent obtenir dans une constitution
fédérative renouvelée. Dans le cas de ces États constituants, les garanties et les pouvoirs compensateurs s’organisent
à travers leurs fonctions, la procédure constitutionnelle, les amendements, les ressources fiscales et
les institutions communes. Dans le cas des minorités, au contraire, les garanties passent par des lois fondamentales,
consacrées par les droits de l’homme et les libertés de base inscrites dans les textes.
Il y a, en outre, une condition essentielle. C’est que ces minorités acceptent de ne plus faire bande
à part dans les activités économiques et sociales du Québec. Sauf de rarissimes exceptions, nos compatriotes
de langue anglaise n’ont pris, en tels secteurs, aucune attitude constructive, ni coopérative, mais se sont confinés
soit dans le silence, soit dans un empirisme traditionaliste sans vision, ni dynamisme, comme si l’avenir
du Canada et du Québec ne les concernait pas au même titre que nous. Croient-ils réellement qu’il est raisonnable
et réaliste de menacer de retirer ses capitaux, ses entreprises, ses sièges sociaux, ses placements du Québec, sans prendre la peine de discuter des propositions faites honnêtement et légitimement, en vue de corriger des situations d’exception inadmissibles dans aucun pays du monde ? La crainte est toujours mauvaise conseillère.
Mais ce qui est pire encore que la crainte, c’est de lui donner des aliments et d’attiser le feu pour des motifs
confus et passionnels et de risquer ainsi, au delà des affrontements inutiles d’hostilité et de haine, de détruire
un pays qui recèle tant d’intérêts communs.

<Masse19710605>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE DEPUTE DE MONTCALM PRONONCEE A SAINT-JACQUES
CONCERNANT LE PARTI LE 5 JUIN 1971>

Il arrive un moment où toute organisation humaine, toute entreprise commune, doit marquer un
temps d’arrêt, doit effectuer un retour sur soi-même, pour s’interroger sur sa propre définition, sur ces raisons
profondes d’exister, de continuer à exister et à œuvrer.

Je crois que le moment est venu pour l’Union Nationale – alors qu’elle s’apprête à se choisir un
nouveau chef et à redéfinir son orientation – de faire le point, de se demander ce qu’elle est, ce qu’elle veut, où
elle se situe et où elle se dirige.

Cette réflexion ne doit pas être menée abstraitement, en fonction d’une doctrine préétablie, mais à partir des réalités et des exigences concrètes de la société québécoise actuelle.

Or cette société est en train de se modifier, du point de vue politique, à un rythme accéléré.

Le phénomène le plus caractéristique de la période actuelle, réside dans le fait que le nationalisme
québécois, que l’on qualifiait volontiers de sentiment apolitique, s’est définitivement politisé.

Il est devenu le lieu de ralliement et de division, d’identification et de diversification, de l’opinion
publique… le facteur de conditionnement de tout notre avenir collectif.

Le processus n’est cependant pas entière ment terminé. Nous avons assisté, jusqu’ici, au regroupement
des extrêmes.

Ces extrêmes ? D’un côté, une formation politique qui mise sur une propagande de surenchère nationaliste
pour prendre dans son filet le plus d’éléments possibles, quitte à leur demander un chèque en blanc
quant au reste… de l’aventure.

A l’autre extrême, le parti libéral, qui ne sait plus très bien où il en est, mais dont la dernière
solution a été de jouer sur un réflexe de peur savamment provoqué, et sur les multiples contradictions qui existent au sein de notre société, pour tenter d’éblouir l’opinion publique par une démagogie qui leur sert de miroir aux alouettes.

Entre ces deux extrêmes, la plus grande partie de la population: celle qui n’est pas figée dans une option définitive.

Attirée par le nationalisme du parti québécois, parce qu’elle est fondamentalement nationaliste, elle se refuse à s’engager sur la voie du radicalisme et de l’extrémisme qui lui répugne. Elle se reconnaît mal dans un nationalisme déformé qui lui apparaît, à juste titre, plus proche de l’agitation contestataire, que de l’engagement responsable… Elle ressent une méfiance
profonde à l’égard d’un mouvement qui a trop facilement tendance a prendre des formes spectaculaires et spontanées au mépris de la raison et de la liberté. Elle sait en fin de compte que si ce parti comprend un certain nom
bre de nationalistes sincères, il rassemble aussi, qu’il le veuille ou non, la majorité des éléments anarchistes
et gauchistes qui existent à travers le Québec.

Quant aux libéraux, ils apparaissent plus que jamais, avec le gouvernement de monsieur Robert
Bourassa, comme un parti lié avant tout aux intérêts d’un « establishment » plus « Canadian » que Québécois. Face à
une population qui se débat dans des problèmes quotidiens de chômage, de niveau, et de qualité de vie sans précédent, le gouvernement libéral réagit en traitant le peuple de haut et en lui lançant des promesses farfelues. N’est-ce pas là la seule explication possible au slogan des 100,000 emplois – slogan devenu irréaliste et mensonger faute d’être appuyé sur une politique précise – que les libéraux ont lancé à la population comme un os, afin de lui faire prendre ses malheurs en patience et de détourner son attention d’une solution sérieuse des questions économiques.

Les libéraux ont également du mal à trouver leur voie, car ils se sentent entièrement démunis devant
la brusque politisation du mouvement nationaliste dont je parlais tout à l’heure. Leurs hommes, leurs idées, et surtout leurs intérêts, se situent à des milles de distance des aspirations les plus profondes et les mieux enracinées de notre population.

De nombreux Québécois ne désirent se rallier ni à l’un, ni à l’autre de ces deux extrêmes politiques,
mais ils ressentent, cependant, d’une façon plus pressante que jamais, le besoin de prendre position, de se brancher
comme l’on dit familièrement chez nous Ils cherchent à prendre parti, au sens littéral du terme, c’est-à-dire
à se rallier à une formation politique qui tienne compte de leurs sentiments nationalistes, bien sûr, mais qui
sache aussi les exprimer sans les déformer et surtout sans les exploiter.

Devant le vacuum politique qui s’est formé entre un mouvement séparatiste extrémiste et un parti libéral qui méprise le nationalisme québécois, que peut faire l’Union Nationale ? A-t-elle un rôle à jouer ? Peut-elle être un parti valable pour des milliers d’hommes, de femmes et de jeunes gens qui désirent se rallier à une formation
politique qui « colle » vraiment à leurs opinions ?

Je crois que c’est à ce besoin d’engagement politique, profondément ressenti par un grand nombre de
Québécois, que peut répondre l’Union Nationale, en prenant la place qui revient sur l’échiquier politique à un
grand parti centriste.

Ce parti centriste s’offre à tous les Québécois qui ont des idées modérées, des idées de bon sens; à tous ceux qui sont nationalistes… par nature, si l’on peut dire, mais qui se refusent à un radicalisme qui coupe
des réalités humaines et qui débouche sur l’aventura L’Union Nationale se veut le parti de ceux
qui favorisent des solutions saines et réalistes, dans un esprit de mesure et de liberté; de ceux qui cherchent à
défendre nos intérêts fermement, mais posément.

Ce sera le parti de tous ceux qui ne veulent pas détruire, mais qui veulent bâtir, de ceux qui
croient à l’évolution plus qu’à la révolution. Les problèmes qui existent actuellement
dans le domaine économique, ne sont pas étrangers au besoin d’engagement politique dont je viens de parler.

C’est pourquoi l’Union Nationale, en tant que parti représentant une population vivant dans le contexte
économique nord-américain, doit être également le parti de l’entreprise.

Il misera avant tout, pour assurer le développement du Québec, sur la liberté d’initiative et l’esprit
créateur de nos concitoyens.

Le Québec est un pays de taille moyenne et de ressources économiques limitées par rapport aux
géants industriels du monde moderne. S’il veut « tenir le coup » en Amérique du Nord, entre les réalisations
anglo-canadiennes et la super-puissance des États-Unis, sa seule chance est de favoriser au maximum l’expansion
rapide de ses entreprises: c’est là l’unique voie dont il dispose, pour se bâtir une économie ouverte et moderne,
lui permettant à la fois d’assurer le plein emploi à sa population, et de fournir une production capable de nourrir,
en quantité et en qualité, ses besoins d’échanges avec les grands complexes industriels qui l’entourent.

Le parti libéral a démontré, depuis son installation au pouvoir, qu’il n’a pas sur ce plan de politique
très dynamique à mettre en œuvre. Vidé de ses éléments les plus énergiques au moment de la création
du parti québécois, il a perdu, en même temps que ses hommes forts, ses idées les plus originales.

Aussi se laisse-t-il en fait ballotter au gré des événements, et cherche-t-il, à défaut de mesure concrète, à faire des déclarations prophétiques qui lui tiennent lieu de pensée économique.

Les options que nous offre de son côté le Parti québécois ne sont pas plus satisfaisantes.

Pour faire face aux exigences du développement économique, le mouvement séparatiste préconise,
avant tout, la création de nouvelles structures: ainsi, chaque fois que se poserait un problème dans le domaine
économique ou social, ce serait à l’État d’intervenir et de le prendre en charge.

Un tel programme « étatiste » ne nous étonne pas. Ces idées sont en fait directement issues de la « révolution tranquille », au cours de laquelle l’on a pris l’habitude, sous l’influence d’une technocratie toute puissante, de gouverner à coup de structures. L’on a surtout créé à cette époque des contenants qui coûtent en général très cher et qui demeurent la plupart du temps de
simples cadres vides parce que l’on n’y met aucune politique précise. Depuis quelques mois, les éléments gauchisants
du parti québécois contrôlant de plus en plus les leviers de commande de ce parti ont décidé de fournir
un contenu socialiste à ces structures vides.

Cet étatisme à contenu socialiste, prôné de plus en plus par le P. Q., reste cependant difficilement compatible avec un développement harmonieux de l’économie québécoise Il ne peut en résulter, au niveau de l’État, qu’un alourdissement et une perte de vitalité qui ralentiraient davantage l’action gouvernementale et qui en accentueraient encore l’anonymat.

Pour sa part, en ce qui concerne la croissance économique, l’Union Nationale est convaincue que
la responsabilité de l’État est d’élaborer les règles du  jeu économique et de veiller à ce qu’elles soient respectées.
L’État ne doit jamais se donner comme objectif de restreindre un esprit de création, de recherche et d’invention
qui constitue le principal moteur du progrès économique.

Pour jouer pleinement ce rôle de formation centriste, objectif que je n’hésite pas à qualifier de défi, l’Union Nationale a une énorme tâche à mener à bien. Elle doit mettre toutes ses forces en jeu, toutes ses énergies en marche, pour se réformer, pour
se renouveler, pour se moderniser. Elle doit se transformer efficacement et rapidement en une structure d’accueil ouverte, capable d’offrir des positions claires, et un encadrement qui s’inspire des méthodes d’animation modernes.

Elle doit s’engager dans l’option renaissance.

L’option renaissance, cela veut dire essentiellement deux choses: Cela signifie, en premier lieu, que l’Union Nationale redevienne la propriété de ses membres. Si nous avons perdu les élections de 1970
c’est, en grande partie, parce que l’Union Nationale n’appartenait plus à ses adhérents. Ceux-ci, tenus à l’écart
des décisions qui se prenaient dans le parti, n’ont pas eu l’occasion de faire valoir leurs opinions sur les grandes
questions qui engageaient l’avenir de notre groupe politique. Ils avaient perdu tout moyen d’initiative et de participation
au sein d’une organisation où ils doivent être les premiers intéressés.

Nous ne tenons pas à revivre, en particulier, les jours sombres du Bill 63, au cours desquels les autres formations politiques, les associations publiques et les citoyens commentaient l’actualité, pendant que l’Union Nationale se réfugiait dans un mutisme stérile.

Redonner l’Union Nationale à ses membres, cela implique que l’on procède, comme l’on dit, à un
« grand ménage » et que l’on mette de l’ordre dans l’organisation du parti.

Cela exige que l’on retire le pouvoir des mains d’un certain « establishment des suites d’hôtel »
qui, par des manœuvres occultes, dirige les destinées du parti afin de le remettre aux militants eux-mêmes.
Redonner l’Union Nationale à ses membres, cela signifie également que l’on fasse comprendre à l’aile parlementaire que sa responsabilité première est d’être la voix des partisans. Trop de députés, une fois élus,
ont tendance à écraser l’initiative et la vitalité des autres membres du parti, en les considérant comme une simple
machine au service de leur réélection et de leur permanence parlementaire.

2) L’option renaissance comporte une seconde exigence. Si l’Union Nationale veut réellement se rénover,
retrouver sa force et son audience, elle doit épouser les problèmes locaux vécus par les citoyens. Elle
doit régionaliser son action et son organisation.

Pour ce faire, nous devrons créer dans chaque grande région du Québec un groupe de travail de
l’Union Nationale qui s’attachera à tracer les grandes lignes d’un développement économique équilibré au niveau
du territoire concerné.

Ces commissions devront également se préoccuper des problèmes sociaux et culturels qui influencent la situation économique. Elles pourront constituer, enfin, un outil de recherche important sur les questions
relatives à la qualité de la vie, que ce soit dans les zones urbaines ou dans les municipalités rurales, de plus en
plus concernées, elles aussi, par les effets de la pollution et les problèmes posés par l’environnement.

Partout, à travers le Québec, se forment des mouvements ou des organisations ayant pour objectif
d’exprimer telle ou telle revendication et de faire pression sur les pouvoirs publics. L’Union Nationale ne doit
pas rester en dehors de ce courant. Elle est en mesure, en dehors des périodes électorales, de jouer pleinement
le rôle d’un important corps intermédiaire et de constituer un canal privilégié d’expression des préoccupations
des citoyens.

Nous estimons également nécessaire de redonner vie aux commissions de travail issues du Conseil
National du parti; jusqu’ici, ces commissions sont restées trop difficilement accessibles aux adhérents de
l’Union Nationale. Nous devons nous efforcer de les ouvrir plus largement à la participation de tous ceux qui y sont intéressés et de les rendre plus vivantes et plus actives en désignant pour chacune d’elles des animateurs
spécialement formés. Ainsi seront-elles en mesure de jouer leur rôle véritable.

Nous croyons enfin que les assises du parti, suite logique des congrès régionaux, doivent se tenir
annuellement afin que s’instaure dans l’Union Nationale une démocratie vivante et fructueuse.

C’est à ce prix que l’on pourra parler dans l’Union Nationale d’une véritable renaissance.

C’est à ce prix que notre parti pourra devenir une formation vivante, un groupe en expansion capable de rallier efficacement des milliers d’énergies au Québec.
C’est à ce prix qu’il pourra occuper la voie qui s’ouvre au Québec pour un grand parti centriste.

Une voie qui n’est ni celle de l’extrémisme en politique, ni celle des solutions irréalistes en économie.

Une voie qui ne conduit ni à la surenchère  nationaliste, ni au mépris des sentiments les plus profonds
du peuple québécois.

Pour un parti qui cherche à canaliser des opinions modérées, des idées de bon sens, qui sont celles
de la majorité de la population … qui veut stimuler l’initiative privée, principal moteur du progrès économique,
… qui veut offrir aux citoyens un climat de dynamisme et d’audace, mais aussi de liberté et de mesure…

Il y a une troisième voie.

<Masse19710618>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE  DEPUTE DE MONTCALM DEVANT LES DELEGUES DU
CONGRES DE NOMINATION DE L’UNION NATIONALE A QUEBEC LE 18 JUIN 1971>

« Nous faisons actuellement une des luttes les plus importantes de toute l’histoire de la province de
Québec. C’est la lutte en faveur de notre autonomie, c’est la lutte pour le respect de nos droits et de nos prérogatives,
c’est la lutte pour la survivance de la population du Québec, c’est la lutte en faveur des libertés
populaires et parlementaires ». (Maurice Duplessis, Trois-Rivières, octobre 1939.)

Pour démontrer à tout le Québec que l’Union nationale demeure unie dans la volonté de vivre..
dans le désir de servir la cause de l’équilibre, du juste milieu et de l’avenir, nous redevenons maintenant tous
partisans d’une même cause… la reprise du pouvoir politique, économique et social.

Présentement, le Québec est à conquérir et je crois qu’il doit nous appartenir, à nous, les gens
de l’Union nationale… nouvelle… authentique et populaire… plus capable que d’autres de compréhension
des réalités québécoises et du sens de l’humain.

Parce que les gens qui nous gouvernent ont été élus sous de fausses représentations, en profitant honteusement des frayeurs et des insécurités d’un peuple honnête et fier…parce que j’ai trop de respect et d’affection envers l’homme
du Québec pour laisser ce gouvernement continuer d’exister paisiblement…je dis que ce gouvernement doit être inlassablement attaqué tant qu’il n’aura pas choisi de venir rendre compte de ses engagements devant les Québécois auxquels il a effrontément menti.

Parce que les gens qui nous gouvernent sont soumis à une fausse technocratie… croient que seuls les techniciens peuvent solutionner les problèmes qui sont avant tout des questions d’humanité… je dis que nous devons recommencer à parler au coeur de l’homme afin de le convaincre qu’il a le devoir premier de prendre lui-même les moyens propres à assurer
sa réussite…car nous sommes maintenant un peuple sans excuse, qui ayant survécu jusqu’à maintenant, se doit de réussir…
Parce que les gens qui nous gouvernent n’offrent qu’une équipe de sujets épuisés… d’hommes déjà abattus… qui ne savent plus être conscients de notre vouloir collectif…

je dis que nous devons ensemble regrouper de jeunes énergies, des vigueurs et des forces qui, dès demain, commenceront à travailler avec l’Union nationale pour la création du Québec à venir.

Parce que les gens qui nous gouvernent ont des dettes électorales à payer… qu’ils sont soumis
aux puissances financières… et qu’ils essaient de légiférer en fonction de gros intérêts, de conseils d’administrations
d’amis…parce que j’ai trop de respect pour le bien durement gagné… je n’accepte pas qu’on gouverne au profit de
ceux qui ont déjà trop profité… et je dis que l’Union nationale doit veiller à ce que les dettes électorales du gouvernement actuel ne soient pas impunément payées avec notre argent sous le couvert de projets mirobolants.
Parce que les gens qui nous gouvernent ont comme première responsabilité d’orienter le développement
du Québec sans se laisser immobiliser par la machine monstrueuse du fonctionnarisme… trop souvent
préoccupée par le pouvoir personnel… je crois qu’il est temps que les hommes politiques assument
leurs responsabilités et que les fonctionnaires obéissent afin que les partis démocratiquement élus appliquent
intégralement leurs programmes, sans devoir se mettre à genoux devant quelque haut fonctionnaire
que ce soit; sans devoir endurer l’indifférence ou le sabotage de gens nommés pour servir.

Parce que les gens qui nous gouvernent ont choisi de faire croire aux Québécois que tous les
maux économiques qui nous habitent pouvaient être instantanément solutionnés… je dis que nous devons revenir au commencement; que nous devons partir de l’homme et composer un système
social équitable envers les forces du travail, juste envers les non-favorisés, qui ouvre les portes à la jeunes
se et stimule l’initiative, énergie motrice de tout pays rentablement administré.

Parce que les gens qui nous gouvernent ont voulu nous prouver que la complicité politique allait
nous avantager sur le plan constitutionnel et que le Québécois allait trouver profit dans cette compromission…
parce que de Victoria en Victoria, tant que cette complicité durera, le maximum vital nécessaire à notre continuation
ne cessera de nous être refusé…

Je réaffirme que le seul parti politique capable d’assurer notre survivance demeure un parti
strictement et délibérément québécois, sans attache à aucune formation fédérale…
luttant pour la réalisation d’un Québec à l’intérieur d’une communauté canadienne repensée où les États
constituants priment l’État fédéral… un parti affirmant que toute la force de la démocratie est dans l’autonomie et les libertés des citoyens… et ce parti… c’est l’Union nationale…

Treize cent trente Québécois… coeur d’une nouvelle vague…je vous dis qu’il est essentiel que l’option du bon sens
retrouve sa place sur la scène politique… je vous dis que l’Union nationale vivra… et c’est vous qui allez
lui redonner son souffle et sa vigueur.

Je crois dans une Union nationale populaire qui dès maintenant, par de nouveaux systèmes de
participation, va permettre à chacun de vous d’apporter et ses problèmes et ses solutions. C’est par votre participation
que passera le renouveau de notre parti. Je crois aux idées neuves, je crois aux énergies de nos convictions… et je dis que nous devons ouvrir nos portes à toutes les énergies, à toutes les bonnes volontés et à toutes les sagesses.

Que ceux qui veulent travailler… que ceux qui veulent avoir voix au chapitre… que ceux qui
croient au renouveau de l’Union nationale… que ceux qui veulent réussir nous suivent…

<Masse119710708>
<DECLARATION DE MONSIEUR MARCEL MASSE DEPUTE DE MONTCALM DEVANT LES MEMBRES DE L’ASSEMBLEE NATIONALE SUR LE PROJET DE LOI NO. 50 LOI DU DEVELOPPEMENT DE LA REGION DE LA BAIE JAMES LE 8 JUILLET 1971>

Ce projet de loi du développement de la région de la Baie James contient plusieurs principes, mais je crois qu’il se résume à quatre idées principales: a) la question de l’aménagement de la Baie James, particulièrement
des ressources hydro-électriques; b) la société ou les filiales qui auront la responsabilité
de l’aménagement de ces ressources; c) structure des municipalités qui sont à l’intérieur de
ce territoire; d) les gens qui vivent dans ce territoire, particulièrement les Indiens.

Monsieur le Président, je profiterais des quelques minutes mises à ma disposition pour avancer quelques considérations au sujet de ce texte législatif.

A – L Aménagement de la région de la Baie James
Les données connues actuellement sur le projet hydroélectrique de la Baie James et des variantes possibles sur la production d’énergie électrique sont fragmentaires et très approximatives. Cependant, les différentes études et statistiques publiées nous permettent d’arriver aux données suivantes avec lesquelles nous croyons cerner d’assez près la réalité actuelle.

Données techniques:

Tout d’abord, pour le développement hydroélectrique de la Baie James, quelles sont les données techniques ? Nous comprenons que le coût d’investissement des trois phases de la Baie James est à peu près le suivant:
Site
Puissance installée  (en mégawatts)
coût (investissement  initial)
Rupert – Broadback – Nottaway
5,545
2,900,000,009.
Eastmain
2,100
1,200,000,000.
La Grande
4,450
3,000,000,000.
TOTAL
12,005
7,100,000,000.

Le coût moyen du kilowatt installé (ligne de transmission incluse) se situe donc à tout près de $600.00
Nous comprenons aussi que le coût du kilowatt-heure livré à Montréal se situe à peu près entre 8 et 10 mills.

Données socio-économiques:
Nous ne pouvons faire qu’une liste qualitative des avantages ou désavantages socio-économiques du
développement hydroélectrique de la Baie James, vu qu’il n’y a jamais eu d’étude assez complète pour pouvoir les
chiffrer adéquatement. Nous devons donc nous contenter de donner une liste partielle des avantages et désavantages
du projet au point de vue socio-économique.

– Avantages:

Retombée économique des investissements presqu’à100% au Québec; Début du développement d’une immense région du Québec; Aucune augmentation sensible du prix du kilowatt-heure livré pour plusieurs années à venir;

Aucune pollution;

Exportation initiale à d’autres provinces et aux États-Unis, du moins au cours des premières années.

– Désavantages:

Immobilisation à long terme très considérable exigeant des emprunts correspondant à plus de deux fois et demie
la dette de l’Hydro-Québec à la fin de 1970, et tout près d’une fois et demie la dette totale de la province et
des corporations municipales, scolaires, hospitalières, universitaires, etc.. (A la fin de 1970, la dette de l’Hydro-
Québec était de plus ou moins $2,700,000,000., celle du Québec et autres corps publics, municipaux
ou autres, plus ou moins $5,000,000,000. ).

Immobilisation très considérable avant la production du premier kilowatt/heure à cause de la proportion du
coût très forte par rapport à l’ensemble du projet, de l’aménagement des bassins comprenant digues, réservoirs,
canaux de dérivation, etc…

Effets non encore identifiés sur l’écologie et l’environnement de la région.

Ligne de transport d’énergie très longue et susceptible de pannes lors de cataclysme naturel comme tempête
et autres…
Centrales thermiques:
Le coût de construction du réseau de centrales thermiques ayant la même capacité installée que
celle du projet de la Baie James, soit 12,000 mégawatts, varierait entre $2,000,000,000. et $2,500,000,000, et le
coût du kilowatt/heure livré au réseau de distribution varierait entre 12 et 15 mills, au coût actuel du combustible.
il y a dans ce domaine des avantages:

– investissement étalé dans le temps au fur et à mesure des besoins;

– immobilisation plus faible que le projet hydroélectrique.

Par contre, il y a des désavantages également marqués: – retombées économiques beaucoup plus faibles au Québec, le matériel, l’équipement et le combustible devant en grande partie être importés d’ailleurs;

– coût du kilowatt/heure plus élevé et susceptible d’augmenter encore selon les aléas du marché international
du combustible;

– problèmes de pollution des endroits ou ces centrales sont installées.

Centrales thermo-nucléaires:

Dans le domaine des centrales thermo-nucléaires, il semble qu’en utilisant ces centrales, selon la
filière canadienne à uranium naturel et à eau lourde dans les conditions actuelles du marché, on peut établir à environ
$4,000,000,000. le coût de construction du réseau de centrales ayant une capacité totale de 12,000,000 mégawatts.

Par contre, avec la filière américaine à uranium enrichi et à eau naturelle, un réseau central de
capacité identique coûterait en immobilisation initiale environ $2, 500,000,000.

Le coût de revient du kilowatt/heure pour le procédé canadien est très difficile à évaluer. On peut
supposer qu’il s’établirait à environ 15 mills et celui du procédé américain, à peu près la même chose, si l’on
doit construire des usines d’enrichissement d’uranium.

Quels seraient les avantages d’un tel mode ?
– investissement beaucoup plus bas que le projet hydroélectrique, si on ne compte pas les usines d’enrichissement pour le procédé américain;

– investissement étalé dans le temps;

– possibilités assez fortes de diminution dans les coûts de construction des centrales et dans la production de l’énergie.

Il y a également des désavantages à souligner: – retombées économiques beaucoup moins fortes au Québec à cause de l’importation du matériel, de l’équipement et de l’uranium;

– danger très réel de pollution du milieu et de la pollution thermique des eaux;

– coût actuel au kilowatt/heure sensiblement plus élevé que celui des centrales hydro-électriques de la Baie James.

Plusieurs données restent complètement inconnues; n’ont été touchées que très superficiellement dans le problème de l’aménagement régional de la Baie James ou n’ont pas été prises en considération dans l’étude économique du projet. Mentionnons-en quelques-unes:

– Évaluation du potentiel minier, forestier et autres ressources naturelles de la Baie James, de même que de la
possibilité d’implantation industrielle de transformation;

– La possibilité de la récupération de l’eau douce des affluents du bassin québécois de la Baie James pour les
amener avec le projet du Grand Canal par une canalisation de la rivière Harricana et son prolongement vers
la rivière Outaouais vers les Grands Lacs et le Saint-Laurent. On estime que l’apport d’eau douce serait de
l’ordre de 25,000 pieds cubes/seconde, ce qui pourrait aider grandement à maintenir le niveau d’eau dans le
Saint-Laurent et à fournir un surplus d’apport d’eau douce à certaines régions;

Le projet précédent de canalisation permettrait l’ouverture de voies de navigation qui pourraient rendre
rentable l’exploitation des richesses minières et forestières du bassin québécois de la Baie James;

Les possibilités d’emprunt à long terme du Québec devraient être examinées si l’on pense que ce projet représente à lui seul un investissement égal à toutes les dettes actuelles de la province, des corporations municipales, scolaires, hospitalières et autres, et de l’Hydro-Québec;

– On ne sait pas si la différence d’au moins $4, 500,000,000 entre le coût du développement de la Baie James et le
coût de construction de centrales thermiques ou nucléaires de même capacité ne pourrait pas être investi de
façon plus rentable ailleurs dans d’autres projets gouvernementaux.

Il ne faut pas oublier que le projet de la Baie James est un des projets d’investissement les plus importants au monde après celui de la NASA pour la conquête de la Lune qui était établi à $23,000,000,000.

En résumé, on peut penser intuitivement que le projet de la Baie James est avantageux pour le Québec,
mais rien dans les données et les études actuelles ne peut le prouver de façon définitive Il aurait fallu pour
cela faire une étude systématique et intégrée de tous les facteurs socio-économiques, techniques et financiers pour
pouvoir en avoir une certitude raisonnable. Pour un projet d’une telle ampleur, grevant à si long terme les pouvoirs
d’emprunt du Québec, cela aurait certainement été nécessaire.

On parle de plus en plus que les méthodes modernes de gestion gouvernementale, de l’utilisation de la méthode des choix rationnels de budgets (PPBS) afin de pouvoir choisir et décider de façon logique les grands programmes gouvernementaux. C’est un projet où cette méthode pourrait s’appliquer de façon très utile.

B – La société ou les filiales

En plus des problèmes soulevés par le développement de la Baie James, il y a les aspects juridiques
posés par la création de la Société de développement de la Baie James.

1 – Structures:

On envisage dans ce projet la création d’une société-mère, soit la Société de développement de la Baie James, et d’au moins une filiale pour le développement des ressources hydro-électriques, ainsi que la production et la distribution de l’électricité.

L’article 18 du projet de loi laisse entendre que d’autres filiales peuvent être constituées, soit pour les
richesses minières avec la participation de SOQUEM, les richesses pétrolières avec SOQUIP et les richesses forestières
avec REXFOR, ainsi que pour toutes les autres richesses, sans participation obligatoire de la part d’un autre
organisme.

L’article 18 de ce projet de loi doit cependant être interprété comme permettant à la Société de  procéder elle-même directement à l’exploitation de ces diverses richesses, ce qu’elle a le pouvoir de faire en vertu de l’article 4. Il semble qu’elle pourrait alors le faire sans la participation de SOQUIP, SOQUEM ou REXFOR selon le cas. Donc, si elle peut le faire elle-même, pourquoi prévoir dans ce projet de loi des organismes si elle n’est pas obligée de s’en servir ? Ces organismes devraient par contre, dans le projet de loi, être mentionnés particulièrement à l’article 4, afin d’obliger le gouvernement de
s’en servir.

2 – Organigramme coopératif:

a) Société de développement de la Baie James:

Au sujet de la Société de Développement de la Baie James, pourquoi créer une Société à capital-actions ? Il semble que la seule justification serait que le gouvernement considère de permettre un jour au grand public de prendre une participation dans cette Société. Cela me semble contraire à la politique établie depuis fort longtemps par le gouvernement libéral, si l’on considère que l’Hydro-Québec est une société sans capital-actions. Le même raisonnement s’applique d’ailleurs
pour sa filiale qui a la responsabilité du développement des ressources hydro-électriques.

Est-ce que le gouvernement a l’intention de changer ses politiques et de permettre désormais que
la population du Québec participe à la capitalisation de l’Hydro-Québec ou autres régies d’administration du gouvernement ?

Le conseil d’administration de la Société est composé de cinq membres nommés par le Lieutenant-
gouverneur en conseil pour cinq ans, sauf dans le cas du président qui est nommé pour dix ans. Il
est à remarquer que la Loi des compagnies du Québec prévoit que les administrateurs d’une compagnie à actions
ne peuvent être nommés pour un terme de plus de deux Il est aussi à remarquer que selon la Loi de
l’Hydro-Québec, les termes d’office des commissaires sont laissés à la discrétion du Lieutenant-gouverneur
en conseil qui peut, somme toute, être considéré comme l’actionnaire principal.

Il est surprenant de constater que dans cette Société, contrairement à la tradition dans les milieux financiers, le gouvernement impose le président pour dix ans. Notons, de plus, que l’exigence de l’article 11 n’existe pas dans la Loi des compagnies du Québec. Quant aux dispositions de l’article 11, est- ce l’intention du gouvernement libéral d’appliquer désormais ce principe dans l’ensemble des compagnies du Québec ? C’est une question à laquelle le Premier Ministre devrait nous fournir une réponse.

Pour leur part, les dispositions de l’article 12 sont sujettes à confusion. Le président d’une
compagnie est normalement la première autorité de la compagnie, c’est-à-dire celui qui est responsable généralement de l’administration et de la direction de la compagnie, et toujours sous la direction du conseil
d’administration. A cet égard, l’article 12 pourrait porter à confusion, et il est à souligner qu’aucun article
de cette sorte ne se retrouve dans la Loi de l’Hydro-Québec, b) Les filiales: Au sujet des filiales, disons que la Société de la Baie James devra avoir de toute nécessité une participation dans chacune de ses filiales. Cette participation devra être d’au moins 40% de la filiale du développement des ressources hydro-électriques et d’au moins 51% pour toute autre filiale.

On connaît déjà les autres actionnaires des filiales prévues au paragraphe a), b) et c) de l’article
18, soit SOQUIP, SOQUEM et REXFOR. Les autres filiales prévues au sous-paragraphe d) de l’article 18,
les co-actionnaires qui peuvent détenir jusqu’à 49% des actions sont inconnus. De même pour ce qui est
de la filiale chargée du développement des ressources hydro-électriques, l’Hydro-Québec doit avoir une participation
de 50%, mais 10% du capital-actions peut être émis à d’autres personnes Il est à noter que les actions qui peuvent être émises à des tierces personnes, le seront fort probablement par les conseils d’administration
de ces sociétés, si on s’en remet à la règle du droit corporatif.

En effet, ce sont les administrateurs qui ont la responsabilité de l’émission et de la répartition
du capital social. Est-ce que cela est sage, vu l’importance des projets en cours et leur qualité d’être
du domaine public ?

Pour ce qui est des conseils d’administration des filiales, les articles 17 et 19, les nominations
sont faites par le Lieutenant-gouverneur en conseil à la recommandation des divers organismes, aussi bien
dire que les administrateurs sont nommés par le Lieutenant-gouverneur en conseil, car les recommandations
peuvent fort bien être forcées Il est à remarquer que la loi ne prévoit rien quant à la capitalisation des filiales à être formées,

3 – Incidence fiscale:

L’article 62 de la Loi de l’impôt sur le revenu, loi fédérale, pour déterminer si la société et ses
filiales seront appelées à payer l’impôt sur le revenu au gouvernement d’Ottawa, ou amenées à soumettre des rapports
au ministère du Revenu national d’Ottawa Il est clair que la Société de développement de la Baie James
est exempte de payer de l’impôt et aussi de soumettre un rapport. Toutefois, la rédaction de l’article 62 est assez
ambiguë pour permettre d’avancer ce qui suit:

a) Si la filiale prévue à l’article 16 est un actionnaire autre que l’Hydro-Québec ou la Société de développement de la Baie James, cet autre actionnaire n’étant pas une société de la couronne, la filiale sera appelée à payer de l’impôt
et aussi à soumettre des rapports au ministère concerné du gouvernement fédéral.

b) L’interprétation stricte de l’article 62 pourrait permettre de déclarer que les filiales prévues aux sous-paragraphes a), b) et c) de l’article 18 ne sont pas exemptes d’impôt fédéral. Toutefois, il y a là matière à explications.

Il est douteux, par contre, que le gouvernement fédéral insisterait si ces sociétés décidaient carrément qu’elles
sont exemptes d’impôt.

c) Pour ce qui est d’une filiale constituée en vertu du sous-paragraphe b) de l’article 18, elle serait exempte d’impôt
si tout le capital-actions est détenu par la Société de développement de la Baie James. Elle perdra des exemptions
si une partie du capital est détenue par un autre actionnaire qui ne serait pas une société de la couronne.

Il faut noter que l’article 62 de la Loi de l’impôt sur le revenu du gouvernement fédéral n’a pas été
touché par les derniers amendements soumis par l’honorable Benson Il serait intéressant d’entendre le Premier
Ministre fournir des explications concernant les exigences fiscales du gouvernement fédéral devant l’ensemble de
cette pyramide de corporations.

4 – Divers commentaires:

a) Les larges pouvoirs administratifs donnés à la Société par l’article 4, incluent-ils ceux de l’administration judiciaire
? C’est également un domaine où il serait intéressant d’entendre, au moins, le ministre de la Justice,

b) L’article 31 prévoit que, pour disposer de ses immeubles en faveur de quiconque, sauf des filiales identifiées
à cet article, la Société doit obtenir l’autorisation du Lieutenant-gouverneur en conseil pour procéder par vente
à l’enchère ou par soumission publique. Cet article ne s’applique pas aux filiales. Est-ce que ces filiales pourront
disposer de leurs biens sans être obligées de respecter la loi ou le système des soumissions publiques du Québec et vendre à qui elles le désireront des biens que les sociétés-mères leur auraient transmis.

c) Doit-on comprendre de l’article 32 qu’il ne traite pas des comptes de la Société ? Il semble donc que les comptes
des filiales ne soient pas soumis à cet article. Toutefois, les vérificateurs des filiales seront effectivement
nommés par les actionnaires majoritaires de celles-ci, soit la société, soit l’Hydro-Québec. De même l’article
33 n’impose qu’à la Société l’obligation de faire un rapport de ses activités. Si l’on interprète cet article restrictive-
ment, ce rapport ne doit pas nécessairement inclure un rapport des activités des filiales. D’ailleurs, selon le
deuxième paragraphe de l’article 33, à moins que le ministre n’y ait inscrit autre chose, ce rapport ne contient que les détails financiers de la Société. Pour établir un parallèle, notons que l’article 19 de la Loi de l’Hydro-Québec prévoit que la commission est tenue de faire un rapport détaillé annuel des biens en sa possession et de ses opérations,
donnant tous les renseignements nécessaires pour faire connaître l’état général de ses affaires.

Ce rapport détaillé est soumis à l’Assemblée Nationale par le ministre. Dans le cas de l’Hydro-Québec, il ne s’agit donc pas strictement des rapports financiers.

d) il est également à noter que la Société sera régie par les dispositions de la deuxième partie de la Loi des compagnies, tandis que les filiales, elles, seront régies par les dispositions de la première partie de cette loi, sauf pour toutes dispositions incompatibles avec le Bill 50.

Il serait intéressant d’entendre le Premier Ministre nous fournir des explications sur ces points-là.

C – Les municipalités

Le troisième domaine fort important de ce projet de loi, pour lequel les membres de cette Assemblée
devraient recevoir des explications, c’est tout ce qui concerne les municipalités. Le gouvernement, par ce projet
de loi, retourne un sixième du territoire québécois à l’époque de la féodalité. Qu’en est-il du droit de vote des
gens habitant ce territoire ? Qu’en est-il de la nomination directe et d’une durée très longue des membres des
conseils municipaux de la région ? Pourquoi avoir des conseils municipaux dont les membres ont un mandat plus
long même que ceux de la ville de Montréal ? Pourquoi donner à la société-mère le pouvoir de suspendre le droit
municipal en partie et lui donner ce droit de suspendre tout le droit municipal du Québec pour ce territoire d’un
sixième ? Je pense qu’une autorisation semblable de la part de l’Assemblée Nationale, sans avoir reçu au préalable
des informations justifiées, serait donner un chèque en blanc et cela c’est fort dangereux.

D – La population

Le quatrième point, fort important et sur lequel on a entendu très peu de remarques à l’Assemblée Nationale, c’est celui qui est couvert par un article, à la fin de ce projet de loi, concernant les droits et privilèges des Indiens.

Le projet de loi demande aux membres de cette Chambre de ratifier l’article 43: « La présente loi
n’affecte en rien les droits que possèdent les communautés indiennes vivant dans le territoire ». A titre de participant
aux travaux de cette Assemblée, je n’ai pas à priori d’objection à ratifier cet article 43, mais j’aimerais entendre
du ministre responsable, soit le ministre des Richesses naturelles ou le Premier Ministre, puisque c’est
souvent son suppléant dans ces domaines, quels sont les droits que possèdent les communautés indiennes vivant dans le territoire.

Sans vouloir aller trop loin dans les débats, je sais que deux traités ou deux actes du Parlement d’Ottawa
et du Parlement du Québec ont une importance capitale dans cette région; ces lois divisent le territoire en
deux parties: soit une loi datant de la fin du siècle dernier qui retournait au gouvernement du Québec une partie du
territoire du nord de l’Abitibi et qui faisait des citoyens de cette région des citoyens à part entière du Québec et
une deuxième loi, datant de 1912, qui, elle, parle nommément des droits et responsabilités des Indiens vivant
dans cette région, donc ils ont des droits particuliers.

Est-ce que le ministre des Richesses naturelles pourrait nous expliquer si, par ce projet de loi, il entend faire en sorte que les Indiens soient considérés par la Société comme ayant les mêmes droits, peu importe où ils habitent sur le territoire, ou s’ils continueront à être considérés comme ayant des droits différents selon qu’ils habitent telle région dans le territoire par rapport à ceux qui étaient devenus citoyens du Québec par la Loi de la fin du siècle dernier ?

Je pense que ce ne sont pas là des détails, mais des points fort importants. Depuis longtemps, le
gouvernement du Québec a négligé ses responsabilités envers les Indiens du Québec. Je crois qu’il y aurait là, de la part du gouvernement, une possibilité de faire connaître ses intentions quant à l’administration de ces collectivités.

Également, après avoir expliqué les droits et privilèges qu’il entend reconnaître aux Indiens de cette
région, est-ce que le gouvernement pourrait nous fournir les renseignements pertinents sur la façon dont il entend
protéger ces gens face aux compagnies quelles qu’elles soient et particulièrement la Société et ses filiales ? Comment les droits de ces Indiens seront-ils protégés quant à leur travail, quant à leur recyclage, quant à leur langue
et quant à leurs possibilités d’emploi ? Est-ce que le Premier Ministre ou le ministre pourrait également nous informer quant aux droits de chasse et pêche consentis par les traités ou par les législations du gouvernement fédéral ou du gouvernement du Québec dans cette région, particulièrement dans les régions qui seront inondées par la construction des barrages ? Est-ce que le gouvernement a l’intention de négocier avec les responsables indiens l’acquisition ou le rachat de ces droits ou de leur
jouissance dans tous les territoires inondés par la réalisation des barrages en question ?

Nous aimerions entendre également, si c’était possible, les représentants des Indiens et de ces
collectivités qui vivent dans le territoire et connaître de la bouche de ces gens comment ils entendent voir défendre leurs droits et quels sont, dans leur esprit, les droits qu’ils ont Il est bien, pour nous, dans ce projet de loi, de dire des communautés indiennes vivant dans le territoire que nous n’affectons pas leurs droits par cette législation.
Mais nous aimerions bien savoir de leur part quels sont les droits qu’elles s’accordent par rapport aux droits que
le gouvernement leur accorde. Nous serons ainsi en mesure de savoir exactement de quoi on parle.

Je crois que voilà une autre raison pour retarder l’adoption à la vapeur de ce projet de loi. C’est
une raison qui, à mon avis, est fondamentale pour les membres de cette Assemblée que d’entendre les représentants
des collectivités indiennes de la région nous faire part de leurs désirs, de leurs doléances et des dangers qu’elles
voient dans l’exploitation de cette région-là.

Nous avons ici, au Parlement du Québec, suffisamment négligé, depuis le début, les droits et les
privilèges d’une partie importante de notre collectivité; je pense que nous devrions profiter de ce projet de loi
pour entendre ces gens-là et leur donner justice, et non pas se contenter d’un seul article à la fin du projet de loi.
Conclusion

En terminant l’étude de ce projet de loi, je ne puis m’empêcher de dire que c’est un projet de loi incertain
à cause de son objet; un projet de loi qui est antidémocratique au sujet des gens qui vont vivre dans ce territoire, particulièrement au plan du droit de vote des habitants des municipalités. C’est un projet de loi présenté par un gouvernement à la recherche de mythes et par un Premier Ministre qui désire peut-être, lui également,
avoir ses pyramides au Québec. C’est une officine monstrueuse de patronage. C’est la mise en tutelle, d’une partie
importante du Québec et c’est, dans ce sens, un retour à la féodalité.

C’est une négation de la part du Premier Ministre de la capacité d’administration des hommes publics
du Québec, particulièrement des fonctionnaires de l’Hydro-Québec et des sociétés REXFOR, SOQUIP et
SOQUEM. Si c’est vrai que le Premier Ministre sent l’obligation de soustraire à l’administration publique normale
l’administration et le développement d’un sixième territoire du Québec, pour quelle raison ne le ferait-il pas pour
les cinq autres sixièmes du territoire ? S’il ne s’y sent pas obligé, parce qu’il croit que son gouvernement est
l’instrument de développement de l’ensemble de la société québécoise pour les cinq autres sixièmes, pourquoi
sent-il l’obligation de mettre en tutelle un sixième du territoire québécois ?

C’est le gouvernement du Québec qui est l’instrument de coordination de l’ensemble du développement
du Québec. Voilà que, cette fois-ci, le gouvernement préfère soustraire à l’administration de son propre gouvernement un sixième de son propre territoire. Si le gouvernement considère que l’administration publique est inefficace et qu’elle ne peut pas coordonner des projets intégrés de développement dans les régions, s’il considère
que les instruments qui sont à son service sont déficients, qu’il les change, autrement nous conclurons que
les hommes qui administrent ces instruments ne peuvent pas le faire et eux, qu’ils démissionnent.

Monsieur le Président, je pense que le gouvernement fait la preuve par ce projet de loi de son incapacité
d’administrer avec les institutions qu’il s’est lui-même données Il sent le besoin de confier à d’autres hommes
non élus l’administration d’un sixième du Québec.

Est-ce que ce n’est pas de la part du Premier Ministre reconnaître que, de toute façon, ce sont présentement
ces hommes qui décident pour le reste du territoire québécois ?

<Masse19711028>
<CONFERENCE DE MONSIEUR MARCEL MASSE DEPUTE DE MONTCALM PRONONCEE DEVANT LES MEMBRES DE LA CHAMBRE DE COMMERCE REGIONALE DES LAURENTIDES A L’HOTEL LA SAPINIERE
VAL-DAVID LE 28 OCTOBRE 1971>

Depuis quelques années, les différents gouvernements qui se sont succédé à Québec ont tenté avec
plus ou moins de succès de définir une politique de planification. Il est maintenant possible de tirer de ces
expériences quelques conclusions. Les efforts du gouvernement dans ces domaines ont d’abord porté sur une rationalisation
des dépenses publiques, soit en matière d’investissements, soit en matière de gestion. Cette politique,
bien qu’encore aux balbutiements, doit se poursuivre Il est sain qu’un organisme qui investit dans la construction, par exemple des millions de dollars, le décide à l’aide de normes et en fonction d’un plan d’ensemble.

Mais là où la politique en matière de planification est incertaine, pour ne pas dire inexistante, c’est
dans la définition des objectifs de l’économie québécoise.

Les gouvernements n’ont jamais défini l’orientation de nos secteurs économiques, n’ont jamais consenti à fixer
des taux de production, d’investissements, etc… La totalité des différents secteurs de l’économie privée est en
matière d’investissements, de production, entièrement libre. Résultat, laissée à elle-même, l’économie privée
se développe plus ou moins dans l’anarchie sans but précis autre que le profit dans leur domaine particulier.

Nous ne discuterons pas aujourd’hui de l’importance qu’il y aurait pour le Québec de fixer pour le secteur privé des buts à atteindre, des normes de développement. Le sujet est fort important, mais je ne voulais ici que souligner les limites de ce qu’on nomme la planification du Québec.

Reste une autre facette de nos tentatives de planification, c’est-à-dire l’aménagement du territoire.

A la suite de quelques expériences, les responsables en sont venus à la conclusion de la nécessité d’une meilleure
connaissance du territoire, de ses possibilités, de son avenir, afin de mieux orienter les investissements publics
faute de réglementer les actions du secteur privé.

I – L’aménagement régional

L’aménagement régional ou la planification régionale est reconnue comme une nécessité de notre époque
et correspond à la philosophie de notre civilisation qui prend tous les moyens pour dominer les événements
et non de se laisser orienter par eux.

Le Québec a quelques expériences en ce domaine. L’étude et le plan d’aménagement de la Gaspésie –
Bas Saint-Laurent, les équipes d’aménagement de la région Saguenay – Lac Saint-Jean, celle de l’Abitibi et, plus
récemment, le vaste territoire entourant le site du second aéroport international de la région de Montréal.

Permettez-moi en votre présence d’avancer quelques idées, quelques suggestions afin d’amorcer une discussion concernant notre région: les Laurentides.

L’aménagement régional doit constituer l’instrument nécessaire pour une meilleure connaissance
de notre territoire, une meilleure utilisation de notre potentiel.

il nous faut, au départ, tenir compte que l’aménagement du territoire est une œuvre de longue haleine
nécessitant des vues réalistes pour des projets à long et à court terme, dont la perception exige une bonne
clairvoyance, une connaissance du milieu et des besoins des populations.

L’aménagement régional du territoire doit aider au développement économique par une meilleure utilisation de nos possibilités, une meilleure efficacité de nos mouvements de capitaux, une rentabilité maximale de
nos investissements et de nos efforts.

Espérons que c’est dans cet esprit que le ministre des Affaires municipales vient de publier une série de solutions préliminaires au schéma d’aménagement, non seulement des espaces entourant l’aéroport international,
mais également des lignes directrices au point de vue récréation et tourisme pour les territoires environnants.

Le ministère, par ses organismes, à partir d’un axe de développement économique privilégié, a poursuivi des études d’aménagement préliminaire et sectoriel de nos Laurentides, afin de déterminer la forme d’urbanisation la plus appropriée qui puisse, en même temps, réaliser l’axe économique, bonifier chacune des parties du territoire et promouvoir des objectifs de bien-être. A cette fin, l’organisme gouvernemental a établi cinq solutions possibles, les a comparées et soumet son
évaluation à la consultation municipale.

II – Les consultations

Or, il semble que depuis déjà trop longtemps, toute notre population, les autorités gouvernementales,
les comités municipaux, les hommes d’affaires, corps publics, ingénieurs, économistes, sociologues,
cherchent exactement qui doit décider et agir en matière d’urbanisme et de planification régionale. Tous veulent savoir et participer à l’essor de nos Laurentides, faire des recherches pour choisir des lignes de force, préparer
des axes routiers, établir des aménagements suivant une ligne privilégiée de développement établie par la Commission
de Développement de la région de Montréal (C. D. R. M. ).

Études, réunions, congrès, comités de région et sous-région, tous apportent des suggestions intéressantes,
mais ne semblent pas pouvoir concilier leurs vues sur notre belle et grande richesse, nos Laurentides,
faute d’orientation véritable.

Montréal avait déjà préparé un plan témoin, An 2000, aujourd’hui désuet depuis la décision de construire un deuxième aéroport dans la région de Montréal, le B, A, E.N.I, Q. n’existe plus, S. A. T.R. A. soumet cinq esquisses préliminaires pour des zones « A » et « B » bien limitées, l’I. N. R. S. prépare des études écologiques, le C. D.R.M. préside. Beaucoup de monde, beaucoup d’idées, peu de décision.

L’axe privilégié de développement a été établi en 1971 pour nos Laurentides.

La zone « A » d’aménagement possible ceinture timidement l’aéroport alors que la zone « B » s’étend
un peu plus au nord, à la porte de Sainte-Adèle et une zone « C » est encore à l’étude à ce jour .

Fort de toutes ses études et de toutes ses grandes pensées, fort de ses ordinateurs et de ses spécialistes, il me semble que Québec devrait aujourd’hui nous faire connaître la vocation, les objectifs et les priorités d’aménagement essentiels pour assurer l’essor économique de nos Laurentides, d’aujourd’hui et de l’An 2000.

III – Vocation des Laurentides

Nous avons tous un sentiment d’admiration pour notre région Il n’y a aucun doute que nos Laurentides
sont vouées à la détente, aux loisirs et aux sports. Nous ne prétendons pas que nous devons consacrer aux
loisirs toutes les régions non peuplées, pour leur seul prétexte de beauté sauvage, sans nous préoccuper de leur peuplement ou encore de leur économie. Cependant, nous sommes tous au courant que nos Laurentides ont connu des migrations et nous acceptons tous aujourd’hui qu’elles ne peuvent offrir que peu de territoire pour une économie intensive en matière d’agriculture.

Nos Laurentides ont connu un essor économique grâce à un type d’économie très particulier. La migration de fin de semaine.

Notre bassin d’approvisionnement est Montréal. C’est ainsi que l’avenir des Laurentides est directement
relié à celui de la métropole. Voyons ce que disait Horizon-2000 au sujet de l’avenir de Montréal « En 1981, la métropole du Canada comptera plus de quatre millions d’habitants. En l’an 2000, sept millions de personnes vivront dans la région montréalaise.

En somme, d’ici 30 ans, la population aura plus que doublé ». En l’an 2000, les sept millions d’habitants de la région montréalaise auront un revenu plus élevé que maintenant. Ils rêveront d’une maison unifamiliale. Ils
voudront posséder un chalet à la campagne, ou une seconde automobile. Ils dépenseront davantage pour leurs loisirs ».

« Chacun pourra consacrer plus de temps à ses loisirs. En l’an 2000, il y aura un véhicule automobile
pour deux personnes et, en fin de semaine, un peu plus de trois millions de voitures voudront utiliser les ponts qui
relient Montréal à la région environnante. Les Montréalais auront soif d’une bouffée d’air frais ».

Les Montréalais voudront se récréer à l’extérieur de la ville et les liens qui seront établis entre la ville et les zones récréatives devraient contribuer à façonner le visage de la région ».

« Plusieurs forêts doivent être protégées pour être graduellement transformées en parcs régionaux, dotés
d’équipements de pique-nique, de camping, de caravaning. Mais il faudrait voir encore plus loin et planter les forêts
où les enfants du 21ième siècle prendront leurs ébats ».

Voilà quelques réflexions qui doivent nous éclairer sur la conduite à tenir.

Les citoyens qui viendront régulièrement dans nos régions, deux jours sur sept et bientôt trois, devront de moins en moins être qualifiés de touristes, parce que leur séjour sur notre territoire sera partie intégrante de leur genre de vie, ce ne sera plus à l’occasion qu’ils nous visiteront Ils se reposeront ici et travailleront à Montréal Ils seront d’ici.

Les Laurentides deviendront autant de lieux ouverts au repos et à la détente des citadins.

Ces citoyens chercheront à connaître davantage. Ils désirent tout voir et tout savoir. Nos Laurentides
offrent des découvertes passionnantes, des sites sans cesse renouvelés. Dans certains secteurs, nos montagnes offrent
au détour de chaque accident de terrain, des activités sportives attrayantes: pêche, chasse et autres plaisirs de la nature.

Nos Laurentides sont une source d’énergie et de vie et nos vallées possèdent le don de tout revivifier, elles constituent une source inestimable de réserves de loisirs et de détente.

Il nous faut donc sans délai, non seulement protéger notre région, mais également nous devons rappeler
à l’État qu’il doit les protéger à titre d’espaces verts, tout en prévoyant les équipements touristiques nécessaires.
IV – Besoins et possibilités

Selon des études effectuées déjà, plus de 2000,000 personnes voyageant en automobile, viennent dans
nos Laurentides pour des fins de loisirs et pour s y récréer.

Selon S. A. T. R. A., il existerait un déficit régional à combler de plus de 34,000 acres aux environs
mêmes de Montréal. De plus, il faudra prévoir environ 120,000 acres additionnels dans la zone « B ». Enfin,

S. A, T. R. A. signale que la région de Montréal devrait jouir de quelque 400,000 acres de réserves naturelles
d’ici l’An 2000. Ces observations sont alarmantes et nous comptons que les aménagements d’espaces verts qui seront
apportés à long et à court terme par l’État ne se limiteront pas à un axe dit « privilégié » soit entre Montréal
et Saint-Jérôme, car nos Laurentides sont beaucoup plus étendues et les besoins beaucoup plus vastes !

Des espaces verts devraient être prévus et aménagés dans toute la région des Laurentides, tout comme
les planificateurs régionaux d’autres pays l’ont conçus dans leur plan régional respectif. La France, l’Angleterre, les
Pays Bas, les États-Unis ont prévu en effet, suivant les besoins régionaux, des espaces à proximité des entités urbaines:
pour forêts, plans d’eau et sites de villégiature.

Rappelons également que dans les espaces verts, l’État pourrait créer des parcs d’attractions tels
que: parc floral, musée de la maison rurale, parc d’attractions pour enfants, ferme pour enfants, cirque aquatique,
zoo, baignade en rivière. Les entreprises privées pourraient également jouer un rôle important dans cet effort économique. L’État se doit de bien faire connaître ses décisions sans délai.

En effet, à l’exemple d’autres pays, nous nous acheminons au Québec vers une ère de loisirs et la majorité de la population des grands centres urbains désire aujourd’hui s’échapper de la fébrilité de la vie urbaine.

Le béton, la brique, les pavages, obligent des développements tentaculaires, obligent le citadin à des conditions de vie artificielle. Or, l’homme a besoin de la nature pour éviter l’entassement, l’étouffement.

Nos Laurentides peuvent favoriser les loisirs de plein air, par la création, la protection et la mise en valeur d’espaces libres urbains régionaux et locaux et par l’aménagement de secteurs susceptibles d’accueillir des résidences dites « secondaires ». Notre région peut aider les citoyens étouffés à renouveler contact avec la nature, à les conduire vers des lacs, des rivières, des forêts incomparables.

Dans notre civilisation mécanisée, le loisir par les espaces verts apparaît comme un indispensable facteur
d’équilibre. Les citadins abrutis par un travail de plus en plus routinier et automatisé, ne songent qu’à récupérer
dans le calme.

Nous ne prétendons pas imposer aux citadins l’utilisation de leurs loisirs. Cependant, le désir d’évasion hors des villes est un phénomène irréversible et ce, aux dépens des loisirs urbains.

L’air, l’eau, le calme de nos montagnes, pourraient offrir aux citoyens un environnement naturel
dont ils sont privés. A nous de les inviter en accordant une large place à l’aménagement de sites naturels de détente.

Il convient de créer des centres de loisirs qui favorisent également la promotion culturelle de l’individu
et de lui assurer un ensemble d’activités qui feront appel à la culture de chacun, tout en l’enrichissant.

Imposés par le développement des grands centres urbains et les conditions d’existence qu’ils impliquent, les grands espaces verts apparaissent comme un équipement social essentiel Il nous faut pour demain, tous ensemble, nous assurer qu’ils seront dans toute notre région, non seulement un tableau décoratif, mais qu’ils répondront à des nécessités physiques, psychiques et
touristiques.

Nous suggérons de plus que les parcs publics dits provinciaux, tel le Parc de la Montagne Tremblante,
soient aménagés et que leur accès soit gratuit.

Dans le cas des terrains de camping, des tarifs bien contrôlés pourraient offrir des emplacements dotés de toutes
les facilités nécessaires.

Nous comptons que ces parcs soient distribués, non seulement sur un axe privilégié, mais dans toutes les zones distinctes pour favoriser les activités qui se rapprochent le plus de la nature: camping, canotage, excursion,
pêche, natation, photographie, étude de la nature, promenade touristique, colonie de vacances.

Certaines autres zones pourraient également offrir des loisirs comme l’auto-neige, le ski, l’alpinisme,
l’équitation. En bordure de certains lacs, des installations pour la baignade pourraient être également prévues.

Dans les forêts environnantes, des sentiers d’excursions bien tracés, des pistes d’équitation et des
routes de promenade, des points de vue, pourraient mener aux secteurs les plus pittoresques.

D’autres parcs pourraient offrir des programmes d’interprétation de la nature. Enfin, il serait possible de prévoir dans certaines autres zones vertes, des parcs d’attractions et ornementaux.

Rappelons que les équipements et les services pourraient varier d’un espace vert à l’autre, ainsi,
certaines zones de service pourraient offrir des motels, hôtels, terrains de golf, courts de tennis, écoles d’art
estivales, des jeux extérieurs. D’autres secteurs aménagés entre les espaces libres pourraient contenir des villages
touristiques ou, même, de petites entités urbaines.

L’économie entière des Laurentides pourrait profiter de tels parcs. L’entreprise privée pourrait s’établir à proximité des espaces verts pour fournir tous les services requis, tels que hôtels, restaurants, boutiques,
artisanat, buanderies, postes d’essence et autres services essentiels.

il n’y a aucun doute que les touristes et visiteurs charmés par les beautés naturelles et bien aménagées
de notre territoire, désireront nous revenir en plus grand nombre.

N’allons pas croire que la totalité de ces réalisations revient à l’État. Ce n’est pas en laissant l’État tout construire, tout administrer, que nous allons rapidement réaliser nos objectifs. Au contraire, si l’État doit, dans certains domaines, réaliser directement les projets, elle doit dans l’ensemble permettre, par une bonne définition des objectifs à atteindre, une politique
de subventions ou de prêts rationalisés, qui permettra aux citoyens, autres que fonctionnaires, d’apporter eux
aussi leurs connaissances et leur travail dans l’aménagement de nos régions.

V – Action positive nécessaire

Il semble bien évident que l’État, face à des consultations, à des rapports, plans esquisses, discussions,
tente de considérer certains grands problèmes de transport collectif, d’autoroutes et voies principales,
d’utilisation du sol ou de zonage, de structures urbaines actuelles et futures, du bruit, de l’agriculture, de l’industrie, de l’habitation, de la récréation, des utilités, du transport, du patrimoine immobilier et forestier, villes nouvelles ou villages futurs.

L’État s’enlise plus dans les recherches que dans l’action. Il nous semble que le ministère des Affaires
municipales par ses organismes doit prévoir non seulement pour des secteurs bien privilégiés, mais pour l’ensemble
des Laurentides, et qu’il doit prévoir des espaces verts provinciaux répartis dans toutes les zones pour les besoins
de toute la population régionale.

Tous les corps publics, toutes les municipalités de notre région devraient se préoccuper de l’aménagement de notre territoire et demander à l’État de bien vouloir considérer une planification régionale réelle de nos Laurentides et de prévoir des espaces verts pour les besoins touristiques et de loisirs, régionaux, d’aujourd’hui et de demain.

Les espaces verts ainsi aménagés et répartis sur l’ensemble de notre territoire pourraient desservir
nos entités urbaines, accommoder nos visiteurs et desservir les besoins régionaux tout en stimulant notre économie.

Toutes les municipalités, tous les villages, les corps publics devraient d’une part, sans délai, demander
à l’État du Québec:

1 – de reconnaître notre région comme « zone verte » nécessaire au développement rationnel du bassin de la métropole;

2 – de prévoir un plan d’aménagement régional évaluant l’utilisation des sols, les règlements de zonage, les
investissements publics nécessaires et le calendrier de réalisations;

3 – d’indiquer les orientations du développement permet tant à l’entreprise privée de s’inscrire dans cet avenir;

4 – d’acquérir les grands espaces verts régionaux nécessaires avant que l’urbanisation ne les atteigne et ce,
dans toute la région des Laurentides et suivant un plan d’ensemble régional bien défini;

5 ~ d’assurer pour la population des centres d’accueil a proximité des espaces verts naturels et en bordure de certains lacs;

6 – d’indiquer les règlements et les normes concernant la lutte contre la pollution. Assurer par des prêts ou
des subventions aux collectivités publiques ou aux entreprises privées les moyens de lutter efficacement
contre la pollution;

7 – de prévoir des prêts ou des subventions aux collectivités ou aux entreprises privées afin de réaliser les
équipements nécessaires à la réalisation d’un plan d’aménagement;

8 – de contrôler à l’avenir le déboisement irréfléchi de nos montagnes et arrêter les développements prématurés ou irréalisables.

Nos municipalités d’autre part devraient:

1 – préparer leur propre schéma directeur d’aménagement selon leurs besoins;

2 – contrôler les subdivisions prématurées;

3 – éliminer les cimetières d’autos, les enseignes criardes et les aménagements indésirables;

4 – édicter les règlements de zonage, de construction et d’hygiène essentiels à leur territoire;

5 – déterminer les secteurs d’occupation ou d’aménagement de maisons secondaires ou chalets;

6 – assurer des facilités essentielles à l’essor touristique;

7 – informer les autorités gouvernementales de leur schéma d’aménagement et échanger les informations au niveau régional;

8 – préparer un plan de coordination inter-municipale de façon à assurer un cadre régional harmonieux dans le
schéma directeur.

Conclusion

C’est donc un plan d’aménagement régional que nous devons tous réclamer, afin de connaître et de
contrôler le développement de notre territoire.

De grands espaces verts bien situés et bien aménagés, une réglementation propice au développement,
un calendrier d’investissements publics connu, une aide appropriée à l’entreprise privée, une politique de coordination des activités des autorités municipales, voilà autant de moyens qui nous permettront de participer à notre
développement.

Ne craignons pas d’exiger d’être entendus. Nous avons un rôle à jouer dans ce domaine. A nous d’y
être présents.

<Masse19711101>
<RENCONTRE AVEC LES MEMBRES DE L’ASSOCIATION UNION NATIONALE DU COMTE DE MONTCALM
A SAINT-JACQUES LE 1er NOVEMBRE 1971>

Il y a quelques années, soit le 20 janvier 1966, en cette même école, j’avais, à l’occasion d’une
conférence de presse à laquelle plusieurs d’entre vous assistaient, annoncé ma candidature au congrès de nomination
de l’Union Nationale pour la circonscription électorale de Montcalm. Cette réunion se tenait quelques semaines
plus tard à Sainte-Julienne, chef lieu de notre comté.

A l’occasion de cette réunion d’information, dont j’ai retrouvé il y a quelque temps le document
de base – vous constatez que des études en histoire mène à tout, y compris conserver les copies de ses allocutions – je traitais d’un certain nombre de points de l’actualité de l’époque, mais également de principes d’organisation,
et il serait intéressant d’en reprendre ce soir quelques-uns.

Après avoir expliqué pourquoi un candidat à un poste public devait faire connaître ses idées de base,
son expérience pertinente, sa biographie, j’abordais un point capital: l’engagement dans la politique active.

Pourquoi l’action politique ? Nous devons tous être des citoyens à part entière. Cela nécessite de
tous et chacun une entière participation à la construction de sa cité, de son pays. La candidature de Marcel Masse devenait le prolongement normal de ses activités au sein des corps intermédiaires de la région de Joliette. Pendant plusieurs années, soit comme président de notre Société nationale, soit au titre de principal animateur du Conseil des Arts de la région de Joliette, soit en qualité de président de différents syndicats d’enseignants du territoire Lanaudière ou dans d’autres secteurs d’activités professionnelles ou sociales, j’avais eu l’occasion d’être mis au fait des problèmes vécus par mes concitoyens. Cette
connaissance de notre réalité m’a conduit à une réflexion et à des prises de position sur les principaux sujets d’activités.
A l’occasion de colloques, congrès, journées d’orientation, discussions de toutes sortes, j’ai eu à prendre des engagements et à les faire connaître. Venait un temps où il était normal d’être tenté de pousser plus loin le raisonnement et d’entrer de plein pied dans l’action politique.

Lors de cette conférence de presse, à laquelle je me réfère depuis quelques minutes, il y avait aussi des raisonnements, des explications, qui, compte tenu des étapes franchies depuis, me semblent encore être de pleine actualité. Notamment la question de la participation. Déjà en 1966, cet aspect de la vie des partis était soulevé. Notion de démocratie, liberté, connaissance de la réalité politique, idée de participation, voilà un vocabulaire, des thèmes, des réflexions maintes fois
repris depuis.

Si je poursuis la lecture des notes de février 1966, j’y vois inscrit: activités personnelles dans
la région, description de l’économie de Montcalm, moyens de canaliser la volonté populaire, démocratie qui doit régner
au sein d’un parti politique, contrôle du citoyen sur les actes administratifs du gouvernement, responsabilité
des autorités du parti envers les militants.

Puis ce fut l’historique en quelques phrases des divers partis politiques au Québec, leur idéologie,
les hommes Il y avait en réalité deux grands partis: l’Union Nationale qui formait l’opposition et le Parti Libéral
qui, sous la direction du député de Louis-Hébert, monsieur Jean Lesage, formait le gouvernement de l’époque.

« Maîtres chez nous », tel était le thème électoral du Parti Libéral lors des élections générales
de 1962. Élu, le gouvernement avait rapidement déçu les éléments nationalistes, dont j’étais. Je ne voudrais
pas redonner ce soir les raisons qui ont conduit beaucoup de jeunes à délaisser le Parti Libéral au cours des années
1964-65, j’ai eu l’occasion ailleurs d’exprimer mon point de vue à ce sujet.

L’Union Nationale offrait, sous la direction du député de Bagot, monsieur Daniel Johnson, une
volonté de renouveau, une détermination à poursuivre la construction du Québec par les Québécois. Rapidement, ce parti ouvert aux idées nouvelles, regroupa les éléments de renouveau. Ce furent successivement les
Assises du printemps 1965, véritable coup d’envoi pour une nouvelle approche de la donnée québécoise, la réunion
de fondation du Conseil National de juin 1965, l’élaboration à l’aide de nombreuses commissions du schéma de
base du programme politique.

Notre réunion de janvier 1966 se terminait par cette phrase: « Les collectivités ne doivent pas
attendre tout d’en haut, mais prendre en main leur devenir en contrôlant d’une façon rationnelle leur développement;
voilà au nom de quoi et pourquoi j’accepte d’être mis en candidature lors du prochain congrès de nomination de l’Union Nationale dans Montcalm ».

Depuis ce temps, les différentes étapes de ce périple politique, nous les avons vécues ensemble,
ça été tout d’abord ce congrès de nomination de Sainte-Julienne qui m’opposait à deux autres de nos amis du
comté, puis avec votre expérience et votre aide, la victoire de juin 1966.

De 1966 à 1970, nous avons, à maintes reprises, tenu des réunions d’information, des discussions
sur des sujets très variés: sécurité sociale, éducation, agriculture et autres responsabilités de l’État.
Ensemble, nous avons tenté de comprendre notre réalité, nos difficultés et comment les résoudre. Montcalm a été, pendant quatre ans, un véritable « laboratoire politique », selon l’expression d’un éditorialiste.

Avril 1970, dans Montcalm, malgré la défaite de l’Union Nationale, nous avons maintenu nos positions.
Puis quelques mois plus tard, un congrès de nomination au sein de l’Union Nationale nous permettait de reprendre
le collier de la lutte. Nous avions, dans Montcalm, des idées sur le sujet et en votre nom, je les ai
exprimées. Vous avez suivi de très près le déroulement de cette opération. Je tiens à nouveau à vous remercier
pour l’aide, pour le support que vous ne m’avez pas lésiné tout le long de cette étape. Vous avez pris connaissance du résultat de cette lutte et vous êtes bien informés de tout ce qui l’a entouré.

Dans l’heure qui suivit la fin de ce congrès de nomination, au Motel Universel à Québec, je déclarais
sans hésitation qu’il me semblait essentiel de permettre à monsieur Gabriel Loubier, quelques semaines, quelques
mois de travail avant de juger du résultat.

Vous avez pris connaissance, lundi dernier, quelques semaines après cette réunion de juin, de la décision
de mettre un terme à l’Union Nationale et de lancer cette nouvelle formation, l’Unité-Québec. Cela sans
aucune consultation, ni des éléments de base, ni du Conseil National, ni évidemment de l’Assemblée générale de notre parti que sont les Assises.

Alors que nous avions cru déceler que le mal profond qui nous rongeait comme formation politique
ce n’était pas tellement l’orientation idéologique comme le manque de consultation, voilà qu’on nous donne malheureusement raison.

En refusant aux militants le droit de discuter une telle décision, les autorités du parti faisaient la
preuve de leur volonté de nier toute participation réelle et, par ce fait, repoussaient les principes qui avaient été
la base de notre action.

Monsieur Loubier, élu en juin pour assurer la continuation de l’Union Nationale, décidait en novembre de sa disparition. La bannière politique sous laquelle j’avais été élu, l’étiquette sous laquelle je siégeais à l’Assemblée Nationale disparaissaient par ce fait.

Jeudi dernier, à l’occasion d’une conférence sur l’aménagement du territoire des Laurentides que
je donnais devant les membres de la Chambre de Commerce régionale des Laurentides, à la Sapinière, à Val David,
j’ai rencontré plusieurs des dirigeants de notre association et, après discussions, d’un commun accord, nous
avons convenu de l’urgence qu’il y avait de convoquer les responsables de chacune des paroisses du comté pour
faire le point de tous ces événements et décisions unilatérales et d’aviser.

Puisqu’après trente-six années d’existence, de par la seule volonté de celui qui avait été choisi responsable de son avenir, l’Union Nationale disparaissait, quelle allait être notre attitude, notre position comme député du comté de Montcalm ? Sous quelle étiquette politique siéger à l’Assemblée Nationale ? Devrais-je rejoindre les rangs de ce nouveau parti, dont on ne connaît rien de l’orientation, si ce n’est le nom ? Devrais-je demander mon inscription à une autre formation politique,
soit le Parti Québécois, le Crédit Social ou le Parti Libéral, alors que la majorité des électeurs de
notre comté, qui en avaient le choix lors des élections, les ont repoussés? Ou encore, dois-je siéger au titre
d’indépendant, c’est-à-dire sans étiquette politique ?
Voilà les questions auxquelles nous avons à répondre. C’est la décision que nous devons prendre ce
soir, c’est là l’objet de cette consultation.

On a souvent, et avec raison, reproché aux responsables, aux dirigeants des partis politiques,
de prendre des décisions, d’annoncer des politiques sans consulter les militants de la base. En un mot, de repousser
le phénomène de participation nécessaire, me semble-t-il, afin de permettre aux partis d’être vraiment représentatifs
des tendances de leurs militants. C’est ainsi qu’il faut comprendre la lutte menée lors du congrès de
nomination de juin dernier.

S’il est certain que les partis politiques doivent servir d’encadrement aux militants, ils se doivent également d’être représentants des orientations, des tendances, des préoccupations de ceux qui militait dans leur
parti, autrement la réalité des formations politiques est faussée. Il en est de même pour un député. Élu dans le
comté de Montcalm ai 1966 et réélu en 1970, je sais fort bien, et vous également, que ces succès sont le fruit d’un
travail d’équipe.

Je ne voudrais pas prendre une décision aussi importante sans consulter les citoyens avec lesquels
j’ai mené mon action politique depuis 1965. C’est la raison pour laquelle nous sommes réunis ce soir à Saint-Jacques.

Vous avez peut-être pris connaissance, par la voix de la radio ou de la télévision, d’une information
en provenance du bureau de monsieur Gabriel Loubier, à l’effet que le député de Montcalm aurait convoqué une
réunion de ses partisans afin de leur annoncer sa décision. Je tiens, pour ma part, à m’inscrire en faux devant
de telles affirmations. La décision sera prise en commun. Et de fausser la vérité comme l’a fait le député
de Bellechasse, c’est bien mal connaître les sentiments profonds du député de Montcalm. Nous avons depuis
1965 créé des liens, ancré dans nos habitudes le dialogue et la participation et, au moment de choix aussi
importants, nous ne voulons pas rompre avec tout cela. Cette réunion de l’Association de l’Union Nationale du comté de Montcalm a été convoquée pour faire un choix, non pour vous informer d’une décision déjà prise.

Nous nous devons de peser les avantages, les inconvénients des gestes à poser, discuter le pour et
le contre. Soyez certains au départ que je m’engage, comme représentant du comté de Montcalm, à respecter la
décision de cette assemblée.

J’ai tenté à travers ce long préambule de vous situer la question. Vous aurez maintenant la parole,
nous sommes réunis en assemblée et nous respecterons les règles usuelles de procédure. Chacun pourra librement s’exprimer, dire ce qu’il pense, ce qu’il veut. Nous ne nous laisserons pas bousculer par l’horaire.

Nous nous devons de prendre tout le temps qu’il nous semble nécessaire. S’il s’avérait utile d’ajourner
à demain, nous le ferons. Ce qui est important, c’est que chacun s’exprime; que personne, demain, puisse
dire que la parole ne lui a pas été donnée.

Vous avez maintenant les éléments du problème, vous possédez une bonne connaissance de la mentalité
et des habitudes politiques des gens que vous représentez. A nous de scruter le bilan, de tirer la ligne, de prendre une décision.

Pour ma part, je suis prêt à répondre à toutes vos questions en autant qu’elles se rapportent au passé, au présent. Pour ce qui est de l’avenir, vos hypothèses valent les miennes.

Vous avez maintenant la parole.

<Masse19711102>
<DECLARATION DE MONSIEUR MARCEL MASSE DEPUTE DE MONTCALM DEVANT LES MEMBRES DE
L’ASSEMBLEE NATIONALE DU QUEBEC LE 2 NOVEMBRE 1971>

Mardi, le 26 octobre dernier, le député de Bellechasse informait les membres de cette Assemblée
d’une décision prise comportant la disparition de l’étiquette Union Nationale.

Ayant été élu dans le comté de Montcalm au sein de cette formation politique, je me devais donc de consulter
avant d’adhérer à un autre parti politique. Une réunion s’est tenue hier à Saint-Jacques,
à laquelle avaient été invités à participer les représentants des différentes municipalités du comté de Montcalm et, ensemble,
nous avons convenu que le député de cette circonscription ne s’inscrirait à aucun groupe parlementaire.

Je vous demanderais donc, monsieur le président, de me reconnaître à l’avenir comme député dit indépendant.

<Masse19711118>
<DISCOURS DE MONSIEUR MARCEL MASSE DEPUTE DE MONTCALM  DEVANT LES MEMBRES DE L’ASSEMBLEE NATIONALE CONCERNANT LA LOI MODIFIANT LA LOI DE L’OFFICE DE RADIO-TELEDIFFUSION DU QUEBEC LE 18 NOVEMBRE 1971>

Monsieur le Président, je ne voudrais pas reprendre à l’occasion de cette courte intervention les diverses
critiques qui ont été formulées par l’Opposition, concernant le projet de loi no. 36 « Loi modifiant la loi de
l’Office de radio-télédiffusion du Québec » Il n’est pas question non plus de faire le partage entre ce que je considère
comme des critiques valables et ce que je considère plutôt comme des critiques partisanes. J’aimerais plutôt attirer
l’attention des membres de cette Assemblée sur un problème qui me semble essentiel, celui des fonctions mêmes de
l’Office de Radio-Québec. On sait que cet organisme de l’État a été mis de l’avant entre autres pour œuvrer dans tout ce qui touche le domaine de l’éducation. On peut même dire que la raison principale, la raison essentielle, de Radio-
Québec, c’est le domaine de l’éducation.

Peut-être qu’un jour Radio-Québec aura de nombreuses responsabilités dans d’autres domaines. Elle
pourrait être responsable de tout ce qui touche les programmes de publicité ou la mise en train des programmes d’information du gouvernement. Mais pour l’instant, je ne crois pas qu’il soit injuste de dire que Radio-Québec est d’abord
et avant tout, un organisme qui œuvre dans le domaine de l’éducation.

C’est pour cette raison que le ministre des Communications aurait dé donner à l’Office de Radio-diffusion du Québec des pouvoirs accrus dans le domaine de l’éducation. Je m’explique. Nous savons tous que la responsabilité
première du ministère de l’Éducation est de définir les programmes, de définir les contenus, d’expliquer et de
statuer sur ce que doit être l’éducation au Québec; deuxièmement, que le ministère est responsable, par les commissions
scolaires, de la diffusion de ces programmes, lesquelles désignent les enseignants pour ce faire.

D’autre part, si cette responsabilité d’éducation relève entièrement du gouvernement du Québec, ce
que personne ne nie nulle part, ni sur le plan constitutionnel, ni sur le plan politique, je trouve étrange qu’on tienne
si peu compte de l’importance de la télévision en matière d’éducation. Je me surprends de ne pas voir inscrite à
l’article 8 dans les fonctions de l’Office de radio-diffusion du Québec, la responsabilité de l’octroi d’un visa pédagogique
pour toute émission adressée par les canaux privés ou publics de télévision au Québec, à toute personne d’âge scolaire.
Cela pourrait être une première étape.

Nous savons tous l’importance de la télévision dans la formation des enfants, des adolescents et même
des adultes du Québec. Voilà pourquoi nous comprenons difficilement qu’on laisse aller, en dehors de cette responsabilité
en matière pédagogique, tout le secteur de la télévision, Je dis bien, et privée et publique. Que nous sert-il, à nous  parlementaires ou responsables du gouvernement du Québec ou ministre de l’Éducation, de définir un programme dans un domaine ou dans un autre, de rendre responsable les enseignants de sa diffusion et même de la formation
des enfants des citoyens du Québec, si on laisse sans contrôle pédagogique tout le secteur de la télévision qui, lui,
je ne dirais pas, a plus d’importance au point de vue de l’éducation, mais je dirais certainement qu’il a aujourd’hui
autant d’importance dans la formation de l’enfant.

Voilà pourquoi, sans me lancer dans un long débat, je souhaite que le ministre des communications,
en collaboration avec son collège de l’éducation, entreprennent rapidement des études dans ce domaine et des démarches avec les autres gouvernements, soit avec les commissions scolaires, soit avec le gouvernement fédéral, sur cette nécessité de posséder le droit de donner un visa pédagogique afin de permettre aux responsables de l’éducation
de vérifier si les émissions adressées à la population ou, disons, dans un premier temps, à ceux d’âge scolaire, sont
conformes aux programmes et au type d’éducation que le Québec veut transmettre à la jeune génération. Cela doit
toucher aussi bien le domaine de la langue, comme véhicule de ces émissions que le contenu du message livré.

J’aimerais, sans pousser plus loin les critiques ou les approbations concernant le projet de loi, tout
simplement demander au ministre des communications de se pencher rapidement sur ce problème, sans faire de démagogie ou de fausses luttes, et de faire part aux membres du Parlement des résultats de ces démarches.

<Masse19711121>
<EXTRAIT D’UN DISCOURS DE MONSIEUR MARCEL MASSE  DEPUTE DE MONTCALM PRONONCE A SAINT-DONAT LE 21 NOVEMBRE 1971>

L’impatience et l’exaspération de tous les gens intéressés à l’industrie du taxi sont telles que nous ne
pouvons nous permettre de nouveaux délais dans l’application des mesures recommandées par le Rapport Bossé.

Nous sommes actuellement assis sur un volcan qui risque, à tout moment, de faire irruption si
nous ne posons pas des gestes immédiatement. Pensez à l’exploitation que font, de ce problème actuellement, des
mouvements activistes, pour ne pas dire subversifs, tels que le Mouvement de Libération du taxi, l’Alliance des
chauffeurs de taxi de Saint-Henri et autres.

Le 2 juillet 1970, le Premier Ministre, monsieur Robert Bourassa, ordonnait la tenue d’une étude sur l’industrie du taxi et il en confiait la conduite à monsieur Alfred Bossé, député de Dorion, Trois mois plus tard, soit le 1er octobre 1970, monsieur Bossé était en mesure de remettre au Premier Ministre un rapport final dans lequel il formulait quatorze recommandations précises.

1 – Que, pour toute municipalité de 25,000 habitants et plus, la limite pour l’émission des permis de voitures-
taxis soit fixée à un permis par huit cents personnes.

2 – Que cette limite soit inscrite dans la Loi de la Régie des Transports du Québec.

3 – L’annulation immédiate de tous les permis pour les quels aucune voiture n’est en circulation et ceci sans compensation au détenteur.

4 – Le décret immédiat de la non-transférabilité des permis et la mise au point des mécanismes de contrôle de
cette non-transférabilité.

5 – Le retrait automatique et définitif de tout permis dont le détenteur:

a) fait l’objet d’une condamnation en vertu du Code criminel;

b) n’a pas comme occupation principale l’industrie du taxi;

c) abandonne le commerce du taxi;

6 – Que nous invitions, avec insistance, les propriétaires de plus de vingt voitures à se départir volontairement

du plus grand nombre possible de leurs permis excédentaires.

7 – L’imposition à l’avenir d’une limite de vingt permis par flotte.

8 – L’interdiction du doublage dans l’utilisation des voitures-taxis.

9 – Que les conditions de l’émission d’un permis soient déterminées par la Régie des Transports du Québec.

10 – Que le permis de voiture-taxi soit émis sur une base métropolitaine et que la responsabilité de cette émission
soit confiée aux communautés urbaines.

11 -Que, à l’émission d’un permis, soit rattachée une restriction à l’effet que le détenteur du permis ne doit pas être partie à une entente qui résulte en l’octroi d’une exclusivité, communément appelée « concession » sans
en avoir obtenu, au préalable, l’autorisation de la Régie des Transports du Québec.

12 – Qu’il soit établi, de façon non équivoque, dans la Loi de la Régie des Transports du Québec, que le système
de location de voitures-taxis tel qu’on le connaît soit formellement interdit et que toute dérogation à cette
interdiction entraîne une perte automatique du permis.

13 – Que soit créée, au sein des communautés urbaines, une commission métropolitaine d’émission des permis qui

aurait, de plus, pour fonction la mise en application et la surveillance de la réglementation et de la législation placées sous la juridiction de la Régie des Transports  du Québec.

14 – Que soit mis sur pied un comité consultatif du taxi composé de: – deux représentants des autorités de la communauté
urbaine; – deux représentants des chauffeurs de taxis choisis et délégués par ces derniers; – deux représentants des propriétaires-artisans; – deux représentants des propriétaires de flotte.

Nous en sommes maintenant rendus au 21 novembre 1971 et rien n’a été fait relativement à l’application de ces recommandations, si ce n’est l’accès des voitures-taxis à l’aéroport de Dorval. Or nous savons tous qu’il s’agit là d’une décision qui relève du gouvernement fédéral, mais qui fut, cependant, prise à la suite de fortes
pressions du Québec exercées auprès du ministre fédéral des Transports.

Si du côté du Québec rien d’autre n’a été fait, il semble que ce soit dé au fait que le gouvernement
attend de faire adopter la nouvelle loi des Transports. Apparemment, l’adoption de cette nouvelle loi sera reportée
à plus tard.

Pourtant, il est d’autant plus facile de couper court à cette exploitation d’une part, et de commencer à appliquer des solutions, d’autre part, que plusieurs des recommandations formulées ne nécessitent pas, pour être mises en vigueur, l’adoption d’une nouvelle loi.

La Régie des Transports possède actuellement tous les pouvoirs pour mettre en vigueur la 1ère, 3e,
5e, 7e, 8e, 9e et lie recommandations. Au besoin, toutes ces recommandations ou quelques unes d’entre elles pourraient
faire l’objet de l’adoption d’un arrêté-en-conseil, par le Conseil des ministres, qui ne laisserait plus le choix à
la Régie des Transports d’appliquer ou de ne pas appliquer  ces recommandations.

Pour ce qui est de la 4e recommandation, elle devrait être abandonnée à cause de son inapplicabilité, d’autant plus que la mise en vigueur de la 8e recommandation donnerait les mêmes résultats. Les modalités d’application de cette 8e recommandation devront cependant faire l’objet d’une discussion avec les intéressés de l’industrie du taxi.

Enfin, quant à la 12e recommandation, il semble bien que le texte de la loi de la Régie des Transports
soit équivoque à cet égard. Si l’adoption d’une nouvelle loi des transports retarde trop, le gouvernement pourrait dès
maintenant faire voter un amendement à la Loi de la Régie des Transports, en vertu duquel serait éliminé toute équivoque
quant à l’illégalité du système de location de voitures-taxis.

Afin d’assurer une continuité dans l’application des recommandations du Rapport Bossé et de permettre
aussi d’apporter des solutions concrètes à d’autres problèmes que l’étude n’a pas touchés comme tels, exemple: l’uniformisation des taux, contrôle, par la Régie, des associations de services, problème des assurances des voitures-
taxis, etc…, il faudrait amener le ministère des Transports à mettre immédiatement sur pied une équipe de fonctionnaires
qui auraient, en quelque sorte, le rôle d’un office québécois du taxi sans, cependant, créer un tel office de façon officielle, du moins pour le moment.

<Masse19711208>
<DISCOURS DE MONSIEUR MARCEL MASSE DEPUTE DE MONTCALM DEVANT LES MEMBRES DE L’ASSEMBLEE NATIONALE SUR LE PROJET DE LOI NO. 277 LOI DE L’ORGANISATION MUNICIPALE
DE CERTAINS TERRITOIRES LE 8 DECEMBRE 1971>

Le ministre des Affaires municipales présente aux membres de cette Assemblée le texte no. 277, projet de loi-cadre concernant l’organisation municipale de certains territoires du Québec.

Il est tout à fait normal et compréhensible que le ministre présente un tel projet de loi.

Ce texte, qui a pour principal objet de permettre au Gouvernement d’implanter une organisation municipale
locale dans des territoires où il n’en existe pas et où il ne semble pas souhaitable, dans l’immédiat, de constituer
une municipalité suivant les lois générales régissant les municipalités du Québec, est dans son principe un texte
qui devrait recevoir l’approbation de la majorité des membres de cette Chambre.

C’est un peu un non-sens qu’il existe sur l’immense territoire du Québec des zones habitées en permanence
par des citoyens et que ceux-ci ne puissent bénéficier des bienfaits d’une organisation locale. Il est par
contre évident que ces régions, à cause de leur étendue ou du peu de population, peuvent difficilement, dans un premier
temps, relever des lois générales concernant l’organisation des collectivités locales.

Tout cela, le ministre des Affaires municipales nous l’a fort bien expliqué et il reçoit notre approbation.

Mais, si le but du projet de loi est souhaitable, les divers moyens que le ministre entend utiliser le
sont moins.

Vous me permettrez, monsieur le président, d’attirer l’attention des membres de cette Assemblée sur
deux points qui me semblent contraire à l’économie générale de nos lois:

A – Le choix de l’administrateur:

En vertu des pouvoirs qui lui seraient conférés par les articles 7 et 8, le gouvernement désigne un
administrateur qui dirigera la municipalité à la place d’un conseil normalement élu et des fonctionnaires municipaux.
L’administrateur pourrait déléguer à des personnes de son choix certains pouvoirs.

Cette question soulève plusieurs préoccupations: Il est surprenant que le ministre demande
aux parlementaires de lui signer un chèque en blanc au sujet de cette nomination de l’administrateur. Ce dernier sera
imbu de la totalité des pouvoirs d’un conseil municipal et aura en ce domaine autorité sur tous les citoyens habitant
le territoire où le gouvernement aura implanté une organisation municipale locale en vertu de la loi présentement
à l’étude.

Alors que depuis quelques années, le gouvernement du Québec s’est efforcé de donner un statut à l’ensemble des fonctionnaires, décrivant les champs d’action du personnel de l’État, réglementant les carrières, insistant
sur des conditions d’entrée à la Fonction publique, voilà que maintenant le ministre, sans nous donner de raisons
valables, bouscule les quelques efforts d’assainissement dans ce domaine.

Nous ne pouvons approuver une telle demande sans savoir selon quels critères, selon quelles normes
le ministre portera son choix.

Ces données devraient être publiquement connues avant que le ministre arrête son choix sur telle ou telle personne.

S’il n’en est pas ainsi, le ministre risque de prêter le flanc à diverses accusations et déjà les membres de cette Chambre lui ont fait part de leur crainte au sujet de favoritisme possible par le choix d’une créature politique.

On pourrait poser plusieurs questions devant les silences du projet de loi concernant toute cette question de l’administrateur. Par exemple, le traitement ?

Nommé de façon discrétionnaire, l’administrateur peut être congédié de la même façon. Voilà une
belle épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête. Tout cela est anormal et nous nous devons de le souligner.

L’administrateur ainsi mal nommé pourra déléguer une partie de ses fonctions à des personnes de son choix. Les mêmes arguments jouent également. Quels  pouvoirs pourront être délégués ? En vertu de quels critères ? Rien dans ce texte n’est spécifié.

Au sujet de l’administrateur, voilà beaucoup de points qui nous inquiètent et qui laissent aux parlementaires
peu de choix. Nous devons refuser cette partie de la loi.

Le ministre aurait intérêt à demander à la Commission municipale, laquelle relève de son ministère,
un avis et des normes concernant toute cette question et de rendre public le texte afin que la population soit bien informée
des éléments de base permettant au ministre un choix en fonction de l’intérêt public.
B – Le comité local:

Le projet de loi à l’étude prévoit aux articles 10, 11, 12, 13 et 14 la création d’un comité local dans toute partie d’une municipalité formée en vertu du projet de loi, habitée en permanence par au moins cent personnes.

Ce comité local serait composé d’au plus cinq membres nommés par le ministre pour quatre ans. A ce groupe, la loi prévoit la possibilité de déléguer certains pouvoirs de l’administrateur, mais toute décision du comité requiert son approbation.

L’idée de la création de tel comité de citoyens est excellente en soi, mais il est difficile de réaliser pourquoi l’existence de ces comités n’est pas obligatoire. En effet, le ministre demande, par son texte de loi, uniquement le pouvoir de créer ces comités, non l’obligation.

Nous croyons au contraire, que si au moins cent personnes habitent de façon habituelle le territoire,
ces gens, citoyens à part entière du Québec, devraient pouvoir, par une obligation de la loi, former un comité local,
recevoir une partie des pouvoirs de l’administrateur et gérer les affaires de leur localité. Tenant compte, cela est
évident, des particularités de leur situation.

Ce n’est pas parce qu’ils sont, pour une période transitoire, dans une situation d’exception que certains droits démocratiques ne peuvent pas s’appliquer dans Nous proposons la création obligatoire de leur région.
Ces comités et l’élection, non la nomination par le ministre, des membres qui les composent.

L’élection est un principe fondamental dans notre système de représentativité publique. Ce projet de
loi, par certains de ces articles, est un accroc inacceptable à nos usages et coutumes dans ce domaine. Pourquoi
ces citoyens du Québec n’ont-ils pas les mêmes droits que les autres ?

De plus, par l’article 21, les dépenses encourues par le ministère des Affaires municipales, de même que celles de l’administrateur, y compris son traitement et autres allocations, seront remboursés par les citoyens de la municipalité.

Monsieur le Président, déjà le ministre refuse à ces citoyens un droit de regard sur la nomination de
leur administrateur et, de plus, il leur refuse d’élire leurs représentants Il les nommera lui-même.

Cette attitude est contraire au grand principe de notre système parlementaire qui dit <« no taxations
without no representations »>. Les citoyens de ces municipalités devront payer par leurs taxes des dépenses décrétées
par des gens qu’ils n’auront pas choisis.

C’est pour toutes ces raisons que ces articles du projet de loi devraient être amendés et prévoir l’élection des membres du comité local, ainsi qu’une répartition des responsabilités entre le comité et l’administrateur.

Conclusion

Je conclus, monsieur le Président, en me déclarant favorable au principe de ce projet de loi qui permettra
au gouvernement d’implanter une organisation municipale locale dans des territoires où il n’en existe pas, tout
en dénonçant certains points du texte, particulièrement le mode de nomination de l’administrateur et la non-élection
des membres du comité local.

<Masse19711212>
<DISCOURS DE MONSIEUR MARCEL MASSE DEPUTE DE MONTCALM LORS D’UNE ASSEMBLEE DU FRONT COMMUN POUR LE RAPPEL DE LA LOI « 63 » A L’AUDITORIUM LE PLATEAU LE 12 DECEMBRE 1971>

Ce n’est pas sans hésitation que j’ai accepté l’invitation de participer à cette soirée. Je ne mettais
en doute, ni l’opportunité de la tenue d’une telle assemblée, ni son but. Au contraire, qu’un groupe de citoyens se réunissent,
respectant toutes les formes de la légalité, pour discuter des affaires de la nation, cela est sain et profitable
pour toute la collectivité.

Mais pourquoi inviter un ministre du Cabinet Bertrand, lequel a présenté à l’Assemblée Nationale le
projet de loi, bien connu, no. 63 ? Et qui plus est, pourquoi Marcel Masse, candidat, il y a sept mois, à la présidence de l’Union Nationale, participerait-il à cette réunion ?

J’aimerais avant tout répondre à ces deux question en commençant par la dernière, qui n’est somme toute qu’épisodique.

Élu député du comté de Montcalm sous l’étiquette politique de l’Union Nationale, ce n’est pas sans
surprise que je vis celui, qui avait été choisi pour lui transmettre un nouveau souffle, décider un matin de sa disparition.
Ce manque de participation totale ne me laissait qu’un choix: représenter mes concitoyens à l’Assemblée Nationale
au titre d’indépendant, c’est-à-dire inscrit à aucune formation politique.

Cela n’exclut pas de participer aux grands débats qui s’inscrivent dans l’actualité du Québec. Et j’entends bien apporter ma contribution à la construction du Québec partout où cela se doit.

Ma présence ici ne doit pas être interprétée comme une adhésion à quelque formation politique que
ce soit. Ces choix se feront en temps et lieu, c’est-à-dire en fonction des programmes et au moment des élections générales.

Et maintenant, passons au plus important: l’objet de cette assemblée.

Novembre 1969, le Parlement du Québec votait un projet de loi pour le moins fort discuté, mais où,
à l’occasion des débats, l’unanimité ne s’était faite que sur un point: donner au français la place qui lui revient au Québec.

Je me souviens avoir déclaré à l’époque: « Si ne je croyais pas pouvoir aider la cause du français au
Québec, je devrais, en conscience, voter contre le projet de loi. Il faut bien reconnaître aujourd’hui, sans
fausse honte, que cette loi n’a pas répondu aux espoirs de ceux qui croyaient que le pouvoir incitatif du texte allait
aider à corriger une situation démographique qui joue contre les intérêts de la nation, particulièrement dans la région
montréalaise.

Les renseignements portés à notre connaissance, les rapports qui circulent sous le manteau, les nombreux mémoires déposés à la Commission de l’Éducation à l’occasion de la discussion du projet de loi sur la réorganisation des structures scolaires de l’Île de Montréal, nous portent à conclure que l’essai loyal demandé par le Premier Ministre de l’époque est suffisant et qu’il est négatif. D’ailleurs, le Gouvernement devrait rendre public tous les documents pertinents à cette question. En démocratie, la connaissance des dossiers est une condition essentielle à la liberté de choix.

Il n’y aura pas de paix sociale au Québec, tant et aussi longtemps que les questions de langue ne seront
pas résolues à la satisfaction du groupe majoritaire, tout en respectant les droits de la minorité C’est pour cette raison que ce combat ne doit pas être celui du seul Parti Québécois, mais de tous les Québécois, de toutes les formations politiques, qui désirent une solution juste.

S’il est un domaine où la traditionnelle ligne de parti ne doit pas jouer, c’est lorsque les fondements
même de notre Nation sont concernés. En ce sens, il aurait été normal de voir ici, ce soir, des représentants de
tous les partis politiques québécois Il existe chez les créditistes, les uniquistes, les libéraux, des citoyens conscients
de ces questions. Plusieurs se sont prononcés en faveur d’une révision de la politique de langue. Espérons
qu’ils continueront de s’exprimer librement; c’est la meilleure façon d’éviter de creuser un fossé lourd de conséquences.

Une politique de la langue au Québec doit comprendre les éléments de justice envers les groupes concernés,
reconnaître la réalité géographique et économique nord-américaine. L’intégration des Québécois au milieu
francophone, la langue d’éducation et de travail, l’équilibre démographique du Québec, ne doivent pas être des sujets
de rivalité politique partisane.

Ceux qui voient dans ces intentions des options extrémistes, sont eux-mêmes des éléments subversifs
et leur refus de voir la réalité, d’y apporter les correctifs nécessaires, précipitent le Québec dans le trouble.

Si j’ai accepté de participer à cette réunion, c’est que je crois qu’il est nécessaire de regrouper dans cette recherche de l’équilibre le maximum de tendances.

L’avenir de la langue française au Québec ne doit pas être la préoccupation d’un seul parti politique, mais l’inquiétude constante de tous les éléments qui se veulent dynamiques du Québec.

Que ceux qui croient que la paix sociale au Québec passe par un règlement adéquat des problèmes de langue se regroupent. Le gouvernement doit être sensibilisé par des moyens démocratiques. Profitons de l’étude du projet de loi no. 28 pour relancer le débat. Car c’est de la discussion que naîtra la solution que nous recherchons tous.

Voilà les quelques mots que je pouvais ajouter ce soir au point de vue des autres participants.

Nous aurons certainement d’autres occasions pour aller au fond du problème.

<Masse19710101>

<VOEUX DE MONSIEUR MARCEL MASSE DEPUTE DE MONTCALM A LA POPULATION DU COMTE DE MONTCALM JANVIER 1972>

La coutume veut qu’à cette période de l’année, les autorités publiques présentent un bilan des activités de l’État et esquissent des perspectives pour l’année qui vient.

Bousculé dans ses traditions, le Québec traverse une période difficile, tant sur le plan économique que politico-social. Certes, nous ne sommes pas les seuls dans cette situation, mais il n’en demeure pas moins que nous subissons individuellement et collectivement notre part d’inquiétude.

Devant une société changeante, certains se laissent aller au découragement, convaincus que l’avenir ne peut que nous réserver un plus grand nombre de difficultés, assurés qu’ils sont que le Québécois, « fait pour un petit pain », ne s’en sortira jamais. Ce sont les pessimistes.

D’autres présentent des conclusions opposées, nous assurant qu’il n’en est rien et qu’au contraire, nous vivons dans un monde extraordinaire où les autorités quelles qu’elles soient sauront, par une grâce quelconque, assurer notre avenir sans effort de notre part.

Pris entre des habitudes de penser et d’agir, héritage d’une autre époque et un monde à venir qui en effraie plusieurs, l’homme d’aujourd’hui est souvent traumatisé. Comment réaliser nos ambitions normales à l’intérieur des limites du possible ? Comment bâtir un monde plus humain ?

La foi que nous devons porter en nos institutions démocratiques peut-elle seule suffire à résoudre nos problèmes ?

Péniblement et souvent avec une crainte injustifiée, les Québécois se sont donné des institutions
qu’ils essaient maintenant d’activer. Mais les lois, les structures ne portent pas en elles-mêmes des vertus
telles qu’elles peuvent automatiquement solutionner nos problèmes.

Ce sont les Hommes, ce sont les Québecois, qui devront apporter leurs énergies, leurs talents à dénouer ces crises.

Certes, nous devons tenir compte de ceux qui nous entourent. Mais si nous ne pouvons tout réussir
seuls, ce serait lâchement abdiquer nos responsabilités que de laisser les autres nous construire un monde qui,
de toute façon, n’étant pas nôtre, nous asphyxierait lentement mais sûrement.

Entre un pessimisme morbide et une naïveté alarmante; il y a la mesure du réel. Entre l’abdication de certains et l’agitation de plusieurs; il y a la réalisation du quotidien.

Fruit du travail des générations précédentes, le Québec d’aujourd’hui sera demain celui que nous aurons formé.

Souhaitons, en ce début de 1972, que les responsables à tous les paliers de nos administrations
publiques, supportés par l’ensemble des citoyens, sauront trouver l’intuition nécessaire, et nous permettent de se réaliser dans un Québec, fruit de notre volonté.

<Masse19710214>
<PROPOS TENUS PAR MONSIEUR MARCEL MASSE DEPUTE DE MONTCALM AU DEPARTEMENT DES SCIENCES POLITIQUES DE L’UNIVERSITE DE MONTREAL SUR LES PARTIS POLITIQUES LE 14 FEVRIER 1972>

Le 2 novembre dernier, j’informais les membres de l’Assemblée Nationale du Québec de la décision
prise la veille en compagnie de représentants des diverses municipalités du comté de Montcalm, de ne pas
adhérer au groupe parlementaire Unité-Québec et partant de siéger sans étiquette politique, soit au titre d’indépendant.

Un parti politique qui, en quatre ans, se voit abandonner par cinquante pour cent de ses militants
et assiste impuissant à la défection à l’Assemblée Nationale de quatre ou cinq de ses députés, traverse une crise profonde qui va au-delà de ses prises de position quant aux mutations que connaît le Québec.

A l’époque du congrès de nomination, en compagnie d’une équipe dynamique et dévouée, nous
avions, du moins nous le croyions, décelé le mal. C’était pour nous le monolithisme de ce parti politique, l’habitude
de voir toutes les décisions prises par le sommet, sans participation réelle des militants de base. C’est
pour cette raison que la « participation » devenait le thème de notre campagne et prenait valeur de politique et de
réorganisation.

Les résultats du congrès nous ont permis de constater qu’un nombre considérable de militants de l’Union Nationale croyait, comme nous, en la nécessité d’un véritable dialogue dans un parti politique Il ne pouvait y avoir de saines propositions aux problèmes du Québec sans que l’ensemble des militants n’aient eux-mêmes participé à l’élaboration des solutions. Nous
ne pouvons prétendre croire en la démocratie, si nous sommes incapables de l’appliquer au sein de notre propre
formation politique.

après avoir pris l’engagement public de poursuivre la mise en application de ces idées, j’ai même
demandé aux militants qui m’avaient appuyé de laisser aux nouveaux dirigeants quelques mois avant de juger
de leur action.

La décision d’enterrer l’Union Nationale, la volonté de lancer Unité-Québec, cela sans consultation véritable, sans aucune réunion des autorités réglementaires de notre parti, sans convocation du Conseil national ou de l’Assemblée générale, prenait alors valeur de symbole: le temps était venu de porter un jugement.

Car ces événements traduisent à mon sens un malaise beaucoup plus profond et général qu’il n’y paraît
à première vue. Je n’ai donc pas l’intention de commenter les raisons invoquées par certains qui expliquent
ma non-adhésion à Unité-Québec comme étant, soit le fruit d’un conflit de personnalité avec monsieur Loubier,
soit l’amertume ressentie après le résultat du congrès de juin dernier. Ces hypothèses ne sont, quant à moi,
ni sérieuses, ni fondées.

Nombre de faits et d’événements témoignent de ce malaise général auquel j’ai fait allusion il y a quelques instants.
Au plan politique, nous avons connu au cours des dix dernières années une situation extrêmement mouvante.

Sur la scène fédérale, l’historique balayage conservateur de 1958, qui donna à monsieur John Diefenbaker
plus de deux cents sièges à la Chambre des Communes, mettait un terme à vingt-deux ans de pouvoir
libéral au cours desquels ce parti avait remporté six élections générales en ligne. Nous devions connaître
en 1962, 1963 et 1965, trois gouvernements minoritaires avant que le parti libéral ne parvienne à redonner au Canada
un gouvernement majoritaire beaucoup plus à cause de l’image fabriquée de son nouveau chef qu’à cause du
programme soumis aux électeurs.

Au cours de la même période, les administrations provinciales ne furent guère épargnées non
plus. après quatre élections qui virent l’Union Nationale prendre et conserver le pouvoir (1944-60), le Québec
changea de gouvernement à trois reprises au cours de quatre élections en moins de dix ans. Les autres provinces
connurent les mêmes bouleversements: le Nouveau-Brunswick passa des conservateurs aux libéraux
pour revenir aux conservateurs, l’Île du Prince-Edouard il y a deux ans et la Nouvelle-Écosse dernièrement mirent
un terme à un long règne conservateur pour passer aux libéraux, alors que Terre-Neuve vient tout juste de
mettre fin à une véritable institution Joey Smallwood.

Le même phénomène se retrouve à l’ouest de l’Ontario: le Manitoba est passé aux néo-démocrates
dans une réaction inattendue contre l’administration conservatrice qui dominait depuis longtemps, la Saskatchewan
après un inter-règne libéral est revenue à ses amours néo-démocrates, alors que l’Alberta vient de
mettre fin à une longue tradition créditiste en passant aux conservateurs. On pourrait presque dire que l’Ontario connut aussi le changement, si l’on considère qu’aux dernières élections, monsieur William Davis présentait
des conservateurs ontariens une image complètement renouvelée. Seul monsieur W.A. C. Bennett a jusqu’ici
résisté à tous les efforts pour le déloger.

il est normal de se demander si l’électeur n’exprime pas ainsi son impatience et sa mauvaise humeur,
voire sa lassitude et un grand scepticisme envers les partis politiques, leur mode de fonctionnement, leur
façon de concevoir les affaires de l’État, leur éloignement des problèmes réels, leur extrême lenteur à réagir,
l’ignorance dans laquelle le citoyen est trop souvent tenu, le peu ou l’absence de voix qu’il a, la vétusté des institutions, le rôle de son représentant; le député, l’inutilité de longs et fastidieux débats lorsque ceux-ci ne
tournent pas au véritable cirque, l’arrogance des dirigeants et que sais-je encore.

Les bouleversements auxquels on a assisté sur la scène politique se retrouvent également ailleurs
et ne sont peut-être que la simple transposition des troubles profonds dont souffre la société.

Pour ne parler que du Québec, les grèves se multiplient sans fin, les manifestations se font de plus
en plus nombreuses et tournent trop souvent à la violence et la contestation s’installe partout et dans presque tous les secteurs.

La société s’interroge, bouge, agit, parfois éclate. Je n’entends pas pour l’instant tenter de déceler
les raisons de cette situation: je note toutefois que dans ces diverses tentatives des citoyens pour participer aux
changements qui se produisent bon gré mal gré au sein de notre société et pour tenter un peu de l’organiser selon
leurs besoins et leurs aspirations, ceux-ci ne s’adressent pas et semblent même tenir pour marginaux les
partis politiques. Le moins que l’on puisse dire c’est que, règle générale, ceux-ci sont étonnamment absents
de tout ce bouillonnement Il est vrai que les partis politiques ne constituent pas les lieux élus de la participation et encore moins de la contestation .

Il devient donc de plus en plus évident pour tous ceux qui entendent participer à l’évolution de notre
société, que le seul endroit où ils ne peuvent le faire vraiment c’est précisément au sein de l’un ou l’autre des partis
politiques. Les partis politiques sont par beaucoup tenus pour nuis. Pourquoi ?

La question est de taille et j’avoue qu’il n’est pas facile d’y répondre. Pour tenter toutefois d’amorcer
un débat qui me semble important, sinon vital, il est nécessaire, sans se livrer à une longue étude de
la naissance et de l’évolution des partis politiques, d’en rappeler certaines étapes.
Cette histoire est intimement liée à celle du parlementarisme européen qui, par la suite, a essaimé sur presque tous les continents. Dans ce long cheminement, chaque pays a suivi la voie qui lui est propre, mais
règle générale, la fin plus ou moins tumultueuse du pouvoir royal devait permettre aux théories élaborées par
les grands penseurs de l’époque d’être insérées dans les constitutions nationales à compter de la fin du XVHième
siècle.

Pour plusieurs, le nouveau système repose  sur deux chambres dont l’une, la chambre basse
est élue au suffrage restreint d’abord, de plus en plus universel ensuite. L’autre, la chambre haute, vestige d’anciens privilèges, devait servir de frein à cette Chambre basse dont on craignait les caprices, les sautes d’humeurs momentanées et les intérêts trop immédiats. En bref, le pouvoir législatif vote les lois et plus particulièrement le budget annuel.

Quant à l’exécutif, il doit être tiré des chambres Il appartient au roi ou à son représentant de
désigner celui qui semble avoir la confiance des parlementaires: c’est à cet homme, le Premier Ministre,
que revient le droit de choisir, dans les assemblées, ses ministres et de former le gouvernement.

Ce système risque de provoquer des affrontements entre les pouvoirs exécutif et législatif et d’aboutir à une paralysie du système. De fait, de longues et âpres luttes s’engageront qui, à la fin, aboutiront toutes à renforcer la chambre élue: c’est ainsi que le chef de l’État devra de plus en plus choisir le Premier Ministre dans celle-ci, qu’il perdra son pouvoir de dissoudre les chambres au profit du Premier Ministre, que la chambre haute ne pourra plus refuser de voter le budget,
etc…

Voilà en gros le système. C’est de là que peu à peu naîtra la notion de formation, de groupement, de parti politique. très
tôt, en effet, les membres de la chambre basse, partageant la même philosophie, les mêmes idées et les mêmes
intérêts, noueront des alliances sur le plan parlementaire. On réalisera très vite les avantages de transformer ces alliances parlementaires et momentanées en alliances électorales et permanentes.

Le parti politique était né, regroupant autour d’un chef prestigieux et naturel (qui plus tard sera
élu) tous ceux qui partagent à peu près les mêmes vues. Né des activités de la chambre, son but essentiel et unique
est donc d’en prendre le contrôle, c’est-à-dire de faire élire lors des élections générales une majorité de
députés Il obtient ainsi le droit de former le gouvernement: il détient le pouvoir.

Les systèmes constitutionnels et électoraux prendront selon les lieux et les temps des formes diverses: mais toujours, ils assureront au parti politique un rôle déterminant, soit qu’il domine la chambre s’il y est majoritaire, soit qu’il tienne le gouvernement à sa merci, s’il est parti à la coalition gouvernementale.

L’évolution que je viens d’évoquer a provoqué deux conséquences et je tiens à les souligner.

En premier lieu, le magnifique échafaudage théorique sur l’équilibre des pouvoirs s’effondre. A
partir du moment où un parti politique détient la majorité, c’est à toute fin pratique l’annihilement du pouvoir
législatif. Et rien de plus vrai que la parole célèbre de Louis XIV: « L’État c’est moi ». L’État, c’est le pouvoir exécutif: sa volonté fait loi. Peu importe, en effet, les moyens que le parlementarisme met à la disposition de l’opposition, on sait que les dés sont pipés. Le budget constitue à cet égard le plus bel exemple: le parlement
conquit de haute lutte le droit de voter le budget afin, dirait-on, de mieux contrôler l’exécutif. Or, depuis longtemps
maintenant, l’exécutif prépare, présente et fait à coup sûr voter le budget par une chambre majoritairement
docile.

En second lieu, il est clair que le rôle du député a considérablement évolué. D’un homme qui, au
début du régime était relativement indépendant, généralement élu par ses propres moyens, représentant l’intérêt
de la nation, il est peu à peu devenu l’homme d’un parti, à qui il doit souvent d’avoir été choisi comme candidat, puis élu et d’emblée il acceptera la règle du jeu.

Or, la règle du jeu depuis que le système vit apparaître les partis politiques, c’est celle de la discipline
et de la loyauté inconditionnelles, gages de l’unité du parti et de la solidarité des parlementaires.

Partant du point de vue qu’il a été élu à cause et pour le parti, le député devient cette chose anonyme,
assis sur une quelconque banquette, votant avec le parti, parlant pour le parti, se dévouant pour le parti.
il n’a plus le droit d’être lui-même, ne peut exprimer ses idées et ses opinions. Le parti devient cette espèce de science infuse qui l’enveloppe et fait de lui un parfait instrument de soumission, docile à son parti.

On lui enseignera très tôt qu’il n’est pas aussi anonyme que cela, car s’il veut se faire entendre
ou faire entendre la voix de ses commettants, il peut s’exprimer au cours de la réunion des parlementaires de son
parti (dit « caucus), là il est parfaitement libre de dire ce qu’il pense, de faire les représentations qu’il veut.
Point. En dehors, il se doit d’être solidaire.

S’il est ministre, plutôt que député, la situation ne change guère: seul l’endroit change passant du « caucus » au Conseil des ministres. Solidarité ministérielle oblige.

D’ailleurs, au cours des dernières années, tous les hommes politiques à Ottawa comme à Québec, qui à un moment ou à un autre, se sont trouvés en désaccord avec leur parti, n’ont eu d’autre alternative que de se soumettre ou de se démettre: nous n’avons qu’à rappeler les cas les plus connus: au fédéral, messieurs Hellyer, Kierans; celui de monsieur Lévesque au Québec ou des députés unionistes à qui on ne laissa d’autre choix que de quitter leur parti à l’occasion de la discussion à l’Assemblée nationale du projet de loi 63.

On dira que c’est là la règle d’or du parlementarisme. Justement . Une règle d’or trop longtemps considérée comme normale et que l’on maintient encore comme inviolable, règle d’or du parti politique qui croit protéger ainsi son unité au mépris de la plus élémentaire liberté de pensée et de parole.

On ne peut dès lors se surprendre que la population qui croit de moins en moins à son député et
au parti politique en vienne à ne plus pouvoir les considérer comme les porte-parole véritables et autorisés de ses
problèmes et de ses aspirations. Et on ne peut s’étonner ou feindre de ne pas comprendre que lorsque ses intérêts
collectifs sont enjeu, elle décide de les prendre elle-même en main en créant des organismes « ad hoc » comme
on en a vus dernièrement encore dans diverses régions du Québec, notamment en Gaspésie et dans le nord-ouest du Québec.

Du député tel qu’il existait à l’origine du régime parlementaire, expression de la volonté populaire,
au député-robot, instrument d’un parti politique, il n’y a aucune commune mesure Il est donc évident à mon sens
que le député ne signifie plus grand chose, que son rôle ne correspond plus à la réalité et que le cadre actuel de
son activité, son statut, son rôle, son mandat doivent être remis en question et entièrement repensés.

Mais si le rôle et la personne même du député sont de plus en plus dépréciés, la faute ne lui en
est peut-être pas entièrement imputable. Certes si la situation en est là aujourd’hui, c’est qu’il a depuis longtemps accepté ces règles comme immuables: mais c’est également que le parti politique ne lui laissait guère d’autre choix.

C’est ainsi que l’on doit se demander pourquoi le parti politique constitue à l’heure actuelle le seul
type de groupement qui ne souffre pas la dissension et qui n’admet aucune forme de contestation, voire d’expression
ouverte d’opinion différente.

La réponse à cette question se trouve dans le fait que le but qu’il poursuit, le seul qui l’intéresse
vraiment c’est la possession, l’exercice et, pour tout dire, la jouissance du pouvoir Il est d’abord et avant
tout cet instrument devant permettre à un groupe d’hommes de diriger pendant un certain temps les affaires de la nation.

Ce but étant clairement établi et accepté par tous, tout doit concourir à le réaliser et les intérêts
en jeu étant considérables, rien ni personne ne doit y déroger. Le parti devient donc autoritaire et arbitraire:
la pyramide décisionnelle est très vite tronquée et inversée. On ne tient plus compte du militant occasionnel, ni
du militant de l’association de comté, ni du député. Le mécanisme est vicié et faussé.

Le parti n’est donc plus l’expression de la volonté de ses membres, mais bien l’instrument de
ceux qui le dirigent. Ce sont les dirigeants du parti qui prennent les décisions, les imposent aux députés, via le « caucus » et qui doivent en plus s’en faire le porte-parole et le défenseur auprès de la population.

La place que l’on fait au député et le mode de fonctionnement du parti, font qu’à l’heure actuelle des
éléments très valables de la population s’en éloignent de plus en plus. On n’a qu’à voir les difficultés de recruter
de bons candidats à la veille de chaque élection: pour dix ou vingt bons candidats pressentis, un peut-être deux
accepteront et souvent pour toutes autres raisons qu’une croyance fondamentale au parti politique comme véritable
instrument démocratique d’évolution de la société.

Si les partis politiques sont incapables de procéder à une véritable réforme en profondeur concernant leur structure et leur fonctionnement, s’ils sont impuissants à devenir l’instrument privilégié de leurs
membres, ils se placeront de plus en plus en dehors de la société qu’ils ont pour mission de servir.

En guise de conclusion. Depuis quelques années, il est évident pour de nombreux Québécois que l’Assemblée ne constitue
pas le lieu réel où se règle les problèmes collectifs.
Au moment où elle s’éveille, la population sent que ses problèmes ne trouveront pas leur solution là où normalement
ils devraient les trouver. L’électeur, le contribuable, constatent que leur représentant, le député, n’est que le rouage impuissant d’une vaste machine.

C’est donc le rôle du député, sa place dans le parti, le fonctionnement des partis politiques et celui de nos institutions que plusieurs remettent en question.

Au cours de la dernière décennie, le Québec a procédé à des réformes fondamentales dans des secteurs vitaux de sa vie collective: en éducation, par le Rapport Parent, en sécurité sociale, par le Rapport Castonguay-Nepveu, en justice, par le Rapport Prévost, etc…

Le Québec a également procédé à la mise sur pied de nouveaux ministères afin de mieux répondre
à ses besoins; le ministère des Affaires culturelles, celui des Affaires intergouvernementales, des Communications, des Institutions financières et de la Fonction publique Il s’est doté de nouveaux instruments afin de
répondre aux impératifs du monde moderne: la Caisse de dépôt et de placement, l’Office de développement et
de planification du Québec, Radio-Québec, la Régie de l’Assurance dépôt et celle de l’Assurance maladie n’en
sont que quelques exemples.

il est maintenant urgent de mettre à l’heure de cette fin du vingtième siècle nos institutions politiques, leur principal moteur, les partis politiques et ceux qui les animent, les députés.

Peu importe la forme que prendra cette réforme, peu importe la manière avec laquelle on entend y procéder.

Ce qui compte maintenant c’est de poser le problème, d’y réfléchir, de permettre à tous ceux qui
le désirent d’y apporter leur contribution. Nous nous devons d’agir avec célérité. Les institutions politiques
sont au coeur de notre évolution. Retarder trop longtemps d’aborder ce problème, c’est peut-être permettre à d’autres
de réaliser leur espoir et de leur donner le moyen d’agir à leur guise au détriment de la démocratie.

Si nous nous y refusons ou si nous n’y procédons qu’à moitié, des jours plus difficiles que ceux que nous avons connus sont à prévoir.

L’évolution de nos institutions politiques, du parlementarisme, des moyens d’action de l’Assemblée Nationale; voilà une donnée essentielle de la transformation du Québec.

<Masse19710508>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE DEPUTE DE MONTCALM CONCERNANT LE PROJET DE LOI NO. 278 « LOI DU HAUT-COMMISSARIAT A LA JEUNESSE, AUX LOISIRS ET AUX SPORTS » PRONONCEE A SAINT-JACQUES LE 8 MAI 1972>

Comme jamais on fait état, dans les conversations privées et publiques, de la civilisation des loisirs,
de ses bienfaits et de ses dangers. Ces sujets sont parfois la manchette de la presse écrite et électronique.

Us sont l’objet d’études et de recherches Ils identifient de nouvelles façons de vivre. Loisir et jeunesse sont,
en fait, des mots qui enferment, en eux, de grandes aspirations individuelles et collectives.

Depuis quelque temps diverses rumeurs circulent au sujet de malaises, de conflits de personnalité,
de manque d’orientation au sein du Haut-Commissariat à la Jeunesse, aux Loisirs et aux Sports. La démission de monsieur Gilles Houde, député de Fabre et délégué au Haut-Commissariat, confirme l’existence de profondes dissensions. Il est maintenant plus nécessaire que jamais de demander l’élaboration de politiques des loisirs et des sports et d’une politique de la jeunesse. Il est aussi de mon devoir de m’associer directement aux centaines de milliers de Québécois qui exigent
du Gouvernement ces politiques essentielles pour le développement harmonieux de ce secteur important de notre
société. La mise en œuvre de telles politiques est réclamée depuis de nombreuses années. Plusieurs rapports
et dossiers qui contenaient des suggestions, des plans et des programme s d’action furent présentés aux autorités gouvernementales. Malheureusement, les réponses gouvernementales se font encore attendre et, de ce fait, le développement du loisir et du sport est pauvre et anarchique, même si nous sommes à la veille de
la tenue des Jeux Olympiques dans la ville de Montréal.
Du côté d’une politique de la jeunesse, la situation est pire, voire catastrophique. A l’exception de quelques
actions rassurantes et paternalistes, le Gouvernement du Québec n’a pas agi dans ce secteur. Un mur sépare
les jeunes et le présent Gouvernement québécois.

En fait, la seule véritable action du Gouvernement du Québec consiste à revendiquer un droit
de consultation lorsque le Gouvernement fédéral met de l’avant ses programmes tels perspectives-jeunesse, l’aide à la création d’auberges de jeunesse et de gîtes pour les jeunes itinérants. Triste situation et lourde humiliation
que de voir le Gouvernement fédéral s’imposer et réaliser dans un domaine qui peut-être nôtre une politique
de la jeunesse qui, par ailleurs, ne tient pas toujours compte des priorités et des aspirations québécoises.
Tout cela se concrétise en dépit de lettres officielles de ministres du gouvernement du Québec qui rappellent
à Ottawa qu’une politique de la jeunesse se situe dans le prolongement des politiques éducatives, sociales
et culturelles, donc de domaines devant normalement relever de la compétence du gouvernement du Québec. Quand on sait que la jeunesse est la plus grande richesse de la nation québécoise, il y a lieu de s’alarmer et de douter de l’efficacité du fédéralisme rentable dont parle si souvent l’actuel Premier Ministre du Québec.

Récemment, le Gouvernement du Québec a tenté de secouer son inertie en présentant à l’Assemblée
Nationale le projet de loi 278, intitulé loi du Haut-Commissariat à la Jeunesse, aux Loisirs et aux Sports.
Les milieux intéressés ont tout de suite manifesté leur mécontentement.

Manque de réalisme

Dans son ensemble le projet de loi 278 manque de réalisme et démontre la complète incompréhension gouvernementale en matière de jeunesse, loisirs et sports. Les éducateurs et les milliers de travailleurs
bénévoles et professionnels dans les secteurs de jeunesse, loisirs et sports ont toutes les raisons du monde d’être
profondément dé?us. Ce projet est médiocre. Et quand on en a terminé la lecture, il n’y a plus de malentendu
possible: ce projet reflète l’absence de pensée gouvernementale en matière de jeunesse, loisirs et sports. Comment
un gouvernement peut-il manquer à ce point de conscience sociale ?

Absence d’autorité, de pouvoir, de planification

Si l’Assemblée Nationale adopte le projet de loi 278, le Haut-Commissariat à la Jeunesse, aux Loisirs et aux Sports n’aura aucune véritable autorité et aucun pouvoir quant au développement du secteur jeunesse,
loisirs et sports. Tout au plus, le Haut-Commissariat aurait le pouvoir, en vertu de l’article 5 de la loi
278, d’obtenir et de coordonner les renseignements, les études, les recherches concernant les politiques des autres
ministères et organismes gouvernementaux dans les domaines de la jeunesse, des loisirs, des sports
et des activités de plein air.

Ce projet de loi est un leurre. Il vise simplement à camoufler la confusion et l’inefficacité de l’administration gouvernementale. Les ministères et autres organismes gouvernementaux continuent de poursuivre de manière séparée et cloisonnée leurs actions, en s’efforçant de s’ignorer le plus souvent possible de peur d’y perdre du prestige.

Autrement il existe, d’une part, le Haut-Commissariat et, d’autre part, les ministères et organismes,
notamment les ministères des Affaires culturelles, du Tourisme, de la Chasse et de la pêche, les organismes comme l’Office Franco-Québécois pour la Jeunesse… Comme une ronde d’un jeu de chaises musicales,
chaque ministère et/ou organisme s’élance à gauche et à droite. On joue à la folle ronde du tire-couverture,
des fonctionnaires qui se donnent des crocs-en-jambe, des luttes internes entre députés et ministres, par exemple, le combat de décembre 1970 entre le ministre des Communications et son adjoint parlementaire.

Résultat: la situation que nous avons, résultant d’un manque de planification et de coordination. Absence de pensée structurée en matière de jeunesse, loisirs et sports.

Le projet de loi 278 n’apporte aucune solution et augmente même les dédoublements de responsabilités, la confusion de juridictions, les pertes d’argent et d’énergies, ainsi que le gaspillage des ressources humaines et techniques. A regret, on constate une fois de plus que le Gouvernement du Québec ne possédé pas de plan de développement. Pour ces raisons, là comme ailleurs, d’aucune façon le Gouvernement cherche à promouvoir la créativité chez les jeunes, le respect des talents particuliers de chacun.

A quoi s’occupent d’ailleurs les nombreux responsables du Haut-Commissariat, puisqu’ils ne peuvent
définir des programmes et des politiques susceptibles de trouver une application concrète… ? Qu’en est-il de choses évidentes comme l’organisation de journée de plein-air pour les gens des quartiers défavorisés,
les vieillards, l’aide concrète aux petites organisations de loisirs? A-t-on réfléchi aux problèmes de l’organisation
du temps libre en fonction de l’économie générale du Québec? Avons-nous des plans précis et des normes spécifiques sur le développement des ressources naturelles pour des fins de loisirs et de sports ? Est-ce que l’on se rend compte de l’invasion étrangère, invasion des spéculateurs qui achètent des terrains qu’ils utiliseront pour des activités de loisirs dans dix, quinze
et vingt ans ? A part verser des subventions que fait-on au Haut-Commissariat à la Jeunesse, aux Loisirs
et aux Sports? Pourquoi y a-t-il autant de démissions de fonctionnaires ?

Manque de définition des mots et confusion de la pensée Malgré les nombreuses recommandations
qui lui furent adressées, le Gouvernement du Québec confond encore les réalités jeunesse et les réalités de loisirs et de sports. Dans le projet de loi 278, les mots loisirs, sports, activités de plein air ne sont pas définis et on parle même de loisirs en général.

Loisirs, sports, éducation physique, hébergement dans les camps de vacances et les auberges
de jeunesse sont tous des secteurs d’activités humaines qu’on situe dans le cadre général de la loi 278: dans le
même fourre-tout, on parle en plus d’activités de loisirs en général. Que veut-on dire au juste ? Quelles
seraient les véritables responsabilités du Haut-Commissariat et comment comparerait-on ces dernières avec
celles des autres ministères et organismes ? Vise-t-on les activités culturelles qui sont aussi des activités de loisirs au même titre que la pratique des sports et, par exemple, les excursions de chasse et de pêche ?

Pourquoi bâtir des textes de loi sur des généralités, pourquoi ménager la chèvre et le chou et éviter de situer
avec précision le caractère des choses et les responsabilités de tous et chacun… Quand une activité de loisirs
en général, comme il est dit à l’article 5 du projet de loi 278, relève-t-elle du ministère des Affaires Culturelles
et/ou du Haut-Commissariat… ? Est-ce le Haut-Commissariat qui verra à l’aménagement des
parcs provinciaux et des équipements de loisirs et des sports qui se trouvent dans ces parcs… ?

Non reconnaissance des structures de participation
La participation est négligée dans le texte du projet de loi 278. Seule la formation d’un conseil
consultatif en fait état dans la troisième section de la loi. En aucun endroit on reconnaît l’existence d’organismes
comme la Confédération des Sports du Québec, la Confédération des Loisirs culturels du Québec, la Corporation
des Jeux du Québec, les Conseils régionaux de jeunesse, Loisirs et Sports. La loi ne reconnaît aucun de ces organismes
comme des partenaires du Haut-Commissariat et du gouvernement du Québec dans le développement
des programmes d’activités de jeunesse, de loisirs et de sports. Cela est inacceptable. Nulle part n’est
prévu dans ce projet de loi la mise sur pied de véritables mécanismes qui viseraient à promouvoir la participation à tous les échelons régionaux du Québec. Comment peut-on concevoir en 1972 une politique de jeunesse,
de loisirs et de sports sans impliquer formellement les organismes de participation que s’est donnée la population
du Québec.

Tout au plus, on accepte de former un conseil consultatif. Il est essentiel que le Gouvernement
reconnaisse officiellement dans le cadre d’un texte de loi l’existence et le rôle, quitte à mieux définir et le
préciser dans certains cas, des confédérations et des organismes précités. Sans cela, est-ce possible de croire
encore à des politiques de participation ? Sans exagérer, je crois bien exprimer les vues de l’ensemble du monde des loisirs et des sports, en disant que le projet de loi 278 tuera les initiatives bénévoles et désintéressées
de milliers de.personnes. Initiatives sans lesquelles ne pourraient avoir lieu les Jeux du Québec, par exemple.

Il faut éviter de bâtir un Haut-Commissariat de grande lourdeur administrative. Le Haut-Commissariat
doit être un instrument de planification, de coordination et de services Il doit confier, dans la mesure
du possible, l’application des programmes et politiques, aux municipalités, commissions scolaires et organismes
spécialisés comme les confédérations, les fédérations, les conseils régionaux et autres groupements qui représentent les diverses couches régionales et sociales de la population. Mais pour ce faire, et favoriser  la plus grande efficacité possible, il faut d’abord reconnaître officiellement le rôle de chacun dans des mécanismes de coordination dément sanctionnés par une
loi.

En déterminant avec exactitude le rôle et la fonction des nombreux organismes de jeunesse,
de loisirs et sports, le Gouvernement s’assurerait une collaboration inestimable à plus d’un point de vue. En
s’associant la population, il serait possible au Gouvernement de réaliser de grandes politiques à des coûts
raisonnables, et de créer ainsi d’inépuisables réservoirs d’idées et d’occasions de renouvellement, d’où la quasi-assurance du constant progrès des politiques impliquées.

Les camps de vacances, auberges de jeunesse, plages publiques, piscines publiques.

Dans la quatrième (4e) section du projet de loi 278, le Haut-Commissariat devient responsable
de l’exécution et de l’application des normes et des critères de l’établissement et du fonctionnement des
camps de vacances, pour enfants et familles, des auberges de jeunesse, des plages publiques et des piscines
publiques.

En fait, l’idée de regrouper sous une même autorité gouvernementale ces secteurs d’activités pourrait sûrement permettre de corriger de graves lacunes et d’apporter d’importantes améliorations. Cela cependant, à la condition que soient coordonnées les politiques du Haut-Commissariat et celles de plusieurs autres ministères, par exemple celui des Affaires sociales
concernant les camps de vacances pour enfants et familles.

D’accord avec le principe du regroupement des camps de vacances, des auberges de jeunesse, de plages publiques, des piscines publiques sous l’autorité du Haut-Commissariat, je m’oppose par ailleurs à l’article 22 du projet de loi 278, qui dit que: « Le ministre peut suspendre ou annuler le permis de toute personne qui a été déclarée coupable d’une infraction à la présente loi ou aux règlements Il peut également suspendre ou annuler le permis
de toute personne qui refuse ou néglige de se soumettre aux prescriptions
de la présente loi ou des règlements après en avoir été requise, par écrit,
par le ministre ou le sous-ministre adjoint qui dirige le Haut-Commissariat ». Cet article est arbitraire et permet au
ministre de se substituer aux tribunaux. Pourquoi confier de telles responsabilités à un ministre ? N’est-il pas dangereux de laisser l’application des lois aux hommes politiques, un domaine qui doit relever des autorités judiciaires ?

Après la répression socio-politique, essaie-t-on maintenant de voter des lois qui laissent dans
les mains des politiciens des épées qu’ils pourront suspendre en tout temps au-dessus des têtes qu’ils n’aiment
pas. J’espère que le ministre de la Justice s’opposera vivement à cet article 22 et rappellera que c’est
aux tribunaux que doit revenir le droit d’annuler et/ou de suspendre un permis, cela suite à des plaintes et à des présentations de preuves.

Ce même article 22 parle des plages publiques. A se demander si on blague quand il n’existe
aucune politique de l’eau au Québec. Le problème est plutôt de dépolluer l’eau et de créer des plages avant
de réglementer. L’Île de Montréal malgré deux millions d’habitants ne possède aucune plage utilisable sans risque
de dangers hygiéniques.

Du Côté des auberges de jeunesse, le gouvernement actuel continue l’action du précédent gouvernement qui a créé, au Québec, le premier réseau d’auberges de jeunesse. Mais par ailleurs, on n’a pu résister à l’ingérence du gouvernement fédéral qui lui aussi subventionne le fonctionnement d’auberges de jeunesse et de gîtes pour la jeunesse itinérante. Les conflits de juridictions fédérale-provinciale, là comme ailleurs, se multiplient sur le dos des payeurs de taxe. Comme
jamais, le Québec est relégué au niveau de région administrative du gouvernement fédéral.

On pourrait poursuivre …

On pourrait poursuivre la critique du projet de la loi 278 et relever ainsi, une à une, toutes
ses faiblesses. L’article 4, par exemple, constitue une ingérence gouvernementale dans les juridictions des fédérations
sportives qui ont la responsabilité de déterminer les règlements relatifs aux compétitions sportives.

Les fédérations sportives québécoises détiennent cette autorité en vertu d’une délégation de pouvoirs des fédérations internationales. Cette autorité est respectée dans le monde entier, même par les pays communistes. Les
manquements aux règlements établis par les fédérations disciplinaires empêchent la sanction officielle des compétitions
sportives en cause.

Pour une politique des jeunes même si elles sont réelles les difficultés de définir les jeunes et d’élaborer pour eux une politique cohérente, il est urgent de mettre en œuvre une telle politique. Autant que des moyens de vivre, les
jeunes veulent des raisons de vivre Ils refusent de participer à une société où trop souvent les hommes sont
possédés et ne se possèdent pas Ils exigent à bon droit que les structures soient au service de l’homme et non
plus l’homme au service des structures. Le Gouvernement doit comprendre que la jeunesse, vue dans son ensemble,
a son propre modèle culturel qui influence en profondeur les comportements de la société.

Il faut donc être conscient de cette réalité culturelle de l’ensemble de la jeunesse et, en plus,
être attentif aux situations de changement, de tension, de création, de fête et même de violence qui caractérisent
les jeunes Il faut savoir associer les jeunes au développement global de la société et cela constitue un devoir et une responsabilité que le Gouvernement du Québec doit assumer en priorité.

Une politique de jeunesse, par l’ampleur de ses objectifs et la pluralité de ses programmes doit
s’adresser à toute la communauté québécoise. Une pareille politique doit faire que les jeunes puissent s’exprimer
et définir leurs propres désirs, aspirations et besoins. Dans cette perspective le Gouvernement du
Québec doit travailler avec les jeunes et non seulement se contenter de travailler pour les jeunes.

Objectifs généraux

Les objectifs généraux d’une politique de jeunesse sont d’amener les jeunes à des actions concrètes et à s’imbriquer dans la réalité; et, à l’aide de de leur capacité créatrice et imaginative, leur permettre d’entrevoir la société future. Toutefois, une politique de jeunesse doit faire partie de politiques plus vastes impliquant tous les citoyens, autrement, elle isolera les jeunes
de l’ensemble de la société.

Dans notre civilisation de changement, une politique québécoise de jeunesse doit s’intéresser
davantage au processus qu’au produit Il faut favoriser la création, les conditions de création et permettre des
choix d’options, déprogrammés, selon les aspirations des jeunes. Par exemple, il faudrait favoriser la naissance
de chantiers de travail où les jeunes vivraient des expériences individuelles et collectives en participant concrètement et non de manière fictive au développement du Québec.

Objectifs spécifiques

La politique québécoise de jeunesse doit rendre fluide trois principaux groupes d’activités, à savoir
l’étude, le travail professionnel et les voyages sous forme de stages à l’étranger et d’autres expériences multiples
et variées Il y aurait lieu de décloisonner les cadres de vie pour permettre le passage de l’école à l’usine,
de celle-ci au voyage, aux stages, à l’expérience de la vie.

Une politique québécoise de jeunesse doit éviter les blocages de toutes sortes et être une occasion de secours, de rattrapage et de compréhension pour les jeunes en mauvaise posture ou mal en point.

Plus précisément encore, une politique de jeunesse doit venir en aide aux recalés, c’est-à-dire
aux jeunes bloqués par un examen, un défaut de préparation particulière, un engorgement du marché du travail.
Le rôle d’une politique de jeunesse est évidemment autre que l’organisation d’activités de loisirs et dé sports. Ce
rôle est d’être un corridor pour tous les jeunes, même pour les « drop-out », autant dire qu’une véritable politique
de jeunesse n’exclut pas ceux qui s’excluent.

Les structures

Une des façons de réaliser une telle politique est d’avoir au sein de l’administration publique des structures administratives des plus simples et libérées de la lourdeur traditionnelle. C’est pourquoi s’impose une sérieuse réforme des structures gouvernementales en matière de jeunesse. Réforme qui doit être menée avec compétence, conviction et détermination et faire abstraction des intérêts particuliers des hommes en place, soient-ils au niveau administratif ou politique.
C’est pourquoi encore il importe de séparer une politique de jeunesse des politiques de loisirs et de sports.
Une équipé d’animation au service… Plus que jamais, il y a lieu de créer une équipe d’animation au service des principaux mouvements de jeunesse. Cette équipe d’animation ferait appel aux enseignants qui sont par leur formation et leur
profession des agents d’information et des animateurs  »naturels. Une expérience positive, à notre sens, serait
de puiser dans cet immense réservoir d’énergies que constitue le corps professoral pour animer des mouvements
de jeunesse comme les 4-H, les Scouts, les Cercles des Jeunes naturalistes, les camps et les colonies
de vacances, etc…

On pourrait, à cette fin, instituer un système d’utilisation par rotation où un enseignant quitterait
la profession d’enseignant proprement dite pendant deux ans pour se consacrer exclusivement à l’animation de divers groupes de jeunesse; cela servirait une double fin; d’une part, les enseignants pourraient
échapper à la monotonie latente dans toute profession et revenir à l’enseignement avec un dynamisme renouvelé;
d’autre part, les mouvements de jeunesse y trouveraient peut-être une solution partielle à la sclérose
dont ils sont les victimes involontaires.

il est également nécessaire et urgent, outre les auberges de jeunesse, de mettre sur pied des
centres d’hébergement pour les jeunes travailleurs sans foyer ou venant des autres régions du Québec pour travailler
à Montréal ou à Québec. Un autre urgent besoin est la création d’une centrale administrative des mouvements de jeunesse.

Conclusion

En résumé, le projet de loi 278 est inacceptable dans sa forme actuelle. Ce projet passe carrément
à côté des problèmes et des questions qu’il croît traiter Il y a donc lieu pour le gouvernement de retirer
ce projet ou, tout au moins, d’en permettre l’étude en commission parlementaire, ce qui fournirait l’occasion
aux organismes de jeunesse, de loisirs et de sports et à la population en général d’exprimer leurs points de
vue et de suggérer les modifications qu’ils jugeront utiles.

<Masse19720524>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE DEPUTE DE MONTCALM PRONONCEE DEVANT LES MEMBRES DU CLUB FLEUR DE LYS DE QUEBEC A L’AUBERGE NEPTUNE LES QUEBECOIS: UNE MAJORITE COMME LES AUTRES ? LE 24 MAI 1972>

Invité par votre président à rencontrer les membres du Club Fleur de Lys, j’ai pensé vous entretenir
d’un sujet qui se rapproche de vos préoccupations majeures, tout en laissant apparemment de côté
les problèmes constitutionnels. C’est le privilège d’un député indépendant de pouvoir aborder ainsi, sans contrainte
ni directive de parti, n’importe quelle question tout simplement parce que ce sujet l’intéresse et qu’il
y croit.

Le Club Fleur de Lys s’est acquis une réputation, celle entre autres d’être un lieu privilégié
de réflexion sur les problèmes constitutionnels. Maints conférenciers vous ont permis de réaliser toute la complexité de nos rapports avec la communauté de langue anglaise au Québec et au Canada. Mais il existe d’autres
groupes ethniques avec lesquels nous devons entretenir des rapports, d’autres communautés, d’autres civilisations,
pour lesquelles notre seule présence sur le sol québécois pose des problèmes souvent difficiles à saisir.

C’est pour cette raison que ce soir j’aimerais vous entretenir de nos rapports avec une collectivité
particulière, les Inuits. Trop souvent, par ignorance, ou pire par imbécillité, soulever cette question
attire des remarques plus ou moins désobligeantes, des quolibets de toutes sortes. C’est malheureux, mais il en est ainsi. Pourtant, les Québécois, plus que tout autre, devraient être sensibles au traitement que nous
faisons subir à cette minorité.

De cette tribune, on vous a largement informé du traitement que la majorité canadienne nous
a depuis longtemps infligé et, à la suite de ces données, vous avez pris conscience de notre situation. J’ai donc
cru pouvoir profiter de cette réunion pour tenter de vous sensibiliser à cette question des Inuits tenue trop souvent
pour secondaire.

C’est progressivement que j’ai découvert cette donnée de la réalité québécoise. J’ai compris qu’il se vivait dans le Grand Nord un drame collectif qui n’est pas sans analogie avec l’histoire des Québécois: celui d’une minorité en lutte pour le droit d’être elle-même au milieu d’une collectivité qui, par ignorance ou arrogance, a décidé de l’assimiler « pour son
plus grand bien » comme on dit couramment.

En février 1967, alors ministre d’État à l’Éducation, accompagné de monsieur Eric Gourdeau
et d’autres fonctionnaires du ministère de l’Éducation et de la Direction générale du Nouveau-Québec, j’ai eu
l’occasion de me rendre à Fort Chimo, en principe pour inaugurer divers bâtiments administratifs, en pratique
pour rencontrer la population autochtone et les fonctionnaires représentant sur place l’autorité administrative de Québec.

En 1969, se pose à l’Office de Planification et d’Aménagement la question du développement du
Grand Nord québécois. Par le biais de ce dossier, c’est toute la responsabilité et la coordination des activités de
l’État en ces lieux qui sont soulevées.

Il y a quelques mois, cette fois à titre personnel, j’ai séjourné plusieurs jours dans la région de Poste-de-la-Baleine et de Povungnituk, constatant encore une fois les conditions de vie des habitants de ces terres et, particulièrement, la confusion des pouvoirs, des responsabilités et des politiques entraînée par la coexistence de deux administrations: celle d’Ottawa et celle de Québec.

A- Le Nouveau-Québec:

Le citoyen québécois sait vaguement que le Nouveau-Québec englobe la partie nord de notre territoire,
c’est-à-dire l’arrière-pays de la Côte Nord, du Lac Saint-Jean et de l’Abitibi.

Le territoire qui nous préoccupe est immense. Sa superficie est de 300,000 à 400,000 milles carrés, selon la position qu’on attribue à la frontière Québec – Terre-Neuve. Ce chiffre représente les 3/5 de l’étendue totale du Québec, soit 28 fois la Gaspésie.

il est difficile même à un Québécois, pourtant habitué aux vastes espaces, de s’imaginer l’immensité de ce territoire.

Un corridor de 150 à 200 milles de largeur sépare le Nouveau-Québec de la vallée du Saint-Laurent. Pour se rendre à la frontière sud de ce territoire, il faut déjà parcourir 400 milles pour atteindre la rivière Eastmain (à partir de Québec) et 600 pour Shefferville. Or, de la rivière Eastmain au détroit d’Hudson, on compte 900 milles et du Lac Melville à
la Baie de James, 950 milles.

La population qui occupe cette partie du Québec oscille autour de 10,000 habitants, composée
de 3,000 Inuits, de 3,000 Indiens et de 4,000 blancs.

A la limite nord de ce territoire, en banlieue de l’Océan Arctique et de la Baie d’Hudson, treize
postes ou villages regroupant des populations allant de 100 à 600 personnes vivent une existence qui n’a rien de
commun avec ce que nous connaissons.

Parce que la question des Indiens est déjà suffisamment dans l’actualité avec le débat concernant
le développement de la Baie de James, l’objet de ma communication sera consacré uniquement aux Inuits.
Notre méconnaissance de ce qu’ils sont est telle que le terme même que nous employons pour les désigner en
constitue déjà une preuve. Ce sont les Indiens Cris qui les ont baptisés  » Esquimaux » ce qui se traduit par ceux qui mangent de la viande crue ». Eux-mêmes se désignent sous le vocable « Inuits », c’est-à-dire, « le seul peuple ».

D’ailleurs, ils nous le rappelaient dans un mémoire du Conseil de la Communauté de Povungnituk: « .. .Nous… ne sommes pas des Indiens. Nous avons été placés sous la même juridiction que les Indiens. Nous n’avons jamais vu d’Indien ici au nord et, de plus, nous considérons les Indiens comme étant entièrement d’une race différente ».

C’est en 1912, suite à un accord exprimé par des lois parallèles entre le parlement du Canada
et celui du Québec que ce territoire devient partie intégrale du Québec, à la condition  » que la province de Québec (reconnaisse) les droits des habitants sauvages dans ce territoire.

Des conditions identiques furent fixées au gouvernement ontarien à la même époque et un traité fut
signé. Pour sa part, le gouvernement du Québec a négligé jusqu’à maintenant de remplir cette condition Il
serait important de pallier à cette négligence avant que les droits du Québec sur ce territoire ne soient mis en
cause par le gouvernement fédéral.

Trop souvent les hommes du sud que nous sommes perçoivent ces gens comme des primitifs vivant dans les igloos et que nous voudrions bien occidentaliser dans le sens où nous l’entendons. La réalité est bien plus complexe et malheureuse qu’on ne le croit généralement. Les Inuits constituent un groupe ethnique traditionnel avec son mode de vie et sa culture, mais divisé par les contradictions et les ambitions opposées des blancs du sud. Catholiques et protestants, anglophones et francophones, fédéraux et Québécois, en ont fait un secteur particulièrement litigieux. Ottawa, par son ministère du Grand Nord et des Affaires indiennes, y déverse des allocations sociales et des primes de toutes sortes, construit des maisons qu’il chauffe et éclaire.

De son côté, le Québec a confié à la Direction générale du Nouveau-Québec, du ministère des Richesses naturelles, l’entière administration de ce territoire. Périodiquement, l’avion de la Compagnie Austin Airways parcourt les villages de la Côte est de la Baie d’Hudson où il livre des approvisionnements en provenance de Timmins, Ontario. C’est ainsi que vous voyez
les motoneiges sillonner la steppe et que vous retrouverez les gadgets de notre civilisation dans les habitations
du Grand Nord: magnétophones à cassettes, aliments congelés et même la revue Play Boy.

Toute personne, moindrement au courant de ce qui se passe dans les régions nordiques,
devrait normalement se poser les questions suivantes: « Devons-nous continuer à verser des subventions découlant de programmes souvent contradictoires à ces populations qui n’aspirent au fond qu’à demeurer elles-mêmes ? » Et encore: « Allons-nous, par les séductions de notre mode de vie, par la surenchère dont font preuve les fonctionnaires de deux gouvernements postés dans le Nord, leur enlever leur identité? ».

C’est ici que nous sommes amenés à constater qu’il est facile de succomber aux erreurs et
aux maladresses des majorités à l’égard des minorités.

Nous sommes cinq millions de Québécois francophones noyés parmi les deux cent trente millions
d’anglophones nord-américains. Nous réclamons une plus large autonomie de façon à pouvoir vivre selon notre culture propre. Ce comportement de minorité en face d’une majorité menaçante ou indifférente nous a amenés à être très critiques et à réclamer des droits que la majorité ne voit pas ou ne peut pas comprendre. Il ne faudrait pas perdre cet esprit critique
face à cette minorité inuk qui vit dans le Nouveau-Québec et qui, comme nous, réclame des droits.

Vous vous souvenez sans doute, il y a quelques semaines, que trois Inuits et un blanc, à la
suite de ce qui a été la première expédition par voie de terre IVUJIVIK-QUEBEC, ont, au nom des conseils
de la Communauté de Povungnituk et de Poste-de-la-Baleine, présenté au Premier Ministre du Québec deux textes contenant ce qu’ils attendent du Québec.

Tirons-en quelques points:

Participation au développement de leur région:

« Nous ne voulons plus attendre que l’homme blanc nous amène le développement, mais nous désirons
participer dans ce développement par la coopération à ce sujet ».

Responsabilité des Conseils de Communautés:

« Parce qu’ils connaissent ce qui est le meilleur pour chacun des villages.. Ils pourraient eux-mêmes
prendre en main de façon beaucoup plus satisfaisante tous les services de la communauté ».

Meilleure utilisation des ressources allouées au titre du bien-être social.
Dans leur exposé, les représentants de ces communautés traitaient en plus de la Fédération
des Coopératives du Nouveau-Québec, de la taxation, du service de sécurité, des questions d’éducation. Également,
d’une question fort importante: le gouvernement régional.

En résumé, ils désirent jouir pleinement de leur droit afin de contrôler eux-mêmes leur développement, leur avenir.

B – Droit de vote:

Le droit premier en démocratie, la responsabilité élémentaire de tout citoyen, c’est la participation par le vote au choix d’un gouvernement responsable. L’exercice de ce droit, le Québec le refuse en fait à ce qui me semble être la majorité des habitants du territoire septentrional du Québec.

Le 2 mai 1969, une loi de l’Assemblée Nationale du Québec était sanctionnée reconnaissant aux Amérindiens le droit de vote.

Depuis cette date, rien ne s’oppose à ce que les Amérindiens participent à nos élections. De fait, plusieurs d’entre eux le font Il suffit de consulter le dernier rapport du Président général des Elections pour le constater.

Mais, à l’exception de ceux de Fort Chimo et de Shefferville, lesquels sont rattachés à la circonscription électorale de Duplessis, tous les autres habitants du Nouveau-Québec sont dans l’impossibilité de participer au processus essentiel de la démocratie. Ces gens ne peuvent choisir leurs représentants pour l’unique raison que toute cette partie du Québec, soit près
de 40% du territoire, n’est pas formée en districts électoraux.

Les membres de la Commission permanente de la Réforme des Districts électoraux ont bien
saisi cette injustice et en ont souligné le fait dans l’introduction de leur rapport.

Par contre, il faut souligner qu’Ottawa a permis l’exercice de ce droit de vote en incluant cette région dans un district électoral. Ce que nous n’avons pas encore fait. Premiers habitants du sol, ils ne sont pas encore reconnus Québécois à part entière. Comment voulez-vous qu’un peuple conserve sa dignité s’il ne participe pas à l’élaboration des lois qui vont ensuite l’administrer ? Si on s’en tient aux principes élémentaires de la démocratie, on peut considérer que les Inuits ne
sont pas des citoyens à part entière, tant et aussi longtemps que nous ne leur aurons pas permis de choisir
leurs représentants à l’Assemblée Nationale.

Jusqu’à maintenant, on les a trop souvent tenus à l’écart. On en a fait des hommes-musée, des êtres entretenus Il n’existe rien de tel pour perpétuer l’irresponsabilité. Les agents de bien-être des deux gouvernements font du recrutement pour mieux assurer leur emprise auprès des populations locales. C’est à qui aura le plus d’abonnés …

Les Inuits eux-mêmes ont perçu l’irresponsabilité d’une telle attitude et dans leur message au
gouvernement du Québec on peut lire … « et concernant le bien-être social, vous devez décourager les agents…
de distribuer ici et là de l’argent à tout le monde… Nous disons ceci parce que le bien-être social est en
train de tuer la fierté de notre peuple « .

Au lieu de multiplier des subsides, le Québec ne devrait-il pas plutôt leur accorder le droit de s’exprimer à l’Assemblée Nationale, en leur permettant de désigner celui ou ceux qui pourraient être leurs porte-parole ?

Ce n’est qu’à cette condition, me semble-t-il, qu’on pourra vider des questions, aussi graves
et complexes que celle de la langue, de l’organisation économique ou du maintien d’une culture inuk.

C – La Direction générale du Nouveau-Québec:

Le 8 avril 1963, dans un effort de rationalisation et de coordination de ses politiques, le gouvernement
du Québec décrétait la mise en place de la Direction générale du Nouveau-Québec.

Le texte approuvé par le Conseil des ministres précise « que cette Direction générale du Nouveau
Québec assume sur le territoire du Nouveau-Québec, à l’exception des parties de ce territoire déjà rattachées
au Québec organisé, l’administration de toute l’action gouvernementale à l’exception de la justice, de
la sûrété provinciale et des services du ministère des Terres et forêts ».

il ressort donc de cette décision ministérielle que la Direction générale du Nouveau-Québec a,
dans tout le Nord québécois, un champ d’action administrative aussi vaste que complexe Il s’agit aussi
bien de dispenser à cette population les services de santé, de bien-être et d’éducation que de veiller, par exemple, à l’organisation des services publics, à la réglementation de la chasse et de la pêche ou à la mise en valeur des richesses naturelles dans ce territoire.

S’il est important de souligner le travail accompli par cet organisme, il est nécessaire d’analyser les inconvénients et même les dangers de poursuivre une telle politique administrative. Toute décision apporte des réactions. Si le geste de 1963 était
nécessaire, s’il a assuré une plus grande coordination, il a également engendré des résultats négatifs, notamment un désintéressement de plus en plus marqué des autres administrations pour qui la limite territoriale des lois et règlements qu’ils ont devoir d’appliquer finit souvent là où commence ce qui est quand même les 3/5 du Québec: le Grand Nord. Pour les Inuits, je le répète, le gouvernement du Québec se limite trop souvent à la Direction générale du Nouveau-Québec et c’est par exception que les autres services publics, cours de justice, commissions d’enquête, etc… interviennent.

De plus n’ayant pas d’accès direct aux divers ministères ou services du gouvernement qui pourraient
leur accorder leur appui, être saisis de leurs problèmes, être confrontés avec leurs réalités, les Inuits sont amenés à tout ignorer de la responsabilité du Québec à leur égard. Ce ne sont pas des citoyens discutant avec leur gouvernement.

C’est pour ces raisons qu’il me semble nécessaire de réorganiser la structure administrative et redonner à
chaque ministère, commission, régie, service, le pouvoir et la responsabilité de l’application de ses lois sur
l’ensemble du territoire du Québec, quitte à tenir compte, comme nous le faisons présentement pour beaucoup
de secteurs, des disparités régionales inhérentes à toute administration publique responsable d’un territoire
aussi vaste que le Québec.

Je ne suis pas sans savoir qu’une telle suggestion soulèvera beaucoup de tollés, mais je crois
que tout Québécois devrait être un citoyen à part entière, possédant les même droits et les mêmes devoirs
devant l’État. Peut-être que l’application administrative de ce principe demande un certain laps de temps. Si
oui, qu’on en accepte le principe, quitte à faire connaître publiquement un calendrier des étapes à franchir.

Les Inuits sont eux-mêmes conscients de la difficulté d’une telle politique et des étapes à franchir.
Le Conseil de la Communauté de Poste-de-la-Baleine écrivait: « Nous ne nous attendons pas de faire
tout ceci en un seul coup, mais de prendre graduellement les différents services. Nous réalisons que nous avons
à apprendre ».

On a le tort de croire que ce peuple est incapable de survivre et de s’exprimer autrement que sous notre influence paternaliste. Regardez plutôt ce qu’a été son essor économique à partir du moment où
a été crée avec leur participation la Fédération des Coopératives du Nouveau-Québec. Autrefois, les artisans
vendaient ou troquaient aux magasins de la Compagnie de la Baie-d’Hudson les très belles pièces qu’ils produisaient.
ils en tiraient un revenu plutôt maigre. grâce à la Coopérative, dont le chiffre d’affaires dépasse maintenant
les deux millions par année, ils peuvent mieux vivre et surtout ils sont intéressés à prendre de nouvelles
responsabilités.

Tout ce que nous pourrons faire pour contribuer à leur propre prise en charge est de la meilleure avenue.

Quand je parle de droit de vote et de création de conseils autonomes, c’est en rapport avec cette
prise de conscience. Sinon, s’ils demeurent toujours des exécutants, des manœuvres au service des blancs,
s’ils sont maintenus dans un état de dépendance comme étaient les  »clients de la Rome antique, ils risquent
de sombrer dans une indolence fatale aggravée par l’arrivée d’une technologie envahissante.

Ce qui me donne confiance en l’avenir, c’est le réveil d’une conscience collective qui s’est
manifesté, tout récemment encore, au sein de la Commission scolaire du Nouveau-Québec.

On sait que cette commission scolaire a été présentée aux Inuits comme une structure administrative
qui les rendrait à la fois bénéficiaires et responsables d’un nouveau système. Or, il est apparu très vite
que le centre de décision se trouvait « dans le bureau de l’administrateur à Québec. Pour les comités de parents,
formés lors de la création de la Commission scolaire du Nouveau-Québec, le centre de décision n’est
pas celui auquel ils étaient en droit de s’attendre. Très vite, ces citoyens se sont rendus compte qu’on les a-
vait roulés et ils se sont réunis, vers la mi-mars, à Fort-Chimo, pour remettre en question la Commission scolaire du Nouveau-Québec. Les professeurs blancs et autochtones ont appuyé les comités de parents et ont rédigé un volumineux rapport qu’ils ont remis à l’administrateur de la commission scolaire. La principale
revendication consiste à réclamer que l’administration de cette commission scolaire soit située dans le Nouveau-
Québec. Us sentent, ces parents et professeurs, que les décisions leurs échappent et qu’il n’y a rien de changer
par rapport au système scolaire accordé autrefois par le gouvernement d’Ottawa Ils ne se gênent pas pour
dire qu’ils en ont assez de cette forme de paternalisme qui leur vient du sud et qui ne leur convient pas, puisque
les différences de mentalités et de modes de vie appellent des modalités particulières dans le système scolaire autant que dans d’autres domaines. Je crois qu’ils font la preuve, dans cette démarche, de leur désir
de se développer d’une façon plus autonome.

D -Commission parlementaire:

Je termine par une dernière suggestion.
L’Assemblée Nationale devrait former une Commission parlementaire et, dans les trente jours qui suivent l’ouverture
de la session, cette commission aurait l’obligation de se réunir. Devait elle, pourraient venir témoigner
les Inuits et faire part aux parlementaires de leurs problèmes, formuler leurs requêtes, les informer de
l’action des divers ministères et de la situation en général dans le Grand Nord. A défaut de pouvoir tout corriger, cette commission pourrait à tout le moins constituer une tribune d’information, grâce à laquelle disparaîtrait
notre prétexte d’ignorance vis-à-vis les besoins et les réalités du Grand Nord. Je vous ai parlé tantôt
du réveil de la conscience des Inuits dans le domaine scolaire. Vous pouvez croire que ce peuple est tout prêt
à assumer ses responsabilités dans bien d’autres secteurs de la vie politique et économique. Dans le mémoire
qu’ils ont remis au Premier Ministre Bourassa, les quatre ambassadeurs de mars proposaient la création
d’une administration régionale du Grand Nord. La commission parlementaire serait le lieu privilégié de discussions de la compétence et des conséquences d’une telle structure administrative.

Le désir de participation dont font preuve les Inuits depuis quelque temps, la nécessité de faire
entendre leur voix dans les grands débats de la vie politique québécoise sont autant d’indices que la situation
est mére pour une réforme. Différer cette réforme, c’est risquer d’attendre trop tard pour assurer aux
Inuits les conditions essentielles de survie. Quand on lutte soi-même pour demeurer un peuple – et c’est bien
le cas des Québécois -peut-on se désintéresser du problème des autres peuples qui ont les mêmes droits?

Je laisse à votre conscience de répondre à cette interrogation.

Connaissons nos droits, défendez-les; protégeons et bâtissons notre avenir, mais n’oublions
pas que ce mot doit être une réalité pour tous. Attention, nous sommes pour d’autres une majorité avec ce
que cela entraîne de distraction, d’ignorance ou de grandeur. Nous jugeons l’autre majorité à ses actions, nous
serons également jugés pour les nôtres. N’imposons pas aux Inuits ce que nous reprochons aux autres.

<Masse19710919>
<CONFERENCE DE PRESSE DE MONSIEUR MARCEL MASSE DEPUTE DE MONTCALM
AU QUARTIER GENERAL DU PARTI PROGRESSISTE-CONSERVATEUR A MONTREAL LE 19 SEPTEMBRE 1972>

Depuis plusieurs mois, en réalité depuis que je siège à titre de député indépendant à l’Assemblée
Nationale, des rumeurs de toutes sortes ont circulé et très souvent imprimées quant à mon avenir politique.

Peut-être à tort, mais reste qu’à plusieurs reprises j’ai expliqué que je n’entendais pas commenter ces opinions.

L’annonce des élections fédérales a offert une conjoncture favorable à la relance de rumeurs de plus
en plus précises au sujet, cette fois, de ma candidature à ces élections. Au point que cela étant pris pour acquis, des citoyens de diverses circonscriptions, notamment de Berthier-Maskinongé et de Labelle m’ont spontanément offert de briguer les suffrages. Je les en remercie.

L’ensemble des réactions étant de plus en plus positives, j’ai été amené à m’interroger sérieusement
devant l’éventualité d’un tel geste.

Le gouvernement Trudeau, élu en 1968 par des Canadiens qui cherchaient un nouveau leadership après
les années grises du régime Pearson, a-t-il répondu à l’attente de ses concitoyens ?

La faillite de sa politique économique, de ses luttes contre les inégalités régionales, son refus de
résoudre à la satisfaction des intéressés la question constitutionnelle, la répartition des pouvoirs et des sources de taxation, son arrogance et sa nonchalance sont autant de réponses.

Traiter de haut le Québec, son gouvernement, sa population, ne peut-être considéré comme une
attitude de dialogue. La politique de « c’est ?a ou rien » n’offre pas de solution à nos difficultés de coexistence.

Quant au phénomène créditiste, il se résorbe d’élection en élection, et de toute façon ce parti
n’offre aucune possibilité de former un gouvernement.

Pour sa part, le N. P.D., de par son idéologie , commande une plus grande centralisation des pouvoirs
à Ottawa, ce qui est contraire aux intérêts réels du Québec.

Le Parti Progressiste-Conservateur présente avec monsieur Robert Stanfield une expérience, une connaissance
de la réalité canadienne. Son esprit de dialogue nous permet d’espérer une solution positive à la question
des relations Québec-Ottawa. Ce parti est sensibilisé aux problèmes économiques et à la question du chômage.

L’acceptation de Me Claude Wagner est un événement important dans la lutte électorale actuelle.
Très au fait de la réalité québécoise, le futur député de  Saint-Hyacinthe saura persuader ses collègues de nos
vues. La popularité incontestable et la crédibilité qu’il possède donnera au Parti Progressiste-Conservateur
l’envol nécessaire. La lutte s’annonçait terne; elle devient dangereuse pour les libéraux québécois.

D’ailleurs ceux-ci, trop souvent imposés, mal informés des problèmes locaux, ne présentent pas
une équipe enracinée. Au contraire de l’élitisme des libéraux, le Parti Progressiste-Conservateur présente
des candidats issus de leur région, bien au courant de la vie réelle de leurs concitoyens.

Voilà les motifs qui me permettent d’appuyer sans réserve le Parti Progressiste-Conservateur lors des prochaines élections fédérales.

Mais député à l’Assemblée Nationale au moment où une partie importante de nos efforts d’innovation et de construction doit se réaliser à Québec, j’entends continuer à y œuvrer. Cette décision se veut positive envers les citoyens que je représente.

Si j’ai choisi de donner cette conférence de presse, ici, au quartier général progressiste-conservateur,
en présence de monsieur Claude Dupras, directeur de la campagne, c’est pour bien marquer qu’il n’y a entre le
Parti Progressiste-Conservateur et le député de Montcalm aucun désaccord ou mésentente.

Je n’entends pas demeurer neutre, au contraire, ma présence ici me fournit l’occasion d’apporter
mon appui et lorsque l’occasion se présentera de nouveau, c’est sans hésitation que je renouvellerai le geste.

<Masse19721120>
<L’INDUSTRIE MINIERE AU QUEBEC MARCEL MASSE DEPUTE DE MONTCALM SAINT-JACQUES NOVEMBRE 1972>

INTRODUCTION

L’industrie minière au Québec constitue pour nous une source importante de produits de première
nécessité pour notre économie. A bien des égards inconnus du public, particulièrement dans notre région, ce
secteur vital de notre économie est trop souvent ignoré des responsables politiques. C’est pour cette raison que,
profitant de l’inter-session, j’ai effectué un tour d’horizon de ce domaine.

Cette étude, sans prétention scientifique d’un domaine considéré comme hasardeux où seuls les
téméraires ont quelques chances de réussite, se veut un bref exposé de la question.
Après avoir indiqué la répartition géographique des richesses minérales du Québec, nous retrouvons
les principales étapes de l’histoire de l’industrie minière au Québec.

La découverte des gîtes minéraux ouvre la porte à l’exploitation minière. Pourquoi transformer
cette activité en industrie ? Comment y parvenir ? Ce qu’elle est à date et comment en assurer, non seulement
la continuation, mais la croissance ? Autant de questions auxquelles nous essaierons de répondre individuellement
ou globalement, en traitant de l’importance relative de l’industrie minière dans la croissance économique, de l’exploration et de l’exploitation des gîtes minéraux, de la législation minière, des perspectives d’avenir et des nouveaux moyens mis à la disposition du secteur minier.

1ère PARTIE

GEOLOGIE SOMMAIRE DU QUEBEC ET HISTORIQUE DE L’INDUSTRIE MINIERE

1 – GEOLOGIE DU QUEBEC ET LOCALISATION DES PRINCIPAUX MINÉRAUX

Au point de vue géologique, le Québec se divise en trois grandes régions naturelles: le Plateau Laurentien, les Basses-terres du Saint-Laurent et les Appalaches.

A) PLATEAU LAURENTIEN

La partie du Bouclier canadien qui se trouve dans le Québec s’appelle le Plateau Laurentien
et occupe les neuf-dixièmes de la superficie du territoire. Ce vaste plateau s’étend de la vallée du fleuve
Saint-Laurent jusqu’à l’extrémité Nord et regroupe les régions administratives de l’Outaouais, du Nord-Ouest, de Québec, de la Côte-Nord et du Nouveau-Québec.
Le plateau est formé d’une grande variété de roches éruptives, sédimentaires et métamorphiques
qui auraient entre 4 milliards et 500 millions d’années. Elles ont donc subi plusieurs périodes de déformation et
d’érosion; d’où la division du Bouclier en provinces métamorphiques dont quatre se retrouvent au Québec: soit les
provinces du Supérieur, Churchill, Nain et Grenville.
Il est possible de distinguer dans le Churchill de la province de Québec quatre sous-provinces:
le fossé du Labrador, la zone de Cap Smith, le bassin de Belcher et la zone de Mistassini; on retrouve également
dans le Grenville la sous-province de Normanville qui est le prolongement du fossé du Labrador dans cette province.

1 – La province dé Supérieur

Les 2/3 Nord de cette province sont de petites unités de roches volcaniques; il y a quelques formations
ferrifères Il s’est fait jusqu’à maintenant peu de recherches de gîtes minéraux dans cette partie du Supérieur. On a toutefois mis à jour des gisements intéressants de minerai de fer au lac Denys à environ 50 milles au Sud-Est de l’embouchure de la Grande rivière de la Baleine et au lac Duncan, à environ 50 milles au Sud-Est du Fort George sur la rive Est de la Baie James.

Le tiers Sud du Supérieur correspond, en gros, à l’Ouest du Québec, principale région minière
de la province. Les mines sont concentrées autour de Rouyn-Noranda, Malartic, Val-d’Qr, Chibougamau, Jou-
tel et Matagami; on y retrouve de l’or, du zinc, du cuivre, de l’argent, du molybd?ne, du plomb, du bismuth et du lithium.

2 – La province de Churchill

Le Churchill est constitué essentiellement de gneiss granitiques avec couverture de zones volcano-sédimentaires plus ou moins plissées et métamorphosées:

2.1 – Le fossé du Labrador

D’une longueur de près de 600 milles et d’une largeur moyenne d’environ 40 milles, ce fossé est
constitué de roches sédimentaires et volcaniques. Parmi les plus importantes au point de vue économique, mentionnons
les formations ferrifères qui, par endroits, sont suffisamment riches pour être exploitées telles
quelles ou pouvant être valorisées.

Dans le fossé du Labrador, on distingue deux principaux districts ferrifères dont un seul est présentement exploité, soit celui de Schefferville situé à environ 350 milles au Nord de Sept-Îles. L’autre district à l’Ouest de la baie d’Ungava comprend les gisements de la rivière Arnaud, de la rivière aux Mélèzes et de la rivière aux Feuilles dont la valeur marchande n’a pu être
établie, particulièrement en raison de la courte saison de navigation dépassant à peine trois mois dans la baie
d’Ungava.

2.2 – La zone de Cap Smith

La partie Nord du Supérieur est traversée d’Est en Ouest par une bande de roches sédimentaires
volcaniques et intrusives reposant en discordance, au Nord et au Sud, sur des granites et gneiss granitiques.

La zone de Cap Smitil renferme du cuivre, du nickel et de l’amiante (un gisement d’une vingtaine de millions de
tonnes – propriété d’Asbestos Corporation).

2.3 – La zone de Mistassini

Les roches de la zone de Mistassini qui borde la rive Sud-Est et se prolonge au Nord du lac du
même nom, sont formées surtout de calcaires, calcaires dolomitiques, conglomérats, grès et schistes argileux. Les formations sont peu déformées.

Un gîte de cuivre de nature filonienne est présentement exploité et la présence de minéraux radio-actifs est signalée dans la région des monts Otish. On a aussi trouvé des minéraux de plomb et de zinc.

3 – La province de Grenville

Le Grenville s’étend à travers toute la province sur une largeur d’environ 200 milles en bordure
Nord du fleuve et du golfe Saint-Laurent. Plus précisément, elle s’étend de la rivière Outaouais à l’Ouest
jusqu’à l’extrémité Est de la province au détroit de Belle-ile. Elle est bornée au Nord-Ouest par la région
de Témiscamingue et au Sud-Est par les Basses-terres du Saint-Laurent, le Saint-Laurent lui-même et le golfe
du même nom.

La richesse minérale du Grenville consiste  surtout en minéraux industriels. On y exploite en
effet des calcaires dolomitiques, de la silice et du feldspath. Des gîtes d’apatite, de graphite, d’amiante, de
brucite, de kaolin et de mica sont connus et certains ont déjà été exploités.

Dans le domaine des minéraux métalliques, le fer, le titane et le niobium sont les principaux
produits. Des deux mines de plomb et de zinc entrées en production, l’une était encore exploitée en 1968.

De plus, il y a de petits gîtes de molybdénite, de cuivre, de nickel et d’uranium.
La sous-province de Normanville

Cette sous-province est le prolongement du fossé du Labrador dans le Grenville Il y a eu des recherches
actives de gisements de fer et deux villes minières établies par Quebec Cartier Mining (Port-Cartier,
Gagnon).

B) LES BASSES-TERRES DU SAINT-LAURENT

Cette division géologique est bornée au Nord par la région de Grenville et au Sud par la faille de
Champlain et se prolonge jusqu’à la ville de Québec, et par la vallée du bas Saint-Laurent. Elle a une forme triangulaire d’une superficie d’environ 6,700 milles carrés. Une bonne partie de la région est recouverte d’argile d’origine marine. Les principaux minéraux économiques qu’on trouve dans la région sont l’argile, le granit, le calcaire, la marne, l’ocre, la tourbe, le grès, le schiste argileux, la silice et le gaz naturel.

La découverte de columbium, en 1953, près d’Oka, à vingt-cinq milles à l’Ouest de Montréal,
a stimulé de l’intérêt pour la région et, au cours des intenses travaux de prospection qui suivirent, a contribué
à mettre à jour plusieurs immenses gisements de minerais à faible teneur. Des travaux d’exploration faits durant
ces dernières années révèlent plus de cent millions de tonnes de minerai dans ces gisements.

C) LES APPALACHES

Cette région est située au Sud-Est du Plateau Laurentien et des Basses-Terres du Saint-Laurent.
Elle fait partie d’une chaîne de montagnes qui s’étend du Sud-Est des États-Unis jusqu’à Terre-Neuve. Dans le
Québec, elle comprend toute la péninsule de la Gaspésie et la région des Cantons de l’Est. Elle est bornée au
Nord-Ouest par la faille de Logan et les Basses-Terres du Saint-Laurent.

La région des Appalaches renferme plusieurs gîtes de minéraux tant métalliques qu’industriels.
Parmi les principaux, notons les gisements d’amiante, qui sont parmi les plus considérables au monde, des gisements de cuivre et de zinc accompagnés d’or et d’argent, de cuivre et de nickel et de talc Il y a aussi de la
chromite, des placers aurifères et des gîtes de plomb-zinc et des indices de pétrole et de gaz naturel.

– HISTORIQUE DE L’EXPLOITATION MINIERE AU QUEBEC

Les premiers colons venus en Nouvelle-France ne semblent pas y avoir été attirés par les richesses
minérales qui avaient constitué l’un des objectifs principaux des grandes expéditions antérieures Il n’en
reste pas moins que c’est avec l’établissement des postes de colonisation à travers le pays que se posèrent les premiers
jalons d’une industrie qui allait devenir l’une des plus importantes et des plus stables au Canada.

Les premières tentatives d’exploitation de mines et de minerais furent faites au Québec. Ces
essais remontent au tout début du XVIIe siècle, alors que se déployait à Québec le drapeau fleurdelisé de Louis XIV.

Les matériaux de construction accaparèrent en premier lieu les efforts des colons en quête de ressources minérales. En 1619, on exploita de la pierre calcaire près de Québec. On en utilisa une partie pour bâtir et l’on en convertit une autre en chaux dans un four avoisinant. Ces matériaux servirent à la construction
du couvent des Pères Récollets à Québec.

A) IMPULSION DE TALON

C’est seulement un demi-siècle après la fondation de Québec qu’on s’intéresse sérieusement
à l’industrie et qu’on commence à tirer parti du sous-sol.

Avec la venue de l’Intendant Talon, qui veut faire des mines « un essentiel aux affaires du roi et à rétablissement du Canada », la situation change complètement.
dès 1665, Talon encourage fortement les colons à la recherche des minéraux Il organise une expédition
vers Gaspé afin d’extraire le cuivre dont on avait appris la présence dans cette région… trois siècles
avant que n’apparaisse le nom de Murdochville.

Les premiers gisements de minéraux métalliques dont on fasse mention dans le Québec furent
les dépôts de fer des marais de la vallée du Saint-Maurice.
1733 marque l’ouverture officielle des Forges du Saint-Maurice par la compagnie Cugnet, mieux connue
sous le nom de « Compagnie des Forges ». Celle-ci transformait le fer en objets d’utilité de toutes sortes,
sans oublier les boulets de canons, si nécessaire à la défense des forts. Cette première industrie métallurgique
fut en opération jusqu’en 1910 à Trois-rivières.

En 1823, on découvrit un gisement aurifère alluvial dans la rivière Gilbert Il ne fallut
que quelques années pour qu’une véritable ruée vers l’or fut déclenchée vers la rivière Chaudière et ses
affluents. On rapporta, en 1829, un gisement d’apatite (phosphate de calcium) dans le voisinage des rivières
du Lièvre et Gatineau, puis la présence de minéraux ferrifères dans la vallée de l’Outaouais en

B) L’ESTRIE

Au milieu du XIXe siècle, les gisements de cuivre des Cantons de l’Est attiraient déjà l’attention des prospecteurs; les rapports géologiques de l’époque mentionnaient la présence de cuivre dans près de 70 localités.

Un peu plus tard, durant cette période, on s’intéressa davantage aux gisements d’amiante du
district de Thetford-Mines et, avant la fin du siècle,
un certain nombre d’entre eux furent exploités. On connaît
aujourd’hui l’importance très grande de cette région
par sa contribution à la valeur de production minérale du Québec et du Canada tout entier.

Un développement majeur s’est produit en mars 1964, dans l’Estrie, lorsque l’Asbestos Corporation
Limited a absorbé les deux compagnies du groupe Johnson installées dans cette région (Johnson’s Company
et Johnson’s Asbestos). L’Asbestos Corporation, qui était déjà le plus gros producteur d’amiante indépendant
au monde, a ainsi procédé à un regroupement des intérêts canadiens dans le secteur minier.

Par contre, cette fusion a entraîné la mise à pied de quelque 600 mineurs. Pour remédier à
cette situation, une « société de reclassement » a été créée conjointement par le gouvernement du Québec,
les municipalités, les compagnies et les syndicats.

Cette initiative, la première du genre au Québec, a permis à la presque totalité des travailleurs congédiés de
trouver de l’emploi ailleurs.

Exception faite de l’Asbestos Corporation (indépendante) et de la Bell Asbestos Mines (anglaise),
toutes les compagnies qui exploitent les mines d’amiante de l’Estrie sont américaines Il s’agit de: Canadian
Johns-Manville (la plus importante), Nicolet Asbestos Mines, Flinkote Mines Ltd, Lake Asbestos of Quebec,
Carey Canadian Mines, National Asbestos Co.

C) NORD-OUEST

Au début du XXe siècle, les prospecteurs allèrent plus loin des centres populeux. Ce fut le début de l’exploitation d’une des régions les plus prolifiques de la province, celle du Nord-Ouest, mieux connue
sous le nom d’Abitibi-Témiscamingue.

En 1906, deux prospecteurs, Alphonse Olier et Auguste Renault, découvrirent de l’or dans
l’ouest du Québec, sur les bords du Lac Fortune. Une région nouvelle venait d’être ouverte: Edmund Horne
entreprit la prospection de cette région et mit au jour le gisement important de cuivre et d’or de la mine Noranda actuelle.

Ceci déclencha une véritable ruée vers l’Abitibi et le Témiscamingue. grâce à l’amélioration des connaissances géologiques, ainsi qu’aux progrès réalisés dans la localisation des gisements et dans les techniques d’exploration, on vit naître un bon nombre de mines dans le Nord-Ouest québécois. Ainsi, toute la région de Rouyn-Noranda devenait l’un des domaines miniers les plus importants du Canada.

En ce qui concerne Chibougamau, la première découverte de minerai de valeur commerciale
dans cette région revient à Peter MacKenzie. Celui-ci avait pris connaissance du rapport géologique préparé
en 1871 par James Richardson, le premier géologue à visiter ce district. En 1904, après s’être rendu jusqu’au
lac Chibougamau, MacKenzie obtint du gouvernement un permis de mise en valeur. Parmi les pionniers de cette région, il convient également de mentionner le docteur Richardson et monsieur Josepil Obalski. Ce dernier  écrivait en 1904, alors qu’il était inspecteur des mines, dans une lettre adressée au ministre provincial des mines de l’époque: Je ne puis m’empêcher d’attirer sérieusement votre attention sur ce nouveau district (Chibougamau) et sur les importantes découvertes faites là, car je considère qu’il est destiné à jouer un rôle dans le développement industriel de la province » Il a ensuite
fallu attendre 45 ans avant que le nom de Chibougamau ne s’inscrive définitivement sur la carte.

Le géant minier du Québec, Noranda Mines Limited, dont environ 90% des actionnaires sont canadiens, est entré en opération au Québec il y a une quarantaine d’années. Cette puissante compagnie fut
mise sur pied à la fin de la première guerre mondiale, au moment où s’amorçait la grande vague de prospection
minière qui déferlait sur le Nord-Ouest du Québec. On  doit à la découverte de minerai de cuivre sur des terrains
jalonnés en 1920 dans le canton de Rouyn la première des nombreuses entreprises de Noranda. Celle-
ci est à l’origine de la grande activité qui règne depuis lors sur toute l’étendue du territoire compris entre les
lacs Témiscamingue et Mistassini.

Le groupe Noranda, dont les ramifications sont nombreuses, produit la plus grande partie du cuivre, du zinc et de l’or tirés du sous-sol du Québec.

Outre la mine Noranda, les compagnies Gaspé Copper, Opemiska, Quémont, East Sullivan, Normétal et les mines
de Chibougamau et de Matagami sont celles qui produisent le plus de cuivre. En ce qui a trait à l’or, les
mines les plus importantes sont celles de Lamaque, Sigma, East Malartic, Barnat et, pour ce qui est du zinc,
celles de Matagami, Sullico, Quémont et Normétal.

La date du 16 octobre 1963 a coïncidé avec le début des opérations dans la région de Matagami,
de trois compagnies minières: Matagami Lake Mines, New Hosco Mines et Orchan Mines, placées toutes
trois sous le contrôle de la Noranda. Les premiers travaux de reconnaissance furent effectués en 1895, dans
la région du lac Matagami, par le géologue Robert Bell, pour le compte du Service fédéral des levés géologiques.

Le ministère des Mines du Québec entreprit, de 1938 à 1947, de dresser la carte géologique de toute cette région.

Se basant sur les données des levés géologiques et géophysiques déjà effectués, un syndicat
d’hommes d’affaires fit exécuter, en 1956, des levés aériens au sud du lac Matagami. Les résultats furent
concluants, car le premier forage tenté au sud du lac l’année suivante, conduisit à la découverte la plus importante encore jamais faite dans cette région Il s’agissait d’une masse de sulfures de zinc, du cuivre et d’argent, mise au jour par Matagami Syndicate, devenue par la suite Matagami Lake Mines Ltd. Deux autres sociétés,
New Hosco Mines Limited et Orchan Mines firent ensuite, à leur tour, des découvertes tout aussi encourageantes.
La première étape était franchie, dans une voie offrant des perspectives quasi-illimitées, dans une autre
région aux richesses soigneusement cachées jusqu’alors.

Deux nouvelles villes minières Matagami: L’un des principaux « effets d’entraînement » de l’expansion de l’industrie minière est le déplacement vers des régions de plus en plus éloignées de la poussée démographique.

La plupart des villes qui ont vu le jour au Québec sous l’impulsion directe de l’industrie minière,
sont en grande partie le fruit de l’initiative privée.
De son côté, le ministère des Richesses naturelles a lui-même édifié plusieurs villes minières, dont Chibou-
gamau (la population de cette ville dépasse maintenant 5,000 personnes) et Matagami, incorporée en 1963 et
qui compte actuellement environ 2, 500 habitants.

Les services miniers du ministère ont terminé en octobre 1965 les travaux d’envergure entre pris en 1961, au coût global de $2,400,000, afin de doter la ville de Matagami de tous les services, après lui avoir conféré l’existence Il a fallu débourser $1,250,000 pour aménager le réseau d’aqueduc et d’égouts, construire une usine de traitement d’eau et une usine d’épuration
des eaux-vannes, et y ajouter un réservoir. De plus, on a consacré $850,000 à l’aménagement des rues, d’un
parc à roulottes, d’un terrain de stationnement et à la construction d’un centre commercial. Le réseau d’électricité,
propriété de l’Hydro-Québec, a coûté $225,000.

La ville minière de Matagami est dotée d’une usine de traitement d’eau d’une capacité quotidienne de 500,000
gallons et d’une usine d’épuration dont la capacité est de 250,000 gallons par jour.

Les services miniers du ministère se sont attelés à une autre tâche d’envergure, soit de mettre
sur pied une nouvelle ville minière Il s’agit de Joutel, édifiée au coût de $2 millions sur la rive Ouest de la
rivière Harricana, à 83 milles au Nord d’Amos. Les travaux en cours à cet endroit ont nécessité en 1965-66 des
déboursés gouvernementaux de $832,000. Le ministère prévoyait dépenser $946,000 à Joutel au cours de l’exercice
1966-67.

La région de Joutel est vouée à un avenir des plus prometteurs. Les mines de Poirier, munies
d’un concentrateur d’une capacité quotidienne de 1, 500 tonnes, exploitent depuis décembre 1965 un important gisement de cuivre-zinc dans le canton de Poirier. Pendant ce temps, Joutel Copper Mines, elle aussi assurée
d’abondantes réserves de minerai de cuivre-zinc, termine les derniers préparatifs. Cette mine, située
dans le canton de Joutel, doit commencer à produire prochainement au rythme de 700 tonnes par jour.

Des travaux d’exploration et de mise en valeur se poursuivent dans d’autres parties de cette région.

D) COTE-NORD ET NOUVEAU-QUEBEC

En 1534, alors qu’il longeait pour la première fois la rive Nord du Saint-Laurent, du détroit de Belle-Isle jusqu’au Havre Saint-Pierre, Jacques-Cartier ne trouva rien de mieux à dire que ce devait être là « la terre que Dieu donna à Caïn…  »

Durant les trois siècles et demi qui s’écoulèrent depuis la découverte de cette région par Jacques-Cartier et le début du XXe siècle, les activités des habitants de la Côte-Nord se limitèrent pratiquement à la chasse et à la pêche.

L’économie de cette région n’a commencé à prendre de l’ampleur qu’au début du XXe siècle, à
partir du moment où l’exploitation forestière s’y est implantée.

En 1929, les explorateurs James et Gill découvraient des gisements de minerai de fer à haute teneur dans la région du lac Ruth, au Labrador. Ceci  entraîna la création de Labrador Mining and Exploration Company qui reçut du gouvernement de Terre-Neuve un permis d’exploration d’un territoire de 20,000 milles carrés. Les recherches conduisirent à la découverte de dépôts considérables de minerai de fer dont celui de Burnt Creek, à Schefferville, en 1938.

Havre Saint-Pierre:

En 1941, un gisement d’ilménite (minerai de titane), considéré comme le plus important au
monde, était mis au jour au lac Allard, à environ 30 milles au nord de Havre Saint-Pierre. En 1948, Québec
Iron and Titanium Corporation était formée pour exploiter ces richesses, évaluées à 200 millions de tonnes.
C’est une filiale de deux compagnies américaines: Kennecott Copper et New Jersey Zinc.

L’année 1950 marque sur la Côte-Sud le début d’une ère d’activité économique sans précédent,
l’avènement définitif d’un nouvel empire minier. L’étape décisive fut franchie lorsque, le 9 septembre 1950,
le cargo Mount Alta quitta Havre Saint-Pierre à destination de Sorel. Le navire transportait environ 10,000
tonnes d’ilménite.

Iron Ore Company of Canada:

Le 31 juillet 1954, lorsque le premier chargement de minerai de fer provenant du Nouveau-Québec et du Labrador quitta le port de Sept-Îles à destination de la Côte atlantique des États-Unis, une nouvelle page s’écrivait dans l’histoire de l’industrie minière du Québec. Ce fut le couronnement de plusieurs années de travaux d’exploration, depuis le jour où le Dr A. P.
Low avait entrepris les premiers travaux géologiques de reconnaissance dans cette partie du Québec, alors
connue sous le nom d’Ungava.

La mise en valeur fut conduite par l’Iron Ore Company of Canada, née de l’association de neuf
compagnies: Armco Steel, Hanna Mining, National Steel, Republic Steel, Bethlehem Steel, Wheeling Steel, Young-stown Sheet and Tube, M.A. Hanna et Hollinger Consolidated Gold Mines. La compagnie de chemin de fer Quebec
Nortil Shore and Labrador Railway fait également partie des mêmes intérêts. Une loi spéciale, votée en
1958, a permis à l’Iron Ore d’obtenir du Québec des baux pour une durée de dix ans. La législature a fixé le prix
du loyer à $100,000 par année; la compagnie exploitante n’est pas dispensée pour autant de payer des droits de
mines.

Ces gisements de fer étant situés à plus de 300 milles au nord du fleuve Saint-Laurent, il fallut
commencer en 1950 la construction d’une voie ferrée partant de Sept-Îles. A partir de cette date et jusqu’à
ce que le dernier crampon d’attache fut enfoncé en février 1954, toutes les fournitures, tout l’équipement et
tout le personnel durent être transportés par la voie des airs. On estime que les réserves totales de minerai se
trouvant sur les terrains concédés à l’Iron Ore Company se chiffrent à environ 500 millions de tonnes Il va s’en
dire qu’il s’agit là d’un chiffre approximatif, en raison de l’incertitude qui existe au sujet de la frontière Québec-
Terre-Neuve.

« Le processus de fixation de la frontière du Labrador, parti de données absolument imprécises,
entraîné dans une aventure juridique dont chaque étape a été grevée de vices souvent majeurs, guidé par des théories et principes aussi spéciaux qu’anachroniques, a abouti à une délimitation qui ne peut être jugée, à la
lumière de toutes les sciences impliquées dans l’étude limologique, que comme une grossière anomalie ».

Telle est la conclusion à laquelle en arrive Me Henri Dorion après avoir consacré de nombreuses
pages à une analyse poussée de ce problème: « La frontière Québec-Terre-Neuve », (Centre d’études nordiques
de l’Université Laval, 1963, prix Bonaparte-Wise, 1964).

Sept-Îles:

Point convergent des activités minières de la Côte-Nord et du Nouveau-Québec, Sept-Îles a connu depuis 1950 un essor prodigieux, proportionnel aux progrès réalisés par ceux qui ont entrepris de tirer profit du sous-sol de cette région.

Établie en 1750, Sept-Îles fut l’un des premiers « comptoirs du roi »; elle ne reçut cependant
son nom actuel que vers 1810, Elle fut érigée en corporation municipale en mars 1951, peu de temps après l’arrivée
de l’Iron Ore Company. Elle obtint le statut de ville en 1959.

Avant que ne débute l’exploitation des gigantesques gisements de fer découverts plus au nord,
Sept-Îles était un village où l’on tirait sa subsistance de la chasse, de la pêche et du commerce des fourrures.

En quinze ans, sa population est passée de 1,200 à plus de 20,000 âmes.

Aujourd’hui, Sept-Îles, dont les ramifications s’étendent jusqu’au coeur du Nouveau-Québec,
grâce à la voie ferrée qui la relie à Schefferville, est devenue la « porte de sortie » naturelle du minerai exporté aux États-Unis et en Europe.

C’est à Jacques-Cartier que revient le mérite d’avoir reconnu le premier, en 1535, ce port de mer naturel.
Quebec Cartier Mining:

En 1952, on entreprit une étude intensive de la section Sud-Ouest du bassin Québec-Labrador,
dans le comté de Saguenay. En 1957, Quebec Cartier Mining Company, dans laquelle U. S. Steel détient tous les
intérêts, fut incorporée dans le but d’explorer et de mettre en valeur des gisements de fer à basse teneur dans
cette région. Durant sa première année d’opérations, soit en 1961, Quebec Cartier Mining a produit 1,240,000
tonnes de concentrés de minerais de fer et plus de 4,500,000 dès l’année suivante.

Il fallut entreprendre de gigantesques travaux pour se rendre jusqu’à la mine du lac Jeannine,
situé à 370 milles au Nord-Est de Québec. Depuis 1958, la compagnie exploitante a dé construire:
1 – Un port, taillé à même le roc à Port-Cartier, à 24 milles à l’ouest de Sept-Îles, sur la rive nord du Saint-Laurent. D’une profondeur de 50 pieds, ce port peut recevoir les plus gros cargos porteurs de minerais.

2 – Une voie ferrée de 193 milles qui serpente vers le Nord jusqu’à la mine, en franchissant des canyons escarpés et des rivières aux eaux bouillonnantes.

3 – Le plus gros concentrateur au monde, servant à affiner le minerai broyé pour en faire un concentré contenant environ 66 pour cent de fer.

Après Sept-Îles, deux nouvelles villes ont ainsi vu le jour sur la Côte-Nord, sous l’influence directe de l’impulsion minière: Gagnon, située à environ sept milles de la mine du lac Jeannine, compte plus de 4,000 âmes, tandis que la population de Port-Cartier s’élève à plus de 5,000 habitants.

Pointe-Noire:

Un autre projet d’envergure s’est concrétisé en juillet 1965 lorsque l’usine de boulettage de minerai de fer construite à Pointe-Noire, non loin de Sept-Îles, a commencé à produire. L’usine, dont le sort dépend directement de l’exploitation minière de Wabusil Lake, au Labrador, représente une mise de fonds d’environ $50 millions.

On n’ignore pas que le gouvernement de Terre-Neuve s’opposait, en 1963, au projet de Wabush Mines d’établir une usine de boulettage à Pointe-Noire plutôt qu’à Wabush même, où cette compagnie avait décidé d’installer un concentrateur d’une capacité de 45,000 tonnes. après des discussions assez acerbes, le Québec obtint finalement gain de cause.

2ième PARTIE

ASPECTS ECONOMIQUES

I – ROLE DE L’INDUSTRIE MINIERE DANS LA CROISSANCE ECONOMIQUE

Il faut d’abord se rappeler qu’un minerai  n’est une richesse économique que pour autant qu’on ait
délimité un gisement économiquement rentable (c’est-à-dire suffisant en teneur et en quantité) disponible pour
l’exploitation.

Les mines contribuent à la prospérité économique non seulement par la commercialisation des
minerais découverts, mais aussi par l’implantation dans le pays producteur d’un secteur industriel alimentant
les mines ou transformant leurs minerais en produits plus complexes. Dans la mesure où les entreprises autonomes qui les exploitent peuvent établir des liens d’interdépendance avec les autres secteurs: la mine et l’affinerie, l’affinerie et le fabricant… les effets d’entraînement commencent à jouer. C’est le cas de tout le
cuivre extrait de nos mines québécoises qui, par l’intermédiaire de la société Noranda, est raffiné à Montréal
et transformé en produits finis dans plusieurs manufactures québécoises telles des tréfileries et tuyauteries:
la raffinerie de zinc de Valleyfield transforme une partie du minerai exploité au Québec en lingots de zinc utilisés
ultérieurement pour la fabrication de produits finis.

A partir d’un dépôt de fer titané exploité à Havre Saint-Pierre fournissant du travail à environ 250 employés, la Société Fer et Titane, grâce à des usines métallurgiques, fait de la fabrication de la fonte en gueuse
et de la scorie de titane. Ces produits ont permis l’établissement
d’usines pour la fabrication de poudre métallique
et de pigments qui fournissent de l’emploi à une
bonne partie de travailleurs de la région Sorel-Tracy.

L’industrie minière québécoise fait ses
achats d’équipement, de pièces de rechange et de matériel
à 80% au Québec. Ce pouvoir d’achat a provoqué l’établissement
de manufactures d’équipement spécialisé
pour l’industrie minière; nous pouvons citer la compagnie Sicard qui fabrique des camions de 100 tonnes utilisés dans l’industrie, d’autres usines se sont spécialisées dans la fabrication de treuils mécaniques et de foreuses
telle Ingersoll-Rand.

Les exemples sont multiples. Nous reviendrons sur cet effet d’entraînement lorsqu’il sera question
de main-d’œuvre et d’emploi.

Autre raison qui ajoute aux avantages déjà mentionnés, l’influence certaine sur les nombreux développements
technologiques et la demande pratiquement illimitée de métaux et minéraux. On considère, en général,
que la demande pour les métaux et minéraux aura triplée en l’an 2000.

La construction d’un village minier, de routes d’accès, la présence d’une infrastructure et de
services fondamentaux rendent plus facile la venue d’autres entreprises qui autrement auraient hésité à s’implanter.
L’ouverture des nombreuses routes d’accès aux mines de l’Abitibi, rendant beaucoup plus facile la coupe
du bois, n’est certes pas étrangère à la construction à Lebel-sur-Quévillon d’une fabrique de pâtes et de papier
de grande dimension.

II – PRODUCTION

A) DESCRIPTION

En 1970, la valeur de production minérale du Canada s’élevait à $5.7 milliards dont quelque
800 millions souscrits par le Québec représentant une contribution de 14% et classant notre province au troisième
rang quant à sa participation à la valeur de production minérale canadienne, précédée par l’Ontario 28% (1,59 millions) et l’Alberta 24% (1,394 millions).

L’apport de la production minérale au PNB de la province est d’environ 4%. En regard de la valeur de production brute du secteur primaire de l’économie québécoise, elle représentait en 1969 une proportion de 47% La production minérale se subdivise en trois branches: métaux, minéraux industriels et matériaux de construction. Le tableau, ci-après, en reproduit l’évolution en valeur absolue et indique l’importance relative de chacune des trois grandes catégories.

L’ensemble du tableau nous montre que, depuis 1930, la valeur de production minérale a suivi
une courbe ascendante entrecoupée de quelques courtes périodes de régression.

1) Les matériaux de construction

Le ciment, la pierre, le sable et le gravier sont les principaux matériaux de construction tirés
de la production minérale du Québec.

Bien qu’il y ait au-delà de 340 établissements miniers consacrés à cette production, leur valeur
ajoutée ne constitue que 13% de la valeur de la production minérale de la province.

La recherche des dépôts de minerai n’a pas, ici, la même importance que dans les autres secteurs.
En effet, on découvre généralement des dépôts de matériaux de construction assez aisément à proximité des marchés qu’ils alimentent. Ceci explique que les nombreuses petites exploitations de ce type soient assez également réparties à travers le Québec Il faut noter, cependant, qu’il n’y a pas de carrières de pierre de taille,
ni de briqueterie d’argile en aval de Québec. Il existe cinq cimenteries, une dizaine de briqueteries et nombre
de carrières. Quelques carrières exportent de la pierre de construction aux États-Unis, mais il ne semble
pas que les briques fabriquées au Québec aient un marché extérieur. Au contraire, malgré le coût élevé
du transport, le Québec importe une quantité considérable de briques américaines, la matière première manquant
pour ce type de brique particulièrement en demande. Certes, on peut penser que l’industrie des matériaux de construction, en rationalisant ses opérations et en prospectant systématiquement ses marchés, pourrait
stimuler la demande de ses produits. Toutefois, celle-ci demeure essentiellement liée au dynamisme de
l’industrie québécoise de la construction. La fin des travaux « d’Expo 1967 » a occasionné une chute dans la valeur de production des matériaux de construction.

2) Les minéraux industriels

Le secteur des minéraux industriels compte une dizaine de postes dont l’importance est toutefois variable.

Parmi les principaux, l’amiante et le titane constituent près de 95% de l’ensemble des minéraux
industriels. On y retrouve aussi du quartz, des sables industriels, du soufre et de la tourbe. Une partie de cette
production est consommée au Québec par les industries du verre, des abrasifs et des pâtes à papier.

Le Québec est le plus grand producteur d’amiante au Canada (84% de la production canadienne).

Ce dernier se classe parmi les trois plus gros producteurs mondiaux: le Canada, l’U.R.S.S. et la République Sud-Africaine totalisent 90% de la production mondiale.

Le Canada consomme environ 5% de la production et exporte le reste. Parmi les principaux clients, on remarque:
les États-Unis, le Japon, l’Allemagne de l’Ouest.

3) Les substances métalliques

Le dynamisme des mines québécoises de métaux (cuivre, minerai de fer, zinc, or etc… ) est un
phénomène assez récent qui s’explique de façon différente de celui des mines d’amiante. En effet, avant l’ouverture
de l’ouest du Québec, les métaux comptaient peu dans l’ensemble de l’industrie minière, à peine 2% en 1920. Depuis
les années ’30, ils ont pris une place prépondérante qu’ils ont conservée.

En 1970, le cuivre, l’or, le minerai de fer, le fer refondu et le zinc représentent 95% de la valeur
des substances métalliques produites au Québec. On conçoit aisément leur caractère stratégique pour l’activité minière de la province.

En ce qui concerne le zinc, la baisse du prix de ce métal, l’épuisement du riche minerai de cuivre
et zinc du petit dépôt du lac Dufault et un certain appauvrissement de la teneur du minerai exploité dans la région de
Matagami sont responsables de la baisse de la valeur de production en 1967, 1968, 1969.

B) LES DEBOUCHES

Toute production doit avoir des débouchés pour être en mesure de connaître une certaine expansion.
Nous avons déjà fait allusion au caractère exportateur de l’industrie minière canadienne. Cela tient à la nature même
des entreprises minières. On distingue en effet deux types d’entreprises minières: l’entreprise « dominée »,
celle dont la production et les débouchés dépendent d’un acheteur unique, qui souvent possède la majorité des actions
de la mine,et l’entreprise « autonome, celle qui doit rechercher sur le marché un débouché à sa production,
n’étant le fournisseur exclusif d’aucune industrie secondaire en particulier.

Certes, il existe des types d’entreprises mixtes où l’entreprise, filiale d’une société manufacturière
dont elle est le fournisseur habituel de concentrés ou de métal, cherche à vendre le plus possible, une fois satisfaits
ses clients privilégiés, à des acheteurs occasionnels par l’intermédiaire des bourses de métaux de Londres ou de New-York.

1 – Entreprise dominée

L’industrie du minerai de fer constitue le type même de l’entreprise minière « dominée; les gisements
québécois ont été mis en valeur par la sidérurgie américaine en fonction d’une politique stratégique des approvisionnements, à un moment où les sources traditionnelles d’alimentation venaient à épuisement.

Ainsi Iron Ore of Canada Limited a été fondée à partir de capitaux appartenant aux groupes Hollin-
ger etM.A. Hanna, Republic, National, Armco, Youngstown, Wheeling et Bethleem Steel, sociétés qu’elle alimente
en priorité.

D’ores et déjà, on peut dire que la très grande majorité, sinon presque toute la production de minerai de fer du Québec est exportée vers les États-Unis; déjà en 1962, les États-Unis recevaient 92.5% de la production québécoise.

2 – Entreprise autonome

Les conditions sont différentes dans le secteur des métaux non-ferreux: cuivre, zinc, plomb. Ici
la production n’appartient pas à des utilisateurs qui veulent s’assurer des sources de matières premières, mais à des
producteurs qui doivent conquérir des marchés.

Les variations de prix sont fréquentes et par conséquent les fluctuations de la demande ont amené
les producteurs tant à s’intégrer verticalement qu’à vendre leur production au moyen de contrats à long terme.

3 – Exportations

Au Canada, 70% du cuivre, 83% du zinc et 78% du plomb sont exportés vers le Japon, le Royaume-
Uni, les États-Unis, la Belgique et l’Allemagne de l’Est.

En fait, ce que le Canada exporte en minerais bruts et en produits métalliques finis correspond à 31.6% de toutes les exportations canadiennes dans des proportions respectives de 16.5% et 15.1%.

Connaissant le taux de participation du Québec à la production canadienne, dans un marché mondial
en croissance rapide, une augmentation même spectaculaire de la production québécoise serait négligeable, c’est-à-
dire qu’en principe elle ne saurait être une cause de dislocation des marchés, ni même de surabondance, susceptibles
de faire baisser les prix de façon sérieuse.

4 – Vue d’ensemble

L’industrie minière québécoise a un caractère exportateur. Cette caractéristique est apparue à
la fois comme une des contraintes majeures de la « mine dominée » et comme un des éléments du risque d’affaires contre lequel la société minière autonome cherche à se garantir. Cependant, malgré sa faible importance relative par rapport à celle du monde, l’industrie minière québécoise oriente une très large part de son produit vers le seul
marché des États-Unis Il est dangereux de mettre tous ses oeufs dans le même panier.

Pour apprécier les chances que pourrait avoir l’industrie québécoise de diversifier sa clientèle,
pour assurer davantage son expansion, une revue des principaux marchés du monde s’imposerait. Mais, comme il
n’entre pas dans nos intentions de nous étendre sur des considérations particulières, nous nous limiterons à fournir
quelques éléments de base pouvant servir à une étude plus poussée des marchés mondiaux ouverts à la production québécoise.
Les débouchés théoriques pour la production québécoise de minerais et métaux se trouvent dans les
pays industrialisés, dont la production minière et métallurgique est insuffisante pour nourrir l’expansion industrielle
à son rythme actuel.

Les caractéristiques à déterminer pour ces marchés sont donc:

l Le degré d’auto-suffisance des pays clients, c’est-à-dire le pourcentage de couverture de leur consommation
en matières premières par la production nationale de minerais et métaux.
2 La politique générale d’importations de ces pays, qui se trouve souvent conditionnée par des habitudes commerciales héritées de traditions coloniales plus ou  moins anciennes.

3 Les fournisseurs habituels des grandes aires industrielles retenues; en effet, le Québec et le Canada ne constituent
qu’une source de matières premières parmi d’autres.

INVESTISSEMENTS

L’industrie minière ne saurait compter sans les investissements dont les effets multiplicateurs
sont considérés comme moteur de la croissance économique.
On comprend mieux l’évolution des investissements dans l’industrie minière au Québec en étudiant séparément chacune des deux composantes: dépenses d’exploration, ou les sommes consacrées à la recherche de nouveaux gisements, à l’étude de leur potentiel économique (ou en quelques circonstances, à la délimitation des paramètres miniers); en d’autres mots,
toutes dépenses se rattachant ni à la production (ces dépenses sont des coûts), ni aux immobilisations;
immobilisations, ou les sommes consacrées au lancement, à la continuation ou à l’expansion de la production.

A) DEPENSES D’EXPLORATION

Une recherche soutenue de nouveaux gisements est essentielle si l’on veut remplacer ceux qui s’épuisent et augmenter la production minérale du Québec.

Toute réduction prolongée des fonds accordés à cette recherche conduit, à long terme, à un ralentissement de l’activité
minière. De plus, pour conserver une juste perspective, on doit se rappeler que les dépôts minéralisés constituent
une source non renouvelable. Chaque dépôt découvert et exploité réduit le potentiel minier et conduit éventuellement
à une diminution du rythme des découvertes, laquelle réduit à son tour l’activité minière.

Qu’on se rassure, le potentiel minéralogique est loin d’être épuisé, puisque, selon l’association
des producteurs de métaux, seulement 25% du territoire a été couvert par l’analyse des géologues. Évidemment,
comme les chances de faire une découverte diminuent avec le temps mais que les coûts, par contre, continuent d’augmenter,
les énergies peuvent se tourner vers des régions qui semblent plus favorables.

Autre raison qui milite en faveur d’une exploration soutenue et de l’exploitation immédiate de nos
richesses minérales: le développement de la technologie peut faire dans certains cas que des dépôts de minerai qui
sont présentement économiquement rentables pourraient s’avérer non-économiques dans 15 ou 20 ans.

Un exemple de cet avancé, celui de Schefferville qui, au cours des années ’50, a été à l’origine de tout le développement de la région de la Côte-Nord et pour lequel les sociétés ont cru bon dépenser quelques S300 millions pour la construction de 400 milles de chemin de fer, paraissait à cette époque un gisement d’une importance
et d’une teneur unique au monde. En effet, ce minerai contenait de 55 à 65% de fer et on pouvait l’expédier directement
aux fourneaux tellement le pourcentage était élevé. Pourtant, vingt ans plus tard, à cause du développement
de la technologie dans la concentration du minerai de fer et de certaines exigences des hauts fourneaux au sujet
de la qualité de leur acier, un tel dépôt est présentement beaucoup moins intéressant parce qu’il est presque aussi
économique de concentrer du minerai à 30% pour en faire un produit de qualité uniforme à 66% qui, transformé en
boulettes, devient idéal pour son utilisation dans les hauts fourneaux Il n’est pas dit qu’aujourd’hui, ces mêmes sociétés
seraient intéressées à investir $300 millions dans la construction de 400 milles de chemin de fer pour exploiter un dépôt semblable à celui de Schefferville.

De tels sommets sont généralement suivis d’un accroissement de l’immobilisation et d’une diminution de l’activité
de l’exploration. La découverte, annoncée en 1964, d’un dépôt important de cuivre et de zinc dans la région de Timmins
en Ontario, est possiblement un facteur qui a détourné du Québec, comme des autres régions, les fonds affectés
à l’exploration en 1964, 65, 66.

De 1951 à 1961, les fonds accordés à l’exploration et à la mise en valeur se sont chiffrés à plus
de 10% de la valeur de production des substances métalliques et des minéraux industriels. Depuis 1961, elle atteint une moyenne de 4% de la valeur de cette production.
Cette baisse a eu lieu en grande partie entre les années 1960 et 1962.

B) DEPENSES D ‘IMMOBILISATION

L’exploitation d’un g”te minéral économiquement rentable nécessite des installations, de la machinerie,
de l’outillage très complexes et coûteux. L’investissement est commandé par le niveau optimal de production
du gisement Il n’est pas possible ou économique de commencer en petit et d’agrandir les installations à mesure
que les conditions du marché le permettent. L’investissement initial est donc très important et tout retour en
arrière est extrêmement onéreux. Dans le cas d’entreprise autonome, les fluctuations des cours sont souvent considérables et imprévisibles, l’évaluation initiale des conditions optimales de production et de rentabilité peut se
trouver sans cesse remise en cause. D’où la tendance des entreprises à ne considérer qu’un taux très élevé de rentabilité
anticipée – 10% est admis comme marge raisonnable de profits. La valeur, en dollars, des immobilisations
a augmenté légèrement depuis les 17 dernières années. La moyenne annuelle pour la période 1962-67 est de $38.5
millions en regard de $32.3 millions pour toute la période de 17 ans. Cela signifie que les opérations minières avec
des réserves considérables, comme celles qui exploitent le minerai de fer, l’amiante, le titane et certains gisements de cuivre et de zinc, dépensent de l’argent pour maintenir ou augmenter leur production. Cela signifie également que les dépôts découverts lors de la vague d’exploration de 1956 à 1960 sont préparés pour l’exploitation.

Ceci permet d’espérer que la majorité des gains obtenus dans la production depuis 1960 seront conservés. Certaines
petites exploitations qui s’appuient sur des réserves limitées disparaîtront fatalement; les mines de nickel, de
molybdène et certaines mines d’or semblent être menacées, notamment celles du Nord-Ouest québécois.

IV – SOQUEM

Comme nous l’avons déjà vu, la majorité des entreprises minières du Québec sont du type « dominées ».
La mine n’est plus exploitée pour elle-même, en fonction de l’économie où elle est située mais en fonction de l’entreprise dominante et, par conséquent, de l’économie de celle-ci. Sans doute, cette société minière
peut-elle avoir une gérance dynamique qui cherche à étendre la clientèle de la mine, à identifier de nouveaux gisements.
Mais institutionnellement la société mère est indifférente à cette recherche et, sans doute, souvent portée
à comprimer au minimum les frais d’exploration de sa filiale, préférant mettre ses ressources dans le secteur
principal où elle fait affaires.

Au printemps 1963, la Direction générale de la planification du ministère des Richesses naturelles s’est vue chargée de l’étude générale et systématique des caractéristiques structurelles et fonctionnelles de l’industrie en vue de définir une politique d’ensemble orientée sur les objectifs généraux du gouvernement du Québec.

De ces études s’est dégagée la nécessité, pour accélérer la croissance du secteur minier et son articulation
essentielle à l’économie québécoise, de dépasser le cadre des réformes législatives et administratives, à
caractère incitateur, et de mettre sur pied d’abord une société d’État de recherches des gîtes minéraux, la Québécoise
d’exploration minière, et ensuite de proposer la formation d’un comité de coordination gouvernement-industrie
pour tenter d’harmoniser, dans l’intérêt commun, les préoccupations et les politiques de l’un et de l’autre.

En mai 1965 naissait SOQUEM. Après cinq ans d’existence, le Conseil d’administration de la Société
a présenté dans son rapport annuel pour l’exercice terminé le 31 mars 1971 une vue d’ensemble de ses activités.

BUTS DE LA SOCIETE

De par son acte constitutif (Loi 13-14, Elizabeth II, chapitre 36), la Société a pour objet: a) de faire de l’exploration minière par toutes méthodes; b) de participer à la mise en valeur des découvertes, y compris celles faites par d’autres, avec possibilité d’acheter et de vendre des propriétés à divers stades de développement, et de s’associer à d’autres pour ces
Au moment de la mise en marche, ce bref énoncé des buts de la Société demandait d’être explicité et
le Conseil d’administration a puisé dans les explications fournies au cours des débats de l’Assemblée nationale, lors
de l’étude du projet de loi, les éléments nécessaires pour guider son action, compte tenu de la pratique généralement
reconnue dans le domaine de l’industrie d’exploration minière.
Le champ d’action d’une société d’exploration minière comprend toutes les activités nécessaires à la découverte d’un gîte minéral et à la détermination des conditions de rentabilité maximale, en vue d’une exploitation éventuelle.
NATURE ET ROLE DE LA SOQUEM

La SOQUEM est une société à capital social; le fonds social autorisé de la Société est de $15,000,000.
il est divisé en 1, 500,000 actions d’une valeur nominale de $10.00 chacune.

Les actions de la Société sont attribuées à Sa Majesté du chef de la province. Le ministre des finances
paiera à la Société sur le fonds consolidé du revenu, chaque année pendant dix ans, une somme de $1, 500,000.
pour 150,000 actions entièrement acquittées de son capital social pour lesquelles un certificat lui sera délivré en retour de ce paiement. C’est donc une entreprise publique, à actionnaire unique, dont l’activité de nature commerciale
et industrielle est régie par la Loi des Compagnies du Québec.

Dans les Débats de l’Assemblée nationale du mois de mai 1965 (pages 2821 et suivantes), le ministre
des Richesses naturelles d’alors apportait les précisions suivantes relativement à la nature et au rôle de la SOQUEM:
« premièrement, il ne s’agit pas par cette structure-là (SOQUEM), d’une Hydro (Hydro-Québec) ou de quelque chose
qui de près ou de loin ressemble à une régie ou à un monopole de services publics. C’est vraiment quelque chose
qui s’injecte dans un contexte parallèle et en concurrence avec des compagnies existantes. On veut faire la preuve,
et c’est la façon la plus saine de la faire, que cette compagnie-là, avec comme seul actionnaire le Gouvernement représentant
l’État, c’est-à-dire représentant toute la population, propriété collective, est capable d’être ce morceau
du secteur public, et de l’initier avec la même efficacité et puis suivant autant que faire se peut les mêmes règles
que les autres…  »

« Dans le cas de la Société d’Exploration minière, on crée un instrument nouveau, on crée, on n’exproprie pas, on ne nationalise pas, on ne va pas chercher des propriétés existantes. On crée des outils nouveaux; alors c’est une différence d’espèce.. Il ne s’agit pas d’un monopole de services publics, mais d’une entreprise à risques, et éventuellement à profits possibles ».

La SOQUEM a commencé son activité le 1er novembre 1965; ses premiers efforts ont consisté en
l’établissement de structures et de lignes de conduite corporatives, recrutement, orientation de son action, détermination
des priorités, conception et élaboration de programmes d’exploration. Quelque cinq mois plus tard, en avril
1966, le personnel recruté s’attaquait à 16 programmes d’exploration minière.

METHODES DE TRAVAIL

La Société a pour objet: de faire de l’exploration minière par toutes méthodes. Les méthodes employées en exploration minière moderne se groupent naturellement en deux catégories:

1 – Recherche d’indices de minéralisation par l’application des connaissances des Sciences de la Terre, en particulier
la minéralogie, la pétrographie, la tectonique, la géochimie et la géophysique. C’est le domaine de la
prospection générale, souvent qualifiée d’exploration de reconnaissance et débouchant dans de rares cas sur
la découverte d’un gîte minéral, c’est-à-dire d’un amas minéralisé à potentiel économique.

2 – Mise en valeur de découvertes, c’est-à-dire la détermination de toutes les caractéristiques de qualité et de quantité de l’amas minéralisé découvert par suite de l’application des méthodes mentionnées au paragraphe précédent. C’est l’étape d’exploration de détail en vue d’entreprendre l’évaluation du gîte minéral et de déterminer, dans tous ses aspects, la rentabilité d’une exploitation éventuelle. A cette phase d’exploration de
détail du g”te s’ajoute la détermination des conditions et des coûts d’extraction minière, d’extraction métallurgique,
de commercialisation, et de tout facteur affectant la rentabilité future. Ce n’est qu’une fois cette
étude de rentabilité complétée qu’il est possible de connaître les sommes à investir pour assurer la mise en
production d’un gisement minier.

Les relevés géochimiques effectués par la SOQUEM ont permis de mettre au jour trois régions d’indices minéralisés à potentiel économique, en Gaspésie, dans les Cantons de l’Est et dans le nord du Nouveau-Brunswick.
PROGRAMMES D’EXPLORATION

La Société a pour objet: de participer à la mise en valeur des découvertes, y compris celles faites
par d’autres, avec possibilité d’acheter et de vendre des propriétés à divers stades de développement, et de s’associer
à d’autres pour ces fins.

Depuis sa mise en marche, la Société exerce son action par la sélection de certains territoires
favorables et l’exécution de divers travaux en vue de déceler la présence d’anomalies et, parfois, d’indices minéralisés à potentiel économique. C’est à ce stade seulement qu’elle est en mesure de participer à la mise en valeur d’une
découverte et de s’associer à d’autres pour ces fins. Ses travaux se pratiquent donc en prédominance dans le cadre
de programmes d’abord autonomes jusqu’au stade où le succès d’un programme lui permet de le partager avec d’autres.
Dans quelques cas, des particuliers et des compagnies ont fait l’offre de programmes que la Société a acceptés.
De même, pour réaliser certains programmes, elle a procédé par voie d’options d’achat de propriétés minières
au lieu d’acquisition d’intérêts par jalonnement.

Au cours des trois derniers exercices, le nombre de programmes autonomes a constamment diminué au profit des programmes partagés; ces derniers ont atteint le nombre de 26 contre trois programmes autonomes
pendant le dernier exercice. La Société a pu ainsi augmenter considérablement les sommes d’argent consacrées
à l’exploration du territoire québécois. Lors du dernier exercice, la contribution des associés s’est élevée à
environ $1,450,000. comparativement à $1, 200,000. que la SOQUEM a affectés à tous ses programmes aussi bien
autonomes que partagés, et à ses frais d’administration de tous genres. Depuis sa création, la Société a conclu
quelque 50 accords d’exploration commune avec diverses sociétés.

PROGRAMMES DE RECHERCHE

Comme le veut son mandat, la SOQUEM se caractérise vis-à-vis des autres entreprises minières,
par le fait d’être spécifiquement une entreprise d’exploration, la mise en production de gîtes minéraux passant au
second plan, puisque, à la rigueur, elle peut exercer toutes ses activités sans jamais faire autre que vendre ses
gîtes minéraux pour du comptant.

Elle ne peut cependant s’abstenir de faire de l’exploration par toutes méthodes et de faire de la mise
en valeur de découvertes en participation avec d’autres.

il s’ensuit que, le premier objectif de la SOQUEM étant de faire de l’exploration, la caractéristique essentielle qui la différencie des autres compagnies du secteur minier exige d’elle qu’elle porte une attention particulière à l’amélioration des méthodes d’exploration. Voilà pourquoi mettre l’emphase sur la recherche et l’amélioration des méthodes d’exploration ne fait que répondre à la responsabilité qui incombe à la SOQUEM,

Trois orientations majeures ont présidé à l’action de la Société dans la recherche;
1 – La méthodologie ou l’étude de stratégies en exploration minière;
2 – L’instrumentation ou l’étude de besoins spécifiques engendrés par la formulation de nouvelles stratégies;
3 – La planification corporative ou l’étude des facteurs décisionnels d’investissement ou de fonctionnement en exploration.

Depuis sa fondation, il y a cinq ans, la SOQUEM a investi environ $400,000. en recherche, soit
environ 7% de son budget d’exploration ou 4% de la souscription du ministre des Finances à son capital social.
SOCIETE EN EXPLOITATION COMMERCIALE

La Société a pour objet: de participer à la mise en exploitation des gisements soit en les vendant,
soit en prenant une participation contre la valeur des propriétés transmises.

LA SOCIETE MINIERE LOUVEM INC.

Cette société est entrée en production le 5 août 1970 et ses opérations occupent huit mois de l’exercice en revue. Louvem exploite un gisement de cuivre découvert par la SOQUEM dans le cadre d’un accord d’exploration minière avec les sociétés Nemrod Mining Co. Ltd, Naganta Mining and Development Co. Ltd et Timrod Mining Co. Ltd.

Le programme d’exploration préalable à la mise en exploitation du gisement a requis une mise de
fonds de $999,100. dont $292,591. apportés par le groupe Nemrod et $706, 509. par la SOQUEM. Ainsi qu’il était
prévu au contrat d’association, quatre administrateurs sur sept ont été désignés par la SOQUEM pour faire partie du
Conseil d’administration de la Société minière LOUVEM Inc. Ces administrateurs ont été choisis parmi son personnel. En considération des déboursés effectués à la date de l’incorporation de Louvem, la SOQUEM s’est vue attribuer
3,065,779 des 5,000,000 actions que comporte le capital-actions de cette société d’extraction, soit un intérêt
de 61.3%.

De plus, la SOQUEM a dé garantir inconditionnellement le remboursement de l’emprunt de $1,300,000.
que Louvem a contracté pour financer la mise en production de la propriété. Enfin, la Société a accordé une option d’achat
de 300,000 actions de Louvem, déjà émises en sa faveur, au principal prêteur, la Caisse de dépôt et placement
du Québec, comme incitation à financer le projet. L’exercice financier clos le 31 mars dernier s’est soldé par un bénéfice net de $1,293,766 Il est à noter cependant que ce bénéfice n’a été réalisé que pendant huit mois de l’exercice, l’extraction ayant débuté le 5 août 1970. après avoir pourvu à $656,977 d’amortissement de dépenses faites en vue de la production, ainsi qu’à
la radiation des frais de constitution, les liquidités provenant de l’exploitation se chiffraient par $1,953,373, Le
prix moyen obtenu pour le cuivre a été de 48.38 cents la livre.
Une somme de $1,477,823. a été réinvestie durant l’année dans le développement de la mine, y compris
$414,954. pour des additions aux immobilisations. De plus, le fonds de roulement a été augmenté de $532,983.
Durant l’exercice, les emprunts pour le développement de la mine ont atteint une somme de $1,300,000. dont
$900,000. ont été remboursés.

Les bénéfices réalisés durant le premier trimestre du nouvel exercice ont permis de compléter le
remboursement de la somme de $1,000,000. empruntée à la Caisse de dépôt et placement du Québec pour financer la
mise en exploitation, et de réduire à $785,000. la dette contractée pour financer la production et le fonds de roulement.
Si le prix actuel du cuivre se maintient, on prévoit que tous les emprunts extérieurs auront été remboursés
à la fin du second trimestre, soit 13 mois après la mise en marche de la mine.

BilAN DE CINQ ANNEES D’ACTIVITE

Le bilan des cinq premières années de SOQUEM comporte au moins deux réalisations marquantes:
la découverte et la mise en valeur, jusqu’au stade de l’exploitation – après quatre années d’activité seulement – du
gisement de cuivre de la Société minière Louvem Inc. en Abitibi, et la découverte de deux carbonatites, dont l’une
se transforme graduellement en un important gîte de columbium à Saint-Honoré, près de Chicoutimi.

V – MAIN-D’œuvre
A) EMPLOI

L’industrie minière emploie quelque 30,000 personnes (ouvriers et salariés) soit près de 16% de la main-d’œuvre du secteur primaire qui compte elle-même pour 7.2% de la main-d’œuvre active au Québec. Au secteur primaire, en 1970, la principale
source d’emploi direct reste encore l’agriculture avec 105,000 emplois, viennent ensuite les mines carrières et
puits de pétrole (25,800), suivis du forestage (19,700), la pêche et le trappage 2,900. D’après une étude faite par le ministère du Travail et de la Main-d’œuvre sur les tendances de l’emploi de 1941-70 , c’est dans la section mines, carrières et puits de pétrole que le taux de croissance de l’emploi est le plus élevé à l’intérieur du secteur primaire.

Suivant une étude effectuée en Colombie-Britannique en 1967 , chaque travailleur employé dans les mines entraînait l’emploi de trois autres travailleurs dans la province et neuf dans l’ensemble du Canada. Si on
appliquait ces chiffres à l’économie du Québec, l’industrie minière serait directement et indirectement responsable
de 120,000 emplois.

L’importance de la contribution de l’industrie minière à l’emploi se vérifie surtout au niveau régional. Cette seule activité occupait, en 1967, 7,000 personnes dans les régions de Matagami, Malartic, Val-d’Or
et Noranda, 2,000 à Chibougamau et 13,700 dans les Cantons de l’Est, la Côte Nord et la Gaspésie. La majorité
des employés est affectée à l’extraction et à la transformation des métaux.

B) SALAIRES ET HEURES DE TRAVAIL

L’importance de l’industrie minière en regard de la main-d’œuvre est marquée aussi par le niveau des salaires qui est parmi les plus élevés au Québec soit $136.00 pour une semaine régulière de 41 heures de travail. Seules les industries du papier, de l’imprimerie, de la métallurgie et des transports versent des rémunérations supérieures.

Le niveau élevé des salaires versés s’explique aisément. Le travail exige un haut niveau de qualification.
De plus, certaines mines sont isolées, souvent en des lieux au climat rigoureux. Enfin, les conditions de
travail sont dures et non-exemptes de risques: en 1969, on déplorait 1,387 accidents dans les mines dont 17 mortels.

C) RELATIONS PATRONS-EMPLOYES

Les travailleurs des mines sont syndiqués à 47.9% selon les dernières statistiques parues portant
sur l’année 1968; ce qui est déjà plus élevé que le taux de syndicalisation des employés au Québec (39.1%). Ces travailleurs sont représentés à 80% par des syndicats, affiliés à la Fédération des travailleurs du Québec, le reste
est fractionné entre les autres centrales.
La représentation des producteurs est assurée par l’Association des mines d’amiante du Québec
et l’Association des mines de métaux du Québec.

C’est d’ailleurs suite à une recommandation des producteurs de mines de métaux que le ministère
du Travail et de la Main-d’œuvre a établi, en juillet 1970, le Conseil de la main-d’œuvre des mines où siègent, en
plus des représentants du ministère, des représentants du ministère des Richesses naturelles, trois représentants
des employeurs miniers (dont monsieur Gonzague Langlois) et trois représentants des centrales syndicales.

Ce conseil permet d’établir une plate-forme permanente d’échanges entre les représentants syndicaux
et les représentants patronaux dans le domaine minier et, par le fait même, facilite les discussions en vue
de trouver des solutions efficaces à des problèmes tels que la sécurité au travail, la reclassification des employés
lors de fermetures de mines et le perfectionnement de la main-d’œuvre.

A) LES PROVINCES ET LE GOUVERNEMENT CENTRAL

Suivant les lois et règlements miniers des provinces, tous les terrains miniers de la Couronne situés
dans les limites des diverses provinces (sauf ceux des réserves indiennes, des parcs nationaux et autres terres relevant
du gouvernement fédéral) sont administrés par le gouvernement provincial intéressé. Le Québec fait exception
à cette règle en administrant tous les terrains miniers, sauf ceux qui ont été cédés à des particuliers dans les cantons
avant 1880 et plus, les droits miniers des terres fédérales au Québec sont administrés par le gouvernement du Québec .

B) HISTORIQUE SOMMAIRE DE LA LEGISLATION MINIERE
AU QUEBEC

1 – C’est le 24 juillet 1880 que fut sanctionné « l’Acte général des mines de Québec ». Cette loi établissait, pour la
première fois, un système de réglementation et d’administration des ressources minérales en vue de leur exploitation
et de l’intérêt fiscal de l’État. Elle a depuis servi de base à la législation minière du Québec, les modifications
et les refontes s’étant, dans une grande mesure, greffées sur elle.

Pour ce qui concerne les droits de mines dans les terrains des seigneuries octroyées avant la confédération des provinces du Canada, tant sous le régime français (jusqu’en 1760) que sous le régime anglais (1760 à 1880), la question est complexe. Cependant, dans l’ensemble on peut affirmer que, quant aux concessions faites sous le mode de la tenure seigneuriale, l’aliénation n’entraînait pas avec elle la propriété des droits de mines à moins d’être mentionnée expressément.

2 – 1909 – C’est au texte de la Loi 9 Edouard II, chapitre 27 (1909) que nous devons surtout le corps principal
de notre loi actuelle. Nous retrouvons en outre à cette même loi les principes de base qu’avait établis la loi de
1880 et la législation subséquente jusqu’en 1909.

3 – 1925 – En 1925, une refonte des statuts a inclus les amendements apportés depuis 1909.

4 – 1941 – De 1925 à 1941, il y eut huit amendements dont voici les principaux: création du corps géologique; création
législative du poste (jamais occupé) de commissaire des mines; autonomie du service des mines (autrefois rattaché
au ministère de l’Agriculture et de la Colonisation); provisions concernant l’établissement de villages miniers;
la construction de chemins de mines et l’ouverture de la mine-école (abandonnée en 1942).

5 – Depuis 1941, on amenda surtout pour déterminer les conditions d’aliénation des droits de mines dans le Nouveau-
Québec (1945) et créer le laboratoire de recherche.
Lors de la création du ministère des Richesses naturelles, l’ancien ministère des Mines en devint partie intégrante.

6 – Commission d’étude
En 1956, fut formée, sous l’autorité de la Loi 4-5 Elizabeth II, chapitre 57, la Commission d’étude
des lois minières du Québec, dont le mandat était de coordonner, réviser et adapter aux conditions actuelles
et autant que possible à celles de l’avenir, la Loi des mines de Québec et les diverses autres lois relatives à l’exploitation
des mines.

Au cours de l’année 1961, la Commission d’étude remit aux autorités un projet de loi intitulé
« Projet de loi concernant les mines et les ressources minérales ».

Par la suite, le même projet de loi fut remis au ministre des Richesses naturelles qui en confia l’étude à un comité formé de fonctionnaires du ministère.

Le projet de loi fut étudié article par article en fonction des recommandations formulées par les
chefs de service du ministère et de mémoires soumis par des particuliers, des compagnies minières et d’autres organismes.

Des modifications substantielles furent apportées au texte soumis par les commissaires. Le nouveau
texte fut réexaminé et modifié au cours de nombreuses séances d’étude et finalement remis au comité de législation du Conseil des ministres, où il fut rédigé dans sa forme actuelle.

De fait, la loi des mines, chap. 34 (1965) et la loi des droits sur les mines, chap. 35 (1965), n’ont
subi que des transformations mineures depuis leur adoption.

1965 est une année mémorable pour l’industrie minière, puisqu’une autre loi était adoptée, créant
la Société d’Exploration minière dont on a fait état dans les pages précédentes.

Les gens de l’industrie minière sont de plus soumis au Code du travail, au même titre que les autres
travailleurs.

CONCLUSION (perspectives)

Les premiers chiffres de 1971 indiquent une baisse de la valeur de production minérale de près de $30 millions par rapport à l’année précédente.

On remarque, depuis les cinq dernières années, un rythme de croissance plutôt lent par rapport à celui du Canada (9.5% contre 67%).

Les producteurs, dans un questionnaire annuel soumis par leur association, imputent la responsabilité
première de cet état de choses à l’augmentation phénoménale des coûts de production, notamment des coûts
directs tels que salaires, bénéfices marginaux, impôts payés, coût des services et pièces d’entretien: statistiques à l’appui, on nous montre que les impôts directs ont doublé et les bénéfices marginaux ont plus que triplé, les
salaires ont augmenté de 47% et les services, pièces d’entretien et fournitures ont augmenté de 28%.

Malgré les difficultés inhérentes au fonctionnement d’une telle industrie les producteurs demeurent optimistes si on en juge par la grandeur et la nature des projets annoncés:

– Astestos Corporation qui se propose de mettre en exploitation les gisements d’amiante dans l’Ungava en 1972:
$50 millions.

La Société Noranda a annoncé l’an dernier un nouvel investissement pour tripler la production de la mine Gas-
pé Copper et augmenter les capacités de la fonderie de Noranda et du raffinage à Montréal: $135 millions.

La Société Iron Ore qui construit présentement un concentrateur et une usine de boulettage à Sept-Iles ainsi
que de nouveaux établissements pour augmenter sa production de Carol Lake: $200 millions.

Quebec Cartier a annoncé l’an dernier des investissements en vue de développer son dépôt de fer du Mont
Wright et pour ainsi doubler sa capacité de production en 1974-75: $350 millions.

La Société Falconbridge Nickel a commencé la construction d’une raffinerie de nickel à Bécancourt: $50 millions.

Mise en exploitation des dépôts de nickel à Raglan Quebec Mines: $100 millions.

Augmentation de la production de 2000 à 3000 tonnes par jour à Opémiska.

Possibilité d’un nouveau dépôt de cuivre et zinc par Lake Dufault Mines Limited.

>Masse19730917>
<TEXTE DE MONSIEUR MARCEL MASSE « LES QUEBECOIS PENALISES PAR LES MAUVAISES POLITIQUES AGRICOLES ». 17 SEPTEMBRE 1973>

Au lieu de profiter des avantages de vivre dans un des plus grands pays producteurs de blé, la majorité des citoyens s’en trouvent pénalisés.

L’inflation qui frappe actuellement le Canada est due en majeure partie, à l’absence de politique nationale en matière agricole. Ainsi, certaines chaînes de distribution ont enregistré, cette année, des hausses de profits atteignant quelques fois plus de 200% et certains « gros » cultivateurs de l’Ouest ont profité du manque de décision du gouvernement fédéral pour prendre le contrôle de la Commission Canadienne du Blé.

Nous devons dénoncer l’attitude scandaleuse du gouvernement de monsieur Trudeau qui gaspille
les impôts de tous les Canadiens pour « boucher les trous » de son administration boiteuse Il faut
de plus reprocher au Parti Libéral fédéral de subventionner de façon irréfléchie la Commission Canadienne
du Blé. Cet organisme administre ses affaires au seul intérêt des Prairies, et ce aux dépens
de tous les autres canadiens.

Il est inacceptable que le Québec doive dépenser des millions de dollars pour se procurer
du boeuf de l’Argentine, alors qu’ici nous avons tout le potentiel nécessaire pour satisfaire à nos besoins.

Une politique nationale des grains de provende telle que celle conçue par monsieur
Robert Stanfield permettrait d’établir au Québec une nouvelle industrie: la viande de boucherie.

Si nous acceptons les conclusions des récentes recherches effectuées à la Faculté d’Agriculture
de l’Université McGill, nous devons déplorer le fait que les cultivateurs québécois soient obligés
de se départir des veaux, issus de l’industrie laitière et qui pourraient, si une quantité importante
de grains d’engraissage était disponible, être transformés en un excellent boeuf de boucherie.

<Masse19730918>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE « L’INFLATION: UN MAL QUI NOUS RONGE » 18 SEPTEMBRE 1973>

Le Canada connaît actuellement une des plus graves crises de son histoire: l’inflation. Le laisser-aller du gouvernement libéral fédéral, son incompréhension du problème, sa léthargie, nous ont placé dans une situation alarmante
.
En moins d’un an le prix des aliments a fait un bond de 16%; atteignant des niveaux effarants
dans certains cas: le boeuf 21%, le porc 22%, la volaille 26%, les fruits frais 33%, les légumes
frais 51% et pour compléter le tout, les oeufs 61%.

Tous les produits de consommation ont connu des hausses à partir de la pâtes dentifrice jusqu’à l’essence.

Dès 1969, monsieur Robert Stanfield mettait le premier ministre Trudeau en garde contre
une inflation naissante; une intervention adéquate et énergique à cette époque aurait permis d’endiguer
ce dangereux cancer. Malheureusement pour tous les Canadiens le premier ministre a fait la sourde oreille
aux recommandations du Parti Conservateur. Cela eut comme conséquence une augmentation en flêche du
nombre de chômeurs, sans pour autant terrasser l’ennemi: l’inflation.

Jamais un premier ministre ne fit une telle erreur. Le chômage a ainsi atteint au Canada le niveau le plus élevé de son histoire et l’inflation progresse contrairement aux prévisions de monsieur Trudeau. Le gouvernement libéral fédéral
a perdu le contrôle de la situation et il conduit actuellement le Canada vers une crise pire que celle
des années trente.

En analysant les décisions récentes du gouvernement Trudeau on constate une sérieusement de mesures inadéquates, incohérentes et irréfléchies. Il y a deux ans le parti libéral fédéral, fort de sa majorité en Chambre, votait des centaines de millions de dollars à l’intention des agriculteurs de l’Ouest, afin qu’ils réduisent leur production. Aujourd’hui,
constatant son erreur, le même parti vote 170 millions afin de relancer la culture du blé.

Est-ce là la preuve d’une saine administration? Le parti libéral fédéral de monsieur
Trudeau trahit la constitution canadienne en ne respectant pas le partage des pouvoirs Il cherche,
par le biais de son pouvoir illimité de dépenser, à reléguer ses partenaires au rang de simples pions.

Sa dernière décision relative au prolongement de l’oléoduc en provenance de l’ouest le démontre bien:
monsieur Trudeau est intervenu directement et sans consultation dans une question qui peut compromettre l’espoir du Québec de voir naître une industrie pétrolière de premier ordre. Cette intervention du gouvernement libéral fédéral détruira peut-être la possibilité de milliers de nouveaux emplois et la reprise des activités maritimes dans
l’est du pays. Comble du fouillis dans l’administration, on annonçait au mois de juillet une
réduction de 500 millions dans le déficit prévu au budget de 1973; moins d’un mois plus tard, volte-
face, le gouvernement se ravise et annonce une dépense imprévue de 290 millions. De tels exemples
se répètent tous les jours à Ottawa; le gouvernement libéral fédéral a perdu le contrôle de la situation.

La flambée inflationniste doit être arrêtée au plus tôt. L’expérience démontrant l’inefficacité des mesures prises à ce jour; la seule alternative raisonnable demeure le gel temporaire des prix et des revenus. Le Parti Progressiste Conserva
teur tente de faire adopter une politique semblable depuis des mois, mais les libéraux s’obstinent dans
leur refus. Monsieur Stanfield et les économistes qui se sont penchés sur cette question prétendent
ainsi mettre un frein temporaire à l’escalade des prix. Cette pause permettrait d’élaborer et de mettre
sur pied une sérieusement de mesures applicables postérieurement au gel, sur une période de 18 à 24 mois.
Cette approche anti-inflationniste a d’ailleurs été taire international dans son rapport annuel déposé
à Washington.

L’inflation dont souffre l’économie canadienne est qualifiée par les experts comme « l’inflation par les coûts ». Les éléments en sont psychologique dans une large mesure et c’est en rétablissant un climat de confiance que le mal pourrait, en
grande partie, être enrayé Il est inconcevable que des chaînes d’alimentation telles B.C. Parkers et Dominion Stores enregistrent des hausses de profits de l’ordre de 212% et 188%. même si monsieur Trudeau accepte un état de fait semblable, appuyé par le N.P.D. qui se prétend défenseur des travailleurs.

Le Parti Conservateur continuera a dénoncer une telle attitude et n’hésitera pas à appliquer des mesures draconiennes contre ces exploiteurs.

<Masse19731001>
<CONFERENCE DE PRESSE DE MONSIEUR MARCEL MASSE LE 1er OCTOBRE 1973>

Le sort en est jeté, les citoyens sont appelés  aux urnes. Élu à l’Assemblée Nationale par les électeurs du comté de Montcalm en juin 1966, réélu en avril 1970, je termine donc un deuxième mandat.
Depuis quelques mois la loi prévoyant la refonte de la carte électorale au Québec fusionne a toute
fin pratique le comté de Montcalm et la région de Joliette. Le district électoral de Montcalm, tel
que nous le connaissons depuis des générations, disparaît donc.

Au cours des dernières années le Québec a connu une évolution rapide.

Que ce soit dans le secteur de l’éducation, dans le domaine de l’économie ou de la sécurité sociale, dans les
réseaux routiers, des transformations radicales ont bouleversé nos habitudes, notre tranquillité.

On s’est souvent plu à souligner les aspects négatifs de ces politiques, de ces réformes administratives,
mais en toute honnêteté, nous nous devons également d’en illustrer les points positifs.
La campagne électorale permettra à chaque formation politique de faire valoir son point de vue.

A l’occasion de ces élections pour le choix d’une nouvelle Assemblée Nationale à Québec, je ne solliciterai aucun renouvellement de mon mandat; ayant pris, il y a quelques mois, une décision fort importante, celle de militer
au sein d’une formation politique fédérale. Ce n’est pas sans une profonde réflexion que je suis arrivé à cette conclusion.

Il m’apparaît fondamental pour nous Québécois, de mieux équilibrer notre représentation
au sein du parlement canadien. Le résultat des élections du 30 octobre dernier révèle jusqu’à quel
point la faiblesse du Parti Progressiste Conservateur au Québec peut nous être collectivement néfaste.
Certes les raisons sont nombreuses qui explique ma décision de travailler sur la scène fédérale afin de corriger cette situation. Et c’est en ce sens que j’entends désormais consacrer mes énergies politiques.

A titre de député de Montcalm, j’espère  avoir rempli mon mandat à la satisfaction de
mes concitoyens. J’ai été fier de les représenter en toutes circonstances et je crois avoir contribué
à l’amélioration de notre environnement.

Je ne saurais dire combien, en tout temps, j’ai apprécié et l’esprit de civisme et la coopération manifestés par les citoyens de Montcalm. Le dévouement des membres des conseils municipaux et scolaires, la compréhension des fonctionnaires
régionaux, ont permis de solutionner à l’avantage des contribuables maints problèmes.

Au plan individuel à mon bureau à St-Jacques j’ai, pendant ces années, rencontré des centaines de citoyens. En compagnie de mon secrétaire, monsieur Michel Charbonneau, grâce à son dynamisme et a sa constante disponibilité, nous
avons pu ensemble apporté à chacun, je l’espère, conseil et aide.

Je tiens également à remercier tous ceux qui pendant ces années m’ont soutenu dans mon
action politique. C’est par eux que j’ai réalisé quelques tâches. Je leur en suis reconnaissant.

Nous traversons, nous Québécois, une étape de notre histoire où les choix politiques sont
nombreux Il peut sembler à plusieurs que cette multitude d’options est le fruit d’une grande confusion
mais ne devons-nous pas au contraire profiter de cet état de chose pour se poser, au delà des programmes,
des candidats et des chefs, les vraies questions, à savoir: développement économique, organisation sociale, intégration de nos énergies au milieu qui nous entoure. N’est-ce pas ainsi que nous améliorerons notre donnée individuelle?

C’est à l’électorat d’y répondre.

<Masse19731112>
<DISCOURS PRONONCE PAR MONSIEUR MARCEL MASSE DEVANT LES MEMBRES DE L’ASSOCIATION PROGRES SISTE CONSERVATRICE DU QUEBEC REUNIS A L’OCCASION DE LEUR DINER MENSUEL, LE 12 NOVEMBRE>

Je remercie les responsables du Club Bleu de m’avoir invité ce soir à prendre la parole
parmi vous. Je profite également de l’occasion pour saluer le nouveau président du Club Bleu, monsieur
Armand Lefebvre.

Je tiens à féliciter l’ancien président de cet organisme, monsieur Roger Girard pour
l’excellent travail fourni tout au long de son mandat.

Des réunions comme celle d’aujourd’hui doivent avant tout servir de point de rencontre facilitant ainsi une meilleure connaissance entre nous, stimulant les énergies. Vous me permettrez quelques remarques sur la situation politique
canadienne actuelle.

Le Canada est actuellement dirigé par un gouvernement central minoritaire et nous devons être continuellement prêts à assumer nos tâches des l’instant où les citoyens seront appelés à se prononcer sur le choix d’un nouveau parlement.

Le Nouveau Parti Démocratique mettra un jour fin à ses perpétuelles crises de conscience, il choisira entre ses principes et ses calculs à court terme de plus en plus difficiles à justifier devant son électorat et ceci marquera la fin du
gouvernement Trudeau.

1.- ELECTIONS DU 29 OCTOBRE

Le Québec a connu, le 29 octobre dernier, une élection qui restera longtemps un cas particulier
dans les annales de notre vie politique.

Je ne voudrais pas me lancer dans une analyse approfondie du dernier scrutin provincial, là n’étant pas le principe de mon propos.

Mais, ces événements étant très frais à votre mémoire,vous me permettrez quelques remarques.
Ce scrutin a été interprété par la grande majorité des commentateurs comme étant une prise de position
en faveur du maintien d’un système, d’un lien fédéral avec les autres parties du Canada.

Bien que le Québec, dans une proportion de 70% a voté pour des formations politiques rejetant
l’idée du séparatisme, cela ne signifie pas cependant que tous soient satisfaits de l’état actuel des choses
mais plutôt que la grande majorité de la population continue de croire dans les bienfaits du régime
actuel.

Malgré des lacunes évidentes de notre fédéralisme, les Québécois refusent de couper les ponts. Ils sont conscients que la structure politique actuelle a permis de placer le Québec au rang des plus prospères États du monde.

Notre province fait partie d’un pays qui, grâce à ses richesses naturelles, sa position
géographique, son potentiel humain et sa jeunesse accédera de pied ferme dans le futur.

Mais 30% de la population, ne voit pas les choses de la même façon. Dégoûtés des politiques centralisatrices, de l’arrogance et du paternalisme de l’administration de monsieur Trudeau ces citoyens rejettent, à tort, le tout sur le dos du
système fédéraliste.

Il est donc de notre devoir d’offrir à la majorité des Québécois un gouvernement central
qui réorientera l’administration actuelle et redonnera ainsi confiance par ses réalisations positives
a cette minorité de la population qui est prête à tout abandonner.
Le but du fédéralisme a toujours été de permettre aux membres composants, ainsi associés,  de parvenir à leur plein épanouissement économique, social et culturel en se dotant d’un cadre. La constitution,
qui assure à chacun son entière autonomie dans certains secteurs tel l’éducation et qui délègue
à une autorité centrale les pouvoirs nécessaires pour régler les problèmes dits d’intérêts nationaux
tel, la politique étrangère, la défense nationale et autres, doit offrir des possibilités permettant à
chaque province de se développer pleinement.

a) Aspect économique

On peut donc ainsi, en cumulant le potentiel de chacune des provinces, atteindre des sommets qui seraient impensables si chaque groupe œuvrait seul dans son coin.

Dans un régime fédéraliste, la croissance d’une province profite I l’ensemble du pays et
à son tour, cette province bénéficie de la prospérité du pays en voyant son marché d’exportation s’étendre
de jour en jour.

Depuis quelques mois, la question du pétrole fait la manchette de tous les journaux, les exportateurs ont haussé leurs prix de façon aberrante. Cette question est d’autant plus importante pour le Québec que les industries de transformation
que l’on tente d’implanter ici de plus en plus, requièrent une quantité énorme de pétrole pour fonctionner.

Les experts sont unanimes à dire que si le prix de cette source énergétique continue de
monter, plusieurs de nos principales industries exportatrices, telles les pâtes et papiers, les produits
chimiques et tout le secteur minier seront dans une position précaire.

On craint que devant cette augmentation des coûts d’opération plusieurs industries perdront une partie de leurs marchés internationaux.

Les industries québécoises ayant des productions limitées, ne peuvent compter sur une
grande quantité de ventes pour compenser l’augmentation des coûts de base. Nos petites industries
exportatrices ne pourraient donc plus faire face à la compétition des grosses industries étrangères.

Le Québec donc, s’il ne pouvait compter sur le pétrole de l’Alberta qui viendra bientôt compléter
nos importations en provenance du Moyen-Orient et du Vénézuéla, devrait se résigner a redevenir un exportateur de matières premières.

Tous savent que le gros des profits se fait par l’exportation de produits manufacturiers plutôt que par celui des matières premières et c’est là qu’il faut constater l’importance de pouvoir se procurer du pétrole à un taux préférentiel pour permettre la survie de nos industries de trans formation.

Bien sûr, le Québec dispose de grandes sources d’énergie électrique mais la transformation de nos usines entraînerait des coûts si élevés que cela n’en vaudrait plus le prix.

De plus, le Québec utiliserait cette énergie qu’il compte vendre aux U.S.A. et perdrait ainsi une importante source de revenus.

b) Aspect administratifs;

Au plan administratif, plusieurs considèrent que deux niveaux de gouvernements peuvent entraîner des dépenses injustifiées, mais rappelons-nous que de toute façon, si le gouvernement central n’existait pas, chacune des provinces devrait multiplier le nombre de ses fonctionnaires pour remplir les tâches que le gouvernement fédéral assume actuellement.

Il est vrai que le gouvernement de monsieur Trudeau en empiétant constamment sur les juridictions provinciales double d’autant les dépenses, mais ceci ne résulte pas nécessairement du système mais plutôt de l’incompétence des dirigeants.

c) Un avenir prometteur

Oublions les options qu’avait le Québec, il y a 200 ans. Cessons de nous demander s’il
n’aurait pas mieux valu ouvrir les bras aux envahisseurs américains à Carillon après la conquête?
Bien sûr, le Québec n’a pas toujours eu sa juste part au long de son histoire, bien sûr,
le déplacement de capitaux vers les provinces anglaises a quelques fois été outrageant mais cessons
d’en rejeter les b à mes sur d’autres et constatons combien souvent nous nous sommes désintéressés de
la vie politique et avons laissé à d’autres le soin de nous administrer.

Le Québec a finalement su se doter d’un gouvernement fort qui a récupéré du gouvernement
central des responsabilités que notre longue apathie avait laissé couler à Ottawa.

De colonie française que nous étions au XVIIe siècle, nous avons su à travers les siècles
conserver notre langue, notre culture, nos coutumes et cela malgré un accroissement constant de la
masse d’anglophones qui nous entourent. Le Québec a gardé son identité propre.

d) Aspect culturel

Cette situation unique au monde, le Québec la doit en partie à la constitution de 1867 qui lui garantie le contrôle de son système scolaire.

Certes, la qualité de notre langue, de notre culture n’a peut-être pas toutes les garanties d’épanouissement mais la faute n’en revient pas uniquement au système politique, ce sont les députés québécois qui votent les lois en matière
d’éducation, et c’est à eux qu’il appartient de réagir.

Je crois qu’il serait utopique de croire que la séparation constitue une garantie pour notre culture, les lacunes dans ce domaine, actuellement, proviennent du Québec et s’il le veut, il peut utiliser les pouvoirs que la constitution
lui réserve pour assurer l’épanouissement de sa culture.

a) Manque de confiance

La principale menace actuellement au  sein du fédéralisme, pour le Québec, est notre manque de confiance en nos possibilités. Cessons de  concevoir le reste du Canada comme un tigre prêt à foncer sur nous.

Les anglophones du pays tout autant que nous, au Québec et peut-être même davantage, tiennent à leur identité, ils savent comme nous ce que signifierait la séparation du Québec pour le reste du pays.

Le fait de s’élever contre certaines revendications du Québec, ne peut pas être interprété
comme un refus global de compréhension. On retrouve autant de désaccords entre les provinces
anglaises et le gouvernement central même si nous en sommes moins bien informés.

b) Un gouvernement central « centralisateur »

Le véritable danger pour le Québec et les autres provinces réside dans la théorie d’un
gouvernement à tendance centralisatrice tel que le Canada en connaît un actuellement.

Le gouvernement libéral fédéral de monsieur Trudeau se plaît, depuis qu’il est au pouvoir,
à mécontenter les provinces. Par son attitude dominatrice il impose ses vues comme bon lui
semble. Beaucoup de citoyens considèrent aujourd’hui que le système politique canadien est inadéquat.
Et n’allons pas tomber dans l’erreur de croire que ces citoyens proviennent uniquement du Québec, au
contraire et là-dessus, les québécois ne sont pas suffisamment sensibilisés. Des autres coins du pays,
les plaintes montent nombreuses, les accusations contre les politiques trop arrogantes d’Ottawa sont fort
documentées.

Depuis la fin du régime Pearson soit depuis l’élection de 1968, la coopération et la consultation
sont difficiles, les capitales provinciales étant trop souvent mises en face d’une décision unilatérale
du gouvernement central.

La technique bien comprise de l’administration du fédéralisme prévoit deux principes.
premièrement, la décision procède d’un dialogue entre les membres et l’organisme central. deuxièmement,
les groupes, loin de constituer des émanations de l’autorité centrale exercent eux-mêmes, en toute souveraineté, les pouvoirs qui leur sont attribués.

Monsieur Trudeau bafoue actuellement cette souveraineté des provinces, il trahit la constitution en s’immisçant, par le biais de son présumé pouvoir illimité dans les juridictions exclusivement provinciales.

Lorsque, par exemple, les provinces ont des obligations envers leurs citoyens et qu’elles
ne possèdent pas les instruments ou les moyens de remplir ces responsabilités, la solution
pour le gouvernement fédéral n’est pas de les remplir à leur place, c’est de leur accorder les instruments
ou les sources de taxation nécessaires. On peut agir de deux façons: soit par un transfert de
fonds, ou soit par un transfert de points d’impôt.

La première façon est dangereuse parce que la tentation est forte pour le fédéral d’attacher aux versements,
toutes sortes de conditions qui provoquent tôt ou tard des conflits. Reste la deuxième: les provinces ont des compétences et elles doivent pouvoir agir en toute souveraineté. Le moyen idéal pour les provinces, c’est d’avoir un champ fiscal
suffisamment vaste pour y puiser les sources financières nécessaires. Pour y arriver, il faudrait se
prêter au dialogue et au compromis qui sont comme nous l’avons vu plus haut, l’essence même du fédéralisme.

Le gouvernement central, par le biais de l’impôt, voit ses revenus augmenter d’année en année, il profite de l’expansion économique du pays.

Cette croissance découle de la prospérité des provinces et ce sont elles qui devraient profiter davantage de l’expansion qu’elles ont provoquées chez-elles. La puissance économique n’est jamais quelque chose d’acquis, on n’a qu’à regarder
la détérioration de la situation américaine depuis une décennie pour s’en rendre compte Il faut sans
cesse travailler et planifier pour assurer le plein rendement et le conserver.

Prenons l’exemple des difficultés économiques régionales, malgré les centaines de millions de dollars dépensés par le gouvernement de monsieur Trudeau, la situation demeure précaire à bien des endroits.
Le gouvernement libéral fédéral actuel agit comme un parasite dans notre développement
économique. Ses politiques nationales ne sont pas assez précises pour régler certains problèmes
locaux. Les mesures prises, sans consultations préalables avec les provinces, se révèlent souvent inefficaces
et quelquefois en contradiction avec les initiatives provinciales.

Un gouvernement décentralisateur, comme le préconise monsieur Stanfield, permettrait aux provinces de disposer de sommes plus considérables et d’assurer la rentabilité des investissements.

L’intervention actuelle du gouvernement central dans l’économie interne des provinces
va à l’encontre des préceptes de notre constitution et ce qui est encore plus grave, nuit au développement
économique des provinces.

Pour ma part, ma conception d’un fédéralisme, respectueux de l’identité culturelle et
des diversités régionales, m’amène à militer au sein du Parti Progressiste Conservateur. Pourquoi?
Peut-être parce que les hommes qui le composent, du moins ceux qui le dirigent ont été amenés à la politique
fédérale à la suite d’une expérience au niveau provincial. Peut-être parce qu’ils ont perçu
que l’attitude du gouvernement central actuel, ses politiques, unilatéralement définies rendraient impossible
le plein épanouissement de leur province.

Monsieur Robert Stanfield, leader du Parti Progressiste Conservateur, en est plus particulièrement
conscient parce qu’il a lui-même été le premier ministre d’une province avant d’accéder à la
direction de son parti. C’est devant l’incompréhension et l’intransigeance des politiciens libéraux
fédéraux, issus pour un grand nombre des rangs de la fonction publique fédérale, que lui et d’autres ont
été conduits à la politique fédérale Il importe à l’équipe de monsieur Stanfield d’assumer le pouvoir
à Ottawa entre-autre, afin de redéfinir les rapports entre le fédéral et les provinces.
Il est évident que le programme de ce parti rencontre mes vues et ma façon de concevoir
le fédéralisme au Canada. C’est en ce sens que la victoire du P.C. peut devenir une solution
politique à la question de l’évolution constitutionnelle.

Le Parti Progressiste Conservateur est la formation politique dont la moyenne d’âge des députés est la plus basse à la Chambre des Communes, c’est avec eux et ce dynamisme de la jeunesse qu’on peut espérer voir renaître le Canada.

Peut-on concevoir un fédéralisme plus souple et qui tient compte des réalités culturelles et des réalités régionales?

il me semble que la réponse à cette question est affirmative. Il importe de souligner
que dans ce domaine, très souvent, les hommes qui dirigent, pèsent énormément l’orientation à donner
aux institutions ainsi, pris au sein d’une même formation politique mais a des époques différentes, les
décisions d’orientation varient énormément. Pensons et opposons le centralisme de monsieur Trudeau à la tactique d’assouplissement de Pearson.

Un parti progressiste conservateur à la tête du pays accepterait de dialoguer franchement avec les provinces leur accordant ainsi les outils nécessaires au contrôle de leur développement et de leur épanouissement.

Le gouvernement Trudeau agit depuis qu’il est au pouvoir avec la plus belle incohérence,
à la fois jaloux et orgueilleux de ses compétences, profitant de son pouvoir illimité de dépenses pour
intervenir dans des juridictions exclusivement provinciales et dans d’autres cas, il se retranche derrière
le partage des pouvoirs pour refuser aux provinces des responsabilités légitimes.

Les fondateurs du Canada ont voulu doter le pays d’une constitution souple afin qu’elle puisse s’adapter à l’évolution sociale, culturelle et économique des composantes.

Il y avait et il y aura toujours danger d’empiétement. Les Pères de la Confédération ont cru que le peuple par son pouvoir d’élire les gouvernements aux deux niveaux, signifierait à ceux-ci, s’il y a lieu, qu’ils outrepasseraient leurs droits.

Et voila que le gouvernement Trudeau pénalise le Québec au plan des politiques sociales son histoire. Une politique monétaire inadéquate est cause d’une poussée inflationniste sans précédent et d’un indice du coût de la vie sans cesse
croissant. Le chef du Parti Libéral fédéral en est rendu à dire, pour justifier son inaction, que cette situation est normale.

Que le premier ministre descende de son piédestal, qu’il freine un instant son orgueil qui le pousse à ne considérer que lui seul peut trouver la solution aux nombreux problèmes qui confrontent le Canada. Des quatre coins du pays des organismes
réputés lui présentent des alternatives mais, Ottawa fait la sourde oreille et préfère laisser se détériorer la situation plutôt que de reconnaître qu’il fait fausse route.

J’ose espérer que les Québécois ne sont pas tombés dans le vieux piège libéral qui consiste à flatter l’orgueil du Québec en leur faisant miroiter « l’espoir » d’avoir un premier ministre francophone. Car à quoi sert cette prétendue gloire si ce premier ministre ne peut résoudre les problèmes auxquels il est confronté.
Il peut être intéressant pour une collectivité d’élire un des siens, mais à condition que
celui-ci n’arbitre pas continuellement en faveur de l’autre de peur d’être taxé de favoritisme; il est
malheureux de le dire, mais n’étions-nous pas mieux servis par monsieur Pearson? Celui-ci acceptait l’évolution
maintenant, c’est le statu quo qui devient la ligne de conduite.

Qu’avons-nous à faire d’un aussi grand nombre de députés libéraux si ceux-ci favorisent continuellement
l’Ouest , Toronto ou le port d’Halifax au détriment du Québec. Quand un homme est assuré
d’avance de son élection, il a tendance à ne pas se préoccuper outre mesure de ses électeurs, et c’est
le cas actuellement des libéraux fédéraux au Québec.

Nous vivons en démocratie, c’est bien de le dire, c’est mieux de le vivre. Pour ce faire,
il est nécessaire de créer l’alternative. L’alternative au pouvoir libéral fédéral c’est le Parti Progressiste
Conservateur, si celui-ci ne répond pas complètement à nos désirs, à nous d’y apporter les
changements nécessaires.

CONCLUSION

La tâche pour les membres du Parti Progressiste Conservateur n’est pas facile. Il devient nécessaire de débarrasser l’esprit des Québécois d’une sérieusement de slogans que les libéraux, à grand renfort de publicité, enfoncent dans la tête des
citoyens.

Le Parti Conservateur est le parti de tous les Canadiens. C’est la formation politique
de tous ceux qui veulent bien s’y joindre. Les portes sont grandes ouvertes aux Canadiens français
et ce, avec leurs désirs et leurs aspirations.

Un parti politique n’est pas statique, il évolue et s’oriente selon l’idée des personnes qui joignent ses rangs. Monsieur Stanfield, depuis qu’il a accédé à la tête de son parti insiste pour une plus grande participation d’éléments
québécois.

Il est convaincu et je suis entièrement d’accord avec lui que son programme peut assurer
l’épanouissement du Québec Il croit au fédéralisme comme la meilleure formule de progrès économique.

Le Canada a trop longtemps connu à sa tête la même formation politique: le parti libéral fédéral est devenu une sorte de pouvoir héréditaire. Les dirigeants actuels du pays ont perdu la réalité d’un système fédéraliste Il se croient
autorisés à décider de tout comme s’ils étaient la seule autorité au pays Ils considèrent les gouvernements
provinciaux comme leurs instruments.

Le Parti Progressiste Conservateur constitue la seule alternative valable dans notre système fédéraliste.

Les citoyens de neuf provinces canadiennes se sont rendus compte de cette réalité lors du dernier scrutin fédéral et je suis convaincu que les Québécois en feront autant au cours de la prochaine campagne électorale.

Il faut accomplir un effort particulier pour s’assurer l’appui de la jeunesse car, ils
ne connaissent que le fédéralisme à la Trudeau, centralisateur et arrogant; ils en sont dégoûtés.
Il faut secouer ce sentiment de défaitisme qui anime les jeunes face à notre système politique.

Le système est excellent en autant que les hommes qui l’appliquent le respecte, le Parti Progressiste Conservateur offre la garantie valable de succès et nous devons en convaincre toute la population.

<Masse19731114>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE PRONONCEE A STE-ADELE SUR LA VOCATION DES LAURENTIDES 14 NOVEMBRE 1973>

La véritable vocation des Laurentides, la pierre angulaire de son développement, c’est le Plein-Air.

Tous ceux qui séjournent régulièrement dans cette partie du Québec ont pu constater et sont
unanimes à déplorer le trop grand désintéressement des autorités en cette matière.

Bien que certaines zones de cet immense territoire sont aptes au développement industriel
comme source de croissance, l’avenir économique des Laurentides réside dans le développement rationnel
des activités de Plein-Air. Ce territoire est un réservoir d’air pur et l’accès à ces espaces à proximité
du grand bassin de Montréal est un privilège géographique et tous doivent en profiter.

La diminution des heures de travail, les facilités de transport ont permis à des centaine
de milliers de citadins d’envahir les Laurentides. Malheureusement, souvent leur implantation s’est faite
dans un contexte d’anarchie.

Sans aide, sans instrument, sans préparation pour recevoir ces nouveaux arrivés, les municipalités utilisent souvent mal cette manne de villégiateurs. Ne voyant en cela qu’une augmentation du nombre de payeurs de taxe, trop de municipalités
se sont laissées envahir de façon désordonnée créant dans certains cas, de véritables bidonvilles.

Il est urgent de se donner un plan d’aménagement afin de corriger les mauvaises situations
et de contrôler rationnellement le développement futur.

Voilà pourquoi il faut préconiser la création d’une zone spéciale à vocation Plein-Air ou les trois niveaux de gouvernements fédéral, provincial et municipaux, après concertation, se partageraient les frais de développement.

Les gouvernements ont trop longtemps négligé ce territoire, devenu pour des centaines de milliers de citoyens, l’endroit de repos et de rêve.

Nous devons réagir avant qu’il soit trop tard.

<Masse19731116>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE « MIRABEL CINQ ANS APRES » 16 NOVEMBRE 1973>

En 1969, Ottawa faisait connaître sa décision de construire un aéroport au Québec dans la région de St-Scholastique; le gouvernement libéral fédéral prenait cette décision, comme à son habitude, sans consultation véritable avec la province
intéressée.

Bien que la réalisation de l’aéroport soit à la charge du gouvernement fédéral, tout cela entraîne des dépenses importantes pour le gouvernement du Québec: l’aménagement du territoire, la construction de routes d’accès et les problèmes d’environnement relèvent de la compétence du gouvernement provincial. De plus, l’orientation du développement
économique d’une région devrait relever prioritairement de l’administration provinciale et de ce
fait le Québec avait son mot à dire au chapitre de l’aéroport. L’argent dépensé dans un tel projet
(on parle de près d’un milliard au total) provient en grande partie des contribuables du Québec,
et le gouvernement libéral de monsieur Trudeau aurait dé laisser la porte ouverte au dialogue plutôt
que d’imposer son choix personnel. Le premier ministre actuel, tout au long des neuf mois écoulés
entre l’annonce du projet et la décision finale, est demeuré indifférent aux requêtes du Québec. Encore
une fois, son attitude intransigeante a prévalu sur le dialogue, essence même d’un système fédéraliste comme le nôtre.

L’expropriation des terres nécessaires à la construction de l’aéroport, telle qu’elle s’est
effectuée à St-Scholastique est une des plus injustes jamais réalisée par un gouvernement fédéral dans toute
l’histoire du Canada.

Le gouvernement libéral d’Ottawa qui accordait plus de 300 millions pour exproprier les terrains nécessaires pour la construction de l’aéroport de PICKERING en Ontario, n’accordait que 125 millions pour la région de St-Scholastique. De plus, la superficie expropriée pour le futur aéroport de Mirabel était près de cinq fois celle de PICKERING près de Toronto.

Monsieur Jean Marchand, ministre des transport et responsable de cet état de fait, a tenté
d’expliquer la situation de mille manières et d’autant de sophismes mais la véritable raison en est
simple; on a utilisé deux poids deux mesures. Le gouvernement libéral fédéral a exproprié sous deux
lois différentes ce qui lui a permis d’accorder davantage aux propriétaires de PICKERING par rapport à
ceux de MIRABEL. Se croyant assuré d’une victoire facile de son parti au Québec et constatant sa faiblesse
dans la région de Toronto, monsieur Trudeau a voulu s’attirer les bonnes grâce s des électeurs ontariens
en augmentant la compensation aux expropriés.

Le gouvernement libéral fédéral a exproprié pour MIRABEL plus de terrains que ses besoins
actuels en réclamaient, privant ainsi plusieurs propriétaires d’un capital foncier appelé à prendre énormément
de valeur. Moins de 50% des 91,000 acres expropriées actuellement seront utilisées avant 1985,
le reste des terrains sera loué à très gros prix aux investisseurs intéressés par le développement de MIRABEL.
Le gouvernement de monsieur Trudeau cherche à faire des profits aux dépens des Québécois; il s’approprie
pour une bouchée de pain des terrains qui vaudront de l’or dans quelques années. Le gouvernement libéral fédéral au lieu de dépouiller les expropriés comme il le fait actuellement aurait dû se réserver la superficie de terrain qu’il escompte
utiliser à mesure du développement de MIRABEL et le moment venu, exproprier les terrains à leur
juste valeur marchande pour l’époque. Ainsi les résidents des environs de MIRABEL auraient profité
eux-mêmes de l’implantation d’un aéroport. Les terres québécoises font partie de nos richesses naturelles
et il faut que ces formes d’exploitation cessent.

Le gouvernement libéral fédéral reconnaît tacitement qu’il a exproprié plus de terrains qu’il en a réellement besoin. Ainsi, il cherche à louer aux anciens propriétaires les terres qu’il a expropriées Il veut reprendre en loyer le
capital versé lors de l’expropriation, ce qui faisait dire récemment à quelqu’un et de façon très
pertinente que l’équipe libérale cherche à financer l’expropriation par les expropriés eux-mêmes.

Si on s’arrête quelques instants sur cet aspect du problème , on constate que le jour ou le gouvernement
aura réellement besoin de ces terres, il signifiera leur congé aux locataires et entrera en
possession des terrains qui ne lui auront rien coûté et avec lesquels, dans certains cas, il aura fait des profits.

Le gouvernement de monsieur Trudeau est en train de créer la misère chez les expropriés de St-Scholastique; il fait miroiter aux yeux de la population des indemnités, qui à première vue semblent raisonnables mais qui s’avèrent très insuffisantes
lorsqu’il s’agit de s’installer ailleurs.
Le coût de la vie dans les villes est si dispendieux que rapidement les ex-résidents de
St-Scholastique se retrouvent sans le sous et dans la misère. Pendant ce temps, les députés libéraux
fédéraux n’osent lever la voix devant ces injustices; à quoi sert au Québec d’avoir une si forte
représentation libérale si ceux-ci sont continuellement muets devant les injustices.

Le ministère de monsieur Jean Marchand, responsable en matière de transport aérien,
signe depuis quelques années des ententes avec les transporteurs en vue d’attirer davantage le flot
de voyageurs en direction de Toronto plutôt que Montréal. Dorval longtemps le plus gros aéroport
canadien c?de son titre à celui de Toronto; comme en matière maritime, Montréal sur le plan des
transports s’essouffle et perd du terrain par rapport à ses concurrents canadiens.

MIRABEL, cependant, s’il était bien administré pourrait peut-être permettre au Québec de prendre une place enviable dans le domaine des transports. Grâce au modernisme de ses installations et à l’utilisation des dernières techniques
de transport, MIRABEL pourrait devenir un des plus grands centres de transport de marchandises, par
voie aérienne, en Amérique du Nord. L’engorgement des grands aéroports américains comme ceux de New-
York et de Chicago ouvrent un excellent marché pour les aéroports adaptés au transport de marchandises.
MIRABEL, en 1985, devrait pouvoir manipuler 710,000 tonnes de marchandises, soit 7 fois la capacité actuelle
de Dorval.

Le potentiel est la, mais pour y parvenir, il faudra beaucoup de travail et de clairvoyance; le gouvernement libéral fédéral actuel s’applique malheureusement à saboter nos chances de succès. Le président de l’Association des transporteurs
aériens, organisme qui a fait sa marque depuis plusieurs années en ce domaine, déplore la pénurie
d’information en provenance des administrateurs de MIRABEL Il conçoit mal pourquoi le gouvernement
fédéral a fait appel à lui si aucune information ne leur est donnée sur l’aménagement des installations
et si aucune des recommandations faites par eux ne sont suivies Il considère ce manque de collaboration
comme une attitude négative de la part du gouvernement qui aurait au contraire, tout à gagner
d’un franc dialogue. De son côté, le vice-président de l’Association des camionneurs du Québec déplore que le gouvernement fédéral n’ait pas davantage mis l’accent sur le réseau routier qui devra relier MIRABEL à Montréal. Le futur aéroport ne pourra atteindre son plein épanouissement que si on peut y parvenir rapidement et distribuer les
marchandises dans toutes les directions.

MIRABEL coûtera énormément cher aux Québécois et à tous les Canadiens, si on n’assiste pas à un changement radical dans l’attitude du gouvernement Trudeau, on risque de se retrouver avec un éléphant blanc sur les bras.

<Masse19731126>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE « LE PRIX EXORBITANT DE L’ESSENCE ». 26 NOVEMBRE 1973>

Depuis le mois de décembre 1972, le prix de l’essence est passé de 50.9 cents le gallon à environ 58 cents; ces dernières hausses font suite à une sérieusement d’augmentations aussi peu reluisantes tout au cours de 1971 et 1972.

Ces hausses sont causées, aux dires des compagnies pétrolières, par les nouveaux prix
décrétés sur le pétrole brut par les pays exportateurs, par les coûts majorés du transport maritime,
par les augmentations de salaire et, encore, par les dépenses accrues dues à l’achat de nouveaux systèmes
de raffinage anti-polluant. Rien dans leur analyse cependant ne laisse apparaître jusqu’où leur désir exagéré de profits gonfle ces augmentations.

Le prix de l’essence, en un peu plus de deux ans, a subi une majoration de 15 cents le
gallon. Compte tenu, en plus, du système anti-pollution qui accroît la consommation des modèles récents,
il en résulte qu’un automobiliste qui devait prévoir une somme de $5.25 pour franchir 200 milles
il y a deux ans, doit maintenant consacrer environ le double de cette somme, au chapitre de l’essence,
dans son budget.

Ajoutés à cette dépense, l’augmentation du prix des voitures, la dévaluation du dollar, les frais toujours plus élevés d’entretien; une voiture devient de nos jours, un luxe des plus dispendieux.
Cette situation devient alarmante au moment où la pollution de l’air et l’insuffisance des transports publics, obligent, d’un côté, les citoyens à quitter leurs villes pour chercher l’air pur nécessaire à leur santé et de l’autre, à utiliser
une voiture pour se rendre rapidement à leurs lieux respectifs de travail. Vues sous cet angle,
les fluctuations de prix de l’essence ne devraient pas être laissées à la seule discrétion des compagnies
pétrolières mais le gouvernement canadien devrait s’y intéresser de façon à vérifier le bien fondé de toutes ces augmentations Il est vrai que dans la situation mondiale actuelle, le pétrole, comme le reste, est touché par les augmentations mais nos dirigeants politiques devraient voir à ce que les compagnies pétrolières ne profitent pas de ce
paravent pour gonfler effrontément leurs coffres aux dépens d’individus sans défense.

Le Canada a la chance de posséder des réserves de pétrole dignes de meilleurs pays du Moyen-
Orient et d’Amérique du Sud, c’est dans ce sens que la solution a notre problème se trouve. Le gouvernement
fédéral devrait s’intéresser particulièrement à la question pétrolière de façon à faire profiter
l’est du pays de tout ce pétrole que l’Alberta exporte vers les États-Unis. Il y a dix ans le pétrole étranger nous revenait à un prix beaucoup moindre que celui de l’ouest du pays, mais dans le contexte économique de 1973, la situation change.
La transformation de la fameuse ligne Borden et les prévisions budgétaires au chapitre de l’exploitation
et l’exploration du pétrole ne sont que quelques moyens parmi tant d’autres qui permettraient
aux canadiens d’utiliser leur propre énergie, plutôt que de chercher ailleurs ce qu’ils ont chez-eux. Dès maintenant des efforts doivent être faits pour accélérer l’exploration dans le Golfe St-Laurent et sur le plateau continental et pour développer au maximum les réserves de l’ouest. Sans cette action immédiate, il faudra bientôt payer plus de un dollar pour vin gallon d’essence.

Pour sa part, le Parti Conservateur voit la solution au problème de l’essence dans l’élaboration d’une politique canadienne en matière d’énergie. Un organisme responsable aurait déjà pu prévoir les hausses que nous vivons actuellement,
il aurait pu conseiller le gouvernement dans la détermination de ses priorités Il y a des années que
les spécialistes nous assurent de la présence d’immenses couches de pétrole dans l’est du pays, pourquoi
n’y a-t-il pas eu de recherches planifiées dans ce secteur.

Le problème du pétrole, actuellement, pourrait bien être celui de l’électricité ou de l’uranium demain. Le Canada est un pays immense avec des moyens et des besoins différents, il devient donc primordial d’assurer et d’agencer tous les efforts si nous voulons assurer un développement optimum pour le mieux être de tous.

<Masse19731208>
<TEXTE DE MONSIEUR MARCEL MASSE SUR LA PENURIE DE PETROLE 8 DECEMBRE 1973>

Y aura-t-il une pénurie de pétrole cet hiver? Si oui, quels en seraient les effets?

Bien malin celui qui pourrait le dire actuellement. Chose certaine, la situation se détériore de jour en jour. Monsieur Robert Bourassa, il y a moins d’un mois, répétait que le Québec n’aurait pas à faire face à une pénurie; mais ces jours
derniers, on a pu constater un changement dans ses déclarations Il parle désormais avec moins de certitude
et il laisse entrevoir certains doutes pour la fin de l’hiver.

De son côté, le ministre canadien de l’énergie, en septembre dernier, ne prévoyait pas une baisse importante dans nos importations; il parlait alors de 70,000 barils par jour. Cependant, ses propos au cours des dernières semaines
laissent entrevoir des diminutions plus importantes de l’ordre de 200,000 barils vers la fin de l’hiver.

Plusieurs raisons ont occasionné ce revirement de la situation. En premier lieu, sur la scène mondiale; la guerre du Moyen Orient, un changement radical dans la politique de notre principal fournisseur, le Vénézuéla, et une demande mondiale croissante des pays en voie d’industrialisation.

En second lieu, l’incohérence d’une politique canadienne en matière d’énergie et une
imprévoyance du gouvernement libéral fédéral ont aggravé la situation. Le Canada possède en effet,
une quantité suffisante de pétrole pour suffire à ses propres besoins mais plusieurs lacunes nous empêchent
d’en profiter.

Jeudi soir dernier. Monsieur Trudeau, dans un ultime effort pour sauver son gouvernement, annonçait une sérieusement de mesures incomplètes qu’il qualifiait de politique nationale en matière d’énergie.

Ces dispositions ne règlent aucunement la crise actuelle mais constituent des friandises pour s’assurer l’appui du N.P.D.

il faut bien se rendre compte que ces mesures ne modifient en rien la situation au Québec. L’essence continuera d’augmenter ainsi que l’huile à chauffage car la politique fédérale ne prévoit rien pour l’Est du pays.

Toutes les mesures annoncées n’ont trait qu’au pétrole canadien et le Québec ainsi que les Maritimes devront continuer à s’approvisionner au Vénézuéla et au Moyen Orient où les prix ne cessent d’augmenter.

Encore une fois. Monsieur Trudeau se désintéresse des Québécois, il gèle les prix du pétrole pour l’Ontario et les provinces de l’Ouest et ne prévoit aucun mécanisme pour protéger les consommateurs québécois.

Le Parti Progressiste Conservateur reproche au gouvernement Trudeau son indifférence face
qu Québec. Ce dernier laisse les prix augmenter dans l’Est et sabote un brillant avenir dans le domaine de l’industrie pétro-chimique Il compromet le projet d’un super-port et, comble d’arrogance, il refuse d’accorder au Québec les privilèges
octroyés au reste du pays.

La situation actuelle aurait pu être évitée si le gouvernement de Monsieur Trudeau avait fait preuve d’un peu de prévoyance.

Dès 1969, le Parti Progressiste Conservateur de Monsieur Stanfield anticipant la crise présente,
insistait pour la construction immédiate d’un oléoduc entre Sarnia et Montréal.

Des programmes de recherche mieux orchestrés dans le passé auraient permis au Canada
de disposer de nouvelles sources d’approvisionnement. Plusieurs gisements dont on connaît les
emplacements existent en Arctique et sur le Plateau continental de l’Atlantique, mais la lenteur de
l’exploration ne laisse prévoir leur commercialisation que dans quelques années.

Il faut bien se rendre compte que les réserves mondiales de pétrole baissent dangereusement
et il importe de prévoir des aujourd’hui, le jour où elles seront épuisées. Monsieur Robert Stanfield préconise entre autre que nous nous mettions tout de suite à la tâche pour exploiter de nouvelles sources d’énergie (telle l’énergie
atomique) afin de parvenir progressivement et sans heurt à adapter nos industries.

Le Canada dispose d’immenses ressources d’uranium et nous devons rapidement passer
du stage expérimental à celui de l’utilisation courante.

C’est donc l’imprévoyance du gouvernement libéral fédéral qui nous a conduit à cette crise et à une situation précaire qui entraîne une nouvelle hausse des prix tout à fait injustifiée.

Le Canada ne peut encore longtemps se payer le luxe d’un gouvernement libéral. Monsieur Trudeau a été incapable de prévenir la crise actuelle et rien n’indique qu’il parviendra à la circonscrire.

<Masse19731211>
<TEXTE DE MONSIEUR MARCEL MASSE SUR L’ADMINISTRATION LIBERALE FEDERALE 11 DECEMBRE 1973>

Le parlement canadien concentre ses énergies depuis déjà plusieurs semaines afin de
régler, sinon amoindrir, les effets de l’actuelle crise en matière d’énergie, résultat direct de
l’imprévoyance du gouvernement libéral fédéral.

Tous les efforts déployés par le Parti Progressiste Conservateur et son chef, monsieur
Robert Stanfield, pour forcer le gouvernement libéral fédéral à prendre ses responsabilités
ont produit des effets positifs mais l’alliance libéral – N.P.D., pour la conservation du pouvoir, laisse subsister de nombreux autres malaises.

Statistique-Canada faisait connaître hier, les chiffres relatifs au chômage et à l’indice du coût de la vie pour le mois de novembre: aucune surprise, l’inflation progresse de plus en plus rapidement tandis que la situation du chômage s’aggrave.

Depuis 1969, époque où monsieur Trudeau est intervenu pour la première fois dans des questions d’économie nationale, la situation au Canada n’a cessé de se détériorer: le taux de chômage est passé de 4.9% à 6.6%, tandis que l’inflation de son côté ne cessait de gruger le pouvoir d’achat.

Une étude récente démontre que le chômage et l’inflation affectent davantage le citoyen à faible revenu sans pour autant épargner les autres. L’année dernière, plus de 16% de la masse ouvrière, a connu une ou plusieurs semaines de chômage.

Les chiffres de cette analyse nous laissent perplexes; en effet, 20% de ces chômeurs proviennent de familles dont le revenu annuel était inférieur à $4,000. et un autre 50% de cette masse de sans travail était issu de familles touchant entre $4,000. et $11,000. par année.

L’étude a démontré en outre que 52% des chefs de famille qui ont subi une période de chômage gagnaient annuellement un revenu inférieur à $7,000. Seulement 6% des chômeurs touchaient habituellement plus de $15/000. par année. Ces chiffres
démontrent donc qu’en situation de crise, les premiers à en souffrir sont les ouvriers à faible
revenu. Ces hommes ayant leur destin lié directement à la croissance économique du pays, ils sont
les premiers à subir les effets d’un ralentissement.

Au Québec, 33.6% des chefs de familles ont connu une période de chômage. En Ontario, durant la même époque, le pourcentage s’élevait à 28.3% comparativement à 13% pour les Prairies, 12.9% pour la Colombie Britannique et 12.2% pour
les provinces de l’Atlantique. En nombre absolu maintenant, c’est-à-dire en considérant la somme
de tous les travailleurs, le Québec est la province la plus durement atteinte avec un taux de chômage
de 32.3% comparativement à 29.8% pour l’Ontario, 13.8% dans les Prairies, 12.5% en Colombie
Britannique et 11.7% dans les provinces de l’Atlantique.

Le chômage, en plus d’affecter les chefs de famille et les ouvriers à faible revenu, touche aussi principalement les jeunes et les personnes peu instruites. Les chiffres démontrent que 40% des chômeurs ont moins de 24 ans et que 65.5%
des sans travail n’ont terminé que leurs études secondaires.

L’imprévoyance et l’indifférence du gouvernement se traduit par un gaspillage éhonté de toute cette énergie dont le Canada a besoin pour parvenir à son plein épanouissement.

La seule réponse du gouvernement Trudeau face à ce problème épineux a été de créer des programmes de Perspective-Jeunesse et des programmes d’initiatives Locales.

Encore une fois, le Parti Libéral Fédéral fait fausse route. La technique employée dans
la sélection des projets de Perspective-Jeunesse porte préjudice à certains groupes. La vaste majorité
des jeunes, a qui normalement devraient s’adresser de tels programmes n’ont pas l’instruction pour
préparer des mémoires aptes à retenir l’attention des fonctionnaires Il en résulte donc qu’en majorité
ce sont des étudiants qui profitent de ces subventions et qu’une grande proportion de jeunes qui
nécessitent une aide financière demeurent dans l’oubli.

D’autre part, les programmes d’initiatives Locales introduits pour la première fois en 1971 par le gouvernement de monsieur Pierre Elliott Trudeau n’ont pas su parvenir aux buts qui leur avaient été fixés c’est-à-dire: « d’encourager et d’amener les canadiens à participer à l’élaboration et à l’adoption de nouveaux programmes, projets et services au niveau de la communauté ».

Ces programmes avaient un second objectif : « aider le plus possible la communauté en créant le plus grand nombre d’emplois possible ».

L’analyse des subventions versées en 1973-74 démontre une autre réalité: les circonscriptions conservatrices dans chacune des provinces ont obtenu des subventions en moyenne inférieures à celles versées dans les comtés libéraux.

Si l’on examine les circonscriptions une à une, on remarque que les plus fortes allocations moyennes sont allées aux circonscriptions libérales et que les plus basses sont allées aux circonscriptions conservatrices.

Un exemple parmi tant d’autres de cet état de chose déplorable se concrétise dans deux circonscriptions ontariennes soit celles de Trinity et de Rosedale.

La circonscription de Trinity représentée en Chambre par le député conservateur, Paul Hellyer et
comptant 81,075 habitants dont le revenu moyen était l’un des plus bas de la province n’a reçu que $103,000.
en 1973-74 au terme de programmes d’initiatives Locales.

D’autre part, durant la même période, les habitants de la circonscription de Rosedale considérée
en terme de revenu moyen per capita comme l’un des comtés les plus riches de l’Ontario et représenté
en Chambre par le ministre libéral Donald MacDonal, a profité de programmes d’initiatives locales
pour une somme totalisant $529,000. dollars.
Une telle situation démontre un patronage politique intolérable. Les libéraux fédéraux tentent de cacher l’échec de leur politique économique en distribuant ici et là des centaines de milliers de dollars.

Les Canadiens connaîtront au cours des mois à venir un de leur plus dur hiver. La hausse vertigineuse du prix du
pétrole viendra alourdir le fardeau des citoyens et réduira d’autant leur pouvoir d’achat.

Une technicité viendra par surcroît  aggraver la situation des retraités et des citoyens bénéficiaires de prestations du gouvernement.

L’indice des prix à la consommation n’est pas conçu de la manière à tenir compte des effets engendrés par la hausse soudaine des prix dans les secteurs particuliers de dépenses. Par conséquent, les hausses de l’indice des prix à la
consommation qui seront enregistrées cet hiver ne pourront évaluer, sur les produits dérivés, l’effet
exact de la hausse des prix du pétrole.

Il en résultera donc que les pensions dont l’ajustement trimestriel est effectué à partir
du taux d’inflation qui s’évalue à son tour à partir de l’indice des prix à la consommation, ne pourra correspondre à la réalité.

Nos vieillards, nos retraités, nos assistés sociaux, nos anciens combattants, devront
donc, soit couper sur la nourriture, soit couper sur le chauffage, soit couper sur les vêtements s’ils veulent boucler leur budget cet hiver.

Le gouvernement libéral fédéral tarde à adopter des mesures aptes à assurer des solutions
à long terme aux problèmes de chômage et d’inflation. Des spécialistes, comme le rapportait récemment
la revue anglaise « The Economist » s’accordent à dire que le gel des prix et des salaires est la seule méthode efficace pour combattre l’inflation.

Monsieur Robert Stanfield, Chef du Parti Progressiste Conservateur préconise depuis plusieurs mois l’application de telles mesures; un gel des prix, des salaires, des profits, des taux d’intérêts et des loyers suivi d’un programme temporaire
de contrôle lui-même appuyé par des politiques monétaires et fiscales significatives, permettraient de replacer le Canada sur le chemin de la prospérité.

<Masse19731211>
<TEXTE DE MONSIEUR MARCEL MASSE POUR UNE CONFERENCE DE PRESSE SUR L’ENERGIE A CHICOUTIMI 11 DECEMBRE 1973>

Depuis quelques années, les consommateurs canadiens doivent faire face à l’augmentation
sans cesse grandissante du coût de la vie. En 1973, le problème a atteint un niveau tel qu’au
mois de septembre de cette année l’indice des prix à la consommation a avancé de 0.6%, soit la plus
forte augmentation depuis au moins les 13 dernières années pour la période s’étalant du mois d’août à
septembre, et la plus forte augmentation depuis les 20 dernières années pour une période de 12 mois.

Cet hiver, la question de l’inflation sera encore plus aggravée par la crise de l’énergie. Le Canada subit sa propre crise de
l’énergie, indépendamment de la crise énergétique mondiale qui subsiste. Bien que la guerre au Moyen-
Orient et la crise de l’énergie aux États-Unis soient des événements qu’il ne faut pas ignorer, il
n’en demeure pas moins que ce sont des facteurs secondaires qui contribuent à compliquer le problème
qui subsiste au Canada.

La majeure partie du problème qui existe au pays aurait pu être évitée si le gouvernement
fédéral avait entrepris dès le début de la crise, des consultations sérieuses avec les provinces, les
sociétés et le public en général. Le Canada est sans politique énergétique depuis près de 10 ans. Il s’ensuit que le gouvernement fédéral s’empêtre en cherchant désespérément à la dernière minute à apporter des solutions à notre propre crise de l’énergie Il adopte des mesures à court terme sans toutefois savoir quelles seraient les bonnes
solutions à long terme.

Le 4 septembre 1973, le Premier Ministre Trudeau a annoncé le gel des prix du pétrole
brut jusqu’en janvier 1974. Le 13 septembre ’73, le gouvernement a émis les lignes directrices sur
le gel des prix de l’essence, du mazout et des produits dérivés du pétrole.

Aux Communes le 1er novembre 1973, le Ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources,
monsieur Donald MacDonald, dans une nouvelle politique supposément complète a annoncé la
levée du gel des prix et a accordé le droit aux compagnies pétrolières de hausser, dans un premier
temps, de 2 cents le gallon le prix du pétrole et du gaz dans toutes les régions situées à l’Est
de l’Outaouais et, dans un deuxième temps, de 3 à 4 cents, hausse qui entrera en vigueur avant la fin
du mois de novembre.

Le Ministre a également informé la population que la présente taxe à l’exportation de 40 cents sur le baril de pétrole brut sera portée à $1.90 en décembre, et qu’il a l’intention de donner suite aux demandes des détaillants de hausser
immédiatement le prix du mazout à l’Ouest de la vallée de l’Outaouais, plus particulièrement en
Ontario et en Colombie-Britannique.

La taxe de $1.90 à l’exportation rapportera, en revenus, au mois de décembre, au gouvernement
fédéral, environ 60 millions de dollars. La hausse de cette taxe déclarée unilatéralement par
Ottawa a aggravé le conflit entre le gouvernement fédéral et la province de l’Alberta au sujet des
droits constitutionnels. Cette décision, qui quadruple la taxe à l’exportation sur le pétrole brut a été faite sans le consentement préalable, et à l’insu du gouvernement de l’Alberta. En agissant de la sorte, le gouvernement fédéral libéral a provoqué la rupture des relations en matière énergétique avec la plus importante province productrice
de pétrole. Le 5 novembre 1973, le gouvernement de l’Alberta a rompu toutes relations en matière
énergétique avec le gouvernement fédéral et a déclaré qu’il mettrait sur pied un marché pétrolier
indépendant de l’autorité fédérale.

L’aspect le plus inquiétant de la déclaration de la politique énergétique de M. MacDonald c’est qu’elle n’est tout simplement qu’une mesure à court terme dont le but est de faire momentanément échec au problème qui existe. Lorsque
le gel des prix sera levé le 1er février, le gouvernement n’aura aucun programme pour éviter la
hausse inévitable des prix.

Le consommateur, parce que le gouvernement n’a pas élaboré des programmes à long terme
et qu’il ne semble pas intéressé Š le faire, devra  s’attendre à subir les effets d’une nouvelle hausse
des prix et à un manque des approvisionnements cet hiver.

L’augmentation de 2 cents du prix du gallon exigée par les raffineries de l’Est du pays va contrebalancer pour l’augmentation du prix du pétrole annoncée au début du mois d’octobre par les pays du Moyen-Orient et le Vénézuéla, mais ne compense
pas pour l’augmentation annoncée à la fin d’octobre par ces mêmes pays. C’est pourquoi le
gouvernement a déclaré qu’on devra s’attendre à une autre hausse de 3 à 4 cents du gallon.

Il semblerait bien que si les pays étrangers décidaient d’augmenter à nouveau le prix
du pétrole brut, il s’ensuivrait une augmentation proportionnelle des prix pour le consommateur. C’est du moins ce que la déclaration de monsieur MacDonald en matière de politique énergétique laisse
entrevoir.

il est permis de croire, voire même de s’attendre à ce que les Canadiens se rendent compte qu’il faudra y mettre le prix pour trouver une solution à la crise de l’énergie. Cependant, il serait faux de croire que les Canadiens seront
heureux de payer pour ne rien recevoir en retour du gouvernement fédéral.

Le gouvernement fédéral a récemment annoncé sa décision de mettre fin de façon graduelle aux activités du Conseil canadien des ministres des Ressources.

Ce conseil a été institué dans le but de fournir un point de rencontre commun aux gouvernements
provinciaux et aux Territoires du Nord-Ouest pour que soient abordées et possiblement résolues
les questions conjointes de gestion des ressources.

Le Parti Progressiste Conservateur soutient que si le gouvernement avait employé une
bonne méthode de consultation, des programmes concrets auraient pu être élaborés réduisant ainsi l’impact
de la crise mondiale de l’énergie sur le consommateur canadien.

Selon les termes de M. Alvin Hamilton, député progressiste conservateur et critique en matière de l’énergie, « Pour nous, consultation veut dire établir de concert avec les provinces, des programmes concrets en vue de l’exploitation
quantitative et qualitative optimale de nos ressources. Dans la conjoncture actuelle, ceci veut dire
coordonner nos programmes actuels avec ceux des provinces productrices de pétrole et de gaz afin de prémunir
les consommateurs contre la crise énergétique mondiale. Cela veut dire accorder la priorité à toute
politique positive visant à élargir nos industries existantes et à en créer de nouvelles en nous fondant sur l’utilité comparative du pétrole, du gaz, de l’uranium, du charbon et de l’énergie hydro-électrique.
Les provinces disposant de ressources énergétiques ont attendu longtemps l’avènement de l’industrialisation
chez elles. C’était pour elles l’occasion tant rêvée ».

Le Parti Progressiste Conservateur formera le prochain gouvernement Il prévoira des moyens
de transport efficaces pour acheminer le carburant des régions d’excédent aux régions déficitaires, résoudra
la question de l’entreposage et celle des problèmes d’ordre humanitaire concernant les gens pour qui le carburant est si important durant l’hiver et comblera enfin les aspirations et les désirs des provinces
productrices et leurs ambitions pour les années à venir, en tenant toutefois compte des besoins
des consommateurs.

il est important que le gouvernement cherche d’autres sources énergétiques pour remplacer
le pétrole, le gaz et le charbon qui sont des ressources non renouvelables.

Le 7 novembre 1973, le Président Nixon, lors d’une déclaration à la Nation Américaine faite
à la télévision, a déclaré que son gouvernement tenterait d’ici 1980 de trouver des solutions pour suffire à la demande énergétique du pays. On évalue à 20 milliards de dollars la somme que les États-Unis devront accorder à la recherche et au développement. Présentement, le Canada n’accorde presque rien à cette recherche parce que le ministère de
l’Énergie, des Mines et des Ressources concentre toutes ses activités sur les ressources non renouvelables.

Le Parti Progressiste Conservateur insiste pour que le gouvernement établisse une Commission
Nationale de l’énergie responsable de se rendre dans d’autres pays acheter du pétrole. Il croit que le gouvernement devrait donner suite à l’offre faite par le Vénézuela à savoir que ce pays vendrait des hydrocarbures à tout pays pourvu
que celui-ci ait établi un organisme d’État agissant à titre d’acheteur. Tout récemment, le
gouvernement vénézuélien a réitéré la position qu’il a prise il y a cinq ans. Monsieur Robert Stanfield,
Chef du Parti Progressiste Conservateur, croit qu’il serait sage pour le gouvernement canadien
d’instituer immédiatement une telle Commission afin de procéder à l’achat de pétrole.

Il est impératif que le gouvernement agisse dans les plus brefs délais.

<Masse19731214>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE SUR LE PARTI LIBERAL FEDERAL 14 DECEMBRE 1973>

Au contraire de ce que plusieurs peuvent penser, la balance du pouvoir n’est pas entre les mains du N.P.D. mais plutôt entre celles des 54 députés libéraux du Québec.

Comment se fait-il que le N.P.D. réussisse à influencer le gouvernement pour privilégier
les provinces où sa représentation est la plus grande, tandis que nos députés libéraux du Québec ne par
viennent même pas à nous assurer les privilèges dont le reste du pays bénéficie.

Le Québec est pénalisé par sa cohorte de députés libéraux fédéraux actuellement à la tête du pays; plus durement que les autres provinces, le Québec souffre de la léthargie et des politiques incohérentes du gouvernement Trudeau.

Malgré l’appui massif des Québécois qui leur a donné le pouvoir à Ottawa lors des dernières
élections, le gouvernement libéral fédéral se désintéresse du sort de cette partie du pays.
Il va même jusqu’à vendre le Québec comme tout récemment, dans sa politique en matière de pétrole.
Devant la crise énergétique qui se dessine, monsieur Trudeau a gelé le prix du pétrole en Ontario et dans l’Ouest du pays. Cependant, là encore, le Québec a été oublié. Cette mesure, appliquée chez-nous, aurait mis un terme aux augmentations
qui font que déjà, le gallon d’essence nous coûte ici, 10 sous plus cher que chez nos voisins de l’Ouest. Mais monsieur Trudeau s’y est refusé; l’essence, l’huile à chauffage continuent d’augmenter tout au long de l’hiver tandis que le
reste du Canada verra les prix demeurer fixes grâce à l’instauration de ce gel.

Encore une fois, monsieur Trudeau a fait la sourde oreille aux recommandations de monsieur Robert Stanfield qui préconisait que le gouvernement fédéral assume, à partir du Trésor public, les hausses engendrées par la pénurie mondiale.
Une telle mesure aurait stabilisé les prix à travers tout le pays et, le Québec, comme c’est le cas actuellement, n’aurait pas eu à souffrir plus que les autres provinces de la crise actuelle.

Cette injustice flagrante n’est pas la seule qui caractérise l’attitude du gouvernement Trudeau face au Québec. Pensons Š St-Scholastique, où les expropriés ont dé se contenter de compensations 10 fois inférieures à celles versées aux expropriés du futur aéroport de Pickring en Ontario. Messieurs Trudeau et Marchand ont bien tenté de se justifier par des raisons toutes aussi incompréhensibles que fausses mais la bonne foi à des limites.  On ne peut éternellement leurrer la population.
Le Parti Libéral Fédéral trahit le Québec, il utilise son imposante représentation pour masquer ses échecs et ses injustices plutôt que pour solutionner les nombreux problèmes qui assaillent notre pays.

Monsieur Trudeau s’efforce de limiter les critiques et de faire croire à l’efficacité de son administration dépensant des dizaines de millions de dollars dans des projets temporaires, comme « Initiatives locales » et « Perspective
Jeunesse ».

De tels programmes suscitent beaucoup d’intérêt mais leur caractère passager leur enlèvent toute valeur dans la lutte que doit mener le pays pour sauver son économie.

Combien de projets valables ont été abandonnés par le gouvernement après 6 mois ou un an d’opération parce qu’ils ne servaient plus aussi efficacement la publicité du Parti Libéral Fédéral.

Plusieurs raillions ont été ainsi dépensés et malgré cela, la situation ne cesse de se détériorer.
Monsieur Trudeau a commis toutes les fautes qui lui enlèvent le droit de continuer à
administrer le pays. Mais, l’appui aveugle du N.P.D. laisse subsister une situation qui compromet dangereusement
la prospérité du Canada pour les années à venir.

La crise économique actuelle qui se traduit par un taux de chômage intolérable et un indice du coût de la vie sans cesse croissant, nécessite une intervention énergique tel que le préconise le Parti Progressiste Conservateur
c.a.d.: le gel des prix, des salaires, des loyers et des intérêts.

Monsieur Trudeau cependant, se contente de demie-mesure qui ont pour seul effet d’assurer
l’appui du N.P.D. au gouvernement. Commissions d’enquêtes, études, analyses se succèdent à
un rythme effarant mais aucune mesure positive n’est prise.

Il est bien loin le temps où les membres du N.P.D. pouvaient marcher la tête haute, fiers de leurs idées et de leur programme. Aujourd’hui, la délégation néo-démocrate trahit quotidiennement
ses principes et ses partisans, elle accepte, de peur de nouvelles élections, de ramper devant les libéraux fédéraux.

Après avoir joué la vierge offensée devant la politique énergétique du gouvernement Trudeau et avoir crié que c’en était trop cette fois-ci, ils ont, la semaine dernière, sans gène et consciemment, continué à supporter le Parti
Libéral Fédéral dans une politique qui divisait le pays en deux.

Le pays connaît actuellement la pire administration de son histoire. Un gouvernement impuissant, soutenu par une minorité de lâches, entraîne le Canada vers une crise qui laissera des marques profondes durant de nombreuses années.

<Masse119740111>
<TEXTE DE MONSIEUR MARCEL MASSE SUR LA CRISE DE L’ENERGIE 11 JANVIER 1974>

Crise de l’énergie, crise du pétrole, voilà deux expressions que l’on entend tous les jours
à la radio, à la télévision et dans la vie. Autant il est difficile d’en connaître les causes véritables,
autant il est facile d’en constater les effets: l’huile à chauffage, l’essence, les produits pétrochimiques
ont connu des hausses régulières et de façon générale, les industries ont dé augmenter leurs
prix pour contrebalancer l’augmentation des coûts de base. Les réactions, face à cette situation sont diverses,
on jette le blême tantôt sur les pays arabes, tantôt sur les compagnies pétrolières, tantôt sur les gouvernements.

Cette crise qui frappe actuellement tous les pays importateurs de pétrole au monde n’a
cependant pas les mêmes effets partout. Certains pays d’Europe ont vu leurs importations réduites à
zéro tandis que d’autres ont souffert d’une diminution dans leurs approvisionnements conjointement à
une augmentation des prix atteignant dans certains cas 300 à 400%. Le Canada se place dans cette dernière
catégorie, touché par l’embargo général de 20%, notre pays souffre principalement de l’ augmentation
du prix du pétrole brut.

Bien des gens sont portés à tort, a minimiser l’effet de cette hausse, prétextant que ces augmentations sont universelles, ils continuent en disant que tous sont sur le même pied, face à cette crise. Un tel raisonnement est inapplicable au Canada
malgré qu’il peut être justifié dans d’autres pays où la totalité du pétrole est importé, comme au Japon ou en Hollande.

L’économie canadienne dispose de deux sources d’approvisionnement en pétrole, celui produit
en Alberta et celui importé du Moyen-Orient ou du Vénézuéla. Étant donné la politique actuelle du
gouvernement Trudeau, seule une partie des provinces est affectée par ces hausses: il s’agit du Québec
et des provinces maritimes. L’Ouest du pays ainsi que l’Ontario consomment du pétrole albertain et ne sont donc pas affectés par les hausses récentes de l’or noir en provenance de l’étranger.

Cette situation a des répercussions des plus néfastes pour tout l’Est du pays et le Québec en particulier. En effet, l’économie de ces provinces est compromise autant sur le plan national qu’international. Au niveau canadien,
les biens produits à l’est de la Vallée de l’Outaouais subissent des hausses de prix correspondant  à l’augmentation du coût de base, il en résulte un désintéressement de la part des importateurs des autres provinces. Les biens produits au Québec se révèlent plus dispendieux que ceux produits à l’ouest de l’ancienne ligne Borden, ce qui entraîne une diminution inévitable de nos exportations.

Sur la scène internationale maintenant la même situation se répète, les importateurs étrangers préférant acheter ce dont ils ont besoin dans les provinces où les prix sont moins élevés.

La crise actuelle aura aussi des répercussions au niveau social. Le Québec actuellement, une des provinces les plus affectées par le chômage verra sa situation se détériorer davantage; un malaise au sein de notre économie se traduit toujours
par une augmentation du chômage.

La situation déplorable dans laquelle le Canada est plongé est dé en majeure partie à l’attitude désinvolte du gouvernement Trudeau. Des 1969, monsieur Stanfield averti par ses conseillers, de la position précaire de l’Est du pays advenant
une crise internationale, a demandé au gouvernement libéral fédéral d’entreprendre l’étude d’un projet
d’oléoduc entre Sarnia et Montréal mais, malheureusement pour les québécois, monsieur Trudeau était,
à l’époque, au faîte de son arrogance et, retranché dans sa tour d’ivoire, il faisait la sourde oreille aux recommandations qu’on lui faisait.

Aujourd’hui que nous sommes en pleine crise, les libéraux fédéraux constatant leur
erreur, veulent entreprendre la construction de cet oléoduc. Profitant que le Québec est pris à
la gorge, monsieur Trudeau cherche encore une fois à imposer ses conditions sans consultation véritable.
Prévu à l’origine pour 1975, il semble évident maintenant que dû au retard encouru dans le choix du tracé et de la détermination de son débit, l’oléoduc n’entrera pas en fonction avant 1976 ou même 1977.

Donc, en résumé, si monsieur Trudeau ne change pas sa politique le Québec en a encore pour 2 ou 3 ans durant lesquels sa situation ne pourra que continuer à se détériorer. Monsieur Stanfield de son côté, préconise
la seule politique véritablement viable pour le Québec et pour l’ensemble de l’Est du pays en
général Il faut absolument, en collaboration avec les provinces, mettre sur pied un mécanisme qui en
définitive fera que le pétrole dans l’est, ne coûtera pas plus cher que dans l’ouest.

Que le Parti Libéral Fédéral cesse de lancer des ballons qui ne servent qu’à jeter de
le poudre aux yeux et qu’il commence à gouverner tel qu’une équipe responsable doit le faire.

Les 54 députés libéraux fédéraux du Québec demeurent muets face aux problèmes qui assaillent
les québécois, ils préfèrent le confort de leur fauteuil de cuir aux réalisations urgentes qui nécessitent travail et détermination.

<Masse19740208>
<FEXTE DE MONSIEUR MARCEL MASSE SUR L’ASSURANCE CHOMAGE. 8 FEVRIER 1974>

Monsieur Andras, ministre responsable de la Commission d’Assurance-Chômage, annonçait
cette semaine l’intention de son ministère, de former un comité chargé d’étudier les
moyens susceptibles de mettre fin aux prestations versées annuellement à des bénéficiaires inéligibles.

Au cours de 1973, suite à une sérieusement de contrôles plus sévères, la Commission d’Assurance-
Chômage a réussi à éliminer de ses listes de prestataires plus de 250,000 faux chômeurs.
L’économie réalisée ainsi s’éleva a plus de 16 millions de dollars. Si l’on constate cependant le pourcentage des fraudeurs qui sont découverts, soit environ seulement 10%, on peut conclure que l’État, soit tous les citoyens, perdent annuellement près de 200 millions de dollars au seul chapitre de l’Assurance-Chômage.

Cet état de chose déplorable, contrairement à ce que peut penser monsieur Andras, ne saurait trouver une solution valable dans des contrôles plus stricts. Bien qu’il soit possible de réduire ainsi les abus, aucune économie appréciable
ne serait réalisée du fait que pour découvrir les fraudeurs, l’État devrait doubler ou même de tripler le nombre de ses fonctionnaires.

De plus, orienter l’action de l’État dans un tel sens serait éviter de faire face au véritable problème. Le rôle du gouvernement n’est pas uniquement d’aider les chômeurs en augmentant régulièrement les prestations mais il doit plutôt
tendre a fournir du travail et à stimuler les énergies.

Il est aberrant de constater que les listes d’emplois disponibles au Centre de Main-d’œuvre du Canada sont aussi longues que les listes de chômeurs à la Commission d’Assurance-Chômage. Cette situation illogique découle du fait que dans plusieurs cas, il est plus intéressant pour un chômeur de demeurer sur l’assurance-chômage que de retourner sur le marché du travail.

Prenons par exemple le cas d’un ouvrier qui touche le salaire minimum soit environ $60.00 par semaine (impôts et déductions diverses enlevés ): si ce dernier décide d’aller sur l’assurance-chômage et Dieu sait que c’est facile, il
touchera $45.00 par semaine à ne rien faire et il aura la possibilité de gonfler ses revenus en cherchant
des petits emplois non déclarés à droite et à gauche. C’est donc dire qu’en définitive, il est plus avantageux de travailler une dizaine d’heures par semaine pour $60.00 plutôt que de travailler 40 heures pour le même montant. Précisons en
passant le fait qu’on ne peut contrôler ces revenus supplémentaires et ceci constitue donc une perte de
revenu en impôt pour le gouvernement.

Le système d’assistance gouvernementale tel qu’on le connaît actuellement, n’est donc pas
un stimulant qui favorise le retour au travail, on crée l’habitude du chômage et plus encore on l’institutionnalise il faut donc mettre sur pied un système qui à la fois subviendra aux besoins des chômeurs et qui d’un autre côté rendra avantageux
le retour au travail.

Dans ce sens je préconise un système de revenu minimum garanti qui assurera à la population un certain pouvoir d’achat et qui demeurera en vigueur, de façon permanente.

C’est donc dire que toute la population aura accès à cette assistance dont le montant sera directement en proportion avec l’effort du chômeur à subvenir à ses propres besoins.

Je m’explique: le chômeur qui touche actuellement du gouvernement $45.00 par semaine, pourra voir augmenter cette assistance en autant que lui-même y mettra du sien, et en contrepartie il la verra diminuer s’il refuse de faire
un effort.

Le chômeur se verrait offrir un éventail d’emplois parmi lesquels il devrait en choisir un et par la suite le gouvernement augmenterait son revenu minimum soit directement par une assistance monétaire ou soit indirectement par une déduction
d’impôt et ceci proportionnellement à son salaire gagné.

Une telle formule permettrait donc d’éliminer une lacune de l’actuelle loi de l’Assurance-Chômage, qui pénalise en lui enlevant toutes prestations, le chômeur qui tente de se sortir du trou en prenant des petits emplois à droite et à
gauche.

Ce nouveau système ne coûterait pas plus cher à l’État, car l’Assurance-Chômage et le Bien-être Social tels qu’on le connaît actuellement n’existeraient plus et seraient remplacés par le revenu minimum garanti.

De plus l’activité économique connaîtrait « un boum » qui permettrait au gouvernement d’augmenter ses revenus en impôts et taxes diverses pour ainsi financer le nouveau système.

Le Canada perd actuellement des dizaines de milliards de dollars en capital humain, cette situation ne peut se prolonger encore longtemps sans compromettre de façon très grave, l’essor économique de notre pays. Statistique Canada révélait ces jours derniers, les chiffres relatifs au chômage pour le mois de janvier.

Comme il fallait s’y attendre, l’inertie et l’irresponsabilité du gouvernement Trudeau ont aggravé une situation déjà pas très reluisante. Le nombre de chômeurs au Québec s’est accru, au cours de janvier, de 49,000 personnes pour atteindre un
total catastrophique de 240,000 soit 9.5% des travailleurs.

Le fléau frappe de façon particulièrement cruelle les jeunes entre 14 et 24 ans: le le pourcentage des chômeurs dans cette catégorie est passé entre décembre et janvier, de 9.7% à 11.9%.

Qu’a fait monsieur Trudeau et son gouvernement pour remédier à la situation? Rien de valable comme le démontre les résultats actuels. On a parlé d’Expansion Régionale, d’initiatives Locales, de Zones spéciales, de Perspective Jeunesse,
de budget restreint, de commission parlementaire et de travaux d’hiver qui tous se sont soldés par un échec lamentable.

Ces différentes initiatives, loin de stabiliser la situation l’ont détériorée. Le nombre des chômeurs entre 1972 et 1973 s’est accru de 5.6%. Un magazine de réputation internationale, le « TIME » s’est penché sur cette question et les
experts consultés en sont venus à la conclusion unanime que, sans un changement radical dans l’attitude
du gouvernement, 1974 serait encore plus désastreuse que 1973 et qu’une nouvelle hausse de 6.4% des chômeurs était à prévoir.

Tout le climat social à travers le pays se ressent de cet état de chose, en plus de susciter chez la population, un découragement collectif et urne habitude à vivre au crochet de l’État.  Les contribuables sont appelés d’année en année à débourser des sommes toujours plus considérables. En 1972, lors de l’adoption de la nouvelle loi de l’Assurance-Chômage, le gouvernement demanda à la Chambre des Communes de consentir une somme supplémentaire de 800 millions
dollars, pour les nouvelles dépenses ainsi encourues. Encore une fois, l’administration libérale
fit fausse route, car dès la première année un déficit de 454 millions de dollars fut enregistré.

Toujours selon leur bonne habitude, les libéraux fédéraux s’empressèrent de tenter de se disculper en donnant une sérieusement d’excuses toutes aussi vagues que fausses. Le malaise demeurait cependant présent et en 1973, le gouvernement n’ayant rien mis en place pour prévenir les mêmes erreurs, enregistra cette fois, un nouveau
déficit évalué à 510 millions de dollars.

Le gouvernement avait annoncé, lors d’un discours du trône en janvier 1973, un projet
de loi – le bill C-125 – qui prévoyait certains changements au niveau des qualifications des prestataires
mais, encore une fois, le gouvernement n’y a donné aucune suite. Monsieur Trudeau savait à l’époque que plusieurs chômeurs seraient retirés des listes et il a préféré faire un patronage à bon marché plutôt que de soulager les payeurs de
taxes de ce fardeau injustifié.

La mauvaise administration libérale ne se résume pas à la seule Commission d’Assurance-Chômage; le programme des travaux d’hiver constitue aussi un lamentable échec. Des 243.4 millions prévus à ce chapitre, il ne restera plus un sou au
mois de mars. Pourtant, monsieur Trudeau avait promis que son administration avait tout prévu pour qu’il y ait suffisamment d’argent jusqu’en mai 1975.

Résultat: l’hiver prochain, le gouvernement devra trouver de nouveaux fonds et encore une fois, la facture sera envoyée à tous les contribuables canadiens.

Le premier ministre Trudeau avait promis en 1968 et de nouveau en 1972, de s’attaquer prioritairement aux disparités régionales mais la situation présente démontre à quel point il s’est désintéressé de cette question. Le chômage
atteint au Québec 9.5%, plus de 14% à Terre-Neuve et moins de 5% en Ontario.

Le Canada a besoin d’une équipe dynamique, proche du peuple et de ses problèmes et dans ce sens, seul monsieur Robert Stanfield peut replacer le pays sur le chemin de la prospérité. Le Chef du Parti Progressiste Conservateur
a, à plusieurs reprises tenté de faire comprendre au gouvernement qu’il était urgent de doter
le Canada d’une politique économique globale qui s’attaquerait à la fois aux problèmes du chômage,
du coût de la vie et de l’inflation. En premier lieu, un gel des prix et des salaires s’impose pour
freiner cette inflation galopante. En même temps, il faudrait réétudier toute la loi de l’Assurance-Chômage pour l’orienter davantage vers un système de revenu minimum garanti qui, contrairement à ce qui se produit actuellement, inciterait davantage le chômeur à retourner sur le marché du travail.

il apparaît également nécessaire que le gouvernement fédéral se retire de certains champs de taxation
en outre, dans le domaine des matériaux de construction, des vêtements et de l’alimentation.

Le gouvernement de monsieur Trudeau, comme celui de monsieur St-Laurent en 1957, vit du
pouvoir et pour le pouvoir. Les canadiens et particulièrement les québécois, sont traités comme des « sujets » par le Parti Libéral Fédéral et ne peuvent plus rien espérer de ce gouvernement qui de jour en jour, conduit le pays vers la crise.
Tout au long de l’histoire de la prohibition aux États-Unis, le monde interlope fut le grand mécène des organismes sociaux luttant pour le maintien de cette loi. La raison en était très simple: tant que la prohibition demeurait, le commerce illégal de l’alcool était florissant et la pègre enregistrait des profits considérables.

On peut actuellement faire un certain rapprochement entre cette situation et la flambée inflationniste qui frappe notre pays. Les statistiques démontrent en effet, que plus l’inflation et le coût de la vie augmentent, plus les grandes compagnies voient leurs revenus s’accroître.

En 1973, selon l’étude effectuée par DOW JONES CANADA un échantillonnage de 95 compagnies,
la hausse moyenne de revenu par rapport à 1972, a été de 73%. Les champs d’activités économiques
qui ont surtout profité de cette prospérité sont: les produits forestiers, les mines, l’industrie chimique, l’acier, le pétrole, et l’alimentation.

Il faut donc conclure de ces différents chiffres, qu’encore une fois le grand et perpétuel perdant demeure le consommateur. Cette situation est intolérable et nécessite une intervention énergique du gouvernement Il ne faut pas compter
sur les financiers et les industriels pour freiner l’inflation car ils ont tout à perdre d’un ralentissement
de la flambée inflationniste. Précisons en passant que tous les commerçants et industriels
ne sont pas dans le même cas car souvent, les plus petits d’entre eux, comme les consommateurs, sont
bousculés par l’inflation et n’ayant pas les moyens des sociétés multinationales, elles font face à des
problèmes financiers qui les acculent à la faillite.

Le Parti Progressiste Conservateur soutient un système politique qui laisse ouverte la porte à l’initiative individuelle mais conscient de ses responsabilités, il n’accepte pas que des abus tels qu’on en connaît actuellement, viennent
détruire l’équilibre entre le consommateur et le producteur.

Le Parti Libéral Fédéral constate comme chacun d’entre nous le dénuement de la population
au niveau des moyens pour circonscrire la crise, mais il se refuse de prendre les mesures nécessaires. Son
trop long séjour au pouvoir a permis aux gros industriels de s’immiscer à tous les niveaux de l’administration
gouvernementale et, toute action énergique ne peut être actuellement entreprise tant qu’un nettoyage
en profondeur ne sera pas effectué.

A l’occasion de mon passage à Québec, avec une délégation de six députés progressistes
conservateurs des autres provinces canadiennes, la situation dramatique des agriculteurs québécois
a soulevé notre indignation. Il est inconcevable que les grandes chaînes d’alimentation enregistrent des profits records
lorsque la majorité des travailleurs agricoles touchent moins de $6,000.00 par année, pour
une moyenne hebdomadaire de 77 heures de travail.

Si l’on analyse les chiffres et que l’on tient compte de l’inflation et des avantages fiscaux accordés aux grandes corporations, on en arrive au résultat que les agriculteurs, loin de profiter de la montée des prix des produits alimentaires,
voient leurs revenus réels diminués.

Seule une politique agricole nationale assurerait aux agriculteurs un revenu décent et leur permettrait de toucher une partie des profits que la situation actuelle réserve exclusivement aux grandes chaînes de distribution. Pour y parvenir,
il faut en outre garantir aux cultivateurs un approvisionnement en fertilisants à des prix les plus
bas possible et, placer tous les éleveurs sur un pied d’égalité en uniformisant, à travers tout le Canada, le prix des grains de provende.

Le cas des producteurs laitiers soulève lui aussi de nombreux problèmes car, encore une
fois, c’est à lui qu’on veut attribuer la responsabilité des hausses des prix alors que les intermédiaires
sont davantage fautifs.

Le gouvernement libéral fédéral actuel refuse de prendre ses responsabilités. Au lieu de s’attaquer au problème global de l’agriculteur, il se contente de cataplasmes qui ne guérissent aucunement les maux mais qui davantage servent une propagande électorale.

<Masse19740308>
<ALLOCUTION DE MONSIEUR MARCEL MASSE DEVANT LES MILITANTS DU PARTI PROGRESSISTE CONSERVATEUR DU COMTE D’HOCHELAGA « LA COMMERCIALISATION DU SPORT » 8 MARS 1974>

La déclaration de monsieur Marc Lalonde la semaine dernière, comme quoi le gouvernement libéral fédéral s’opposait et irait même jusqu’à légiférer pour empêcher l’implantation de la nouvelle ligue mondiale de football au Canada, m’apparaît contraire aux intérêts des Canadiens.

Le sport « une pratique méthodique des exercices physiques en vue du perfectionnement non seulement du corps humain mais encore de l’esprit », tel que le définit le petit Larousse, est aussi devenu au cours des années un commerce des plus florissant.Aux termes de la constitution canadienne, il est indéniable que le gouvernement central,
de par sa juridiction en matière de santé nationale et de commerce, a le pouvoir de réglementer le sport.

Trop longtemps les autorités canadiennes se sont désintéressées de la pratique des sports.
Une enquête démontrait récemment la condition physique pitoyable de la population. près de 50% des
canadiens souffrent d’obésité et le manque d’exercice en fait des cardiaques en puissance.

De par sa responsabilité en matière de santé, le gouvernement central devrait mettre
sur pied des programmes invitant la population à effectuer au moins une heure d’exercice par semaine
et dans ce sens, la pratique d’un sport constitue le moyen le plus facile et le plus stimulant
d’y parvenir.

Contrairement à de nombreux pays d’Europe tels: la France, la Belgique ou la Norvège,
le Canada ne dispose d’aucun organisme voué directement au monde du sport. Cette responsabilité
est assumée actuellement par le ministère de la santé qui ne dispose pas des moyens suffisants pour mener cette tâche vitale à bon terme. La création d’un ministère des sports nous apparaît donc nécessaire.

On assiste depuis une vingtaine d’années à une commercialisation de plus en plus importante
du sport. Les grandes villes nord-américaines accueillent jusqu’à dix clubs professionnels
qui, chacun dans leur domaine divertissent la population et participent à la croissance économique de la région.

Les Canadiens n’ont pas échappé à cet envoûtement pour le sport professionnel que ce soit le hockey , le football ou le baseball. Devant ce nouveau phénomène le gouvernement fédéral libéral doit définir clairement
ses responsabilités; son approche doit être semblable à celle de n’importe quel autre commerce.
il doit veiller à assurer aux consommateurs une qualité du produit et favoriser la croissance de
ce secteur de notre économie.
L’implantation d’une nouvelle ligue de football assurera aux amateurs de sport une meilleure
qualité du produit. La ligue de football détient actuellement le monopole de ce sport, depuis quelques
années le prix des billets ne cesse d’augmenter et pourtant le gouvernement libéral fédéral n’a
pas cru bon d’intervenir pour vérifier le bien fondé de ces hausses. De plus la présence d’une nouvelle
ligue créerait une concurrence bénéfique, forçant les propriétaires des deux ligues a rehausser le calibre
de jeux.

Interdire à la ligue mondiale de football de s’implanter au Canada serait nuire à la croissance économique du pays, ce qu’un gouvernement central n’a pas le droit de faire. Les motifs soulevés par monsieur Lalonde pour interdire une nouvelle ligue,
découle davantage de la politique partisane que de tout autre chose. Tous savent que le parti libéral
fédéral connaît de sérieuses difficultés dans l’Ouest et c’est pour s’attirer la sympathie de quelques
propriétaires de clubs, qu’il accepte de sacrifier les amateurs de sport de tout le pays; particulièrement
ceux de la région de Montréal.

Il est remarquable à quel point, dans certaines circonstances, le paravent du nationalisme même dans le domaine du sport peut servir les intérêts politiques.

Monsieur Lalonde devrait se contenter de faire de la politique car si le Parti Libéral Fédéral veut intervenir dans le sport comme il intervient dans les autres secteurs de notre économie, le sport professionnel est en grand danger.

Dans le domaine du sport professionnel comme dans les autres domaines d’activité économique,
l’intervention de l’État par législation et réglementation peut être bénéfique à la condition expresse
que l’intérêt de la collectivité passe avant l’esprit du parti.

Dans l’attitude du ministre Lalonde nous sommes loin d’être certains que l’intérêt des Canadiens passe avant celui du Parti Libéral Fédéral.

<Masse19740406>
<A L’OCCASION D’UN COLLOQUE SUR LES POLITIQUES DU PARTI PROGRESSISTE CONSERVATEUR
HOTEL WINDSOR DE MONTREAL « POLITIQUE DES TRANSPORTS » 6 AVRil 1974>

L’été dernier, à Calgary, au cours de la Conférence sur les perspectives économiques
de l’Ouest, le ministre des Transports, monsieur Jean Marchand, a déclaré que le réseau canadien du
transport « est l’un des meilleurs, sinon le meilleur réseau au monde ».

Drôle de coïncidence, le ministre n’est plus de cet avis. Il prétend maintenant que le réseau canadien est un vrai « fouillis ». Le 7 mars dernier, au cours de son exposé aux Communes le ministre explique que la raison de cet état de
fait est que le pays ne s’est pas doté d’une véritable politique des transports.

Le 25 mars, soit dix-huit jours plus tard, le premier ministre Trudeau, volant au secours
de son ministre prétendait qu’on avait mal interprété les propos de monsieur Marchand, et qu’il existe
vraiment une politique des transports, mais « elle ne répond pas aux exigences de toutes les régions du
pays. »

Les propos du ministre Marchand et ceux du premier ministre Trudeau n’ont pas mal été interprétés,
ils sont véridiques. Après dix années de régime libéral, le système du transport au Canada nage
dans un véritable fouillis Il n’existe à vrai dire aucune politique des transports et le système par lui-même n’est pas adapté aux réalités canadiennes.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, alors que la première responsabilité d’un
ministre est justement de définir une politique, monsieur Jean Marchand a menacé par deux fois de
démissionner si le Canada ne se dotait pas d’une politique rationnelle en matière de transport.

Qu’en est-il de la situation? Les résultats d’une enquête sur les transports au pays prouvent que la qualité des services offerts aux voyageurs par les sociétés de chemin de fer au Canada est inférieure à celle
des autres pays. En effet, la faculté de Génie de l’Université Carleton a, sous la direction du
Professeur J. Lukasievicz, présenté, le 5 novembre dernier, le document Modernization of Railways in
Canada dans lequel sont dévoilés les résultats de leur recherche.

La conclusion de ce document nous permet de croire que l’utilisation des chemins de
fer au Canada et les investissements dans ce domaine sont similaires à ceux des autres pays industrialisés
mais que le service voyageur au Canada est de loin inférieur à celui des autres pays.

Ce document révèle également que même si une technologie avancée a été développée,
les responsables canadiens du rail formés actuellement à partir de principes qui remontent à l’ère
de la locomotive à vapeur ne peuvent exploiter efficacement l’équipement moderne.

Une autre conclusion de ce rapport nous permet de croire que le réseau canadien de
chemin de fer est lent si on le compare à celui des autres pays; les horaires ne sont habituellement
pas respectés et le réseau peut même comporter des dangers par mauvais temps.

Les trains roulent à une vitesse de croisière de 56 milles avec des pointes ? 67 milles
pour ceux qui doivent couvrir de longues distances. Toutefois, dans d’autres pays ou la technologie est
plus avancée qu’au Canada, les trains circulent très souvent à une vitesse moyenne de 100 mi/h.

L’étude de l’Université de Carleton nous indique également que le niveau de sûrété de
nos lignes canadiennes des transports, organisme gouvernemental qui a mené une enquête spéciale sur
la sécurité ferroviaire, a, dans ses conclusions, déclaré le 28 décembre dernier au Comité des Transports et des Communications de la Chambre que la majorité de déraillements en 1973 était attribuable à une
mauvaise condition des voies ferrées du CN et du CP.

Selon le rapport de l’étude de l’Université Carleton, seulement 72% des trains ont, en 1972, respecté leur horaire pour le trajet Montréal-Toronto. Durant les quatre mois d’hiver, ce taux a baissé à 50% pour une période de retard de six minutes.
Par ailleurs, seulement 29%, soit moins du tiers des trains du CN, ont, en février 1972, respecté leur horaire.

Depuis l’adoption en 1967 par le gouvernement libéral fédéral de la loi nationale sur
les transports, le service ferroviaire, en particulier le service voyageur, s’est détérioré à un
point tel qu’il est maintenant presque devenu chose du passé. La raison de cette détérioration est attribuable
en majeure partie au fait que les politiques gouvernementales, basées sur ce texte de loi,
n’offrent aucun stimulant pour l’amélioration du service voyageur. Le gouvernement subventionne à
80% les déficits encourus par l’exploitation ferroviaire.

Ces subventions représenteront, pour l’année 1974-75, un grand total de 140 millions de dollars que les contribuables canadiens devront débourser.

Monsieur Marchand a déclaré au sujet des sociétés ferroviaires: « dès qu’elles ne font pas de profits, elles ont tendance à négliger la réparation des trains, par exemple, de façon qu’à un certain moment ce moyen de transport devient impraticable.
Les gens sont dégoûtés et n’osent plus l’utiliser … » Évidemment, ils ne sont pas plus intéressés à réinvestir. Les wagons et les voies ferrées se détériorent, et comme on le disait récemment, il y a même des ponts qui, à un certain moment,
s’écrasent et qu’on ne remplace même pas.

Ce qui est incroyable, c’est que le gouvernement libéral fédéral a permis l’application de cette politique depuis maintenant sept ans après l’avoir eux-même introduite et sans rien y changer depuis.

De plus, la Loi nationale sur les transports en 1967, par les subventions qu’elle accorde, encourage le détournement de fonds vers des activités non rentables au lieu de consacrer une partie de ces fonds à la recherche pour des services plus efficaces
et rapides. Monsieur J.F. Walter, de l’Association canadienne des employés du rail, a déclaré
que « les fonds que prévoit la Loi nationale sur les transports, ne constituent qu’un fonds de perte ».

Il faut également souligner que le gouvernement a fait preuve d’un sens remarquable d’imprévision dans presque tous les domaines de la planification des transports, en particulier en ce qui a trait aux futures correspondances massives du transit entre les aéroports et le coeur des gros centres urbains.

Le 26 mars, le ministre québécois des Transports, monsieur Raymond Mailloux, a annoncé un projet de $38 millions pour la construction d’un transit par train mis à l’électricité pour relier l’aéroport de Mirabel au centre-ville de
Montréal. L’aéroport est actuellement en construction, et on prévoit qu’il sera achevé à la
fin de l’année 1975 ou début 1976. Le nouveau système de transit annoncé par le gouvernement du
Québec ne sera réalisable que si tous les paliers gouvernementaux acceptent d’apporter une aide financière.
Cependant, même si cela se réalise, le système de transit ne pourra pas entrer en service avant l’année 1980.
Si le gouvernement fédéral avait prévu l’incorporation d’un tel système de transit dans
le projet original de l’aéroport beaucoup de temps et d’efforts auraient été épargnés. Le système du
transit aurait été prêt et en service lors de l’ouverture de l’aéroport, plutôt que de l’être
quatre ans plus tard.

Le « fouillis » dont parle monsieur Marchand affecte tout transport au Canada et entraîne
un gaspillage éhonté ainsi que des dépenses énormes pour les Canadiens.

Cette année, les agriculteurs perdront environ $500. millions en ventes de grain. La raison est tout simplement que les sociétés ferroviaires ne possèdent pas suffisamment de wagons couverts pour acheminer le grain jusqu’aux
points d’expédition.

Le ministre Marchand, dans son récent relent d’humilité aux yeux de tous, est en proie de devenir le souffre-douleur d’un gouvernement qui accumule échecs sur échecs dans bon nombre de domaines, non seulement dans celui des
transports.

Comme l’a si bien dit monsieur Robert Stanfield lors d’une déclaration à la Nation le 24 mars,
« les confessions ne remplacent pas la compétence ».

<Masse19761027>
<Le mandat de l’autorité du développement intégré, Université d’Ottawa>

Ce sont les responsables de l’administration publique du Mali, du Niger et de la Haute-Volta qui, abordant la mise en valeur des ressources de la sixième Région du Mali, de l’est de la Haute-Volta et de l’ouest du Niger, réalisèrent
la nécessité de coordonner leurs efforts.

Après avoir considéré le potentiel économique de la Région du Liptako-Gourma, particulièrement
ses possibilités minières, énergétiques, agricoles et pastorales et avoir reconnu que la « Mise
en valeur optimale » de ces ressources nécessitait une étroite coopération entre les trois États, en décembre 1970, à Ouagadougou, les chefs d’État des républiques de Haute-Volta, du Mali et du Niger affirmèrent
la volonté des États de « renforcer leurs liens de coopération et de coordonner leurs efforts
pour la mise en valeur de la région du Liptako-Gourma » et décidèrent la création d’un organisme permanent
au niveau ministériel dénommé « Autorité de Développement Intégré de la Région du Liptako-Gourma ».

C’est par des études, par la recherche de financement, par la mise sur pied de sociétés participant a la réalisation des projets que l’Autorité entend atteindre ses objectifs. L’Autorité comprend: un Conseil des Ministres et un organe d’exécution, la Direction Générale s’appuyant sur les services techniques nationaux.

Des les premières réunions du Conseil des Ministres, responsable par l’article 8 de la Convention
portant Statuts de la définition de la politique générale et des opérations prioritaires, un
programme d’actions est adopté.

Constatant que la région désignée possède un potentiel agropastoral et minier important mais non rationnellement exploité, que le développement économique du Liptako-Gourma est freiné par le manque d’infrastructures de transport, chaque
État-membre fait savoir les réalisations qu’il voudrait voir s’accomplir. Les principaux points sont les suivants:
– Programme d’ensemble de recherches géologiques et hydrogéologiques pour toute la zone.

– Étude de réalisation et construction du chemin de fer: Ouagadougou – Tambao – Ansongo – Niamey.

– Étude générales du bief fluvial de la zone. Barrages de Tossaye et de Kandadji.

– Réalisation de différents axes routiers en vue du désenclavement de la région.

– Inventaire et amélioration des pistes et marchés de bétail.

Par après, ce programme préliminaire fut complété, mais déjà les grandes orientations étaient tracées.

Afin de réaliser ce programme, les responsables adoptèrent une sérieusement de textes et règlements
créant et régissant la Direction Générale et son personnel.

LE MANDAT DE LA DIRECTION GENERALE

L’ensemble des pouvoirs et responsabilités de la Direction Générale est énuméré à l’article
13 de la Convention portant Statuts. Essentiellement, elle doit centraliser et normaliser les données portant
sur la région dans les domaines miniers, énergétiques, agropastoraux et des infrastructures de transport.

– Exploiter les données et formuler des propositions concrètes de programmes.

– Coordonner tous les programmes nationaux de mise en valeur de la région.

Les États-membres conviennent toute fois de limiter les attributions de la Direction Générale à l’exécution d’études ou d’interventions décidées conjointement et à l’élaboration de programmes et de propositions, sans lui attribuer d’autorité
sur les gouvernements.

Les décisions qui découlent de ces propositions sont prises par chaque gouvernement en ce
qui concerne les aménagements intérieurs aux États et d’un commun accord par les gouvernements intéressés
lorsqu’il s’agit d’accord inter-États.

De plus, l’article 9 de la Convention portant Statuts spécifie que les décisions sont prises à l’unanimité.

Pour mettre en œuvre ces objectifs, le Conseil des Ministres de l’Autorité de Développement Intégré de la Région du Liptako-Gourma adopte un texte intitulé « règlement Intérieur de la Direction Générale ».

Celui-ci, après avoir défini les responsabilités du directeur général, prévoit la structure de la Direction Générale en adoptant un organigramme qui comprend:

– La Direction Générale proprement dite qui constitue un bureau d’études techniques et économiques
pour l’orientation de la politique de développement intégré de la région.
Le bureau d’études d’infrastructures, des transports et télécommunications.
Le bureau d’études de mise en valeur des ressources minières, hydrogéologiques, hydrauliques
et énergétiques.
Le bureau d’études de mise en valeur des ressources agricoles, pastorales et piscicoles.
Le bureau central administratif et comptable. Les attributions de ces bureaux sont plus ou moins similaires. Généralement, on leur demande de recueillir et normaliser les renseignements et données statistiques relatifs à la région
et à leur domaine d’intervention, d’exploiter ces données et de formuler des programmes de développement
et finalement de coordonner tous les programmes de mise en valeur de la région pour leur domaine respectif.

ANALYSE

A première vue, le bilan des réalisations de l’Autorité du Liptako-Gourma au cours de ses cinq premières années d’existence peut paraître faible. Il faut toutefois se souvenir que ces résultats concrets ont été acquis avec la présence
et les activités d’une seule personne : le Directeur Général. Dans ces conditions, on comprend
aisément que le Directeur Général ait dé limiter ses actions à des démarches auprès des organismes
d’aide et de financement en vue d’obtenir la réalisation des projets prioritaires mis de l’avant par
les Chefs d’État. Le manque de personnel a donc empêché l’Autorité de remplir complètement son rôle et,
en particulier, d’assurer la coordination des programmes de développement nationaux ainsi que la préparation
des dossiers et le rassemblement des informations permettant de mettre de l’avant de nouveaux projets.

Il apparaît d’autre part que la volonté de coopération pour la mise en valeur de la région
exprimée par les chefs d’État ne s’est pas traduite par un support réel des fonctionnaires des
États-membres à la Direction Générale de l’Autorité.
Le petit nombre de cadres dont dispose l’Autorité pour remplir son mandat freine certainement son dynamisme
de sorte que les fonctionnaires des gouvernements intéressés ont peu confiance dans le potentiel
de réalisations de l’Autorité. Si, grâce à des pouvait assumer pleinement son rôle de coordonnateur
des actions de développement dans la région, les ministères intéressés lui feraient probablement
plus confiance et l’aideraient à remplir complètement son mandat.

D’autre part, on ne peut passer sous silence la multiplicité des organismes régionaux
ayant des actions plus ou moins complémentaires avec celle de l’Autorité et qui œuvrent dans la région:
Conseil de l’Entente;  Commission du Fleuve Niger; Comité inter-États pour la lutte contre la sécheresse dans le Sahel;
Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest.

Toutes ces institutions ont pour objectif final de favoriser un développement rapide des pays-membres. Tous tentent, dans ce but, d’obtenir l’aide des organismes bilatéraux ou internationaux de financement. Divers problèmes peuvent
résulter de cette multiplicité d’institutions, par exemple, des conflits de juridiction sur la maîtrise
de certains projets; la présentation à un même organisme de financement de requêtes d’aide pour des
projets relativement semblables et pilotés par des institutions régionales différentes, le drainage des
ressources humaines qualifiées, déjà peu nombreuses dans les ministères des États concernés, vers ces différentes institutions régionales; un afflux de demandes d’informations statistiques et autres aux
ministères des États-membres en vue d’élaborer des dossiers et de mettre au point certaines politiques
préconisées par chacune des institutions régionales.

On considère enfin que les organismes de financement n’ont pas répondu avec l’empressement
souhaité par l’Autorité à ces sollicitations de fonds. Pourtant, la région du Liptako-Gourma comprend
une partie du territoire sahélien qui, actuellement, figure parmi les régions les plus pauvres du
monde. On peut conclure des démarches effectuées par la Direction Générale auprès des sources bilatérales et multilatérales de financement que ces dernières ont réagi plus rapidement que les autres. Ce résultat était à prévoir.

En effet, d’une part, les institutions régionales, bien que fort justifiées, doivent faire leurs preuves d’efficacité à titre de
contre-partie avant d’être considérées comme des interlocuteurs valables. D’autre part, les sources
de financement disposant de moyens limités par rapport aux demandes reçues fonctionnent suivant des
budgets et stratégies pré-établis. Plus un organisme est important, plus sa possibilité d’affecter des fonds à un projet nouveau est large.

Suite à plusieurs rencontres avec les représentants à différents niveaux de ces sources de financement, il est permis d’affirmer, qu’en général: on ne met pas en doute les immenses besoins de la région du Liptako-Gourma;
on accepte comme étant justifiée l’inter-dépendance économique de la région; on considère sérieux les projets mis de l’avant jusqu’à maintenant.

Par contre: les sources de financement hésitent à priori à reconnaître l’Autorité de Développement Intégré de la Région du Liptako-Gourma, organisme relativement jeune: on souligne généralement son manque de personnel
cadre, ce qui entraîne comme corollaire qu’on met en doute l’efficacité de l’Autorité pour
assurer la contre-partie des projets et permettre une continuité dans les actions de développement.

En conclusion, certaines sources de financement, après avoir accepté le bien-fondé d’un projet pour la région, cherchent à négocier des ententes directement avec les États concernés. Si les gouvernements des trois pays ayant fondé l’Autorité
acceptent cette procédure, ils nieront l’existence réelle de l’Autorité du Liptako-Gourma Il
faut donc que les gouvernements de même que la Direction Générale réagissent vigoureusement à ces
tentatives de diversion.

On peut donc conclure que le manque d’empressement des sources de financement à traiter
directement avec l’autorité résulte essentiellement des deux causes mentionnées précédemment soit la faiblesse du personnel et le manque de support adéquat de la part des fonctionnaires des États-membres .

LES LIMITES A L’ACTION DE L’AUTORITE DE DEVELOPPEMENT
INTEGRE DE LA REGION DU LIPTAKO-GOURMA

Les contraintes institutionnelles, statuaires et de personnel de l’Autorité ont été énumérées ci-dessus Il s’agit maintenant de déterminer dans quelle mesure ces limites peuvent restreindre l’action de cette Autorité.

Il est difficile pour un organisme administratif d’assumer la responsabilité de coordination des programmes qui sont mis en œuvre par d’autres agents. Si en plus, il doit agir auprès de trois structures gouvernementales, la difficulté
devient de taille. Lorsqu’on tient compte en outre de la règle de l’unanimité, on constate que le
succès dépend étroitement d’une volonté politique exprimée au plus haut niveau et dont les directives
s’appliquent au jour le jour par des administrations nationales concernées. Pourtant, la Direction Générale
de l’Autorité s’est vue confier par les textes constitutifs des pouvoirs importants de coordination
dans la mise en valeur économique de la région.

Quoique limitée, dans un premier temps, à l’exécution d’études ou d’interventions décidées conjointement,
cette tâche doit être accomplie Il s’agit de définir un mode de collaboration qui s’accommode de
cette répartition des pouvoirs entre les États Nationaux et la Direction Générale de l’Autorité disposant
d’un pouvoir de coordination au niveau régional.

Au niveau sectoriel, il faut s’assurer que les recommandations des études seront acceptées
par les ministères responsables des trois États-membres qui seront chargés de leur mise en exécution.
C’est la une condition essentielle.

Croire que la Direction Générale pourra réussir la mise en valeur de la région uniquement
en assurant la présentation de requêtes auprès des sources de financement paraît utopique. Pour assurer
pleinement sa vocation, la Direction Générale doit donc compter rapidement sur un personnel qualifié
de haut niveau devenant, chacun dans son secteur économique, l’interlocuteur normal et recherché par
les administrations nationales. C’est donc par son dynamisme, que la Direction Générale pourra, sans
mettre en cause le principe de la souveraineté des États-membres, assurer la coordination nécessaire à
tout développement rationnel de la région. La présence de ce personnel constitue donc une condition absolument indispensable à la survie et au bon fonctionnement de l’Autorité de Développement Intégré de la Région du Liptako-Gourma.

<Masse19771105>
<SESSIONS POLITIQUES DE L’ASSEMBLEE GENERALE DE L’ASSOCIATION PROGRESSISTE CONSERVATRICE DU CANADA LE 5 NOVEMBRE 1977 QUEBEC RAPPORT DES PRESIDENTS DU COMITE POLITIQUE>

L’Assemblée générale du Parti Progressiste Conservateur s’était essentiellement fixé comme objectif durant ce week-end, d’aborder ouvertement, librement un certain nombre de dossiers qui nous préoccupent et par extension
préoccupent l’ensemble des Canadiens.

Nos ateliers de travail étaient structurés de façon à laisser les militants s’exprimer le plus directement possible sur les orientations que devrait prendre le Parti pour l’avenir, un avenir qui se veut presque immédiat si l’on songe que
bientôt à l’occasion d’élection fédérale le Parti Progressiste Conservateur de remédier dans différents domaines, à des situations qui depuis trop longtemps déjà se sont détériorées.

Dans le domaine économique les militants ont déploré le manque de vigueur, de conviction
des politiques du gouvernement canadien actuel  climat économique qui dépéri au point d’affecter
le moral, la confiance que les Canadiens ont dans leurs institutions.

Ainsi, les témoignages des délégués de l’Ouest du pays, des Maritimes, du Québec et de
l’Ontario se rejoignent sur l’essentiel à savoir que le gouvernement central actuel n’a aucune stratégie économique cohérente autant, au plan des disparités régionales, du développement des grands secteurs de pointe, que du chômage, de l’inflation,
de la répartition de l’assiette fiscale, du transport etc… etc…

Il a été également souligné avec force, que le contentieux fédéral-provincial qui est jusqu’à un certain point une émanation du manque de flexibilité du gouvernement fédéral actuel, constitue un grave, ion très grave danger pour l’avenir
du Canada.

S’il y a un message qu’on doit retenir de ces assises c’est la volonté bien arrêtée des progressistes conservateurs d’affronter ce  danger et d’y trouver des solutions acceptables pour tous, au nom du respect des uns vis-à-vis
des autres.

Les militants P.C. ont reconnu qu’il était anormal de demander certaines choses au Québec,
sans qu’en retour, les autres provinces ne soient pas disposées à faire les concessions nécessaires
pour améliorer les relations entre Canadiens français et Canadiens anglais.

Ainsi le principe des deux peuples fondateurs a été reconnu d’emblée sans faux fuyant, sans ambages et surtout sans compromis inutile.

Le droit du Québec à préserver ses caractéristiques culturelles qui font la distinction de ce pays à été également accepté, avec plus d’enthousiasme qu’en a jamais manifesté aucun parti politique canadien.

Je me réjouis à juste titre, en tant que Québécois, en tant que francophone, qu’encore une
fois le P.C. soit, contrairement a ce qu’on nous a toujours laissé croire, ceux-là même qui pousse le plus loin la nécessité de reconnaître dans ce pays le bien fondé de la thèse qu’une plus grande égalité doit s’établir entre les deux majorités
qui composent le Canada. Je convie les francophones à suivre les débats politiques des prochains
mois, ils découvriront que les progressistes conservateurs dans la tradition de Robert Stanfield
sont respectueux des particularismes de notre société, ce qui en fait leur force et leur grandeur.
Dans la mesure où on saura rétablir la confiance, le dialogue qui nous manquent tellement aujourd’hui,
ce pays sera ou ne sera pas. Quant au Parti Progressiste Conservateur sa détermination et son
engagement sont formels et il en tient maintenant à la population de juger et d’agir.

<Masse19771128>
<DE LA REGION DE JOLIETTE 1791-1976 TEXTE DE LA PREFACE DU VOLUME DE MARCEL FOURNIER
PAR MONSIEUR MARCEL MASSE JOLIETTE, LE 28 NOVEMBRE 1977>

L’homme politique régional représente-t-il au parlement les intérêts des citoyens de sa circonscription ou au contraire est-il le porte-couleurs de son parti?

Nous ne pouvons, en quelques lignes, répondre à cette question d’autant plus que les matériaux de bases, permettant une connaissance certaine et détaillée de leur attitude, n’ont pas encore été rassemblés. Pour sa part,
Marcel Fournier pose un premier jalon. après avoir publié depuis quelques années des ouvrages
portant sur la région Lanaudière, il nous offre cette fois-ci la chronologie des élections générales et complémentaires.
C’est là un travail nécessaire.

Il permettra une meilleure compréhension de notre coin de pays particulièrement de son aspect politique.
Nous savons tous que Joliette fut représenté en 1960 par un député premier ministre du
Québec, M. Antonio Barrette, mais combien réalisent que ce n’était pas là un fait nouveau et que
Louis Olivier Taillon fut député de Montcalm et également premier ministre du Québec?

Mais derrière ces aspects anecdotiques, il y a la réalité des luttes. Autour des programmes, des hommes se regroupent, par intérêt disent les uns, par idéologie répondent les autres. Ils choisissent leur candidat et se lancent dans la bataille selon des règles et des coutumes qui ont varié selon les époques.

Espérons que le livre de Fournier éveillera un désir de recherche dans ce domaine.
Qui étaient ces députés? Quel fut leur cheminement sociologique? Quels étaient les thèmes de leur
programme? Quels furent leurs apports aux débats dans les Assemblés parlementaires? Qu’ont-ils
laissé à la région? Voilà des sujets de réflexion pour des publications à venir.

Vivre pleinement sa région, c’est puiser aux sources de son histoire, de son économie, de son environnement, une façon d’être.

L’histoire régionale est de première importance parce que c’est là que les hommes y vivent. Bien qu’influencée par les grands courants politiques, notre vie est le fruit de mille petits gestes, là intervient le milieu, la région.

Marcel Fournier ouvre un champ de recherche et nous devons l’en remercier.

<Masse19780411>
<DISCOURS DE MONSIEUR MARCEL MASSE DEVANT LES MEMBRES DU CLUB RICHELIEU DE JOLIETTE
LE 11 AVRil 1978>

De nombreux pays ont inscrit le mécanisme du référendum dans la tradition de l’exercice d’une certaine démocratie. C’était bien avant l’existence des moyens de communication électroniques et bien avant ce subtil et quelques fois vicieux
stéthoscope de la conscience collective et de l’opinion populaire, qu’est le sondage.

Leur expérience est riche d’enseignement. Et la particularité la plus frappante de cette forme de consultation populaire, c’est qu’en vertu d’un oui ou d’un non, de l’appui ou du rejet d’une proportion clairement énoncée, il oblige à une polarisation
des opinions. Dans un référendum, la population est appelée à voter pour ou contre. Il n’y a pas de oui, si…il n’y a pas de oui, mais… Nous sommes devant deux portes et l’une d’entre elles peut toujours s’ouvrir sur le vide.

Vous devez avoir l’impression qu’il est peut-être tard pour vous livrer aujourd’hui certaines réserves à l’emploi de ce moyen de consultation nouveau pour nous…qu’est le référendum. En effet, nous serons bientôt encadrés par une loi sur
les référendums que le Parti Québécois veut nous présenter comme le gadget le plus moderne, celui qui
manquait à nos institutions démocratiques déjà pourtant fécondées par l’esprit français et les traditions britanniques.

Mes inquiétudes devant l’emploi que l’on peut faire de ce nouvel instrument de pouvoir sont celles qui justifient mon sentiment aigu de vigilance, et par conséquent mon action au sein du Comité pré-référendaire, et ma présence ici, ce soir.

C’est pourquoi je voudrais avec vous explorer les implications sociales et politiques du prochain référendum qui nous pend au-dessus de la tête, sans que nous sachions quand il va nous tomber dessus. Avec vous je voudrais revoir le mécanisme
de cette loi qui sera votée à l’Assemblée nationale et oublier mes réticences: le jour où on visse les nouvelles plaques sur sa voiture, il est trop tard pour se demander si on en aime la couleur, ou … le numéro … ou.

Si vous me permettez d’emprunter ici les mots du Sénateur Maurice Lamontagne je dirai qu' »au point de départ, nous pouvons admettre heureusement, qu’il n’y a pas de traîtres parmi nous, de sorte que les procès d’intention ne devraient pas avoir place dans le débat actuel ».

C’est dans cet esprit que je voudrais parler d’abord de la nature du référendum comme instrument de consultation de l’opinion d’un peuple et des spécificités de la loi référendaire du Parti Québécois. Nous comprendrons mieux de cette façon
la nécessité de ce Comité pré-référendaire et le rôle qu’il est appelé à jouer. Je vous parlerai de ses possibilités et de ses limites. Et je vous parlerai aussi de son importance à l’intérieur de ces limites.

Nous parlerons des forces en présence, essayant de distancier les hommes, les styles et les idées. Nous parlerons de « la » question mystère et de l’enjeu. S’agit-il du gros lot ou du prix-coco?

Quand aura lieu ce référendum? Sera-t-il un pur exercice d’expression populaire? A quel point le gouvernement en place s’oblige-t-il à s’y conformer?

Nous envisagerons des scénarios possibles pour éviter le saut dans le vide et à partir de ces minces possibilités, je crois pouvoir vous convaincre d’être non seulement vigilants, mais d’exiger des autres comme de vous-mêmes dans votre sphère d’influence, cette prise de conscience que l’histoire et ses caprices politiques nous imposent, un à un et tous
ensemble.

L’Assemblée nationale est en train de débattre une loi-cadre sur les référendums qui va permettre d’adjoindre cet appareil de consultation populaire de façon permanente au mécanisme de notre démocratie.

Pendant ce temps le gouvernement fédéral dépose à son tour un projet de loi visant à se doter des mêmes pouvoirs extraordinaires de consultation. Il semble donc, de part et d’autre , qu’on se soit convaincu de la nécessité de tenir ces consultations populaires.

Un fait est certain, c’est qu’il y aura au Québec un référendum sur la « souveraineté-association » avant l’automne 1980. Essayons donc d’examiner la nature du référendum comme instrument d’expression démocratique de la voix d’une
collectivité.

Lors de la tenue d’un référendum, chaque citoyen a le droit et le devoir de se prononcer
dans un scrutin, secret, pour ou contre la question posée. En règle générale, ce scrutin s’organise comme
un scrutin d’élection. C’est-à-dire que quelles que soient les particularités techniques du référendum
québécois, il a pour principe fondamental « le désir vertueux de laisser s’exprimer la volonté populaire » selon les mots de Lise Bissonnette, éditorialiste au Devoir.

Mais dans ce mode de scrutin, ce ne sont pas les hommes que l’on élit comme représentants du peuple, c’est une proposition politique qu’on endosse ou qu’on renie. Quand l’électorat porte un gouvernement au pouvoir, il choisit des
hommes et leur programme pour exercer le pouvoir de la majorité. Mais il élit en même temps une opposition
pour garantir que la démocratie va s’exercer dans le respect de la divergence.

Dans un référendum, théoriquement, il n’y a plus deux partis, les pour et les contres, les blancs et les noirs Il faut se diviser en deux. Et il s’en trouvera toujours pour penser que les méchants sont de l’autre côté. On ne vote
pas pour des hommes, on ne vote pas pour un programme on vote pour ou contre une proposition politique.

La loi-cadre étant encore débattue à l’Assemblée nationale, je ne m’embarrasserai pas d’aller
plus avant dans les détails de ce projet de loi. Je voudrais simplement m’arrêter un instant sur la
particularité la plus frappante de la proposition du Parti Québécois. Je vous ai dit tout à l’heure que dans un référendum, on ne votait pas pour des hommes ni pour un parti mais qu’on se rangeait de part et d’autre pour ou contre un énoncé politique.

Or, même si la question sur laquelle nous devons nous prononcer n’est pas encore formulée, nous savons déjà qu’en un mot ou en dix, elle signifiera: êtes-vous pour ou contre la « souveraineté-association » , c’est-à-dire pour ou contre la
séparation du Québec du reste du Canada? N’est-ce pas dire qu’il faut voter pour ou contre un parti,
pour ou contre ce qui fait la raison d’être-même du Parti Québécois.

Voilà, à mon avis, avant même que nous en connaissions les technicités, l’aspect le plus frappant,
je dirais même le plus choquant de ce référendum. Il serait facile de conclure qu’il y a conflit d’intérêt.
Mais encore une fois, nous sommes devant une situation de fait. Et les faits avant même le référendum
ont déjà tranché pour nous Il y aura les péquistes et les autres.

Qui sont les autres? Des partisans du fédéralisme, sans doute. Mais de quel fédéralisme?
Celui de Trudeau, celui de Ryan, le mien, le vôtre? Et les partisans du statu quo? Les indécis? Les indifférents? le jeu n’est pas égal. Contre une machine péquiste bien organisée, forte d’une victoire électorale et depuis maintenue à l’écart de
l’action politique, qui trépigne, impatiente de se lancer dans la campagne pré-référendaire, il y a
les autres dispersés en plusieurs partis politiques ou associés en multiples associations de citoyens.

Voilà pourquoi il est apparu urgent d’organiser les forces éparses de ceux qui s’opposent à la partition du Canada et de là est né ce Comité pré-référendaire Québec-Canada dont je fais partie.

Ce comité, s’est donné un double mandat. D’abord, coordonner l’action des groupes membres,
puis assumer les tâches que ces groupes ne seraient pas en mesure d’assumer efficacement Il apparaît
évident que nous faisons face à une équipe bien organisée qui ira frapper aux portes des indécis qui
finiront par succomber à la pression si on ne réussit pas à leur offrir d’autres choix.

C’est pourquoi je vous ai parlé plus tôt de vigilance et de l’importance pour ceux qui
s’opposent à la séparation du Québec, de l’importance de se regrouper, de s’organiser pour éveiller
autour de nous la conscience de tous et chacun face à une option qui nous concerne tous.

Sur le plan de l’organisation, le Comité pré-référendaire Québec-Canada se dotera
d’une structure de type électorale au niveau des régions, des comtés et de chacun des bureaux de
scrutin de telle sorte que la structure soit en place lorsque viendra le temps de rejoindre les
citoyens. La mise en place et le fonctionnement de cette pyramide seront assurés conjointement par
les membres du Comité.

Le financement de l’organisation et des activités du Comité pré-référendaire sera assuré
par une campagne de financement unique. Le Comité pré-référendaire sollicitera les citoyens sur une base individuelle et aura la responsabilité de recueillir les fonds. D’autre part, les entreprises seront également invitées a contribuer
via un comité mis sur pied à cette fin. Monsieur Pierre Côté, homme d’affaires de Québec a accepté
de présider cette campagne de financement et il entend créer des comités régionaux de façon à être présent
dans chacune des régions et à rejoindre tous les citoyens et entreprises.

Du fait que la date du référendum et la question ne sont pas définies, le Comité pré-référendaire
a adopté un programme souple qui sera révisé et réajusté selon les besoins et les circonstances. Ce programme vise tout d’abord à mobiliser toutes les ressources qui doivent être engagées dans la campagne pré-référendaire et référendaire,
et ensuite, établir une liaison avec tous les groupes et individus intéressés à participer à l’action
anti-séparatiste, de façon à assurer une présence positive chaque fois que ce sera nécessaire.

Il appartient à des gens comme vous d’apporter cette participation à une campagne d’éducation politique positive Il faut que chacun dans sa sphère d’influence mobilise les esprits pour les éveiller à la gravité de l’enjeu. Pour ce faire, vous pouvez compter sur l’appui et les ressources du Comité pré-référendaire.

Dans une allocution à l’Association des Économistes du Québec (à Montréal, le 23 janvier 1978) Jean Chrétien, en parlant de cette action d’éducation politique qui vous revient en tant que membres influents de vos communautés d’affaires,
évoquait, « la grande responsabilité de certains individus, de certaines institutions de la société,
qui devront eux, procéder aux analyses nécessaires et en informer leurs concitoyens de la façon la plus
objective possible ».

Idéalement on voudrait bien pouvoir se tirer du dilemme avec une belle petite analyse coûts-bénéfices.
Pouvoir chacun pour soi rédiger un petit bilan, comparer l’actif et le passif et décider
au bout de cette opération si les Québécois ont plus de chances d’un mieux être à opter pour
la séparation ou au contraire partager les richesses d’un territoire plus grand. Malheureusement
la petite opération mathématique est vouée à l’échec, certains de ses éléments sont impossibles à
chiffrer.

Ainsi, je vous propose d’oublier les chiffres pour l’instant et d’examiner la question
sous un autre angle Il y a les hommes, il y a les idées, les idées que se font les hommes de la meilleure façon de vivre ensemble et de se sentir chez-soi dans son propre pays. Mais voilà que nos options deviennent polarisées. C’est un oui ou un non à la « souveraineté-association ». Voilà aussi loin que nous puissions aller, dans l’ignorance où nous sommes
si bien gardés, de ce fameux concept. Qu’est-ce que la « souveraineté-association »? Sur quoi au juste
devrons-nous nous prononcer?

Nous croyons pour notre part que c’est à l’intérieur du Canada dans un partnership renouvelé que le Québec peut le mieux se développer. Bien que nous ayons l’air, dans la pénombre du référendum de porter nos différences comme des colifichets,
nous partageons cette foi entre nous. Je reste frappé de ces mots de Gordon Robertson devant les étudiants de l’Université
de Dalhousie Il disait ceci: « L’illusion la plus répandue chez les francophones pourrait être fatale.
Nombreux sont ceux qui croient que, si la séparation ou indépendance, comme ils préfèrent l’appeler devait se produire, elle pourrait s’accompagner, ou être suivie, d’une quelconque « association économique » entre le nouveau Québec indépendant et ce qui resterait  morcelé et divisé. Je suis persuadé que c’est rêver en couleur ».

Moi aussi, j’en suis persuadé. Et je me sens saisi par une urgence que je voudrais vous communiquer. J’en reviens a cette image du mariage que l’on utilise souvent pour comprendre le cas Québec-Canada. Devant un problème dont les
données nous échappent, pouvons-nous le ramener à autre chose qu’aux problèmes qui nous concernent
vous et moi dans nos vies de tous les jours, celui de vivre mieux avec ceux qu’on aime. Pourquoi divorcer,
si ce qu’on vise ultimement c’est un meilleur mariage? Pourquoi cette obsession du mariage
dès que l’on se met à parler de l’irritante cohabitation des Canadiens français et des Canadiens anglais dans ce pays. Peut-être parce que tous et par dessus tout, ce que nous voulons au-delà des différences politiques, c’est de faire bon ménage.

Ne nous laissons pas enfermer dans le cercle étroit de l’option péquiste. Je crois qu’une forte majorité de Québécois sont contre la séparation. Bien sûr, il ne sont pas unanimes sur le contenu que devrait avoir le fédéralisme mais, étant
donné que l’option canadienne a toutes les chances de triompher, le débat sur la structure fédéraliste
m’apparaît sincèrement plus important que celui qui se poursuit sur le séparatisme. Et pourtant, nous
sommes forcés de constater que les deux débats se déroulant simultanément risquent de confondre la population.

<Masse19780426>
<CONFERENCE DE MONSIEUR MARCEL MASSE LORS DU CONGRES « OUVERTURE SUR L’AVENIR II ».
HOTEL ROYAL CONNAUGHT, HAMILTON, ONTARIO 26 AVRIL 1978>

« L’homme est un être de désir. Le travail ne peut qu’assouvir des besoins. »

Rares sont les privilégiés qui réussissent à satisfaire les seconds en répondant au premier. Ceux-là ne travaillent jamais!
J’emprunte à Henri Laborit cette citation dont l’ironie est un peu brutale, parce qu’elle me semble balayer d’un grand courant d’air les notions empoussiérées que nous conservons au sujet du travail.

En effet, qu’est-ce que le travail? Essayons de le définir de la façon la plus générale possible. Éloignons-nous un peu, de peur que l’arbre ne nous cache la forêt Il semble bien que depuis le jour où Adam et Eve se sont mis en quête de feuilles pour se v?tir « a la sueur de leur front », on ait oublié que Dieu leur avait donné, avec l’obligation de travailler, le désir
du paradis. J’emploie cette imagerie simpliste pour éclairer un peu la formule de Laborit qui me paraît corriger la notion séculaire que nous nous faisons du travail en y voyant trop « la sueur du front » et pas assez l’effort pour obtenir la
réalisation des grands désirs, comme celui d’Adam de retourner au jardin d’Eden.

L’homme travaille pour combler ses besoins. Tous les hommes travaillent pour combler leurs besoins. Le travail, c’est ce qui
lie les hommes entre eux dans un effort de satisfaire, par la collectivité, les besoins individuels.

Depuis l’homme des cavernes, nous travaillons pour nous assurer le gîte et le couvert et un peu de feu pour passer les longs hivers. Mais alors que notre société moderne peut se vanter d’avoir garanti ces besoins essentiels avec un système de sécurité sociale, l’assurance-chômage, les allocations familiales, l’assurance-maladie, les pensions de vieillesse et le salaire
minimum garanti, la machine est grippée. Au cours des siècles, les rapports de travail entre les
hommes se sont compliqués. Les collectivités ont grandi impliquant des structures d’échange plus
complexes et partout plus difficiles à contrôler, à comprendre et même, à connaître.

Voilà pourquoi, l’homme moderne que nous sommes vous et moi, employeurs ou employés, impliqués dans le travail qui, lorsque les besoins primaires sont comblés, est le seul moyen de réaliser les grands désirs qui sont le propre de l’homme, voilà pourquoi nous avons quelquefois l’impression de lutter contre des chimères, contre des fantômes.

On a quelquefois l’impression que le monde du travail est constitué d’une minorité qui veut relever des défis et qui est prête à travailler fort pour réaliser quelque chose et d’une majorité qui s’en fout pas mal.

Depuis plus de 20 ans, les psychologues ont essayé de pénétrer le mystère de
cette curieuse dichotomie. Est-ce que le besoin de réussir quelque chose (ou son absence) est un
accident? Est-ce héréditaire, ou est-ce le résultat de l’environnement? Est-ce un seul facteur humain isolable, ou un ensemble de facteurs: le désir d’accumuler la richesse, le pouvoir, la renommée?
Mais encore, comment peut-on donner à des gens ce goût de réussir, de réaliser quelque chose?

Comment expliquer, du haut en bas de la structure de travail, cet espèce de microbe contagieux qui entraîne l’absentéisme, la désaffectation, l’indifférence et l’irresponsabilité?

La démotivation est générale. Permettez-moi de citer ici les mots de l’économiste Schumacher:
<« Now the modem economist has been brought up to consider « labour » or work as little more than a
necessary evil. From the point of view of the employer, it is in any case simply an item of cost, to be reduced to a minimum if it cannot be eliminated altogether, say, by automation. From the point of view of the workman, it is a « disutility »;
to work is to make a sacrifice of one’s leisure and comfort, and wages are a kind of compensation
for the sacrifice. Hence the ideal from the point of view of the employer is to have output
without employees, and the ideal from the point of view of the employee is to have income without employment. »>

Si l’on en croit Schumacher, cette notion du travail comme un mal nécessaire, un mal
dont le patron veut se défaire par l’automation et, qui explique le désintéressement de l’employé, ce
mal dis-je, serait en grande partie responsable de la démotivation au travail.

On connaît bien le cliché qui veut « que personne ne soit irremplaçable ». Sa banalité même est le reflet de cette mentalité de travail où les besoins primaires sont garantis mais où toutes les autres valeurs sont disparues. Les idées de
dignité, de compétence, d’intégrité, de responsabilités ne sont pas très à la mode. Comment en effet pourrait-on tenir ce langage à ce groupe des sans travail qui grossit chaque jour? En serions-nous venus au point où il faudrait garantir dans les
droits de l’homme, le droit au travail?

Comment pourrait-on parler de la dignité du travail à ces gens pour qui la société n’a pas d’emploi? Si l’on accepte de concevoir le travail comme l’action des hommes entre eux et sur leur milieu pour s’assurer un mieux-être, nous
faisons face à une troublante contradiction qui s’exprime dans le nombre sans cesse croissant des
sans-emploi. Nous sommes tous désarmés devant ce que j’appellerais: « le scandale du travail ». N’y a-t-il pas là une ressource naturelle que nous nous voyons incapable d’exploiter? Il serait illusoire de penser pouvoir exalter dans un projet
collectif de prospérité et de croissance, une collectivité qui traîne le boulet d’un million et demi de gens dont cette collectivité n’a rien à faire. On l’a vu, la science économique est en déroute devant l’immensité du problème. A gauche,
à droite, des solutions sont proposées, les contrôles sont resserrés puis relâchés, mais la machine
est emballée et les coups de mouchoir des projets de relance économique n’effleurent même pas la surface du problème. L’exclusion d’une certaine sagesse, d’une certaine philosophie du travail de l’économie, de la science et de la technologie, semble être quelque chose que nous avons pu nous permettre pendant un certain temps,
mais maintenant que nous avons atteint un certain niveau de vie, de confort matériel, la dimension
spirituelle et morale du problème se manifeste d’une façon dramatique.

Nous avons parlé des sans-emploi dévalorisés par une société qui n’a pas de fonction pour eux, que dire, pourtant de ceux qui occupent une fonction dans le milieu du travail et qui pourtant semblent le faire en dépit d’eux-mêmes? Encore
une fois, se montre la tête de l’idée du travail comme un « mal nécessaire ».

Comment demander au sans-emploi le dynamisme de trouver des débouchés pour les services et la force de travail qu’il
peut donner quand celui qui travaille le fait avec l’enthousiasme du condamné et quelquefois avec une
négligence qui équivaut à du sabotage.

A mesure que les structures de travail devenaient plus complexes, les syndicats de travailleurs devenaient plus gros et se développaient aussi des structures gouvernementales aux contrôles plus étendus. De part et d’autre, la
puissance des structures a grandi et l’individu se sent incapable de comprendre ces forces tentaculaires qui le dominent au lieu de le servir.

La crise prend des formes multiples et si je prends un point de vue aussi large pour en traiter c’est que je crois que nous sommes dotés de puissants instruments qui sont la science économique, la science et la technologie
mais il nous faut avant de nous en servir une vision d’ensemble plus humaniste. Car qu’y a-t-il au fond de cette question sinon le meilleur moyen de revaloriser la fonction première de l’individu pour son mieux-être et conséquemment celui
de la collectivité?

Les chiffres sont des abstractions et nous aident à découper la réalité, mais ils ne rendent pas compte de la réalité. On ne
déplace pas les hommes et les richesses par le simple transfert des chiffres d’une colonne à
l’autre. La mathématique primaire à courte vue du profit est trompeuse. Ce sont les coûts sociaux
à long terme qui décident de la volonté de réalisation d’un groupe, du coefficient de « coeur à l’ouvrage » d’une collectivité. Or, la formule que nous vivons où l’État prend charge des coûts sociaux en rançonnant l’entreprise est vouée à
l’échec. Je n’ai pas de formule magique à proposer, mais j’aime à imaginer (vous pouvez m’accuser d’idéalisme) qu’en libérant l’entreprise de cette rançon, l’État lui rendrait sa responsabilité sociale envers la collectivité sans laquelle elle
n’existerait pas.

Il y a pourtant dans cette crise de la motivation, des zones problèmes faciles à identifier et qui ne demandent pas pour être corrigées un réaménagement d’ensemble de la structure du travail Il suffit d’accepter que ces problèmes
demandent des solutions nouvelles. J’énumérerai cinq domaines où il m’apparaît que des correctifs  peuvent être apportés si on ajoute le principe que ce qui est bon pour l’employé est bon pour l’entre prise.

Les solutions restent encore à trouver mais le diagnostic aura commencé à s’élaborer.

Les compagnies sont constamment réorganisées sur l’avis de consultants en gestion, mais à la longue peu de progrès est réalisé. Les organigrammes sont remaniés et les employés se retrouvent devant des fonctions constamment redéfinies
pour satisfaire des modèles théoriques.

Les employés sont renforcés dans la notion implicite qu’ils sont interchangeables, imaginant que même s’ils ne sont pas à la hauteur du modèle un autre ferait pire à leur place. C’est la compétition du moins mauvais.

Les efforts sont faits pour « enrichir » les fonctions en donnant plus de responsabilités aux employés montrant des résultats encourageants. Mais ces résultats disparaissent quand les employés, forts de cette valorisation de leur
fonction cherchent à influencer la politique de la compagnie et sont renvoyés gros-jean-comme-devant
par un management paranoïaque. Comment peut-on briser le cercle vicieux de cette paranoïa qui
dresse l’un contre l’autre employeur et employé qui ne peuvent exister l’un sans l’autre et qui devraient avoir en commun de se préoccuper de la vitalité de l’entreprise?

Cette peur de perdre le contrôle  ne peut mener qu’à une chose: La perte de contrôle.  Il n’y a rien à gagner dans cette lutte employeur-employé que le suicide de l’entreprise.

L’entreprise, aussi bien privée que publique, est victime de conditions de travail qui sont de part et d’autre des pis-aller; résultat de compromis entre les syndicats et le management. L’entreprise survit quand elle peut, en dépit de ces compromis.

Bien des cadres quittent leur emploi pour des fonctions moins bien rémunérées mais où ils peuvent au moins faire preuve d’initiative et d’individualité. Ces hommes hautement qualifiés cherchent à additionner à la dynamique
sociale, un apport personnel qui ne soit pas constamment frustré par l’arbitraire des super-organisations.

La plupart des cadres avec lesquels j’entre en contact n’arrivent pas à comprendre pourquoi ils n’obtiennent pas de réponse à
leurs efforts pour soutenir une organisation efficace, pourquoi les gens ne semblent pas vouloir travailler et pourquoi ils quittent des organisations apparemment bonnes. Les cadres qui font face à ces problèmes-là sont souvent à court de
ressources, fâchés et hostiles à leur propre entourage. L’instabilité des cadres, particulièrement dans les administrations gouvernementales et éducationnelles devient de plus en plus grande à mesure que les frustrations augmentent au niveau
de la gestion.

Je vous lance ces idées en vrac, parce que je pense qu’elles mettent le doigt sur les zones sensibles. Je n’ai pas de belle théorie économique à vous proposer pour envelopper ce paquet délicat, parce qu’à mon avis la science économique est un instrument puissant au service de l’homme. C’est pourquoi je fais appel à l’imagination pour trouver une nouvelle grille plus
humaniste pour résoudre les problèmes auxquels nous faisons face.

Il est grand temps, pour ceux qui jouent un rôle de leader dans l’entreprise, d’entreprendre une réflexion sérieuse sur les
concepts de leadership et d’organisation. La société le leur demande. Ce point que nous discutons est d’une importance cruciale pour la société entière, puisque de plus en plus le tissu social lui-même est constitué par les organisations.

Plus les organisations perdent de l’efficacité pour effectuer le travail de la société, plus les coûts en termes d’argent et de
paralysie sociale sont élevés.

Ne pas relever le défi que présente à l’imagination la situation actuelle c’est consentir à une détérioration inévitable du tissu
social Il faut retrousser ses manches et faire face à la musique avec un esprit nouveau, un goût pour le changement et la volonté de mobiliser les ressources humaines qui sont notre première richesse et l’expression de notre volonté de vivre
ensemble dans une société meilleure.

<MARCEL MASSE GUEST SPEAKER AT THE ANNUAL DINNER OF THE QUEBEC ASSOCIATION OF CATHOLIC SCHOOL ADMINISTRATORS GRAND MOTOR HOTEL – COTE DE LIESSE MAY 5Til 1978

I was impressed witil the words of Gordon Robert son, secretary to the cabinet for federal provincial
relations, as he spoke to the students of Dalhousie University last May. He said and I
quote « I think the most common illusion on the french-speaking side is extremely dangerous. The
illusion there is that, if separation occurs – or « indépendance » as they prefer to call it – it can
be accompagnied or followed by some kind of « economic association » between the new, independent
Quebec and the fractured, divided Canada it would leave behind. I am convinced that this is a dream.

The danger is that those who hold to it, or are be guiled by it could walk, still in false security,
over the precipice of separation and wake up to the reality when it is too late. »

The role of the Quebec Canada Pre-referendum Committee as I see it today is to wake the
québécois from that dream of paradise regained in
an « economic association ». Convinced of the need
to inform the public, to make the public aware of
its responsibility to be informed, all provincial
and federal political parties came together, putting
aside partisan politics} a feat unhearded of
in the world of partisan politics, a feat our historians will not forget. The people who represent
these political parties, whether federal or provincial
and those unity groups whicil make up the Quebec
Canada Pre-Referendum Committee all have one
thing in common – they are federalists, they are
against separation. Yet, let us not assume that
they are against change. To the contrary, we all
want change, but not the brutal changes as proposed
by the Parti Québécois. They might have you
believing that if one is not « for » separation then
one is « for » the status quo. Nothing could be further
from the truth. I can honestly say that we
have no illusions concerning the status quo compared to those partisans of the Parti Québévois who,
I am convinced, nourisil great illusions concerning
separation. Without becoming dogmatic, I would
say that the Quebec Canada Pre-Referendum Committee
aims to, on the one hand, awaken the public to the
realities of separation and on the other hand, to
point out the pitfalls of Mr. Levesque’s own illusions
on separation as a solution.

Our present role is not to cause tidal
waves. We are perharps, in the words of Socrates,
a nest of gadflies. We believe that the public
must be informed, it must be told that there is no
magical solution, that separation is not a magical solution. The québécois deserve to be given an unbiased
picture of what the position of the province is in relation to Canada as a whole and it must also
be told that the situation will be after the referendum.
Indeed, the nation as a whole needs
to be informed. Unfortunately truths have been
clouded somewhat lately. We hope that as an unpartisan
group, the Quebec Canada Pre-Referendum
Committee can shed some light on the present situation.

Can we not all honestly say that we have pondered this question of separation, of the
referendum, that we have read a great deal, that
we have been informed by the written and electronic
media? Yet, I do not think we have yet spent enougil
time on the question. How could we limit to hours
and minutes the time required to decide on a question
that will toucil on the very basic principles
of the way we have been, and more concretely, on
the way we will be. Every detail must be put to
scrutiny, every aspect of the question must be put
to the test, not one facet of the matter is small
enougil to be set aside. My friends, I believe that
were we to researcil this issue as well as we should,
we should have food for thought for another one hundred
years. But we do not have a hundred years.

What is being put to the test is the very essence
of our existence. The Parti Québécois is offering
to destroy all that, and yet, has given little or
no indication of what « all that » – federalism – Canada
– if you prefer – is going to be replaced by.
This is what the québécois have to think about.

It is not only a question of a yes
or a no. This is a question we will be asked to
answer, but let us not forget that over and above
our yes or our no, we will be answering it, not only for ourselves, but for generations to come. We
cannot afford to make a mistake. Practically, there
is no going back, a process of reshaping has
been unleashed; if we destroy, what will there be
left to reshape? The province’s answer to the referendum,
whatever it will be, will have all the dramatic
effects we can imagine. It will be the turning
point of our history, as mucil as confederation
was the turning point a century ago!

I cannot emphasize enougil the time
and yes, the efforts that must be put to understanding what is at stake here.
The Quebec Canada Pre-Referendum Committee find no need to go further
in its mandate for the time being. We cannot enter
the debate as sucil until the question itself is
known. Until sucil a time as we have the question
and the date of the referendum, we believe that
our role is, as I have said previously, to interest
the public to every aspect of the decision-making
process. No one knows the wording of the referendum
question and the longer we are kept in the
dark, the greater the risk of tarnishing the image
of this exercise in democracy. In essence, the
question will require a « yes » or a « no », the consequences of whicil we cannot fully imagine. A « yes
or a « no » to a new society, a new concept of a nation
imagined and conceived by the Parti Québécois.
We have very little indication of what « this new
society » will be; we only know for certain that
it will not correspond in any way, shape or form
to the historical reality of Canada. It will not
follow the pattern we have set for ourselves as a
nation.

In the past 50 years or so, there
have been many reforms, many changes in our way
of being , in our national housekeeping. For some, the reforms have come too quickly, for others they
have not come quickly enough. The danger does not
lie in the slow or rapid adaptation to reform, the
danger we are facing is that of brutal divergence
from the historical pattern of our nation. We do
not face this danger alone, we face it along with,
as I have said previously, the future generations
of Canada.

Let me have consider Mr. Levesque’s
recent declaration in Boston. I would not presume
to say that he has changed his mind or his position
on federalism. However, there are indications that perharps he is reconsidering his position; we must be careful – this may only be wishful
thinking on our part, but at least it is somewhat
comforting to note that there may be reconsideration
on his part.

Once Mr. Lévesque has settled in his
own mind the question he wishes to put to the people
of Quebec and that he shares this question witil
us, then we, at the Quebec Canada Pre-Referendum
Committee will join the debate witil full force, we
will enter the arena armed witil all the information needed to combat separation on every front.

The question of timing in this issue is a fundamental one. I speak here of timing, not
only as it relates to the date of the referendum,
but our timing. By that I mean that the time for
all us to take a stand, and to make that stand
known, that time is not tomorrow, or next week or
next month, the time is now.

Individually, we are all implicated
and our responsibility may one day be heavy on our
conscience. The stand of the province as a whole
depends on the voices heard today, the individual
voices will have more weight on the decision-making process of the québécois than the collective
voice of a few higil profile persons. I am not here
trying to undermine the importance of the work
done by groups, what I am saying is that eacil one
of us has a role to play and that role cannot be
set aside for future consideration. Groups sucil
as yourselves must and will be heard, but it is
througil the individual participation of eacil one
of you that your influence will carry.

Generally, in a milieu sucil as yours,
tradition has made little room for publicly voicing-
one’s political views were held to be a private and
very personal matter. However, in the case we are concerned witil here today, this pattern cannot be
held. We are not here speaking of changing political
parties or changing the party whicil governs
the land, we are speaking of a radical transformation
of a whole society. The situations are as different
as night and day. Here your responsibility is
to take a stand, to voice it publicly and loudly as
opposed to what you would do during a run-of-the-
mill election campaign. Supporters of the Parti Québécois
have always had an advantage over us – they
do not have any reluctance to voice their views.

We cannot sit back and say that this is part of the politician’s job, we cannot leave it
up to the politicians. Indeed, I see it as the duty
of eacil québécois to speak out, whether it be witil
the Parti Québécois, or against the Parti Québécois.
Gérald Bergeron once said, and I quote here quite
liberally, that the coming of age of a nation, the
maturing if you prefer, depends mostly on the number
of people involved in its decision-making process.
As québécois, we have no choice but to set
aside our old village reluctance of keeping our
views to ourselves. This is not an ordinary choice
and we owe it to ourselves to let others know
how we feel. The end result, the kind of Quebec we will wake up to the day after the referendum.

will not be the responsibility of the collectivity,
it will be eacil and everyone’s personal responsibility.
There is a very positive side to the
present political situation and I would like to
elaborate on it if I may. In keeping witil the views
expressed by Mr. Bergeron, on the importance of
eacil individual’s responsibility, let me simply and
that in a very positive sense, we must now all make
a choice, not a traditional choice of siding with the blues, the greens, the reds and the purple.
but the choice of a way of life.

I am not here denying the importance
of the role of our political leaders, do not misunderstand
me. What I am saying is that this is not
a text-book case. It is, for me, the perfect example
of a situation where what is called for is a
meeting of the minds between the hierarchy of politics
and the public at large. We cannot follow our
political leaders blindly, as creative as their ideas
may seem. We must now take a closer look, put their
views to scrutiny.

I spoke a few minutes ago of the re-
forms that have already taken place in our country.

I spoke of rapid and slow changes, depending on
one’s outlook. Now, we may disagree on the quality
of reform that has taken place, but surely we will
all agree that the order in whicil we have seen these
reforms brought about is better than the confusion
whicil now exists. The remodeling of our structures,
and remodeling there must be, must be made in an orderly
fashion and we must stay as clear as possible
of those purely visceral issues whicil tend to add to this confusion.

The francophones and the anglophones
of our country share a common destiny as they share
a common past. It is the duty of eacil and every of
us to define, or perharps to redefine the meaning
of « Canada » as our chosen option. In this respect
confrontation must be avoided at all cost. We have
been victimized I think by the confrontation between,
not only the francophones and the anglophones, but
between all levels of government and individuals.

We should now look to policies of reconciliation.

Because of the continuous confrontation,
and the state of confusion it has contributed to, it has been next to impossible to gather together
all the efforts and energies being spent by
everyone concerned witil the future of Canada. This
flood of energy is increasingly difficult to direct
and as sucil very little by way of concrete work is
being achieved. I believe that this state of confusion,
this state of uncertainty will subsist until
that time when the question of referendum is settled.

And what, you ask me, is the role of
the educator in this state of affairs? Your role
is a very special one and I do not think that you
need me to point out this fact. Your role is special in that your day-to-day dealings are witil the
youtil of our country – do not misunderstand me, I
am not suggesting that yours is a brainwashing role.

Because of your training, because of
your traditional open-mindness and mainly because
you must keep abreast of all developments of our
society, your role is indeed very special. You
are respected, not only by the people of your immediate
milieu, but by society as a whole. I come
back here to the need for public to be informed and
that is where I believe your role lies. Your pedagogy
must extend outside your usual realm, the class room, and you must endeavour to toucil all facets of
our society.

Man has always lived, or at least, at’
tempted to live according to a certain code, a system
of values that has long endured. His dream of
an ideal society has never come true, througil often
he has tried, perharps at times too mucil so – but
there are no perfect societies, as indeed there are
no perfect men.

The era of « l’État Nation » has come
and gone – what we must now aim for are the means
to grow individually and collectively as Canadians.

We should avoid yet another precipice, that of isolation.
In my view that would be the most disastrous
choice of all.

In closing, I would like to quote Henri
Laborit’s recent publication entitled L’Eloge de la
fuite – « Je pense que la survie d’un isolat humain,
même national, est inconcevable Il faut donc mondialiser
son système et nous n’avons pas seulement
besoin des autres pour cela mais besoin de tous les
autres. »
I may be wrong, but I am still optimistic
enougil to believe it is througil co-operation,
througil an understanding of and a belief in others
that we can accomplisil something worthwhile and
most important, I believe this can be accomplished
without confrontation.>

<TEXTE DE MONSIEUR MARCEL MASSE ASSEMBLEE GENERALE ANNUELLE DE L’ASSOCIATION PROGRESSISTE-CONSERVATRICE DE L’ONTARIO A TORONTO
LE 9 SEPTEMBRE 1978

I am very happy to be witil you this morning and I am most grateful to the Ontario Progressive
Conservative Association for their kindness
in inviting me. To Mr. Hugil Segal in particular,
my most sincere thanks.

In passing, let me point out, and you
can pass the message along to the Federal Minister of
Finance, Mr. Jean Chrétien, that I have not and will
not return the $85.00 cheque he sent me to the Québec
Government. Instead I have cashed the cheque and used
the money to come to Toronto.

In view of the fact that Ontario is to us, Québécois, a good indicative gauge of public
opinion outside our own province, the opportunity of
addressing you takes on even greater importance.

J’apprécie l’occasion qui m’est offerte, de discuter avec vous de ce problème omniprésent qu’est la réforme constitutionnelle. Ce sujet, depuis vingt ans, tabou pour certains, a miné l’audace et l’imagination de plusieurs. L’avènement d’un gouvernement défendant au Québec une thèse extrémiste par rapport à la nôtre, a conduit le gouvernement libéral fédéral à un mouvement accéléré de refonte de la constitution créé à la « Va comme je te pousse ».

Surely, we also have our share of problems.
As a former Progressive Conservative candidate
in Quebec and as a firm believer in our Party, I sometimes
find myself dreaming of the day when the provincial
Progressive Conservative Parties will share a common
platform, a similar philosophy, a programme aimed
at positively promoting the fundamental rights of the
provinces. It is not a question of destroying the central
government of Canada, but rather a question of reaching
a just equilibrium between the elements involved
and this in the interest of the Canadian people.

Once the provinces have been definitely
given back their rights, as entrenched in our Constitu-
tion of 1867, then and only then can we look a sensible and progressive remodeling of the Canadian Constitution.
For the past ten years. Federal – provincial
conferences have never given an incil to the demands of
the Provinces.

All too often the federal government
has made interesting economic proposals to the provinces
in exchange for « just a little » autonomy and, of course,
all this in the name of equal sharing… in the name of
federal bureaucratic genius. To nine of the provinces,
these proposals were purely economic, but to the francophone
majority of Québec, they often represented cultural
interference.

Dans le contexte canadien actuel, le manque d’audace et le manque de dialogue des gouvernements provinciaux devient encore plus tragique. Aujourd’hui, l’explication des vrais problèmes par les gouvernements provinciaux, à la population canadienne, demande un tel courage, qu’on préfère souvent le sacrifier à la rentabilité électorale.

Among other things, we might ponder on
the rights of the francophone minorities residing outside
the province of Québec – rights forsaken by the Pro
vinces and taken up by the Federal Government. Now that
same Federal Government, in an effort to save both, ship
and crew, is sacrificing those same rights. These full
fledged Canadians, who share our ideals, who wisil to
preserve the unity of our country as we do, these same
Canadians soon may find that their only support, their
only encouragement comes from the Government of Québec.

We need only look to the history of federal meddling in
matters of Éducation, health, natural resources, agriculture,
justice and the civil service to understand
that, in Québec, the level of dissatisfaction has reached
alarming heights. Only the Provincial Governments can
convince these same Québécois that a remodeling of the
Constitution is possible, and indeed desirable. Permit
me here to quote Gérard Bergeron on that same subject,
and I quote loosely, « In order that what is desirable
become possible, it must first be desired ».
Our provincial governments can no longer
afford to be guided by so-called timidity, by a
lack of daring, by calculated moves geared to bring in
the votes or by short term economic policies that lack
coherence. Let us not allow the present Québécois government
to play the role of great defender of the provincial
rights against an arrogant, centralizing liberal
federal government, whicil is, I might add, greatly responsible
for the election of the P.Q. government. Because
the provincial governments did not stand firm in
their demands, the public assumed that Robert Bourassa
alone was to be held responsible for the election of the
P.Q., when, in essence, the federal government was firmly
and equally responsible. The provincial governments
must act to immediately undermine the initiatives of
the Quebec government. In the event of the contrary,
we will face a referendum campaign where, well orchestrated,
advertising from the pro-separatist front will
force the provincial governments to support the separatists
as, in fact, they will be defending what the provinces
should have defended for the past one hundred years.

Let us simply remember the support given
to the Québec government by Ryan, Biron and even LaSalle
of the Federal P.C. Party in the sales tax confrontation,
let us remember also their backing of the Parti québécois
at the Regina conference. We will thus understand that
the Parti québécois has grasped what we call the
« réalité » of the people of Québec and that is simply
an in-bred fear of those who do not defend the autonomy
of the Provinces. Biron and his colleagues may not have
supported the P.Q. but they certainly disapproved of
unwarranted federal meddling.

Moreover, there are strange, I might
even say « weird » political situations. Is it normal,
I ask you, is it normal that the Federal Progressive
Conservative Party, a party whicil has been the great defender
of provincial rights, a party whicil has in its
midst a multitude of provincial leaders, a party which
as always shown great respect for provincial autonomy,
a party, the Federal Progressive Conservative Party,
whicil is more than ever ready to meet the needs and
aspirations of the Québécois, I ask you, is it normal
that this same Party cannot « make it » on the political
scene of Québec? Of course, there is a lack of Progressive
Conservative tradition in Québec – – of course
in Québec there is strong self-identification witil
Pierre Elliott Trudeau – Yet, it may also be that in
Quebec, many people look to the actions and reactions
of the other nine provinces. The people of Québec do
not see in these provincial governments the same desire
for constitutional reform as they see in the federal
Progressive Conservative Party.

De là à prétendre que les promesses des uns sont annulées par la réalité des autres, il n’y a qu’un pas que plusieurs franchissent aisément. Nous souffrons tous, vous autant que nous, de cette présence libérale trop forte, trop omniprésente au Québec, je dirais même trop assurée d’avance car, vous n’êtes pas sans savoir que la base même de notre système parlementaire repose sur l’équilibre des forces politiques. – La faiblesse d’une de ces forces, soit celle du parti Progressiste Conservateur au Québec est mauvaise pour l’ensemble du pays. Elle empêche l’alternative normale en démocratie, elle
bloque le système et pousse plusieurs citoyens vers les solutions extrêmes.

L’association d’un parti politique est probablement la valeur la plus sûre de la démocratie. Les membres de l’Association d’un parti politique peuvent capter , percevoir , palper l’opinion des citoyens, la verbaliser , la proposer , la défendre et
la piloter vers le pouvoir décisionnel. Le Canada a besoin de gens comme vous, désireux de mettre la main
à la roue et de sortir de l’ornière sans brisure et sans dommage. La situation politique canadienne actuelle
ne peut plus se permettre de faire face à l’apathie et au désintéressement de la population. Des hommes de
valeur , des idées brillantes , des solutions de rechange se perdent dé au manque de participation. Les
partis politiques sont la base même du droit et du devoir de chaque individu à participer à l’unité et à la
continuité de son pays.

Standing here before you, I feel a need to fight to overcome these obstacles whicil can
no longer be ignored. Indeed, let us not forget
that even if the Parti Québécois were defeated at the
next provincial elections, the québécois and Canadian
« réalité » will remain, affected by our every move,
constant, in keeping witil the great checkerboard
whicil is Canada. Let us face this challenge together…witil all the grandeur of the country whicil we call ours.>

<Masse19790322>
<TEXTE DE MONSIEUR MARCEL MASSE PUBLIE DANS LE DEVOIR Le 22 mars, 1979 MONTREAL>

Jean-Guy Cardinal fut guidé par une conception de son destin personnel liée à celui du Québec. On croit déceler dans la démarche politique de cet homme, une constante, l’affirmation de l’identité québécoise reliée à l’affirmation personnelle de Jean-Guy Cardinal et sa raison d’être.

L’ancien Ministre de l’Éducation est disparu et avec sa famille et ses amis, je partage des sentiments de chagrin et d’amertume. Jean-Guy Cardinal a payé cher sa carrière politique, et pourtant, par deux fois il a repris le collier Il était littéralement fasciné et captivé par la position politique Il aurait eu beaucoup à dire sur l’apprentissage et l’exercice
du métier de député. être sensible, il était vulnérable aux coups portés par l’adversaire.

Appelé au Conseil législatif en même temps que Marcel Faribault, Daniel Johnson confie à l’un l’éducation, à l’autre la réforme constitutionnelle. Rapidement, le premier centre son activité sur le Québec, l’autre prépare des réformes dans le cadre du Fédéralisme canadien.

Chacun représentait bien les deux facettes de la réalité d’aujourd’hui.

Toute l’activité politique de Cardinal reflète une certaine idée qu’il avait du Québec. Son principal handicap vient de la difficulté qu’il a eue à s’enraciner aussi bien dans un parti que dans un comté.

Disponible et ayant un sens de l’humour qui fut souvent pour lui un moyen de défense efficace, il se distinguait par sa bonne
humeur et son optimisme. Homme du centre pesant le pour et le contre, il fut souvent un réconciliateur des extrêmes Il m’apparaissait tout le contraire d’un doctrinaire, plutôt pragmatique et sensible aux besoins des autres possédant une
intelligence du coeur plutôt que de tête calculatrice et froide.

Victime de sa sensibilité, il l’a d’abord été par le projet de loi no. 63 Il faut connaître les faits aussi bien de cette période

que du congrès de 1971 pour réaliser combien la politique peut être terrible.

Écrasé par ces événements, plus que par la défaite, il s’est retiré pour quelques années mais n’a pu renoncer à l’idée de reprendre vie dans ce milieu.

Quelle aurait été l’influence de cet homme dans les années à venir? Sa connaissance  aussi bien des participants au débat que du fond des sujets abordés lui aurait permis de jouer un rôle de modérateur bénéfique.

<Masse19790422>
<TEXTE D’UNE CONFERENCE PUBLIE DANS LA REVUE PRESENT, VOL. 3  NO. 2, SOUS LA SIGNATURE D’ANDRE PAYETTE, MAI 1979 TEXTE REDIGE PAR MONSIEUR MARCEL MASSE ET CONFERENCE PRONCONCEE A LOUISEVilLE, LE 22 AVRil 1979>

Les stratèges du Parti libéral, Keitil Davey et Jim Coutts, après maints sondages, ont décidé qu’enfin les Canadiens seront invités à porter un jugement sur l’administration gouvernementale fédérale au Canada. Ce n’est pas de
gaieté de coeur qu’on laisse ainsi les urnes entre les mains de citoyens qui ont exprimé à plusieurs
reprises leur désir de changement. A moins de rayer le mot élection du vocabulaire politique,
il faut bien passer par là. Ce n’est donc pas sans avoir épuisé tous les subterfuges, toutes
les excuses pour reporter la « détestable » procédure démocratique que le chef du Parti libéral en appelle au peuple.
Il est significatif que le gouvernement Trudeau, sans aucune raison apparente, ait reporté pendant une année les élections. On attendait le miracle qui aurait pu sauver ce radeau de la Méduse. Mais, point de miracle,
au contraire toutes sortes de déboires plus néfastes les uns, les autres. Le temps apporte l’usure plus que la remontée de l’indice de popularité. La majorité des Canadiens sont insatisfaits de leur gouvernement et ils ont bien raison
de l’être.

Où en sommes-nous après dix années d’administration Trudeau? Au seuil de l’effondrement économique, de la faillite gouvernementale et de la récession. Le Canada compte un million de chômeurs, un des taux d’inflation
les plus élevés du monde occidental, une monnaie en voie de disparition. A cette liste de misères,
il nous faut ajouter: des disparités régionales de plus en plus accentuées (le revenu annuel
moyen des habitants des Maritimes est inférieur de 23% à la moyenne nationale) et, une réglementation
gouvernementale tentaculaire.

Si cette liste n’est pas suffisante pour justifier un changement d’Administration, il nous faut désespérer du sentiment d’évaluation de la majorité des Canadiens. Mais, sauf au Québec et pour d’autres raisons, et nous y reviendrons, la majorité a exprimé son mécontentement à travers plusieurs sondages et élections complémentaires, et pour beaucoup, c’est
avec impatience qu’ils attendent le moment de porter jugement.

Le Leadership

Prenant en considération ces faits et ce ressentiment, les penseurs du gouvernement libéral en sont venus à la conclusion que la seule façon de redorer le blason de cette équipe essoufflée c’était de tenter un retour vers la Trudeaumanie de 1968 en le présentant comme l’unique sauveur de la patrie en danger attaquée par les « méchants » provincialistes et séparatistes.

Le tout assaisonné d’un peu d’énergie. On insistera sur le leadership  de Trudeau au point de faire disparaître jusqu’au
mot « libéral ». Tout doit être centré sur la personne de Pierre Elliott Trudeau. Une élection à la Jean Lesage, édition 1966. Pas question d’élaborer sur l’administration des dix dernières années, encore moins sur de vagues promesses
pour le futur Il ne faut surtout pas que le citoyen-électeur juge les résultats des politiques
du cabinet des dix dernières années.

C’est un plébiscite que l’on recherche. Les moyens de communications contemporains s’y prêtent admirablement bien Il faut simplifier le problème au minimum. La politique, c’est compliqué mais la propagande, c’est simple, alors optons pour
la simplification Il ne sera plus question de choisir un député, de vérifier l’utilisation de nos taxes, de porter jugement sur la législation, mais d’opter, comme si nous étions en régime républicain, pour un leader.

Mais, en réalité, nous aurions le choix si tel était l’enjeu de l’élection, entre deux types de leadership, l’un de confrontation,
l’autre d’organisation.

Le premier, celui de Pierre Elliott Trudeau, tente d’imposer depuis dix ans une vue artificielle du Canada fondée sur l’idée d’un gouvernement central fort, gardien de l’orthodoxie et luttant pieds et mains contre des affamés de pouvoirs que seraient les Provinces. Le résultat de ces luttes fratricides, c’est un mécontentement général, l’épuisement de l’équipe
centrale et la négation de réalités aussi simples que celles mises de l’avant par le rapport de la Commission de l’Unité Canadienne. Entités régionales et différences québécoises. Nous prévoyons facilement la suite; c’est l’affrontement dans
le combat du siècle des deux adversaires d’une même génération Lévesque vs Trudeau, avec tout ce que cela comportera de haine, de perte de temps, d’argent et de frustration.

L’autre type de leadership, beaucoup plus conforme au système fédératif, c’est celui de Joe Clark. Un leadership à la King, St-Laurent, un leadership d’organisation. Non pas l’imposition des rêves des mandarins mais l’organisation  d’un système qui produit le consensus. Une fédération, c’est essentiellement un compromis.
Le Canada n’est pas un pays unitaire mais le fruit d’intérêts divers. Trop souvent, les Québécois font la grave erreur de croire que les neufs autres provinces ont une pensée homogène, des buts communs et un avenir uniforme Il n’est est rien.
Au contraire, chaque région est une entité bien délimitée et le gouvernement fédéral se doit de bien tenir compte de ces vues de la base. Voilà  pourquoi, un leadership qui sait « faire accoucher les esprits » et accepter les solutions produites
par son équipe aura plus de succès en cette période difficile.

Mais ce dont les Canadiens aimeraient surtout entendre parler en cette période de réflexion et de choix, c’est d’économie. Malheureusement pour eux, les trompettes de la propagande libérale ne joueront pas cette partition.
Voyons pourquoi.
L’Économie

En dix ans de pouvoir, Pierre Elliott Trudeau a mis l’économie canadienne sens dessus-dessous. La politique du gouvernement a déréglé l’activité économique, affaibli le dollar, provoqué une fuite des capitaux et engendré
un chômage critique.

« Il n’y a plus d’inflation au Canada » proclamait Trudeau en décembre 1970.
Depuis ce temps, les prix ont augmenté de plus de 88%.  Le gouvernement fédéral a accusé presque
tout le monde d’être la cause de l’inflation; les travailleurs, les hommes d’affaires, les
pays étrangers, mais en réalité, l’inflation ne peut exister et n’existera pas sauf si le gouvernement l’encourage ou la laisse s’implanter.

C’est le gouvernement qui a le contrôle de l’approvisionnement monétaire. C’est le surplus monétaire qui cause l’inflation.

Depuis 1974, plus de 2,2 milliards de dollars ont pris le chemin de l’étranger pour y être directement investis. Par sa politique inflationniste, le gouvernement Trudeau a fortement compromis la rentabilité des opérations commerciales,
alourdi les frais de production et créé une fiscalité dévorante. En s’en prenant à la libre entreprise, en intervenant inutilement
dans le fonctionnement de l’économie et en voulant réglementer les moindres aspects de la vie.

Le Parti libéral s’est aliéné la confiance des entrepreneurs. Le prestige et la stabilité du dollar canadien sur le marché international ont gravement souffert. Dégringolant à son niveau le plus bas depuis la Crise, notre monnaie ne
vaut même plus 84 cents américains. La chute du dollar illustre bien l’évaluation qu’ils font
de notre dollar les investissements étrangers.

Les banquiers internationaux n’éprouvent aucune confiance en l’équipe Trudeau qui vit tellement au-dessus de ses moyens. Le monde international ne peut avoir confiance en une administration qui n’a pu juguler ni l’inflation, ni le chômage.
il n’y a pas de raison que l’électeur canadien ait davantage confiance.

Le chômage a atteint des proportions catastrophiques. Plus d’un million de Canadiens sont demandeurs d’emplois. Les statistiques du chômage font clairement remonter les disparités régionales qui se sont accentuées au
cours des dix années du régime Trudeau. Le Québec et les provinces de l’Atlantique sont les
plus durement touchés. En bloc, ces deux régions comptent pour 46% du taux de chômage. Le tiers
de la population et la moitié des chômeurs du Canada.

Pour remédier à la situation, l’administration Trudeau a choisi de déménager une poignée de services fédéraux et de lancer
quelques projets créateurs d’emplois à court terme alors qu’il aurait fallu un programme massif d’expansion économique. Il y a aujourd’hui 30 chômeurs pour chaque emploi vacant; les chances sont meilleures de gagner à la loterie.

Face aux problèmes économiques, tout ce que sait faire le gouvernement Trudeau est de pratiquer l’attentisme. Alors que le pays court à la faillite, alors que des centaines de milliers de Canadiens s’évertuent à trouver des
emplois qui n’existent pas, alors que les entreprises disparaissent les unes après les autres,
(503 faillites rien qu’en janvier 1978), alors que les capitaux prennent le chemin de l’étranger.

Le prestige et la stabilité du dollar canadien sur le marché international ont gravement souffert. Dégringolant à son niveau
le plus bas depuis la Crise, notre monnaie ne vaut même plus 84 cents américains. La chute du dollar illustre bien l’évaluation qu’ils font de notre dollar les investissements étrangers.
Les banquiers internationaux n’éprouvent aucune confiance en l’équipe Trudeau qui vit tellement au-dessus de ses moyens. Le monde international ne peut avoir confiance en une administration qui n’a pu juguler ni l’inflation, ni le chômage.
il n’y a pas de raison que l’électeur canadien ait davantage confiance.

Le chômage a atteint des proportions catastrophiques. Plus d’un million de Canadiens sont demandeurs d’emplois. Les statistiques du chômage font clairement remonter les disparités régionales qui se sont accentuées au
cours des dix années du régime Trudeau. Le Québec et les provinces de l’Atlantique sont les
plus durement touchés. En bloc, ces deux régions comptent pour 46% du taux de chômage. Le tiers
de la population et la moitié des chômeurs du Canada.

L’Unité Nationale

Trudeau se veut le champion toute catégorie, le défenseur infaillible de l’Orthodoxie fédérale Il se veut le rempart et l’instrument essentiel de la survie du Canada.

Et pourtant…Claude Morin, ministre des Affaires intergouvernementales de Québec déclarait: « C’est principalement grâce
à Trudeau que le P.Q. a été élu. Trudeau a écarté toute possibilité d’un fédéralisme renouvelé et il a poussé une foule de gens dans les bras du P.Q., je souhaite que Trudeau reste. Il est notre meilleur atout. » Peut-on s’exprimer avec
plus de clarté?

En dix ans, Trudeau-Lalonde auront conduit ce pays au seuil de la Sécession.
Était-ce une volonté déterminée? Beaucoup se le demandent Ils auraient recherché la fin de ce
pays qu’ils n’auraient pas agi autrement.

En niant la réalité québécoise, le régionalisme canadien, en refusant toutes les discussions sérieuses sur le fond des problèmes, en rejetant de la main le rapport de la Commission sur l’unité canadienne, le premier ministre pave la voie des extrémistes Il se fait l’instrument par excellence des séparatistes de tout bord.

Porte-parole des mandarins de l’administration centrale, le Parti libéral préconise une vue artificielle de la réalité canadienne. On ne peut avoir raison contre tout le monde Il est impensable de croire qu’aucune des
dix provinces canadiennes n’est en mesure de préconiser une solution juste. Et pourtant, depuis
dix ans, c’est le blocage, père de l’affrontement recherché avec Québec. Trudeau veut en découdre !

La solution n’est pas dans l’affrontement, mais dans la recherche d’un compromis. En ce sens, Joe Clark offre des garanties de succès.

Le chef de l’équipe des Progressistes-Conservateurs n’a de conflit personnel ni avec René Lévesque ni avec aucun des premiers ministres des autres provinces. Il abordera la réforme constitutionnelle de façon sereine et
calme.

Le leader conservateur n’imposera pas de solutions préconçues et il est, de plus, pour la majorité anglophone de ce pays, crédible.

La réforme constitutionnelle passe par le Parti conservateur parce qu’il est mieux enraciné dans l’ensemble du Canada anglais et qu’il est impensable de croire que l’avenir du Canada va se discuter et se régler entre Canadiens français.
Soyons réalistes et acceptons que « l’Autre » aussi a un mot à dire lorsqu’il est question du Canada.

Un des faits les plus incompréhensibles de la réalité politique canadienne pour les observateurs étrangers est le bloc libéral
du Québec. Alors que beaucoup de Québécois insatisfaits de l’évolution des choses en sont venus à désirer des changements fondamentaux, une majorité redonne imperturbablement leur confiance à Pierre Elliott Trudeau. C’est à croire que les Québécois préféreront changer de pays avant de changer de parti.

Remarquons en toute justice que plus une circonscription englobe d’anglophones, plus la majorité libérale est forte Il n’est
qu’à lire le Montreal Star pour comprendre que Pierre Elliott Trudeau représente pour eux l’instrument par excellence de défense. Pour leur part, les francophones, minoritaires au Canada, conditionnés par une couverture à la
présidentielle des média, se projettent à travers Trudeau. Ils dirigent la majorité. C’est là un phénomène fort connu en politique voulant que les minoritaires ont tendance à voter pour l’un des leurs.

Consensus non confrontation

Quel que soit le résultat de l’élection du 22 mai, le Canada continuera. Il est prévisible que la réélection de Trudeau nous
apporte une dure confrontation avec le Québec. L’élection d’un gouvernement Clark susciterait,
dans un premier temps, l’ouverture d’intenses négociations constitutionnelles entre les régions
qui font ce pays.

Les propagandistes du Parti libéral veulent nous conditionner autour de la question de leadership. A ce sujet, Michel Roy
du Devoir écrivait récemment au sujet de Trudeau …il n’est pas suffisant d’avoir toujours raison dans des soliloques et les débats, de maîtriser la dialectique et de raisonner en cartésien.
Un Trudeau a presque raison, mais il faut davantage pour changer la réalité, il faut aussi
gouverner. » Ce qui fait le plus défaut à l’actuel premier ministre, c’est sa capacité à diriger
une équipe. La sienne a disparu ou s’est essoufflée.

Ce qui fait la force des Conservateurs et leur succès dans de nombreuses régions, c’est leur nouvelle attitude a travailler
en équipe, a susciter le dialogue. Joe Clark dirige son parti comme il entend administrer le pays.

<Masse19790515>
<2e FESTIVAL D’ETE DE LANAUDIERE CONFERENCE DE PRESSE DE  MONSIEUR MARCEL MASSE PRESIDENT  TENUE LE MARDI 15 MAI 1979>

Mesdames, Messieurs,

Nous sommes heureux aujourd’hui de faire part à la population de notre région par l’entremise de la presse régionale, du programme du Festival d’été qui se déroulera à Joliette et dans la région au cours des mois de juillet et août 1979.

Suite à l’expérience vécue l’an dernier, le programme des activités a été modifié sensiblement pour 1979 de façon à permettre au Festival d’été de Lanaudière d’évoluer dans sa forme et de devenir un festival d’art d’interprétation.
Cette décision reflète la volonté de rendre cet événement accessible à tous et de poursuivre l’œuvre d’animation culturelle auprès du grand public.

Ainsi, si une grande partie du programme de cette année est consacrée à l’œuvre
de Beethoven et à la présence à Joliette de l’Orchestre symphonique de Montréal, une autre
partie, non moins importante, sera destinée aux arts d’interprétation. Les Ballets Jazz du Québec
et des troupes de danseurs folkloriques seront en évidence à l’occasion de soirées consacrées à la
danse. Des soirées de musique folklorique et traditionnelle mettant en vedette quelques-uns de
nos meilleurs groupes et chanteurs seront présentés le samedi soir. Au Musée de Joliette, les visiteurs pourront observer, dans le cadre du festival, l’exposition LAVALIN consacrée à la peinture non figurative pratiquée par de jeunes
peintres abstraits du Québec Il y aura également une exposition sur le design de l’environnement
intérieur.

Avec les années, le théâtre et les arts visuels s’ajouteront aux activités déjà existantes et permettront au Festival d’été de
Lanaudière de devenir un des grands festivals d’art d’interprétation au Québec, au Canada et en Amérique.

Les spectacles et concerts de cette année sont divisés en cinq parties :

1. LES SOIRÉES BEETHOVEN

Quatorze concerts dont trois avec l’Orchestre symphonique de Montréal et des solistes de réputation internationale
tels que: Peter Rosel, pianiste de l’Allemagne de l’Est, Henri Brassard, pianiste québécois, Anton Kuerti qui vient de remporter un immense succès à Montréal, ainsi que notre talentueuse violoniste, Angèle Dubeau. Voilà
quelques-uns des artistes qui se produiront lors des soirées BEETHOVEN.

2. LES CONCERTS DU DIMANCHE APRES-MIDI

Dans le cadre enchanteur du Lac Priscault à St-Côme, encore là on y retrouvera les plus grands interprètes. Mentionnons entre autres Monsieur Vladimir Jalinek, violoniste et Vladimir Orloff, violoncelliste.

3. LES JEUNES SOLISTES DU MERCREDI

Toujours au camp musical de Lanaudière au Lac Priscault à St-Côme on pourra y entendre nos meilleurs jeunes solistes
du Québec et de la région de Joliette. Mentionnons Marie-Andrée Benny, flûtiste de Joliette, Anne-Marie Dubois, pianiste, Chantal Juillet, violoniste de Sherbrooke. Une initiative du Festival afin d’encourager nos jeunes talents du Québec.

4. LES SOIRÉES DU SAMEDI

Ces soirées seront surtout consacrées au folklore québécois, à la musique traditionnelle, de même qu’à la danse moderne
et les chorales de la région Lanaudière. Parmi nos invités soulignons: L’Ensemble Claude Gervaise, La Soirée Québécoise telle que présentée à l’Olympia à Paris en 1978, le Bal des Violons, Les Ballets Jazz de Montréal, La Bottine Souriante et les Choralies de Lanaudière.

5. D’AUTRES SOIRÉES MUSICALES

Pour varier encore le menu, nous aurons les 2-5-29 juillet les concerts suivants: L’ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTREAL SOUS LA DIRECTION DE CHARLES DUTOIT qui jouera la musique de FRANCOIS DOMPIERRE, le 5 juillet en la CHAPELLE ST-ANDREW (Cuthbert) de Berthierville (Monument historique) et grâce à
une entente Nouveau-Brunswick – Québec, le claveciniste MATHIEU DUGUAY.

Le dimanche 29 juillet une première à Joliette, L’ORCHESTRE SYMPHONIQUE DES JEUNES DE
TOKYO (Japon) 60 musiciens.

Comme vous pouvez le constater, le festival de cette année permettra à tous et à chacun d’y trouver son profit et son agrément par la diversité des concerts et des spectacles.

Faut-il le souligner nous offrons cette année à la population trente-sept (37) concerts
et spectacles soit à notre avis le plus ambitieux programme culturel que la région de
Lanaudière n’a jamais connu et cela sur une période de huit semaines.

LE PRIX DES BILLETS

Nous avons voulu que ce deuxième festival soit populaire et pour ce faire, nous avons adopté une politique de prix qui permettra à toute la population d’y participer.

LE BILLET DE SAISON POUR LES 37 CONCERTS ET SPECTACLES équivaut à $140.00 dollars et pour
ceux et celles qui se le procureront nous l’offrons à $50.00 dollars (une aubaine) soit $1.33 par concert ou spectacle. Quant à ceux qui se procureront leurs billets à l’unité, le prix variera entre $4.00 et $6.00 dollars. Plus de
vingt points de vente seront installés dans la région et à Montréal afin de permettre l’accès
plus facile à tous ceux qui veulent participer  au Festival.

DECENTRALISATION

Nous avons convenu que le 2ième Festival devait se dérouler un peu partout dans la région de Lanaudière. Nous produirons donc cette année des concerts à Joliette, Berthierville, St-Paul-de-Joliette, l’Épiphanie et St-Côme. Bien sûr. Joliette étant la capitale régionale et possédant la meilleure organisation de salles et d’endroit de verdure pour les
grands concerts, il est donc normal que la grande majorité des concerts se déroule en la Cité de Joliette.
LE FINANCEMENT

Le Festival de cette année coûtera environ $80,000.00 dollars que nous prévoyons financer avec la vente des billets, les
généreuses souscriptions et commanditaires de même que par des dîners bénéfices à Joliette et à Montréal. A ce sujet, Monsieur Maurice Lévesque, notre président du dîner bénéfice à Joliette, vous entretiendra de ce sujet dans quelques
minutes.

Voilà, Mesdames, Messieurs, quelques nouvelles de nature, j’espère, à réjouir les dirigeants et la population de Joliette
et Lanaudière. Nous espérons qu’avec les années, Joliette pourra être fière de posséder un Festival à son image de milieu culturel par excellence et ainsi devenir une attraction à la fois touristique et économique et espérer être parmi
les grands festivals d’art d’interprétation de par le monde.

<Masse19791218>
<CONFERENCE DE PRESSE DE MONSIEUR MARCEL MASSE CANDIDAT PROGRESSISTE-CONSERVATEUR
DANS LABELLE ST-JEROME, le 18 décembre 1979>

Cette campagne électorale porte sur le changement et notre message aux Canadiens est très simple. Le 22 mai, les gens du pays nous ont fait confiance car ils savaient que de vrais changements étaient nécessaires au pays afin de protéger le niveau et la qualité de notre vie, d’assurer la stabilité et la sécurité et d’atteindre notre potentiel.

Le Canada possède le potentiel et les ressources pour résoudre nos problèmes économiques. Pendant onze ans, le gouvernement Trudeau a mal exploité notre potentiel. Le résultat: une économie en deçà de son potentiel, des finances publiques en désordre, un pays divisé et des institutions démocratiques, tel le Parlement, bafouées.

De même, ils ont accru notre dépendance vis-à-vis des approvisionnements peu fiables des pays étrangers; ceci au coeur d’un pays si riche d’une gamme variée de ressources énergétiques.

Les Canadiens savent que des changements s’imposaient pour solutionner ces problèmes. Le nouveau gouvernement, sous la direction du premier ministre Clark, s’est senti investi d’un mandat pour réaliser des changements.
Mais le nouveau gouvernement n’a pas eu sa chance de diriger le pays. Le nouveau Parlement a dé régler certains problèmes laissés en suspens par le gouvernement Trudeau et, de ce fait, le nouveau gouvernement n’a eu que seize
jours sur quarante sept jours de session pour ses propres réalisations. Puis le Parlement est tombé victime des forces combinées des libéraux et des néo-démocrates le quarante-septième jour.

Le ministre des finances, John Crosbie, a soumis un budget renfermant les premières étapes essentielles à la stabilité et la
sécurité future du Canada. Ce budget démontrait la compréhension du gouvernement face à l’ urgence
de changements et qu’à l’encontre des onze années d’irresponsabilité et de somnolence de Trudeau, le nouveau gouvernement avait la volonté et le pouvoir de faire face à nos problèmes et de faire les changements nécessaires
pour le progrès futur du Canada. Le nouveau gouvernement veut mettre fin à l’incertitude quant à la direction du Canada en employant dès maintenant des mesures énergiques pour contrôler l’énorme déficit fédéral pour nous libérer
de notre dépendance à l’endroit du pétrole importé et pour rendre le Canada autonome quelque
difficiles que soient les mesures à envisager; pour encourager encore les petites entreprises;
pour construire des moyens de transport à la mesure de notre potentiel d’exportation; pour encourager les Canadiens à devenir propriétaires d’une maison et à investir dans des actions canadiennes. Au début de la campagne,
on a expédié aux candidats de la documentation expliquant ces points importants du budget défait
par Trudeau et le NPD.

Mais Trudeau et le NPD ont arrêté le processus de changement. Ils n’ont pas donné la chance au nouveau gouvernement de faire face aux problèmes du Canada, de mettre en œuvre son budget et de continuer à gouverner le pays.

En fermant le Parlement, en paralysant les affaires gouvernementales et en arrêtant le processus de changement, Trudeau et le NPD ont fait régresser notre pays d’au moins un an. Ils ont agi ainsi non dans l’intérêt du Canada, ni parce qu’ils avaient une meilleure politique, mais parce qu’ils croyaient pouvoir retirer de cette situation des avantages partisans.
Ils ont mal utilisé notre potentiel pendant onze ans et maintenant, ils refusent de donner une chance au nouveau gouvernement. Voilà le thème de la campagne.

Seul notre parti, notre nouveau gouvernement, s’est montré capable de prendre les décisions nécessaires maintenant au maintien de notre niveau et de notre qualité de vie, de notre sécurité et stabilité future, et à l’atteinte de notre potentiel. Le choix qui s’offre: un retour à la manipulation politique, au marasme économique et à la frustration du règne de
Trudeau… ou un nouveau gouvernement progressiste-conservateur qui affronte maintenant les problèmes
et réalise les immenses possibilités de l’année 1980.

<Masse19791219>
<DÉCLARATION DE MONSIEUR MARCEL MASSE sUR LE BUDGET CROSBIE BELLEFEUILLE 19 DÉCEMBRE 1979>

Vers un assainissement des finances publiques.
Le budget du 11 décembre renverse la tendance du gouvernement libéral précédent a accumuler chaque année des déficits de plus en plus grands. John Crosbie a présenté aux Canadiens un budget qui va réduire le déficit du
gouvernement fédéral de $11.3 milliards cette année à 10.4 milliards l’an prochain et à $9,060 milliards pour l’année fiscale 1983-84.

Plus important encore, les besoins d’encaisse du gouvernement fédéral baisseront de $9.4 milliards cette année à $7.8 milliards l’an prochain et à $4.4 milliards en 1983-84. En d’autres mots, les besoins d’encaisse du gouvernement
seront réduits de moitié. Ceci permettra au secteur privé de jouir d’une marge accrue de manœuvre en vue de créer davantage de richesse.

La gestion fiscale des libéraux; dépenser maintenant, payer plus tard. Le déficit du gouvernement fédéral
a cru de $968 millions en 1972-73 à $12.1 milliards en 1978-79, la dernière année de la mauvaise gestion
économique des libéraux. Le déficit de cette année s’élèvera à environ $12.3 milliards. L’an passé, le déficit des libéraux représentait 25% des dépenses gouvernementales; en 1983-84 cette proportion chute à 12%.

S’il arrive à réduire le déficit fédéral, le ministre des Finances pourrait ranimer la confiance des milieux d’affaires en l’avenir
du Canada. Ceci devrait marquer également un bon départ sur la voie d’un rétablissement de la monnaie canadienne qui depuis 3 ans bat malheureusement de l’aile.

Au cours des derniers 10 ans, les dépenses fédérales se sont accrues de $16 milliards en 1970-71 à une somme estimée à $55 milliards pour 1979-80. Durant cette période les dépenses ont crée n moyenne de 15% chaque année. M. Crosbie s’est
engagé au nom du gouvernement à limiter la croissance à 10% annuellement, ce qui signifie une croissance zéro compte tenu de l’inflation.

Les promesses économiques remplies le 11 décembre 1979. Le budget du 11 décembre réalise un nombre important de promesses économiques ou fiscales formulées lors de la récente campagne électorale.

Elles comprennent: des engagements fiscaux à long terme envers des firmes s’établissant dans l’Est du pays.
– important dégrèvement pour les gains en capital à l’intention des agriculteurs.
Stimulant fiscal à la construction de nouveaux vaisseaux de pêche pour la région d’Atlantique.
Mesures en vue de permettre la déduction du revenu d’entreprise de salaires payés au conjoint du propriétaire d’une petite
entreprise non-incorporée. Une réduction du déficit fédéral et des besoins d’encaisse du fédéral, des mesures pour assurer au Canada une auto-suffisance énergétique d’ici 1990.
Amélioration au crédit d’impôt à l’emploi,  des mesures fiscales pour encourager l’investissement dans le capital-actions de
sociétés canadiennes.

– des prévisions de revenus et de dépenses à moyen terme et un budget plus ouvert.

– des déductions accrues pour les handicapés.

Autres engagements remplis à date. Parmi les autres engagements remplis à date, on retrouve :
– crédits d’impôt hypothécaires et de taxes foncières.
– introduction de mesures pour alléger la paperasserie gouvernementale affectant les P.M.E.
modifications aux propositions fiscales libérales destinées à la petite entreprise,
une révision du processus de conversion du système métrique, une Conférence nationale sur le
développement économique sera tenue en janvier 1980 pour consulter les milieux patronaux et syndicaux ainsi
que les. gouvernements provinciaux, réduction de la publicité gouvernementale et dans la taille de la fonction
publique, de nouvelles méthodes de responsabilité financière et de contrôle, des engagements accrus du gouvernement
en matière de recherche et de développement, un accroissement des activités de formation professionnelle,
une révision des politiques de commerce extérieur et de la Société de développement des exportations.

<Masse19791220>
<DECLARATION DE MONSIEUR MARCEL MASSE A ST-JOVITE LE 20 DECEMBRE 1979>

Le gouvernement PC estime que les électeurs ne devraient pas être pénalisés à cause de la chute du gouvernement. Le programme de crédit d’impôt concernant l’intérêt hypothécaire et l’impôt foncier sera présenté de
nouveau après le 18 février à l’étape de la Phase II du plan quadriennal.

Les propriétaires de maison (et les futurs propriétaires) se sont vus refuser ce répit fiscal en 1979 parce que les libéraux
et le NPD se sont entendus pour défaire le gouvernement. En 1980, le Premier ministre Joe Clark permettra les déductions prévues en vertu de la deuxième année du programme.

Cela signifie que les propriétaires vont obtenir un crédit pouvant atteindre $625 si leurs intérêts hypothécaires sont de
$5,000 et un crédit de $125 pour leurs impôts fonciers en 1980 – tout comme si l’opposition
n’avait pas mis fin aux travaux du Parlement pour des raisons partisanes.

Vu qu’il y a des écarts marqués entre les niveaux d’impôt foncier et de répit fiscal d’une province à l’autre, les propriétaires
pourront jouir d’un crédit d’impôt fédéral fixe dans le cas de l’impôt foncier – qui ne sera pas lié au montant réellement versé en impôts fonciers.

A la fin du programme 1982, les propriétaires pourront obtenir un crédit équivalant à 25 pour cent des premiers $5,000 versés en intérêts hypothécaires.

Tant Trudeau que le NPP ont dit qu’ils n’adopteraient aucun répit fiscal avantageant les propriétaires canadiens.

Le gouvernement Clark tient à ce programme parce qu’il:  facilitera l’achat d’une maison et abaissera
les coûts réels;  stimulera une industrie importante et appartenant à des Canadiens: l’industrie de
la construction;  créera des emplois dans cette industrie.

<Masse19791223>
<DECLARATION DE MONSIEUR MARCEL MASSE  ST-JEROME, le 23 décembre 1979>

C’est pour se donner une politique nouvelle et plus réaliste que les Canadiens ont rejeté l’ancien gouvernement Trudeau le 22 mai dernier. Mettre fin aux taux d’inflation et de chômage deux fois trop élevé et augmenter le rythme de croissance de notre productivité, voilà les objectifs prioritaires du gouvernement Clark.

Au cours des cinq dernières années, les gains de productivité, qui sont la source essentielle de l’amélioration du niveau
de vie des Canadiens, ont été quasiment nuls. Cette détérioration est imputable en grande partie à l’irresponsabilité de l’ancien gouvernement mandat écourté par la démagogie des libéraux fédéraux et des néo-démocrates, a mis de l’avant
plusieurs mesures économiques, financières et constitutionnelles. Entre autres, les contribuables qui emploient leur conjoint dans une entreprise non constituée en société pourront désormais déduire la rémunération versée à ce conjoint.
Par exemple, un agriculteur pourra déduire le salaire versé à sa femme comme employée de la ferme, ce qui diminuera ses impôts. Également pour les agriculteurs, un important dégrèvement pour les gains en capital, des déductions d’impôts accrues pour les handicapés, encouragement fiscal aux entreprises leur permettant d’accroître l’emploi, notamment pour les jeunes crédit d’impôt de $80.00 par semaine permettant de créer plus de 100,000 emplois dans le secteur privé.

Par rapport aux $100 millions prévus par le chef intérimaire du Parti libéral, les sommes destinées à ce projet s’élèveront
à $250 millions par année.

De plus, quelque $50 millions seront mis à la disposition du développement économique dans l’est du Canada, favorisant
ainsi le Québec.

Voilà quelques-unes des mesures stimulantes pour l’économie où tous les Canadiens, sans exception, y trouveront leur intérêt.

Le gouvernement Clark est le gouvernement des années 1980. Si certaines mesures peuvent de prime abord sembler quelque
peu sévères, c’est que contrairement à l’ancien gouvernement nous ne pouvons nous permettre de
ne penser qu’à nos profits immédiats…au détriment de nos enfants et des générations à venir.
Le courage du gouvernement Clark s’impose à ce moment précis de notre histoire et les Canadiens
sauront, le moment venu, donner à Clark et son équipe la place qui leur revient.

<Masse19800110>
<DECLARATION DE MONSIEUR MARCEL MASSE CANDIDAT PROGRESSISTE-CONSERVATEUR
DANS LABELLE LAFONTAINE, le 10 janvier 1980>

Conséquence directe de la mauvaise administration du gouvernement Trudeau défait le 22 mai dernier, les dépenses fédérales sont supérieures de 25% à ses revenus. Fait à souligner, le déficit budgétaire est supérieur
au revenu total de l’année 1967.

Nous nous devons de réduire progressivement le déficit. grâce entre autres à des réductions de dépenses, le gouvernement
Clark prévoit réduire de moitié ses besoins financiers au cours des quatre années, le faisant passer de $10 milliards cette année à $5 milliards en 1984. De plus, ce plan financier facilitera l’obtention de capitaux pour les entreprises.

Nous aurons ainsi réussi à réparer largement, sinon complètement, les dommages infligés aux dépenses de l’état par les
cinq dernières années du gouvernement Trudeau qui avait vu le déficit passer de $2 milliards
en 1975 aux $10 milliards enregistrés au moment de sa défaite. Pour y arriver, le premier minis tre Clark a ordonné de plafonner les dépenses. En chef responsable, M. Clark limitera la croissance des dépenses de l’état de 10% par an, ce
qui correspond en terme réel à une augmentation nulle des dépenses.

Cette mesure est d’autant plus importante qu’avec le déficit budgétaire créé par l’irresponsabilité de l’ancien gouvernement
Trudeau, l’endettement net de l’état s’accroît à un rythme de 20% car il faut emprunter l’argent quelque part lorsque les dépenses sont plus élevées que les revenus.

Aux emprunts correspondent des intérêts qui augmentent sans cesse et qui, tôt ou tard devraient être financés par des augmentations d’impôt. Cette situation est insoutenable et dévastatrice pour le niveau de vie des Canadiens.

Le gouvernement Clark propose de freiner cette escalade…s’il est un moment de notre histoire oIl nous devons tous faire
preuve de maturité et poser un « geste de raison », le jour du scrutin nous en fournira l’occasion.

Ce début d’année ouvrira une voie nouvelle pour le Canada et le gouvernement Clark est sans contredit,
le gouvernement des années 1980.

<Masse19800111>
<DECLARATION DE MONSIEUR MARCEL MASSE L’ENGAGEMENT DU PARTI CONSERVATEUR
ENVERS LES JEUNES CANADIENS A ST-SAUVEUR LE 11 JANVIER 1980>

Le gouvernement Clark a mis sur pied un Secrétariat pour l’emploi des jeunes, afin de coordonner les nombreux programmes d’emploi des jeunes offerts par différents ministères; élaborer une politique fédérale cohérente;
éviter le chevauchement des programmes et harmoniser les programmes fédéraux et provinciaux
d’emploi des jeunes.

Le nouveau programme de stimulation de l’emploi dans le secteur privé marque une expansion et une amélioration sur l’ancien programme du gouvernement de crédit d’impôt à l’emploi. Des stimulants fiscaux allant jusqu’à $80 par semaine pour chaque emploi créé seront remis aux employeurs. Ce programme permettra cette année l’embauche de 105,000 jeunes chômeurs canadiens et de 15,000 chômeurs au sein du secteur privé.

Cette année, 14,000 emplois seront créés grâce au nouveau programme de service national d’emploi des jeunes. De jeunes Canadiens  seront recrutés par les services bénévoles pour exécuter des projets à incidence sociale, significative
et durable.

Le programme d’emploi d’été pour les jeunes du Canada, en remplacement du programme d’été Jeunesse-Canada au travail, créera 2,000 emplois de plus cette année. Le gouvernement tente d’éliminer le système de favoritisme existant
où les fonds étaient souvent dirigés vers des groupes favorables au député de l’endroit.

Le gouvernement a entrepris d’améliorer l’accessibilité aux programmes de formation professionnelle.

L’Éducation

Le gouvernement a mis sur pied un groupe d’étude fédéral-provincial sur l’aide aux étudiants. Ce groupe révisera les programmes fédéraux-provinciaux existants du point de vue de l’accès aux études collégiales et pré-universitaires,
de l’endettement étudiant, des besoins financiers et de la possibilité de transférer l’aide financière d’une province à l’autre. Une liste énumérant d’autres avenues possibles sera publiée d’ici l’automne 1980. Elle servira de point d’appui à l’action gouvernementale.

Le gouvernement Clark a entrepris de faciliter l’entrée des femmes aux collèges militaires.

LES PROGRAMMES DE RECHERCHE UNIVERSITAIRE

L’engagement du gouvernement Clark face à la recherche et au développement améliorera les possibilités de recherche pour
les professeurs et les étudiants universitaires canadiens.

Le budget du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie a été augmenté de 42 millions de dollars, soit 35%
de plus que l’an passé. Cette augmentation servira à financer 600 bourses post-universitaires de plus, créera 3,000 emplois de recherche d’été pour les étudiants en science et en génie et permettra l’octroi chaque année de 200 bourses
au niveau post-doctoral. Plus de 15,000 postes de recherche seront créés au cours des cinq prochaines
années.

L’engagement du gouvernement d’augmenter le financement pour la recherche médicale créera de 400 à 500 postes de recherche.

LES CADETS

Le gouvernement Clark a mis un terme à la politique libérale de réduction du nombre de cadets et a augmenté son appui financier. L’aide financière pour le programme estival de formation des cadets et des réservistes a été accrue de 20%.

LE PROGRAMME HOSPITALITE CANADA

Le programme Hospitalité Canada a été modifié de façon à répondre au nombre grandissant de jeunes Canadiens participant aux échanges inter-provinciaux.

<Masse19800112>
<NOTES POUR UNE ALLOCUTION SUR LE PROGRAMME ENERGETIQUE DU GOUVERNEMENT PROGRESSISTE-CONSERVATEUR ST-JEROME 12 JANVIER 1980>

De toutes les nations industrialisées de l’Occident, c’est au Canada que le pétrole est le moins cher.

Le prix du pétrole canadien est de $14.75 le baril tandis qu’il est de plus de $32 (canadien) le baril ailleurs dans le monde.

Les Canadiens consomment plus d’énergie par habitant que tout autre pays.

La politique du gouvernement Clark vise à faire du Canada un pays qui pourra se suffire lui-même en énergie d’ici à 1990. Ce but sera atteint seulement s’il y a augmentation de la production et réduction de la consommation.

On ne peut pas faire abstraction du prix lorsqu’on parle de production et de consommation.
Des prix peu élevés ne découragent pas la consommation. Des prix peu élevés n’encouragent
pas l’augmentation de la production.

La politique de fixation du prix, annoncée dans le budget Crosbie, aurait porté le prix du brut au Canada à un niveau équivalant à 85% du moins élevé des deux prix suivants: celui de Chicago ou le prix mondial, et aurait augmenté
la taxe d’accise sur l’essence de 18cents le gallon (ristourne de 10cents le gallon destinée aux agriculteurs, pêcheurs et camionneurs). L’augmentation du prix aurait été graduelle $4 le baril en 1980 et $4.50 en 1981 et en 1982.

L’essence coûte relativement peu cher au Canada. Voici les prix payés ailleurs en 1979 pour un gallon d’essence ordinaire:

Italie,$3.75; France, $3.62, Allemagne de l’Ouest, $3.17; Royaume-Uni, $2.59; États-Unis, $1.42. Le prix au Canada était de $1.05.

En 1979, la consommation d’essence a baissé d’environ 4% aux États-Unis par rapport au niveau de 1978 tandis qu’au Canada, elle a augmenté de près de 5%.

Au Royaume-Uni, pays autarcique en pétrole le prix national du pétrole brut est deux fois plus élevé que celui du Canada.

Le gouvernement progressiste-conservateur estime que des prix réalistes font partie intégrante
d’une politique énergétique globale et les considère essentiels si nous voulons que le Canada
soit un pays auto-suffisant en énergie d’ici à 1990.

DÉPENDANCE DU CANADA A L’ÉGARD DU PÉTROLE IMPORTÉ
Il en coûte $5,1 millions par jour aux Canadiens pour approvisionner les provinces de l’est en
pétrole importé.

Le gouvernement progressiste-conservateur s’est fixé comme objectif de rendre le pays autarcique
du point de vue énergétique d’ici à 1990. Le Canada serait ainsi libéré de sa dépendance vis-à-vis des importations de pétrole dispendieuses et sur lesquelles nous ne pouvons pas nous fier.

Les politiques énergétiques des partis libéral et néo-démocrate préconisent une augmentation
des importations brutes de pétrole étranger, importations qui passeraient de 480 000 barils
en 1979 à plus de 900 000 en 1985.

Déjà en 1979, le gouvernement fédéral a dé débourser près de $2 milliards à titre de compensation
pour le coût élevé du pétrole importé.
En 1985, le montant de cette compensation pourrait dépasser les $5 milliards par année
si les politiques énergétiques des libéraux et des néo-démocrates étaient adoptées.

il serait bon de souligner que ce montant ($5 milliards) versé en un an à des gouvernements
étrangers suffirait à financer entièrement une usine d’extraction des sables bitumineux en
Alberta, projet qui permettrait de produire 120 000 barils de pétrole par jour pendant 20
ans.

En janvier 1980, le prix du pétrole au Canada est de $14.75 le baril alors que le prix moyen du pétrole brut importé est de plus de $32 le baril.

En 1979, 8% de notre pétrole importé provenait de l’Iran. En 1980, l’anarchie qui règne en Iran peut mettre un terme à tout envoi de pétrole au Canada. D’autres pays membres de l’OPEP menacent de réduire la quantité de pétrole disponible sur les marchés internationaux.

Le gouvernement Clark préconise une auto-suffisance pétrolière complète du Canada au plus tard
en 1990. Dans un climat comme le nôtre, nous ne pouvons laisser aux autres le soin de nous approvisionner
en carburant. L’auto-suffisance est la seule politique sûre, réaliste et raisonnable pour le Canada. On ne peut atteindre cet objectif avec les politiques mises de l’avant par les libéraux et les néo-démocrates.

UTILLISATION DES RECETTES PROVENANT DE L’AUGMENTATION DES PRIX DU PÉTROLE

Taxe d’autarcie énergétique

La première des augmentations annuelles de $2 le baril sera répartie comme suit: provinces – 45%, entreprises privées – 45%, gouvernement fédéral – 10%.

L’entreprise privée disposera ainsi de ressources financières adéquates mais non excessives
en vue de réaliser les grands projets d’exploration et de mise en valeur nécessaires à l’autarcie
énergétique du Canada. Plus de $130 milliards seront dépensés en ce sens de 1980 à 1990.
Toute augmentation supérieure Š $2 par année (en 1980 par exemple l’augmentation totale serait de
$4 par année) sera répartie comme suit: provinces – 50%, gouvernement fédéral – 50%.

Les 50% de l’augmentation supérieure à $2 par année que conserve le gouvernement fédéral s’appelle la taxe d’autarcie énergétique. Cette taxe est imposée à l’industrie pétrolière.

La totalité des recettes du gouvernement fédéral provenant de la taxe d’autarcie énergétique
servira uniquement à la mise en œuvre de programmes d’approvisionnement et d’économie
d’énergie.

Ces revenus serviront uniquement à la réalisation des programmes d’auto-suffisance énergétique
dans les secteurs suivants:

(i) Aux fins d’économie, une version améliorée du programme d’isolation des maisons un
programme de remise en état des brûleurs à l’huile en vue d’en améliorer l’efficacité
et un programme d’économie industrielle;

(ii) Des programmes de substitution en vertu desquels les usagers délaisseraient le pétrole
au profit de sources énergétiques plus abondantes tels que le gaz naturel et le charbon;

(iii) Des programmes visant l’approvisionnement en pétrole afin de favoriser l’exploration
et la mise en valeur des ressources énergétiques dans les régions pionnières, la mise en valeur des sables bitumineux et
le raffinage du pétrole lourd, et ce en mettant l’accent sur la participation canadienne aux projets;

(iv) Programmes de recherche et de développement et projets pilotes en ce qui a trait
aux sources d’énergie renouvelables et non renouvelables;

(v) Participation fédérale à la Banque nationale d’énergie, une banque fédérale-provinciale créée en vue de financer des
projets de mise en valeur des ressources énergétiques en collaboration avec le secteur privé canadien.

– La taxe d’accise fédérale sur tous les carburants de transport sera augmentée de 18 cents le gallon. Une remise de 10 cents le gallon sera accordée aux agriculteurs, aux pêcheurs commerciaux et aux exploitants de
transport urbain. La hausse ne s’appliquera pas à l’huile à chauffage.

– Un crédit d’impôt remboursable au titre de l’énergie pouvant représenter $80 par adulte
et $30 par enfant par année permettra d’amortir l’effet de la hausse des prix de l’énergie
sur les familles à revenu modique et moyen. Plus de 6 des 18 cents d’augmentation de la taxe d’accise serviront à financer le crédit d’impôt à l’énergie.

– Les autres 12 cents de taxe d’accise serviront à financer une partie du programme de compensation
pour le pétrole importé. Le montant de cette compensation se situe maintenant à plus
de $2 milliards par année. La taxe d’accise de 12 cents servira à alléger ce fardeau mais
il faudra tout de même puiser ailleurs pour régler le solde.

RESUME

Toutes les recettes que le gouvernement fédéral recevra grâce à la taxe d’autarcie énergétique ou la taxe d’accise serviront directement ou indirectement à des fins énergétiques.

EXPORTATION DE GAZ NATUREL

– Le gouvernement a approuvé une recommandation de l’Office national de l’énergie en vue de l’exportation de 3,75 trillions de pieds de gaz naturel répartie sur une période de 6 ans; gaz en excédent par rapport aux besoins canadiens.

– Le Canada a un excédent de gaz naturel: les réserves connues en Alberta, en Colombie-Britannique
et en Saskatchewan sont suffisantes pour répondre aux besoins actuels et futurs du Canada même en tenant compte (i) d’une consommation plus forte de gaz naturel aux dépens de l’huile à chauffage et (ii) d’une consommation accrue de gaz dans l’est du Québec, dans les Maritimes et dans l’Île de Vancouver. Les réserves de gaz prouvées du Canada sont
suffisantes pour répondre à la demande jusque dans les années 1990 et ne comprennent pas les
trillions de pieds de réserves prouvées dans le delta du MacKenzie, les ”les de l’Arctique
et au large de la côte est de la Nouvelle-Écosse.

L’Office national de l’énergie estime que l’exportation recommandée de 3,75 trillions de pieds au prix d’aujourd’hui représentera pour le Canada de nouveaux revenus totalisant plus de $15 milliards.
Le Canada manque de pétrole et a trop de gaz naturel. Les explorateurs cherchent les deux mais peuvent trouver l’une ou l’autre de ces formes d’énergie. Si nous perdions nos marchés d’exportation pour le gaz naturel et que
nous étions incapables de le vendre, l’exploration ralentirait, ce qui abaisserait la
probabilité de découvrir de nouvelles sources de pétrole dont nous avons besoin.

Ce sont surtout les petites entreprises d’exploration canadiennes indépendantes qui seraient
durement touchées par un arrêt des exportations puisqu’elles ont besoin des recettes de ces ventes pour financer leur expansion.

– COMMENTAIRE : Le NPD n’exporterait pas le gaz naturel parce qu’il s’agit d’une ressource
non renouvelable, en dépit du fait que nous en avons trop. D’après ce raisonnement, nous
ne devrions pas exporter les autres ressources non renouvelables comme le nickel, le cuivre,
l’uranium, la potasse et bien d’autres? Quelles seraient les conséquences de ce raisonnement
sur la balance des paiements du Canada, sur la création d’emplois et la génération de nouveaux revenus, de nouveaux placements, etc.?

PETRO-CANADA

Le gouvernement progressiste-conservateur est résolu à renforcer Pétro-Canada afin d’en faire
une société dominante dans la mise en valeur de nos ressources énergétiques canadiennes. Nos
propositions concernant Pétro-Canada ne représentent qu’un élément de notre programme d’autarcie
énergétique. Ces propositions permettront à chaque Canadien de participer directement à
l’évolution de notre industrie énergétique et fourniront à Pétro-Canada, les ressources financières
qui lui permettront de faire concurrence aux sociétés pétrolières multinationales.

– Le gouvernement progressiste-conservateur distribuera aux Canadiens des actions de
Pétro-Canada le 1er juillet 1980.

– En vertu du régime, chaque Canadien pourra demander cinq actions de la société ayant
une valeur marchande d’environ $10 l’unité.

– Les Canadiens pourront acheter des actions supplémentaires de Pétro-Canada grâce à une
offre publique.

– La vente des actions de Pétro-Canada rapportera plus de $500 millions qui serviront à
renforcer la situation financière de la société.

Aucun particulier, aucune société ni établissement ne pourra détenir plus de 3% des actions
en circulation. Seuls les Canadiens et les entreprises canadiennes pourront détenir des actions.

Le gouvernement fédéral conservera un intérêt  de 30% dans Pétro-Canada de sorte qu’une fois
terminé le programme de renforcement, la répartition des actions sera à peu près la suivante:
– particuliers (distribution gratuite) 50%
– vente (particuliers et sociétés) 20%
– gouvernement fédéral 30%
100%

Pétro-Canada collaborera étroitement avec le gouvernement fédéral afin de réaliser les programmes d’auto-suffisance énergétique. Par l’entremise d’ententes contractuelles, Pétro-Canada représentera le Canada lors de négociations
d’état-à-état liées au pétrole et mènera des programmes d’exploration dans les régions pionnières et de recherche et de développement énergétique au nom du gouvernement fédéral.

SITUATION FINANCIERE

– La première étape du programme de renforcement de Pétro-Canada prévu par le gouvernement progressiste-
conservateur est l’approbation d’une augmentation, en 1980, du budget d’immobilisations qui sera porté à $435 millions par rapport à $385 millions en 1979, soit une augmentation de $50 millions.

La deuxième étape du programme de renforcement fournirait $500 autres millions obtenus grâce
à la vente d’actions de Pétro-Canada. Les recettes de cette vente iraient directement à
la société.

Comme le prouvent les deux paragraphes précédents, le gouvernement progressiste-conservateur
a l’intention d’élargir sensiblement le rôle de Pétro-Canada afin d’atteindre l’objectif d’autarcie énergétique.

Les libéraux et le NPD ne pouvaient renforcer Pétro-Canada qu’en ayant recours à des augmentàtions d’impôt ou en créant de nouveaux déficits fédéraux.

<Masse19800115>
<DECLARATION DE MONSIEUR MARCEL MASSE LA SECURITE DE LA VIEilLESSE A STE-ADELE LE 15 JANVIER 1980>

L’attitude des libéraux à l’égard des personnes âgées a été d’essayer de les acheter en période électorale en leur promettant d’augmenter la pension de sécurité de la vieillesse.

La promesse de cette année est de 35 $ par mois de supplément sur le revenu garanti pour les
retraités de 65 ans et plus ne sera pas tenue, comme pour le revenu annuel garanti et les prestations
mensuelles de 250 dollars du régime de pension du Canada promis en 1974 Ils ont également
promis d’augmenter sensiblement les fonds destinés au programme « Nouveaux Horizons » – pour personnes âgées; en fait le budget de la dernière année pour ce programme a été inférieur sous le gouvernement libéral à celui de l’année
précédente compte tenu de l’inflation.

Environ 9 pour cent de la population, c’est-à-dire 2,1 millions de Canadiens sont âgés de 65 ans ou plus. Le nombre de personnes âgées augmente plus rapidement que l’augmentation du reste de la population. En 2001, il y aura environ 3,4 millions de personnes âgées, ce qui correspondra à 11 ou 12 pour cent de la population.

En 2031, il y aura 6,4 millions de personnes âgées formant ainsi plus de 20 pour cent de la population.

Le plus grand problème auquel nos personnes âgées sont confrontées, c’est la pauvreté. Une personne seule qui ne touche pas d’autres revenus, à part la pension de sécurité de la vieillesse et le supplément du revenu garanti,
doit vivre avec un revenu annuel de 3,700 dollars seulement, et un couple avec 6,800 dollars
seulement. Ce qui signifie que la moitié des personnes âgées qui sont seules et le cinquième des
couples âgés vivent en deçà du seuil de la pauvreté, tel que défini par Statistique Canada. Ce
taux est deux fois plus élevé que celui de la population en général.

Plusieurs de ces problèmes sont  reliés aux pensions en général et notamment au problème de leur indexation.

La sécurité de la vieillesse et les régimes de pension du Canada sont indexés en fonction de l’indice des prix à la consommation qui ne reflète pas les dépenses nécessaires des personnes âgées. Ces personnes consacrent
une très grande part de leur revenu à l’alimentation et à l’hébergement et leurs coûts augmentent
plus rapidement que celles des autres composantes de l’I.P.C.

MESURES IMPORTANTES DU GOUVERNEMENT CONSERVATEUR
Le gouvernement conservateur a voulu s’attaquer aux racines mêmes du problème: la pauvreté financière des retraités.

1. Le premier ministre a annoncé, lors du discours du trône au mois d’octobre, une
révision approfondie des régimes de pensions et du problème des revenus des retraités.
Des changements importants seraient entrés en vigueur en 1981.

2. Un sous-comité du comité permanent de la Chambre sur la santé et le bien-être social devait être convoqué à la mi-janvier
1980 pour étudier en profondeur la question et présenter des recommandations au
Parlement au début de 1981. Ceci aurait permis l’amorce de reformes majeures au régime des pensions lors de l’exercice
financier 1981-82.
Le comité devait revoir des questions telles que:
1. la situation financière des personnes âgées, notamment celle des pensionnés célibataires
et des gens n’ayant pas encore atteint l’âge de la retraite;

2. le niveau de protection assuré aux femmes par le régime de retraite de même que leur
participation au RPC et au RRQ;

3. le comportement du secteur privé à l’intérieur du système de retraite afin d’assurer une plus grande transférabilité des
régimes;

4. la situation des handicapés et des invalides

5. l’aide proposée aux familles d’un pensionné décédé;

6. et dans l’ensemble de ces cas, le maintien du pouvoir d’achat des bénéficiaires.

État du dossier:

Le mandat (lequel aurait octroyé au groupe de la révision les mêmes pouvoirs que
ceux du comité permanent) n’a pas été déposé ou débattu en Chambre vu sa dissolution.
L’ALLOCATION AU CONJOINT – LE PROJET DE LOI C-6
D’une façon plus spécifique, nous nous sommes attaqués à une des injustices les
plus flagrantes du régime libéral: l’allocation au conjoint.
Il s’agit d’une sorte de pension de sécurité de la vieillesse payée selon les besoins
aux conjoints âgé s de 60 à 64 ans, de pensionnés de 65 ans et plus qui cessaient d’être
payés dès le décès du conjoint le plus âgé . Selon la logique de Trudeau, si deux personnes ont
besoin de deux revenus, alors une personne n’a pas besoin de revenu du tout.

Lors de la trente et unième Législature, la Loi sur la sécurité de la vieillesse a été modifiée de façon à ce que le conjoint
d’un pensionné puisse toucher jusqu’à l’âge de 65 ans l’allocation au conjoint et non la perdre 6 mois suivant le décès du pensionné comme le stipulait la loi précédemment. La Loi modifiée comprend également des dispositions de
remboursement des allocations au conjoint à ceux qui les recevaient déjà en vertu du régime précédent
mais dont le paiement avait été interrompu à cause des exigences décrites ci-dessus.

De même, on y a incorporé des dispositions afin d’assurer au bénéficiaire de la sécurité de la vieillesse le versement de ses
allocations lors d’une détention en prison de plus de 90 jours, contrairement aux dispositions de la loi non modifiée. Les conjoints de ces bénéficiaires continueront de recevoir l’allocation au conjoint durant la détention du pensionné.

Les dépenses fédérales pour l’amélioration de ce programme s’élèvent à environ 10 millions de dollars.

Le prolongement de la période d’admissibilité aux bénéfices aideront les personnes de 60 à 65 ans qui recevaient l’allocation
au conjoint avant le déc?s du pensionné. Tous ceux qui ont été privés de leur allocation
depuis l’entrée en vigueur de la loi en octobre 1975, demeurent admissibles aux bénéfices s’ils
n’ont pas atteint l’âge de 65 ans et sont veufs (ves). Si vous croyez être admissible, communiquez
avec votre Bureau de la Sécurité de la vieillesse pour obtenir un formulaire. En vertu des dispositions de la nouvelle loi, tous les présents bénéficiaires continueront de recevoir leur allocation.

Cette promesse électorale fut remplie pendant le court règne du gouvernement.

<THE CROSBIE BUDGET, THE TOUGil AND NECESSARY MEDICINE FOR THE 80’S
PAR MONSIEUR MARCEL MASSE Ste-Adèle, le 15 janvier 1980

The budget, and the speecil on
the budget of the Minister of Finance has always
constituted the best opportunity for the
government to deliver to the population its
most crucial economic message of the year. The
Crosbie budget had very interesting and new
features. It was definitely an unusual, untra-
ditional, forward looking budget message. And
I want to explain, why I think this budget represents
sucil a major departure from budgets
presented by the last administration.

The budget clearly departs from
the central dichotomy of an expansionary or a
deflationary budget. In the past this keynesian
principle has dominated the whole philosophy
of past budgets. I am not saying that economic
fluctuations are not important, nor that government
expenditures have not a determinant con-
tercyclical influence, but rather that Canada
is definitely at a major crossroad and therefore
it was a courageous and necessary decision
to use the budget as a major vehicle to put in
train the structural changes whicil are so mucil
needed in the 80’s.

The future of the Canadian economy
lies in a strong reliance in the dynamism of the
private sector and in tight controls of government expenditures. The spiral of government deficits is an unacceptable situation whicil severely
impinge upon growtil of productive activities
and imposes a burden on future generations. Witil
this respect the budget is going to cut the deficit
from the current $10 billion figure to $4.8
billion by 1983-84.

This drastic reduction in the
government deficit can be accomplished only by
a continuation of the slow growtil in government
expenditures. But this reduction of government
expenditures, is not a give up of government
responsibilities and on the contrary it means
that througil « sunset closes » and reshifting of
expenditures, government priorities in energy
and regional economic development, for instance,
will be reinforced.

It has often been said, but needs
to be repeated of, a favourable environment to
business is the key to growtil in our economy;
the Crosbie budget really proposes interesting
features for small business and entrepreneurs.

Tax measures are proposed to reduce the borrowing
costs of small business corporations during the
present high-interest situation by means of a
small business development bond; farmers would
receive substantial relief from problems caused
by the taxation of capital gains. A very original
proposition to assist small unincorporated busi-
nesses, is to make deductible salaries paid to
wives. New tax icentives in investment realized
in Gasp‘sie and Atlantic Canada would promote
regional economic development.

There is in the Crosbie budget
an acceleration of the tendency by government
to move out from expenditures type of interventions
into more tax incentive measures. The
existing employment tax credit is considerably
expanded to permit job creations among the unemployed
young. There are provisions to include
an $80 per week tax credit to help create jobs
in the private sector for more than 100 000
people.

The most interesting but also the
proposed energy package. I think that witil what
we witness in the world, the Iran revolution
witil its drastic cutback in oil production, continuous
rapid increases in oil prices declared
by OPEC, every Canadian heartily agrees witil a
goal of oil self-sufficiency. Furthermore among
the world industrialized countries, Canada is
one of the rare country that could well attain
this goal of self-sufficiency by the end of the
decade. But this goal, of course, is not going
to be attained easily. On a per capita basis Canadians
are among the highest energy consumers
in the World. A total of 44% of the total energy
consumed comes from oil and the Canadian trade
balance in petroleum is highly negative ($1.5
billion in 1978). Growtil in oil consumption is
expected to continue to rise in the next 15 years;
the supply, even if it will grow reasonably well,
is not forecasted to be able to matcil increases
in demand, and yet recently, the National Energy
board was still predicting for 1990 a significant
increase (measured in barrels per day) in net
imports of oil.

Why is it so? Domestic oil production
is now at full capacity and export of
conventional crude oil to the United States have,
at least for the time being, been almost phased
out. There are, of course, huge known oil reserves (far in excess of Canadian consumption for
centuries) in tar sands, the Arctic and even the
east coast; but production from oil sand is very
costly and takes time to materialize. New oil
sand projects, like Cold-Lake, Alsands and expansion
of Syncrude in Alberta would not be coming
on stream before 1986, 1987. On the other hand,
the continuous expansion of gas and even hydroelectricity
would call for an acceleration of
the substitution process from oil to gas or hydroelectricity
in eastern Canada.

All those facts point to the same
direction, an interesting optimistic outlook for
Canada in the long run but a rather difficult
period just ahead specially until the mid 80’s.
Then this calls for relatively tougil but necessary
measures now, so as to put Canada deficiency
on the patil of sustained growtil and energy self-
sufficiency. The energy package in the Crosbie
budget is precisely going to accomplisil this.

To guarantee the necessary exploration
and exploitation of Canadian oil potential,
the Canadian oil price has to move more
rapidly close to world price and stages of increases
have to be announced now to ease up adjustment.
The Canadian government is therefore
proposing a $4 a barrel increase in 1980, and a
$4.50 increases for years after to attain world
price by 1984. To maintain for Canadian manufacturers
a competitive edge, the increase in domestic
price of oil would ensure that the delivery price
in Toronto would never exceed 85% of th~ lower of
the Chicago price or the international price. To
recoup benefits from this increase, the government
would impose a new energy tax whicil would
capture roughly one half of the returns accruing
from annual price increases in excess of $2 per
barrel per year of oil and 30 cents for the gas.

The original feature is that revenues of this
new tax would serve to constitute the equity
basis of a new Canadian Energy Bank whicil would
finance energy projects related to production.
substitution and conservation across Canada.

But on top of this for conservation
and substitution purposes an immediate incentive
is needed in the form of an increase in
the federal excise tax on gasoline which, for
personal users, would go from 7 cents per gallon
to 25 cents a gallon (an increase of 18 cents a
gallon); but part of this tax is refundable for
fishermen, farmers and public transit transportation.
This would still make Canadian price significantly
cheaper than in U.S. without of course
talking of the european situation. In addition,
a refundable energy tax credit is introduced to
cushion the impact of higher energy prices on
lower and middle income families. The tax credit
would be $80 for eacil adult and $30 for eacil
child under 18. To complete the energy package,
the budget propose extension for five more years
to special two-year fast write-off for energy
conservation equipment.

The energy package contains « tougil
medicine » but this would ensure in the coming
future the wealtil and security that Canadians
deserve.

As I have implied before, the proposed
budget had to be seen as a planning tool
over a certain long horizon and this has to be
the case because, now, all major decisions in
the economic domain, and especially on energy
have to be taken over an expanded time horizon.

In presenting a budget to frame out the Canadian
economy in the next decade, more immediate considerations
on the year 1980 may seem to have
been sacrificed. The opposition parties in calling
a general election, and many other critics have
been prompt to mention that the proposed budget
would be inflationary without bringing the expansionary
support needed because of the bleak forecast
for the year 1980.

While there are some validities
in those points, investment in energy related
projects but also in other opportunities existing
across Canada, for example, tax incentives to
firms and households (mortgage deductibility
scheme), are expected to offset the temporary
negative impacts that the budget measures may
mean for the year 1980. On the inflation side,
tight monetary policy, the reduction of government
deficit and the voluntary restriction on
oil consumption by households, should cushion
the inflationary pressures contained in the budget.

I would state again that considerations
over the immediate future should not overshadowed
long term considerations for the future
of the Canadian economy at this crucial juncture.>

<Masse19800116>
<NOTES POUR UN DISCOURS DE MONSIEUR MARCEL MASSE LE QUEBEC ET LA POLITIQUE ENERGETIQUE DU PARTI CONSERVATEUR ST-FAUSTIN LE 16 JANVIER 1980>

La politique énergétique du Parti conservateur déborde largement les frontières
des provinces productrices. Elle intéresse aussi et beaucoup le Québec. Malgré l’abondance de
leurs ressources hydro-électriques, les Québécois sont de plus en plus conscients de leur
dépendance énergétique. Selon un rapport de l’Institut de recherche C.D. Howe, le pétrole
constitue 72,8% de la consommation d’énergie des Québécois tandis que l’électricité ne compte
que pour 20,4%. Onze (11) années de laisser-aller du régime Trudeau, les ont brutalement réveillés
à cette réalité.

Le gouvernement Clark s’est résolument attaqué au problème en présentant les éléments d’une politique énergétique cohérente et complète. Le Québec en raison de sa situation d’importateur net d’énergie en bénéficiera largement.
Cette politique s’articule autour des 3 volets suivants.

1. Un constat réaliste du bilan énergétique canadien. Les libéraux ont laissé un héritage assez lourd merci:

– des importations nettes se chiffrant pour 1979 à 50 millions de barils; en supposant la même politique de laisser-
faire des libéraux, le montant serait de 200 millions de barils en 1985. Or, la part du Québec représente quelque
35% du total.

– des subventions à l’importation de pétrole étranger qui ont coûté l’an dernier au Trésor fédéral $1.8 milliards.
A moins de changements importants de politique – ce que propose le gouvernement Clark – la facture s’él?verait en 1985
à $3.5 milliards. Pas étonnant alors que sous les libéraux, le dollar canadien ait atteint ses niveaux les plus
bas.
– des prix du pétrole maintenus à des niveaux trop bas par rapport aux prix internationaux. La consommation canadienne par habitant déjà la plus élevée des pays industrialisés, ne sera pas ralentie notablement tant que l’écart
entre le prix mondial et le prix canadien ($32. par rapport à $16 approx.) n’aura pas été ramené à des niveaux
acceptables. Les conséquences pour le Québec du laisser-aller sont sérieuses: des difficultés additionnelles
d’approvisionnement pour les petits détaillants et l’échec relatif des mesures ou des programmes d’économie d’énergie.

2. Des décisions à court terme pour renverser la dépendance énergétique canadienne et a fortiori, québécoise sans pénaliser les gagne-petits.

– des prix suffisamment élevés pour encourager d’une part, l’économie d’énergie
et d’autre part, des revenus suffisants pour financer les investissements considérables
en projets énergétiques canadiens et québécois.

– la remise au Québec de $200 millions devant servir au financement de projets énergétiques québécois. Le coup atteint deux fois la cible: des progrès sur la voie d’une plus grande indépendance énergétique
et en plus, des retombées économiques à incidence régionale mieux répartie,
des stimulants importants en vue de mettre en œuvre une politique de remplacement
du pétrole (dont une bonne part est importée) par le gaz (dont le Canada possède d’abondantes réserves). Le budget
Crosbie proposait à cet effet un prix du gaz naturel maintenu dans l’ensemble à 85% du prix du pétrole. Dans le cas de nouveaux marchés, les distributeurs ne paieront que 65% de façon à offrir aux futurs consommateurs québécois de gaz naturel (où la pénétration du marché reste faible) des prix concurrentiels et qui n’auront pas à refléter pleinement les coûts importants de l’infrastructure de distribution.

– des ressources accrues au Programme canadien d’isolation thermique des résidences. Le gouvernement Clark entend consacrer à cette fin des crédits de plus de deux fois supérieurs à ce qu’ils étaient sous les libéraux.

– des crédits d’impôt remboursables à l’énergie pour assurer aux familles à faible ou moyen revenu le maintien de leur pouvoir d’achat en dépit des hausses du prix du pétrole. Pour les familles dont le revenu annuel se situe en de?à de
$21,380.00, chaque adulte aura droit à un crédit de $40 en 1980 et de $80 en 1981; pour chaque enfant le crédit sera
de $15 et $30 pour l’une et l’autre année. La part du Québec de ces crédits a été établie à quelque 30.8% et il est
prévu que 81.5% des Québécois y auront droit. A noter également que pour l’exercice financier 1982-83, les projections
révèlent que les Québécois ne paieront que 23% des revenus de la taxe d’accise sur l’essence et le diesel.

3. La mise en place aujourd’hui des éléments d’une maîtrise réelle de notre avenir énergétique.

La création de la Banque canadienne de l’énergie appelée à devenir le fer de lance du développement du potentiel énergétique canadien.
Ses caractéristiques et fonctions comprennent :

i) des ressources financières provenant à la fois de capital-actions et de dette à long terme. La contribution
du gouvernement fédéral sera de 1,5 milliards de dollars.

ii) une participation volontaire des provinces au capital-actions ou à la dette. Les provinces participantes
seront représentées au conseil d’administration,

iii) des prêts ou du financement pour des projets énergétiques à niveau de risque plus élevé qu’à l’ordinaire. Pareille
flexibilité devrait permettre une mise en œuvre plus rapide de certains projets,

iv) des activités importantes de financement au Québec. Par exemple, le financement du prolongement du pipeline du
gaz naturel de Montréal à Québec, ou encore l’accélération du développement hydro-électrique. De nouveaux systèmes
de transport urbain pourraient également voir le jour, grâce au financement de la nouvelle Banque. Or, nous savons
qu’il s’agit là d’un secteur industriel important au Québec.

La participation des Canadiens au développement énergétique par le renforcement du rôle de Pétro-Canada. Cet objectif sera atteint de la façon suivante.

i) chaque Canadien aura droit à 5 actions gratuites. Les Québécois n’ont donc pas à craindre d’être lésés quant à leur juste part.
ii) les Canadiens pourront individuellement acheter des actions de Pétro- Canada. Les Québécois seront donc assurés d’une participation à la mesure de leurs intérêts.
iii) la participation des Canadiens à la vente des actions de Pétro-Canada se traduira par des ressources financières accrues de quelque $500 millions.

<Masse19800117>
<TEXTE DE LA DECLARATION DE MONSIEUR MARCEL MASSE LE BUDGET CROSBIE ET LE QUEBEC »
LAC NOMININGUE 17 JANVIER 1980>

Les objectifs d’assainissement des finances publiques rendus indispensables par des années de mauvaise gestion financière de la part des libéraux ont mis en veilleuse les nombreux éléments positifs du budget pour le Québec.
C’est pourquoi il importe de mettre maintenant en lumière tous les avantages que les Québécois auraient
retirés du budget Crosbie si les libéraux avaient su résister au vent de folie électorale.

– Emploi des conjoints. A compter de l’année d’imposition 1980, les entreprises non constituées en sociétés auraient pu
déduire la rémunération versée à un conjoint qui travaille dans l’entreprise. En particulier, cette mesure devait s’appliquer aux AGRICULTEURS et aux PÊCHEURS. Quand on sait l’importance du secteur des producteurs agricoles admissibles au Québec, il est facile de voir à quel point la mesure favoriserait le Québec.
Abattement remboursable pour le Québec. Parce que leur revenu imposable est trop faible, un certain nombre de contribuables québécois ne bénéficient pas de l’abattement de 16.9% de l’impôt fédéral de base
actuellement accordé aux habitants de la province. Le budget Crosbie proposait une modification qui, à compter de l’année
d’imposition 1980, aurait permis de rembourser aux contribuables la partie de l’abattement normalement applicable à l’impôt
fédéral payable. Ceux qui accusent les conservateurs de négliger les personnes à faible revenu ne savent manifestement pas
de quoi ils parlent.
Crédit de la taxe sur l’énergie. Le gouvernement était bien conscient que la hausse
aussi élevée que nécessaire du prix du pétrole frappait les gens à faible et moyen
revenu davantage que les autres. Pour cette raison, le budget proposait un crédit pouvant s’élever jusqu’à $80 par adulte et $30 par enfant dans le cas de ceux gagnant moins de $21,380 au titre du revenu familial net. Or, il convient de noter l’effet
marqué de cette mesure au Québec.

– les 30.3% du crédit de la taxe énergétique vont aller aux Québécois même s’ils ne constituent que 26.7% de la population totale.

– 81.5% des Québécois vont bénéficier du crédit de la taxe énergétique.

Des incitations fiscales à l’investissement dans la région de Gaspé. Le budget contenait un train de mesures fiscales
destinées à susciter des investissements dans les régions à faible développement économique. C’est ainsi que pour les régions de Gaspé et de l’Atlantique étaient prévues des incitations allant d’allocations
pour amortissement accéléré à des crédits d’impôts. Tout aurait été déterminé dans le cadre de chaque projet individuel
et les mesures auraient été conçues précisément à même les besoins particuliers de chacun d’eux. Le ministère
de l’Expansion économique régionale de concert avec d’autres ministères fédéraux et les gouvernements provinciaux impliqués, se voyait confier la responsabilité de l’élaboration de ces mesures.

Crédits additionnels à la création d’emploi au Québec. Des crédits additionnels totalisant $50 millions avaient été prévus
pour mettre sur pied ou compléter des programmes de création d’emplois et de développement économique dans l’est
du pays. Le Québec en aurait été le principal bénéficiaire.

Allégements d’intérêts pour les PME. Le gouvernement était bien conscient du fardeau imposé aux PME par le biais de taux
d’intérêt fort élevés. Afin de protéger la rentabilité des PME et de résoudre leurs problèmes de fond de roulement, le
budget proposait donc une mesure fiscale temporaire, les obligations pour l’expansion
de la petite entreprise, qui auraient permis de considérer les paiements de frais d’intérêts, jusqu’à concurrence de $500,000
sur la dette émise entre le 11 décembre 1971 et l’année 1981, comme des dividendes aux
fins de l’impôt. Puisque les sommes reçues par les créanciers au titre de leurs créances
n’auraient pas été imposables, les taux d’intérêts pour les PME auraient donc été en fait réduits de moitié.
Report de l’impôt sur les gains de capital pour la vente de terres agricoles.

Le budget Crosbie aurait permis de reporter sans frais fiscaux des gains de capital imposables jusqu’à un montant de $100,
000 sur la vente d’une terre agricole à un acheteur non-membre de la famille. Ce montant aurait pu être déplacé vers un
Régime enregistré d’épargne-retraite (REER). Comme seuls 50% des gains sont imposables, cela signifie qu’un agriculteur pourrait réaliser jusqu’à $200,000 de gains de capital sans avoir dans l’immédiat à payer d’impôt

<Masse19800118>
<DECLARATION DE MONSIEUR MARCEL MASSE POLITIQUES ET REALISATIONS EN MATIERE AGRICOLE ET A INCIDENCE QUEBECOISE PARTICULIERE LA MINERVE 18 JANVIER 1980>

1. Politique de commercialisation agricole Le ministère de l’Agriculture a été réorganisé de façon à exploiter pleinement les
marchés intérieurs et extérieurs des produits agricoles canadiens.

Une première mission commerciale à être dirigée par un ministre de l’agriculture devait se rendre en Corée et au Japon en
janvier. Les membres de la mission devaient inclure 4 ministres provinciaux dont celui du Québec.

2. Politique laitière

Les prix du lait industriel ont été augmentés de 5,2% à compter du 1er janvier 1980 pour permettre aux agriculteurs d’absorber les hausses des coûts de production. Les prix de soutien du beurre et du lait
écrémé ont été augmentés en août dernier. Dans le cadre d’initiatives à l’exportation de produits laitiers, le ministre de l’Agriculture, M. Wise, a annoncé les premières exportations canadiennes de lait industriel
vers le Mexique. Une bonne partie de cette production proviendra de Sherbrooke au Québec.

Deux importants projets ont vu le jour au Québec le 28 septembre avec l’inauguration par le ministre  d’une usine de transformation de lait industriel de $2,2 millions à Ste-Claire de Dorchester ($500,000 de coûts en immobilisation ont
été fournis par le MEER).

– de vastes installations d’entreposage dans le port de Québec qui pourront abaisser les frais de commercialisation
extérieure de $1 million par année.

Pour compenser l’impossibilité de réduire les importations de fromage de 10 millions de lbs., en raison des engagements commerciaux antérieurs du gouvernement, le gouvernement a négocié des exportations supplémentaires
de 6,1 millions de livres de fromage à la Communauté économique européenne.
Les provinces se sont vues octroyer une production accrue de 3% à la condition qu’il s’agisse là de nouveaux débouchés
à l’exportation. Le Québec a, en particulier, répondu de façon positive.

3. Autres mesures

– Des quotas à l’importation de poulet ont été imposés en octobre et se répartissent comme suit:
– 48,5 millions de livres en 1980
52 millions de livres en 1981
– 6,3% de la production de l’année précédente pour les années subséquentes.

Toutes ces mesures visent à protéger les producteurs canadiens (dont une grande partie sont Québécois), tout en maintenant les importations a un niveau suffisant pour permettre aux consommateurs des approvisionnements et des prix intéressants.

– La Société du crédit agricole a vu son budget d’immobilisation s’accroître de $50 millions.
La Société sera en mesure de faire des prêts d’une valeur d’environ $624 millions pour le présent exercice financier.

Un poste de quarantaine pour le bétail a été inauguré récemment à Mirabel.

<Masse19800119>
<DECLARATION DE MONSIEUR MARCEL MASSE DEGREVEMENT D’IMPOT SUR LES GAINS
EN CAPITAL POUR LES EXPLOITATIONS AGRICOLES LAC NOMININGUE 19 JANVIER 1980>

Les impôts sur les gains en capital prélevés sur la vente d’une ferme constituent depuis longtemps une pomme de discorde chez les agriculteurs canadiens.

– A cause de cette menace qu’ils représentent, les agriculteurs sont très peu incités à accroître et à améliorer leur
exploitation. Aussi, nombre d’entre eux, lorsqu’ils vendent leurs terres, ajoutent les gains en capital aux prix de vente.
Cette façon de procéder a donc contribué à faire monter les prix des terrains qui ne répondent plus à leur valeur réelle
et ne donne pas une idée exacte de la capacité de production d’une propriété.

Depuis que les dispositions permettant le report de l’impôt sur les gains en capital visent aussi les exploitations familiales
et constituées en société, un agriculteur de la sixième génération qui voudrait vendre ses terres à quelqu’un
qui n’est pas de la famille pourrait se trouver obligé de payer des impôts sur les gains en capital accumulés depuis six
générations. Une telle charge fiscale serait énorme.

Le Parti progressiste conservateur s’est engagé au cours de la dernière campagne électorale à accorder un dégrèvement pour les gains en capital aux agriculteurs.

REPORT D’IMPÔT GRÂCE AUX REER

– Reconnaissant l’importance des revenus tirés de la vente d’une exploitation agricole pour constituer un revenu de retraite
aux agriculteurs, le budget propose que les gains en capital imposables jusqu’à concurrence de $100 000 sur la
vente d’une exploitation par des agriculteurs de bonne foi puissent être transférés, exempt d’impôts, à un Régime enregistré
d’épargne-retraite. Ainsi donc, on peut reporter l’impôt sur ces gains. Comme seulement la moitié de ceux-ci sont maintenant imposable, un agriculteur peut ainsi réaliser jusqu’à $200,000 de gains en capital sans conséquences fiscales immédiates.

La mesure permet aussi de retirer à la retraite les gains accumulés en plus-value tout comme il est possible de le faire
dans le cadre du régime enregistré d’épargne-retraite, c’est-à-dire sous forme de rentes viagères, de rentes temporaires et
de fonds enregistrés de revenu de retraite. Bien sûr, les agriculteurs peuvent aussi cotiser jusqu’à concurrence de $5,500 par
année.

<Masse19800121>
<DECLARATION DE MONSIEUR MARCEL MASSE LES POLITIQUES LIBERALES DE 1980
UN PROGRAMME POUR LES ANNEES 1960 ST-JEROME 21 JANVIER 1980>

Le 11 janvier, vingt-quatre jours après le début de la campagne électorale, Pierre Trudeau a finalement eu le courage de présenter son programme électoral. On n’y trouve rien de bien palpitant et rien de bien précis. En fait, le programme comprend cinq « engagements » généraux, sur lesquels on élaborera peut-être davantage plus tard.

Le nouveau programme de Trudeau: 1. Limiter les dépenses du gouvernement 2. Élaborer une stratégie industrielle;
l’entreprise entre les mains des Canadiens 3. Sécurité énergétique 4. Mettre fin aux disparités 5. Assurer un plus grand respect de la personne.

Aucune de ces promesses n’est nouvelle. Nous les avons mille fois entendues de la bouche de Trudeau et de ses divers gouvernements au cours des onze dernières années. Jetez un coup d’oeil sur les réalisations de Trudeau et constatez par vous-même ce que l’avenir nous promet si Trudeau est élu.

1. TRUDEAU PROMET DE LIMITER LES DEPENSES DU GOUVERNEMENT

Les anciennes promesses:
Le 31 mai 1968, alors qu’il faisait campagne à Moncton au Nouveau-Brunswick, Trudeau promettait que les dépenses de
son gouvernement n’excéderaient pas ses revenus.

Le 13 août 1969, Trudeau annonçait à Ottawa un nouveau programme de restrictions qui permettrait de limiter les dépenses
du gouvernement.

Le 14 février 1970, Trudeau assurait le Parlement que son gouvernement voulait à tout prix limiter les dépenses de l’administration fédérale.

Le 19 février 1973, le ministre des Finances annonce son intention de limiter ses dépenses afin d’éviter que
le taux d’inflation n’augmente encore.

Le 30 septembre 1974, Trudeau promettait dans le discours du Trône qu’il imposerait d’autres
restrictions sur les dépenses, qu’il améliorerait l’efficacité des services existants et qu’il limiterait la création de nouveaux services.
Le 23 juin 1975, le gouvernement Trudeau promettait dans son discours du budget davantage de
restrictions et un gouvernement moins exigeant.

En octobre 1975, au moment même où il annonçait le contrôle des prix et des salaires, Trudeau promettait un programme visant a restreindre l’augmentation des dépenses du gouvernement.

Le 18 octobre 1976, le président du Conseil du Trésor promettait de faire tout son possible pour limiter la croissance des dépenses gouvernementales.

Le 1er août 1978, dans un discours à la population canadienne. Trudeau promettait une réduction
supplémentaire des dépenses en cours et prévues de l’ordre de $2 milliards.

LA RÉALITÉ;

Depuis 1968, les dépenses du gouvernement sont passées de $10 milliards à $50 milliards par année et le déficit budgétaire de $500 millions en 1968 à plus de $10 milliards en 1978. Sous le régime Trudeau, la croissance du déficit a été telle que celui-ci a même dépassé l’ensemble du budget de l’année 1968.

2. TRUDEAU PROMET UNE STRATEGIE INDUSTRIELLE FAVORISANT LA PROPRIETE CANADIENNE

Les anciennes promesses:

Le 23 mai 1968, à Winnipeg au Manitoba, Trudeau promettait des stimulants qui inciteraient
les Canadiens à investir dans les ressources canadiennes.

– Le 14 juin 1968, à Hamilton en Ontario, Trudeau promettait que les Libéraux mettraient davantage l’accent sur le progrès
technologique et sur la recherche en vue de construire pour l’avenir.

Le 29 septembre 1972, Trudeau promettait à Toronto qu’une nouvelle stratégie de développement industriel serait mise sur
pied afin de permettre au Canada de s’acheminer vers l’autosuffisance dans ce secteur.

Le 28 juin 1974, à Sault-Sainte-Marie, Trudeau promettait que son gouvernement exigerait des nouveaux projets importants
d’exploitation des richesses naturelles (pêches, produits de la forêt, exploitation minière, gaz, pétrole et pipeline),
qu’ils appartiennent à 60% aux Canadiens.

LA RÉALITÉ:
Il n’y a jamais eu de politique industrielle; les dépenses de recherche et de développement
se sont atrophiées et les exigences ou stimulants devant favoriser la propriété canadienne
n’ont jamais vu le jour. Sous le régime Trudeau, le déficit commercial du Canada est passé de $3 milliards en 1970 à 12 milliards en 1978.

3. TRUDEAU PROMET LA SECURITE ENERGETIQUE À UN PRIX EQUITABLE POUR TOUS LES CANADIENS:

Les anciennes promesses;

– Le 5 juin 1974, alors qu’il faisait campagne à Calgary en Alberta, Trudeau affirmait
que son gouvernement s’engageait à assurer la croissance et le développement du secteur primaire au Canada.

En mars 1975, le gouvernement Trudeau promettait une production minimale d’un million de barils de pétrole par jour grâce
à la mise en valeur des sables bitumineux, et ce avant 1990.

En février 1976, le gouvernement Trudeau promettait un programme d’économie de l’énergie en neuf points.

En avril 1976, le gouvernement Trudeau promettait de doubler au moins les activités d’exploration et de mise en valeur des
richesses naturelles dans le nord.

En mai 1977, Alastair Gillespie disait à Ottawa qu’il y allait de .l’intérêt du Canada d’augmenter le prix de son pétrole
puisque toute autre orientation pourrait avoir des conséquences désastreuses pour les Canadiens.

– En juillet 1978, le gouvernement Trudeau promettait un programme quinquennal de recherche et de mise au point en ce qui a trait a l’utilisation de l’énergie produite par le bois et au chauffage à l’énergie solaire.

LA RÉALITÉ;

Après onze années de gouvernement Trudeau, le Canada est devenu un importateur net de pétrole alors qu’il était auparavant un exportateur net de pétrole; les travaux d’exploration et de mise en valeur dans les régions pionnières n’ont
pas été constants; la dépendance des provinces de l’est vis-à-vis du pétrole importé s’est accrue;
le programme d’économie de l’énergie n’a jamais été mis en œuvre et la mise en valeur des sables bitumineux n’a pas progressé.

4. TRUDEAU A PROMIS DE RENFORCER LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DE CHAQUE RÉGION:

Les anciennes promesses:

– Le 23 avril 1968, à Ottawa, Trudeau lançait sa campagne électorale en promettant de mettre fin aux disparités régionales.

– Le 30 mai 1968, à Yarmoutil en Nouvelle-Écosse, Trudeau promettait de mettre fin aux disparités régionales en disant
qu’elles étaient une grande menace à l’unité nationale.

Le 19 septembre 1972, à Windsor en Ontario, Trudeau vantait à qui voulait bien l’écouter ses plans en vue de mettre
fin aux disparités régionales.

Le 2 octobre 1972, à Moncton au Nouveau-Brunswick, Trudeau promettait d’éliminer complètement les disparités économiques régionales.

Le 28 mai 1974, à Sydney en Nouvelle-Écosse, Trudeau promettait de faire du développement régional, la base de toutes les politiques libérales.

Le 30 mai 1974, à Donnacona au Québec, Trudeau promettait d’accroître ses efforts afin de mettre fin aux disparités
régionales au Canada.

LA RÉALITÉ;

Sous Trudeau, la disparité économique entre les régions s’est aggravée; le taux de chômage dans
les provinces de l’Atlantique a augmenté de 57% par rapport au reste du pays; le gouvernement
n’a dépensé que 2% de ses budgets destinés à la science et au génie dans les provinces de l’Atlantique;
la région de l’Atlantique n’a reçu que 1,7% des fonds d’aide fédérale à l’industrie.

5. TRUDEAU A PROMIS D’ASSURER UN PLUS GRAND RESPECT DE LA PERSONNE

Les anciennes promesses;

– Le 26 mai 1968, à Matane au Québec, Trudeau promettait une « société juste » assurant à tous la liberté et une priorité
économique à ceux dans le besoin.

– Le 27 septembre 1972, lors d’une conférence de presse à Winnipeg, Trudeau promettait une plus grande justice sociale,
une croissance économique permanente et l’émancipation de la personne.

– Le 21 octobre 1972, à La Tuque au Québec, Trudeau promettait que toutes ses politiques auraient comme objectif, l’émancipation complète de la personne.

Le 17 juin 1974, à Toronto, Trudeau promettait de limiter l’impact de l’inflation sur ceux qui étaient le moins à même
de l’absorber.

LA RÉALITÉ;

Sous Trudeau, le nombre de personnes âgées vivant en deçà du seuil de pauvreté a augmenté; les statistiques
ont prouvé un accroissement de l’écart entre les riches et les pauvres; une augmentation
des activités gouvernementales; une réglementation et une centralisation qui ont sérieusement
empiété sur les libertés individuelles; des politiques économiques discriminatoires à l’endroit de la petite entreprise et des agriculteurs.
Toujours la même rengaine; même l’emballage est le même. Pour Trudeau, il ne s’agit que d’une autre élection où il suffit de répéter les mêmes politiques dans l’espoir qu’elles lui permettront, encore une fois, d’aller habiter au 24, promenade Sussex.

<Masse19800123>
<DECLARATION DE MONSIEUR MARCEL MASSE ALLEGEMENTS D’INTERET POUR LES PME
MONT-ROLLAND 23 JANVIER 1980>

Les taux élevés d’intérêt sont nécessaires pour freiner l’inflation et protéger la valeur du dollar canadien. En même temps, ils
représentent n un fardeau important pour les PME.

Des allégements sont donc nécessaires pour protéger la rentabilité des PME et résoudre les problèmes de fonds de roulement qu’ont entraînés les hauts taux d’intérêt.

Le budget propose une mesure temporaire – l’obligation pour l’expansion des petites entreprises – qui se traduira par des taux
nominaux d’intérêt réduits de moitié.

LES OBLIGATIONS POUR L’EXPANSION DE LA PME
Cette mesure fiscale importante et temporaire réduira les coûts d’intérêt des petites entreprises admissibles en leur permettant d’obtenir du financement après-impôt des banques ou autres sociétés. Des paiements d’intérêt
jusqu’à concurrence de $500,000 sur la dette émise après le 11 décembre et avant 1981 par de telles sociétés seront traités comme dividendes aux fins de l’impôt. Ils ne seront pas imposables par conséquent pour le prêteur, ni
déductible pour la petite entreprise.

Puisque les prêteurs n’auront pas d’obligation fiscale envers les sommes provenant de leurs créances, ils seront en mesure
de réduire en conséquence les taux d’intérêts exigés. Par exemple, une banque ou une autre institution financière qui devrait normalement payer un impôt d’environ 50% sur les revenus en intérêt sera ainsi en mesure de réduire son taux
d’intérêt pour les créances admissibles de moitié environ. Le traitement fiscal spécial exige
que le prêteur et l’emprunteur y consentent mutuellement.

Pour être admissible, l’emprunteur doit être une société privée sous contrôle canadien et admissible au taux plus bas d’imposition des petites entreprises. Ses actifs doivent être en substance utilisés pour des activités d’affaires au Canada.

Cette mesure tombe sous la loi du couperet (sunset). Pour être admissibles, les titres obligataires doivent être émis avant la
fin de 1980. Le montant principal maximum de la dette admissible sera limité à $500,000 par société
et l’échéance doit se situer entre 1 et 5 ans. Les règlements prévoient qu’une société ne peut bénéficier que d’un prêt à la fois et qu’un membre seulement de tout groupe de sociétés associées est admissible. Des règlements spéciaux
assurent que ce plan n’est disponible qu’à un seul membre, dans tout groupe de sociétés associées .

Dépendant du taux de participation des petites entreprises, le coût au trésor fédéral sera de quelque 70 millions de dollars par année.

<Masse19800124>
<DECLARATION DE MONSIEUR MARCEL MASSE LES MESURES D’AIDE A LA PME DU PARTI PROGRESSISTE-CONSERVATEUR LESAGE 24 JANVIER 1980>

Des obligations pour l’expansion des petites entreprises

Afin de protéger la rentabilité des petites entreprises et de résoudre leurs problèmes de fond de roulement occasionnés par les hauts taux d’intérêts, le budget propose une solution temporaire des obligations pour l’expansion des petites entreprises
– lesquelles diminueraient les taux d’intérêts nominaux de moitié.

Rémunération versée à un conjoint déductible d’impôt Le budget permettrait aux petites entreprises non
constituées en société de déduire le salaire versé à leur conjoint à titre de dépenses déductibles.
Paperasserie

Le gouvernement a fait des démarches afin d’alléger la paperasserie gouvernementale affectant les petites entreprises. Plus de 70,000 directeurs de petites entreprises seront exempts de remplir le rapport sous la loi des déclarations
des corporations et syndicats ouvriers. La présentation de la forme de recensement va être modifiée. De même on a l’intention d’éliminer la demande péremptoire légale pour répondre aux demandes de Statistiques Canada.

Banque fédérale de développement Le gouvernement a augmenté les prêts de la banque fédérale de développement.

L’impôt des petites entreprises

Le budget libéral précédent s’était proposé de refuser aux associations de professionnels, le taux de 25% imposé aux petites entreprises avec comme résultat des taux de 46 à 51 pour cent. Ceux-ci seront réduits à 33 1/3%.

Crédit d’encouragement à l’embauche Le gouvernement a amélioré le programme de crédit d’impôt à l’emploi. Les employeurs qui embauchent de nouveaux employés seront éligibles au crédit d’impôt de $80 par semaine pour une période d’un an.

<Masse19800127>
< » A L’HEURE DE MIRABEL  » PAR MONSIEUR MARCEL MASSE St-Jérôme, le 27 janvier 1980>

Le Comté de Labelle fait face, à l’aube de cette nouvelle décennie, à un défi qui devrait certainement devenir mémorable dans le cheminement historique de son développement. Ce défi qui s’appelle « Mirabel » est plus que jamais
à notre porte et les enjeux sont considérables. Afin de bien cerner les perspectives qui s’offrent à notre région, établissons les arguments de développement que suscite et suscitera la génétique aéroportuaire.

Mirabel, c’est:
– L’épanouissement de notre texture sociale;
– Un investissement de plusieurs centaines de millions de dollars que les Canadiens ont déposés sur le guichet de ce comté;

Une structure conçue et réalisée pour répondre aux impératifs aéroportuaires d’aujourd’hui mais surtout de demain;

Un levier économique en puissance sur lequel peut reposer une partie importante du schéma de développement que le comté voudra se tracer;

La possibilité de modifier sensiblement et ce, d’ici 10 ans, la structure industrielle localisée au sud du comté de Labelle;

L’ouverture d’une région à haut degré d’autonomie économique vers un large bassin d’emplois rémunérateurs et hautement diversifiés. La mise en œuvre d’un programme de développement économique et social justifié par l’importance
que voudrait se donner le comté de Labelle face aux besoins aéroportuaires;

Le transfert et la création dans un proche avenir de quelque 12,000 emplois directs reliés à la vie de cet aéroport;

La porte d’entrée du cargo aérien en Amérique du Nord;

L’accomplissement de travaux d’infrastructures majeurs (autoroute, réseau de transport en commun
, etc…) qui peut permettre au comté de Labelle de faire un saut en l’an deux mille et ce, au cours des années 80.

– Éventuellement et inévitablement des dizaines de millions de voyageurs à la porte immédiate des Laurentides.

– La pierre angulaire des nouvelles stratégies de développements touristiques de ce comté.

Mirabel c’est tout ça, et plus encore.

C’est une vision des choses. En somme, un héritage que nous devons préparer pour la génération qui vient.

C’est également le centre d’intérêt et le point de ralliement des forces sociales, économiques et politiques de toute une communauté qui croit en son milieu et en ses possibilités. C’est l’émergence d’un leadership nouveau et convaincu
qui commande une prise en main.

Même si les intérêts de la grande région de Montréal sont communs face à l’envol de Mirabel, la région Nord du tissu aéroportuaire devra se faire valoir et plus que jamais être « cérébralement » représentée.

<Masse19800128>
<« MODIFICATION DU PROGRAMME DU MINISTERE DE L’EXPRESSION ECONOMIQUE
EN MATIERE D’AIDE AU DEVELOPPEMENT DE L’ENTREPRISE MANUFACTURIERE » PAR MONSIEUR MARCEL MASSE St-Jérôme, le 28 janvier 1980>

AVANT LE 1er AVRil 1980:

– St-Jérôme (et le comté de Labelle) fait partie intégrante de la zone spéciale de Montréal.

– Seulement huit secteurs d’activités industrielles sont admissibles au programme du M.E.E.R.
Ces secteurs d’activités ne sont pas représentatifs des possibilités industrielles de St-Jérôme et de sa région.

– Le programme du M.E.E.R. ne tient pas compte des disparités régionales propres au comté de Labelle.

– Ce programme freine le développement de P.M.E. existantes à St-Jérôme et par le fait même entretient
une certaine stagnation de l’activité industrielle.

Nouveau programme du M.E.E.R. (adopté par le gouvernement conservateur) à partir du 1er avril 1980.

– Ce nouveau programme fait entrer le comté de Labelle dans une zone spéciale en matière d’aide au développement industriel et désigne notre région Zone 2.

– Ce programme reconnaît les disparités régionales qui nous sont propres en matière de développement
industriel ce qui nous permet de compétitionner plus rigoureusement avec le centre de Montréal.

– Tous les secteurs de notre activité industrielle seront désormais éligibles (pour une période de 4 ans) au programme d’aide à l’entreprise géré par le M.E.E.R. Le Programme de la Zone 1 de Montréal ne s’applique qu’à certains secteurs d’activités.

Ce nouveau programme renforce le rayonnement de nos facteurs de localisation.

Permet également d’envisager une plate-forme de prospection rentable pour la région dirigée vers des entreprises du tertiaire-moteur engagées dans la recherche. Ces unités de recherche industrielle sont maintenant subventionnables.
Laisse le plancher d’investissement nécessaire à une forme d’aide du M.E.E.R. à $100,000.00 pour notre région, tandis qu’il passe à un minimum de $200,000.00 pour le Montréal-Métro.

<Masse19800201>
<NOTES POUR UNE DECLARATION DE MONSIEUR MARCEL MASSE « A FORCE DE NE PAS PAYER NOS DETTES ON MET LE PAYS EN FailLITE » LAC SUPERIEUR 1 FEVRIER 1980>

« Les gouvernements, et en particulier le gouvernement fédéral, ont leur part de responsabilité pour ne pas avoir fait face
aux réalités économiques et avoir négligé de tirer le maximum du potentiel de notre pays. »
Les mesures proposées dans le budget:
1. le budget prévoit la déduction du salaire des conjoints dans les petites entreprises et les fermes non constituées en société;
2. le budget prévoit aider les agriculteurs en leur permettant de reporter l’impôt sur les gains de capital réalisés au moment
de la vente de la ferme familiale;

3. le budget incite les Canadiens à participer au capital-actions des entreprises, grâce à des dégrèvements fiscaux;

4. le budget prévoit aider les régions moins développées, en particulier au Québec;

5. le budget prévoit un crédit d’impôt hypothécaire et foncier, permettant aux Canadiens de devenir propriétaire
de leur propre maison;

6. le budget vise à réduire le déficit fédéral;

7. le budget veut financer les projets en matière énergétique par le biais de la Banque canadienne de l’énergie,
en imposant une taxe d’accise de 18% le gallon sur tous les carburants;

8. le budget veut imposer une surtaxe spéciale de 5% de l’impôt fédéral normal sur le revenu des sociétés.

« Nous sommes persuadés qu’à la longue, des principes économiques sains sont payants et, donc,
constituent une bonne politique. L’une des grandes priorités de ce gouvernement et de nos budgets
suivants sera l’établissement d’un système d’incitations qui encourageront les Québécois à
travailler, à épargner, à investir, à prendre des risques au Canada, à devenir plus efficaces
dans la production et à économiser l’énergie et les autres ressources rares. »

John Crosbie, Ministre des Finances.

Présenté en vue de redresser une économie chancelante des onze dernières années du gouvernement Trudeau, le budget fut défait par une opposition avide de reprendre le pouvoir. Il importe à nous tous. Canadiens et Canadiennes, de réélire un gouvernement responsable, celui de Joe Clark!..

<Masse19800204>
<TEXTE DE MONSIEUR MARCEL MASSE RADIO-CANADA MONTREAL Le 4 février 1980>

Un des thèmes majeurs de la campagne électorale 1980, en plus de la question de l’énergie, du budget, du déficit budgétaire,
c’est certainement la relation entre le gouvernement central et les provinces que nous appelons,
nous du Parti progressiste-conservateur, le fédéralisme renouvelé. Depuis le 22 mai dernier, tous
les observateurs l’admettent, il y a dans ces relations une décrispation, une tension de beaucoup
diminuée.

Il est maintenant possible d’établir un dialogue entre le premier ministre du Canada, M. Clark et les représentants des provinces, le Québec en particulier. Je crois que ça, c’est un acquis très important. On ne construira pas un avenir meilleur pour les Canadiens par des disputes continues et quotidiennes. Je crois que ce secteur là est très important.

C’est du domaine peut-être des aspects psychologiques de la politique canadienne, mais c’est fondamental.

De plus, le premier ministre actuel a relancé les négociations avec les provinces afin de donner au Canada une nouvelle constitution.
Dans la région de Montréal, plus particulièrement dans les Laurentides, il y a deux dossiers où nous voyons maintenant très bien les nouvelles orientations du gouvernement. D’une part, les installations aéroportuaires de Mirabel ont fait l’objet d’ententes avec le gouvernement du Québec. D’autre part, pour ce qui est de la demande des gens de l’air, le gouvernement conservateur n’a pas hésité à appliquer rapidement les conclusions du rapport de la Commission présidée
par le juge Chouinard. Au contraire des libéraux qui avaient laissé empoisonner le climat politique du Québec, le gouvernement Clark a rapidement pris une décision à la satisfaction de tout le monde. Maintenant à Mirabel, les contrôleurs
du ciel peuvent s’exprimer dans la langue de la majorité des Québécois, le français.

Le même esprit de coopération préside aux relations avec le gouvernement provincial pour ce qui est de l’acquisition des
terres qui entourent Mirabel ou des orientations dans l’implantation d’industries dans la région de Mirabel. Tous ces domaines font l’objet de négociations, de rencontres, entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral.

Nous espérons qu’on ajoutera bientôt un deuxième volet à ces négociations; l’aménagement des Laurentides. Nous savons que les Laurentides se sont développées à la va-comme-je-te-pousse, il faut l’admettre, sans aucun plan
d’aménagement. Nous croyons qu’il est possible pour les deux paliers de gouvernements de s’entendre pour réaliser là ce que nous avons entrepris il y a quelques années en Gaspésie où chacune des municipalités a mis de l’avant ses projets,
chaque gouvernement ses orientations, ce qui est devenu l’objet d’une entente entre les intéressés pour assurer un développement beaucoup plus rentable. Mirabel, l’aménagement des Laurentides, c’est douze mille emplois qui vont
reconvertir le tissu industriel de ce coin de pays et ce, dans l’intérêt de tous ceux qui y habitent. Le premier ministre Clark et son équipe défendent une option constitutionnelle claire et précise. Déjà, en sept mois, le gouvernement
Clark a mis fin à onze ans de confrontations stériles entre Ottawa et les provinces notamment le Québec. Le gouvernement fédéral a reconnu la responsabilité des provinces pour ce qui est des loteries, de l’usage du français dans l’air, du
droit exclusif de développer les richesses naturelles sous-marines, etc…Ce ne sont là que quelques exemples des résultats obtenus et cela, je le répète, en sept mois seulement. Avec Joe Clark et son équipe, les années 80 marqueront
la fin des affrontements entre le gouvernement fédéral et le Québec.

Le 18 février prochain, l’électorat canadien continuera d’accorder son appui au gouvernement du premier ministre Clark, cette fois-ci le Québec doit être de la partie.

<Masse19800204b>
<DECLARATION DE MONSIEUR MARCEL MASSE LES MESURES DE POLITIQUE SOCIALE DANS LE BUDGET ST-SAUVEUR 4 FEVRIER 1980>

Pour protéger les familles à faible ou moyen revenu des prix plus élevés de l’énergie, un crédit d’impôt remboursable qui
sera de $80 par adulte et $30 par enfant annuellement et, mis en œuvre sur 2 ans.

Pour les familles ayant un revenu annuel excédant $21,380, le crédit sera réduit de 5%.

Si le crédit est plus élevé que l’impôt fédéral payable, la différence sera remboursée.

Ces crédits peuvent être transférés entre conjoints.

Des octrois seront versés aux entreprises de service dans la région Atlantique pour compenser les coûts d’électricité plus élevés  des centrales à pétrole. Ceci aura pour effet de stabiliser l’augmentation du taux d’électricité pour les familles de la région.

D’autres subventions seront aussi offertes pour seconder le développement du charbon et la conversion des industries et des services du pétrole en d’autres sources.

– Les contribuables qui emploient leur conjoint dans des entreprises non-constituées pourront réclamer les salaires versés à ce conjoint à titre de dépenses déductibles. Ceci fait partie des promesses électorales et la valeur de cette concession sera de $160 millions au cours de l’année fiscale 1980-81.

– L’actuel crédit d’impôt à l’emploi sera remplacé par un nouveau crédit de $80 par semaine par employé. Le but est de créer
plus de 100,000 nouveaux emplois.

– Ces améliorations des stimulants fiscaux visent à augmenter les possibilités d’emploi pour les jeunes et les handicapés et représentent une augmentation de $150 millions.

$50 millions additionnels seront alloués pour instaurer de nouvelles mesures ou ajouter aux programmes existants afin de stimuler la création d’emplois et le développement de l’économie dans l’est du Canada (c’est-à-dire à l’est de l’Ontario).

– Une étude sera présentée au comité spécial des communes sur le secteur bénévole concernant le traitement fiscal des
dons. Ces recommandations seront étudiées avant la divulgation du prochain budget.

– L’obligation de retenir un impôt de 25%, sur tout montant payé quand un détenteur d’obligations ne présente pas de numéro d’assurance sociale a été retirée pour les paiements versés après le 11 décembre.

– Pour l’année 1979 et les exercices financiers ultérieurs, un enfant à charge est défini comme tout enfant du conjoint et, pour plus de précision, tout enfant adopté.

– A compter du 5 septembre 1977, les objets reconnus en vertu de la Loi sur l’exportation
et l’importation de biens culturels et offerts en dons à une institution éligible ou à des autorités publiques en vertu des dispositions testamentaires d’un contribuable décédé, seront francs de tout gain de capital résultant de l’aliénation
de l’objet.

– Des analyseurs optiques utilisés par les aveugles pour transposer les textes imprimés
sous une forme analogue au braille, lesquels peuvent être lus au moyen de leviers commandés au toucher, ainsi que des dispositifs permettant aux handicapés de se déplacer sur les différents étages d’un édifice sont maintenant inclus dans
les dépenses médicales déductibles d’impôt.

<Masse19800206>
<MONSIEUR MARCEL MASSE LA POLITIQUE ENERGETIQUE DU NPD DE VAGUES GENERALITES
STE-AGATHE 6 FEVRIER 1980>

Le NPD place au premier rang de ses priorités l’efficacité des mesures de conservation en vue de l’autosuffisance énergétique.

– Le NPD néglige l’importance du système des prix pour encourager la conservation en dépit des exemples frappants de L’Europe et du Japon où des prix élevés ont freiné la demande.

– Les mesures de conservation fédérales du NPD sont les mêmes que celles du gouvernement
Clark; le NPD n’offre aucune idée nouvelle.

– En s’accrochant strictement à la conservation, le NPD abandonne en fait l’initiative fédérale puisque la plupart des
programmes de conservation sont de juridiction provinciale.

Gaz naturel

Le NPD s’objecte à l’exportation additionnelle de gaz naturel,

– La recommandation de l’Office national de l’énergie d’exporter quelque 3.75 tpc additionnels de gaz tient compte de la
demande future canadienne.

– L’ONE a estimé que les sources conventionnelles de gaz de l’Alberta suffisent à satisfaire la demande de gaz jusqu’en 1995 et compte tenu  des nouvelles sources gazières de l’Alberta, et des régions pionnières telles que l’Île-des-sables en Nouvelle-Écosse, les Îles de l’Arctique ou la mer de Beaufort.

Les exportations de gaz autorisées constituent des surplus par rapport à la demande canadienne, demande qui inclut
le prolongement du gazoduc jusqu’à Québec, les Maritimes et l’Île de Vancouver.
Laisser dormir dans le sol les surplus de gaz en bloquant les exportations réduira les activités d’exploration.

Toute baisse d’activité dans les explorations réduit non seulement les chances de nouvelles découvertes de gaz mais également celles de découvertes de pétrole. Beaucoup de découvertes de pétrole
du passé sont redevables de découvertes de gaz et vice-versa.

Le gouvernement Clark s’est déjà engagé à prolonger le gazoduc jusqu’à Québec et aux Maritimes et a proposé un régime
d’encouragement de 65% du prix pour les nouveaux usagers du gaz. La proposition néo-démocrate n’est pas nouvelle et beaucoup plus vague.

Le gouvernement Clark a déjà proposé des octrois aux propriétaires de maisons pour accroître l’efficacité de leurs fournaises
à l’huile.

– La proposition néo-démocrate de créer une Banque de gaz naturel coûterait au gouvernement fédéral des milliards de
dollars pour garder le gaz dans le sol, des dollars qui devraient être prélevés à même les taxes.

Il se trouve déjà une banque de gaz naturel. Ce sont les réserves que la nature a elle-même créées.

Le prix du pétrole
Le NPD veut établir une commission des prix et profits qui transformerait en fait l’industrie pétrolière et du gaz en une
industrie de service fortement régie.

– Ceci signifierait une bureaucratie énorme qui viendrait encore ajouter aux coûts.

– Régir une entreprise à fort niveau de risque telle que l’industrie pétrolière et gazière entamerait la nature entrepreneuriale
de l’industrie et tarirait l’innovation si nécessaire à la découverte de nouvelles réserves.

– Réglementer le pétrole et le gaz diffère beaucoup de la réglementation en matière d’hydro-électricité puisque dans ce dernier cas, il n’y a pas d’aspect d’exploration (l’eau s’offre naturellement).

La propriété des ressources revient aux provinces en vertu de l’AANB ce qui leur permet de fixer elles-mêmes le montant
de leurs redevances.

Une réglementation semblable à celle de l’hydro-électricité n’entraînera nullement des prix plus bas mais simplement
des approvisionnements moindres de gaz et de pétrole.

Le coût de production du nouveau pétrole, celui des sables bitumineux par exemple, (plus de $25 du baril) est déjà  supérieur au prix intérieur du pétrole et après l’ajout des redevances albertaines, le coût total se compare à peu
près aux prix internationaux.
L’élimination de la composante profit dans l’exploitation des sables bitumineux n’abaisserait pas notablement les
coûts de développement et en ralentirait de façon dramatique le développement au moment où les besoins canadiens sont
criants.

La politique de prix du NPD présuppose une bureaucratie gouvernementale sur le modèle de la CLI sans garantie de prix
intérieurs moindres que les prix mondiaux; le gouvernement Clark met de l’avant une
politique de prix qui assure des prix canadiens de 15% inférieurs au prix le plus
bas des deux suivants; le prix américain de Chicago ou le prix moyen du pétrole importé au Canada.

Pétro-Canada

Le NPD voudrait faire de Pétro-Canada une compagnie pleinement intégrée et active dans l’exploration, le développement et la production en passant par le raffinage et la commercialisation.

Le gouvernement Clark se propose de distribuer 5 actions de Pétro-Canada à des Canadiens individuellement et de vendre
d’autres actions pour permettre à l’entreprise de financer son expansion, la rendre plus dynamique et concurrentielle
face aux multinationales.

Si Pétro-Canada devait devenir l’importateur exclusif, le Canada serait à long terme plus vulnérable vis-à-vis des problèmes
d’approvisionnements puisqu’il faudrait s’en remettre pour nos besoins à une seule société Il en résulterait des risques d’interruptions accrus.

A court terme les prix des importations monteraient puisque Pétro-Canada devrait s’approvisionner sur le marché libre
beaucoup plus coûteux.

Le NPD soutient que le président de Pétro-Canada, M. William Hopper, s’est fait le défenseur d’une participation de premier
plan de Pétro-Canada dans le développement des sables bitumineux et ce à
moindres coûts que l’entreprise privée.

M. Hopper n’a jamais rien dit de tel. Il s’agit d’une autre déformation néo-démocrate  des faits.

Pétro-Canada ne peut compter sur des titres de propriété en nombre suffisant sur les sables bitumineux pour se permettre
de les développer de façon rentable et à l’échelle proposée par le NPD.
La seule façon d’y remédier serait l’expropriation par le gouvernement, soit un premier pas vers la nationalisation de
l’industrie.

La société Pétro-Canada ne jouit pas présentement d’un nombre suffisant de cadres et d’une expertise technique nécessaire
à la mise en exploitation de nouvelles usines des sables bitumineux.

L’insuffisance de titres fonciers et d’expertise n’entraînerait alors qu’un  taux ralenti de développement des sables
et qu’un recul par rapport à l’objectif d’autosuffisance.

Énergie nucléaire

Le gouvernement conservateur s’apprêtait à déposer en chambre un projet de
loi visant à permettre au Parlement d’enquêter sur l’énergie nucléaire quand le NPD y a mis
fin en causant la chute du gouvernement.

– Le NPD se plaint de ce que l’industrie nucléaire, dominée par des sociétés de la Couronne, soit dangereuse et inefficace. Pourtant, il réclame une présence plus forte des sociétés de la Couronne et des réglementations plus strictes
pour l’industrie pétrolière. Si la réponse se trouve du côté du contrôle gouvernemental, pourquoi alors ces récriminations
néo-démocrates contre l’industrie nucléaire à contrôle gouvernemental?
L’impôt des industries pétrolières

Le NPD critique les incitations fiscales à l’industrie pétrolière mais ne semble pas comprendre que si le Canada doit devenir
autonome d’ici 1990 plus de $130 milliards devront être investis dans l’exploration et le développement du pétrole dans les dix prochaines années; les incitations fiscales ne sont qu’un moyen de diriger ces fonds vers l’exploration
et le développement du pétrole et du gaz.

– En réalité si le Canada doit devenir autonome en pétrole cela exigera des efforts concertés des secteurs privés canadiens
et des multinationales et une définition claire des règles et règlements de la part du gouvernement.

– Le parti conservateur, avant sa défaite en Chambre aux mains des Libéraux et des néo-démocrates était en voie de susciter
la participation des Canadiens au développement des ressources par des incitations comprenant des mesures fiscales ainsi qu’un assouplissement des règles de participation canadienne.

Les allégations du NPD à l’effet que le gouvernement avait l’intention de réduire ou d’éliminer le rôle de l’AEIE dans
le développement de l’énergie s’avèrent inexactes.

Le budget du gouvernement a éliminé le surplus des « super déductions » pour épuisement instauré par le gouvernement libéral. Ceci aurait été remplacé par du financement favorisant l’exploration canadienne.

– De même le gouvernement avait l’intention d’établir une Banque Canadienne de l’énergie
afin d’accroître la vigueur financière des entreprises canadiennes engagées dans le développement de nos ressources
énergétiques.

Développement et recherche énergétique Les propositions du NPD d’augmenter le développement et la recherche énergé
tique ne sont rien de plus que des voeux pieux sans contenu spécifique.

Sommaire

En résumé, la politique énergétique du NPD n’est rien de plus qu’une sérieusement de vagues généralités dont les données ne justifient pas leurs allégations et leurs propositions. Ce n’est que de la démagogie énergétique
et une façon certaine d’augmenter la dépendance du Canada vis-à-vis le pétrole importé.

Le journaliste de CBC, Ken Colby y est allé de ses propres commentaires au National
News du 3 janvier: La politique du NPD traitera de fait le pétrole et le gaz comme des services
publics, tels l’électricité et l’eau, sous le contrôle sévère du gouvernement. Mais le document
est trop imprécis pour en dégager les conséquences. Par exemple, il ne fait aucune allusion au prix. Le NPD soutient que les conservateurs et les libéraux veulent hausser les prix à leur niveau mondial. Ce qui est faux. Les
deux ont clairement fait connaître que le prix doit demeurer en dessous du prix américain. Le
NPD déterminerait son prix sur la base du coût de production du pétrole plus un profit raisonnable
plus une royauté pour la province, plus une contribution à un fond pour des mesures de
conservation et de nouvelles découvertes Il ne dit aucunement à combien cela s’élèvera et il
est difficile de le deviner.

Restreindre les revenus des compagnies pétrolières signifie que le gouvernement exercerait un fort contrôle sur l’exploration
et le développement. Ceci pourrait mener à une plus grande propriété canadienne mais aussi à
une diminution des incitations pour les compagnies à prendre des risques.

Comme dans tout changement de direction, ce projet amènerait des bouleversements qui pourraient excéder les bénéfices immédiats. Faire de Pétro-Canada l’unique importateur de pétrole est bien possible mais jusqu’à
ce que Pétro-Canada développe ses propres sources, de concurrence avec les grandes compagnies
pétrolières, le gros des achats devra se faire sur le marché libre, ce qui signifierait pendant quelque temps une hausse de prix. De même si Pétro-Canada développait les sables bitumineux, on constaterait une économie de 15% mais
d’abord elle devra acquérir les terrains et le permis d’exploitation. La plupart de ces permis
sont détenus par la province de l’Alberta et les compagnies pétrolières multinationales.

Dans plusieurs des propositions de recherche et des idées de conservation, comme
les allocations pour les familles à revenu moyen ou pour le changement de système de chauffage,
le NPD ne fait que reprendre les propositions mêmes du gouvernement.

La vraie différence, c’est que le NPD remettrait le contrôle et l’initiative dans les mains du gouvernement et la vraie difficulté pour les électeurs, c’est que ses propositions ne sont pas suffisamment précises pour les convaincre qu’ils feraient mieux.

<Masse19800208b>
<NOTES POUR UN DISCOURS DE MONSIEUR MARCEL MASSE « LES INTERÊTS HYPOTHÉCAIRES
LAC CARRÉ 8 FÉVRIER 1980>

Réponses à des questions fréquentes au sujet du plan des crédits d’impôt sur les intérêts hypothécaires.

1 – Le financement Avec un déficit fédéral énorme cette année (11 milliards), pouvons-nous
nous payer pareil programme?

– Les crédits obtenus par les contrôles des dépenses gouvernementales serviront au financement
– La mise en œuvre s’échelonnera sur une période de 4 ans.

– Le surplus d’activité économique découlant du programme, en particulier dans le secteur de la construction devrait engendrer des revenus plus élevés pour le gouvernement et réduire les prestations de chômage.

2 – Les locataires Que fait-on pour eux?

un seul programme ne peut combler tous les besoins à la fois (par exemple, les allocations familiales ne font rien pour
les personnes âgées); d’autres moyens devront être utilisés pour aider les locataires.

– la plupart des locataires ne le sont que temporairement et le programme les aidera à réaliser plus tôt leur rêve d’avoir une
maison parce que les frais d’intérêts hypothécaires et les taxes foncières sont admissibles déjà pour les propriétaires d’immeubles locatifs à des exemptions d’impôt, les locataires bénéficient déjà de loyers moins chers à cet égard beaucoup de mesures de contrôle des loyers ont été introduites ces dernières années, sans rien pour les propriétaires
une offre plus grande de logements en résultera et les prix auront donc moins tendance à monter.

Il existe déjà nombre de programmes fédéraux-provinciaux d’aide à l’habitation à loyer modique.

– le programme ne vise pas les riches mais le travailleur canadien moyen: par exemple, près de 35% des propriétaires (la
plus grande catégorie) sont des journaliers ou travailleurs spécialisés. La catégorie des propriétaires à revenu élevé
(gestionnaires et propriétaires d’entreprise) ne représente que 6% de tous les propriétaires canadiens de maison.

Les différences régionales. Rien n’est fait pour le Québec où il y a relativement peu de propriétaires, ou pour les provinces de l’Atlantique où les maisons sont pour la plupart déjà payées.

Dans la région de l’Atlantique, le taux élevé de propriétaires signifie qu’un grand nombre de personnes auront droit au crédit
pour taxes foncières. Les taxes foncières au Québec, les plus élevées  au Canada seront ainsi allégées le potentiel très large des propriétaires aura pour effet de stimuler davantage la construction domiciliaire au Québec. L’industrie
du meuble concentrée au Québec en sera parmi les principaux bénéficiaires.

5 – Impact sur l’inflation Doit-on craindre des pressions inflationnistes résultant de taux d’intérêt hypothécaires élevés?

– la stagnation relative de la construction domiciliaire actuelle signifie que i) des maisons invendues existent en
bonne quantité ii) les fonds hypothécaires sont loin d’être taris 6 – Le refinancement Comment empêcher les propriétaires
actuels d’accroître la valeur de leur hypothèque et de réinvestir ailleurs la différence?

– des contrôles sont déjà prévus par la législation pour prévenir ces abus la seule exception sera dans le cas de
prêts hypothécaires de $5,000 ou plus destinés à une réfection ou à des rénovations majeures.

PROGRAMME FÉDÉRAL DE CRÉDIT D’IMPÔT SUR L’INTÉRÊT HYPOTHÉCAIRE ET LES
IMPÔTS FONCIERS RÉSIDENTIELS
Éléments du programme

2 types de crédit d’impôt sont prévus dans le cadre du programme:

a) le crédit d’intérêt hypothécaire qui réduira les impôts fédéraux à verser d’un montant forfaitaire de $250.

Le programme doit s’échelonner sur 4 ans avec 25% des avantages s’appliquant cette année et 100% en 1982. Le bénéfice maximum sera pour cette année de $375 s’élevant a $1500 en 1982.

Raisons du programme

1 – un récent sondage montre que 90% des jeunes Canadiens désirent posséder une maison.

2 – le parti conservateur croit que l’objectif de devenir propriétaire est socialement désirable.

3 – l’économie y trouvera là un stimulant, plus particulièrement l’industrie de la construction, où le chômage a atteint l’an dernier 16%.

<Masse19800209>
<NOTES POUR UN DISCOURS DE MONSIEUR MARCEL MASSE  LE BUDGET ET LA POLITIQUE
ENERGETIQUE ST-JEROME 9 FEVRIER 1980>

Des hausses de prix du pétrole brut de $4 le baril en 1980 et de $4.50 l’année suivante. Le prix plafond sera réduit de 95% du prix moyen de Chicago à 85%.

Un impôt d’autosuffisance énergétique de sorte que le gouvernement obtiendra environ la moitié des revenus sur les accroissements des prix du gaz et du pétrole qui dépassent $2.00 du baril et .30 cents du mille pieds cube
par année.

Un accroissement réel de la taxe d’accise de 18 cents sur le carburant de transport pour les usagers de l’automobile privée et
de 25 cents pour les usagers commerciaux. Les secteurs de l’agriculture, de la pêche commerciale et du transport urbain auront droit à un rabais de 10 cents.

Affectation des nouveaux revenus du gouvernement à la Banque nationale de l’énergie, du programme d’isolation des maisons et à des octrois devant compenser les coûts excessifs d’électricité dans la région de l’Atlantique.

Un crédit d’impôt sur l’énergie remboursable pour les Canadiens à faible et moyen revenus s’échelonnant sur 2 ans. Lorsque le plan sera complété, une famille de quatre pourrait recevoir des avantages de $220 par année.

LA POLITIQUE ENERGETIQUE

L’énergie est devenue une préoccupation fondamentale de tous les Canadiens.
Notre gouvernement, sous la direction du Premier ministre, a entrepris des consultations approfondies
avec les provinces au sujet de la politique énergétique. Notre objectif est clair: il consiste à libérer rapidement le Canada de sa dépendance vis-à-vis du pétrole importé, pour le rendre autonome d’ici 1990. Nous nous proposons
d’atteindre ce résultat de trois façons: en contenant la demande de pétrole; en favorisant le remplacement du pétrole
par d’autres formes d’énergie; et en mettant en valeur de nouvelles ressources.

En 1979, nos importations de pétrole dépasseront nos exportations d’environ 50 millions de barils par an. Sans de nouvelles mesures, cet écart augmentera rapidement. Si rien n’est fait, d’ici 1985, nos importations nettes
s’élèveront à 200 millions de barils.

Tant que le Canada dépendra autant des importations de pétrole, nous serons vulnérables. Les événements récents du Moyen-Orient se sont chargés de nous le prouver. Nous devons nous protéger des effets de la politique
pétrolière internationale.

Nous pensons que la meilleure façon d’atteindre nos objectifs consiste d’abord à établir des prix réalistes. Le gouvernement
précédent avait déclaré qu’il n’avait pas l’intention de maintenir indéfiniment la situation d’énergie à bon marché au Canada alors que le reste du monde s’adaptait aux réalités nouvelles. Le hic est que le gouvernement précédent n’a pas
eu le courage d’appliquer cette politique qu’il préconisait. Nous devons maintenant agir de façon que le Canada devienne autonome à l’égard de toutes les formes d’énergie, y compris le pétrole, d’ici les années 90 et de manière à
protéger le pays contre le chaos, dans l’éventualité où les approvisionnements internationaux de pétrole seraient interrompus.

Lorsque nous aurons conclu un plein accord avec les provinces productrices, nous serons prêts à laisser les prix du pétrole
augmenter par étapes, de $4 le baril en 1980 puis de $4.50 par an de manière qu’il se rapproche à un rythme mesuré du niveau de 85 pour cent des prix américains à Chicago ou du prix international, le moindre des deux étant retenu.

Le prix du gaz naturel, sur les quantités actuellement vendues, sera relevé de manière à demeurer à 85 pour cent du prix du
pétrole; cependant, pour encourager le remplacement du pétrole par le gaz, les distributeurs paieront sur les quantités supplémentaires un prix moins élevé, équivalant à 65 pour cent du prix du pétrole.

Le gouvernement du Canada se propose, à l’occasion de la hausse des prix du pétrole
et du gaz naturel, de veiller à ce que l’industrie ne réalise pas des profits excessifs grâce
à l’accélération des prix, mais obtienne un rendement convenable et garde des ressources suffisantes
pour continuer l’exploration et la mise en valeur des nouvelles sources d’énergie. Nous
voulons nous assurer, par notre nouvelle taxe énergétique, que le gouvernement du Canada reçoive à peu prés la moitié du produit des hausses qui dépasseront $2 le baril de pétrole et 30 cents les mille pieds cubes de gaz par an.

Au cours des quatre prochaines années, de 1980 à 1983, les recettes totales nettes provenant
du pétrole et du gaz s’élèveraient, selon les prévisions, à $90 milliards. De ce montant, les
provinces recevraient quelque $40 milliards et le fédéral $17 milliards. L’industrie, par contre,
toucherait $33 milliards après défalcation des coûts de production et des impôts.

Comme il est absolument essentiel d’encourager nos concitoyens à diminuer encore leur consommation de produits pétroliers et d’obtenir des recettes absolument nécessaires au gouvernement du Canada d’une manière qui contribue
aussi à la réalisation d’un autre objectif national, une taxe d’accise de 25 cents par gallon
sera imposée à compter de ce soir sur l’essence, le carburant diesel et les autres carburants.
Touchant tous les utilisateurs de carburants, cette taxe remplacera celle de 7 cents le gallon
qui ne frappe actuellement que les utilisateurs non commerciaux d’essence. Les exploitations agricoles, les pêcheurs commerciaux et les transports publics urbains auront droit a un remboursement
de 10 cents le gallon. En dépit de cette taxe, les prix de ces produits seront dans l’ensemble plus bas qu’aux États-Unis.
Prises dans leur ensemble, ces mesures auront des résultats tangibles. Je m’attends que d’ici 1985 elles permettent d’économiser 100 millions de barils importés par an, soit quelque $2.5 milliards, même aux prix actuels.

La totalité des recettes produites par la taxe proposée et une bonne partie du produit de taxe d’accise serviront à financer un certain nombre de mesures dans le domaine de l’énergie et à compenser l’effet des hausses de prix.

Ces dispositions font partie intégrante de notre programme énergétique. J’aimerais donner quelques
exemples des mesures que nous envisageons, dont certains détails sont fournis dans les renseignements supplémentaires du budget.
En premier lieu, nous entreprendrons dans les meilleurs délais d’établir une Banque nationale de l’énergie. Cet organisme
aidera à financer toute une gamme de projets énergétiques.

En second lieu, nous fournirons davantage de ressources au Programme canadien thermique des résidences.

En troisième lieu, nous prendrons des mesures importantes afin de faciliter l’adaptation a la hausse des prix dans la région de l’Atlantique. Nous offrirons des subventions pour compenser le coût supplémentaire de la production d’électricité qu’entraîneront les hausses de prix du pétrole dépassant $2 le baril par an.

Les Canadiens à revenu faible ou moyen doivent être protégés dans une certaine mesure contre les hausses de prix. L’indexation des programmes sociaux et du régime fiscal bénéficient déjà à un grand nombre de citoyens.

A également été annoncé, la création d’un crédit d’impôt remboursable au titre de l’énergie pour les particuliers, lequel lorsqu’il sera entièrement en vigueur, rapportera environ $1 milliard aux Canadiens à revenu faible ou moyen. Ce crédit sera appliqué à partir de l’année d’imposition 1980 et ce, de manière progressive pour tenir compte du retard avec
lequel les hausses des prix de l’énergie font sentir leurs effets. Lorsque ce programme sera entièrement appliqué, une famille de quatre personnes bénéficiera du crédit total de $220 chaque année, tant que son revenu ne dépassera pas
le seuil fixé.

Autres mesures fiscales dans le domaine de l’énergie.

Je donnerai, maintenant, le détail de plusieurs autres mesures fiscales importantes  du domaine de l’énergie.

La déduction du super-épuisement pour les forages dans les régions pionnières sera prolongée, à un taux réduit, jusqu’à la
fin de 1980. Elle sera ensuite remplacée. Le taux de déduction des avoirs pétroliers et gaziers canadiens, y compris les paiements de primes foncières, sera ramené de 30 à 10 pour cent.

– La disposition permettant l’amortissement accéléré de l’équipement économisant l’énergie sera prolongée de cinq ans. Je
propose aussi d’en élargir l’application à certains dispositifs de chauffage scolaire, aux petits ouvrages hydro-électriques et à d’autres équipements.

– Pour encourager les Canadiens à produire des carburants de remplacement, je propose d’assouplir les conditions régissant l’octroi de licences, dans la Loi sur l’accise, pour la production expérimentale d’alcool.

<Masse19800213>
<DEVELOPPEMENT ET LES SOCIETES CANADIENNES TEXTE DE MONSIEUR MARCEL MASSE
RITZ-CARLTON, CLUB KIWANIS ST-LAURENT MONTREAL, le 13 FEVRIER, 1980>

Pendant les premières décennies de son existence, le Canada, comme son voisin du Sud, était un pays dont la frontière reculait chaque année, un pays dont le marché national croissait au rythme d’un peuplement dynamique.

La technologie de l’époque permettait à la plupart des entreprises industrielles d’atteindre le seuil de rentabilité sans que
leurs efforts de vente dépassent les limites du marché national.

Depuis ce temps, l’évolution de la technologie a fait reculer les seuils de rentabilité de nombre d’activités économiques; bien
au-delà des limites devenues étroites du marché canadien, cela même si le marché canadien croissait lui-même très rapidement.

Ce phénomène a placé l’industrie canadienne devant l’obligation d’élargir ses horizons au-delà des frontières nationales;
pour nombre d’entreprises, se cantonner au marché canadien équivaut à renoncer à faire ces investissements nécessaires sans lesquels on ne peut accroître sa productivité au même rythme que les concurrents.

Or, trop peu d’entreprises ont reconnu l’importance de ce lien entre l’élargissement du marché par l’ouverture à l’exportation
et l’augmentation de la productivité par l’investissement dans la production de masse.
C’est en partie la raison pour laquelle le Canada accuse un retard de productivité par rapport à son voisin du Sud. Le moins
qu’on puisse dire du marché national des États-Unis, c’est que ses dimensions ont rarement constitué
un facteur limitatif pour l’expansion des entreprises américaines.

De fait, certains Canadiens accordent tellement d’importance au rôle joué par les dimensions du marché national dans la croissance des États-Unis qu’ils croient que le Canada est condamné au retard économique à cause des
limites du sien. Une autre version de l’adage « Né pour un petit pain », qui maintiendrait le Canada dans un perpétuel statut d’économie de matières premières et de succursales.

Trop souvent, on oublie que les pays dont le niveau de vie est le plus élevé ont basé leur expansion industrielle moins sur
leur marché national que sur les marchés extérieurs.

Qu’on pense à des pays comme la Suisse ou la Suède qui au cours des années récentes exportent jusqu’à un tiers de leur production nationale. Pensons aux Pays-Bas qui exportent plus de la moitié de leur produit intérieur brut ou encore au Danemark qui lui aussi exporte plus du tiers de sa production.

Tous ces pays ont un marché national beaucoup plus réduit que le marché canadien, même s’il a l’avantage d’être plus dense.
Surtout la structure de leurs exportations reflète la présence d’une base industrielle dynamique.

Le Canada de son côté exporte environ le quart de sa production vers l’étranger, ce qui le place nettement dans la catégorie
des pays exportateurs. Par contre, si on examine la structure de ces exportations, on ne peut que constater le peu d’importance qu’y prend l’industrie manufacturière canadienne.

Rappelons un fait intéressant: les exportations d’automobiles et de pièces de voitures représentèrent 23.2% du total des exportations canadiennes en 1978 soit de loin le poste le plus important au chapitre de nos ventes Š l’étranger. Je reconnais comme vous l’importance économique de ces échanges tant du point de vue de l’emploi que du point de vue de la
balance des paiements; par ailleurs, on ne peut que remarquer une importante différence entre ce qu’on appelle ordinairement des exportations et cette composante nord-sud des échanges transnationaux que se font les différentes unités du réseau nord-américain de l’industrie automobile.

On connaît généralement quels sont les autres grands postes de nos ventes à l’étranger, parmi lesquels on retrouve surtout
le groupe du pétrole et du gaz naturel, celui des métaux travaillés, des minerais et concentrés,
bois, pâtes et papiers, céréales et autres produits comestibles.

Toutefois quand on en vient aux produits finis ou aux biens d’équipements qui tous deux requièrent un degré beaucoup plus élevé de transformation, on en arrive a un pourcentage total de 12% des exportations.

Les comptes extérieurs d’un pays sont souvent plus révélateurs que ses comptes nationaux et le Canada en est un bon exemple.

Les grandes caractéristiques de notre structure économique y sont facilement identifiées: – étroitesse relative de la base industrielle, – expatriation des centres de décision.

Évidemment, le tableau des exportations pour une seule année ne nous renseigne que sur une tranche de l’évolution de l’économie canadienne. Un coup d’oeil sur la situation d’il y a 15-20 ans vous fait constater qu’à cette époque, le Canada exportait environ 15% de sa production nationale. Depuis, la part des exportations dans le Produit National s’est accru
comme on l’a vu au niveau de 25% Il s’agit là d’un changement structurel important pour une période relativement courte. Nous avons su comment un facteur comme l’accord sur l’automobile peut compter pour beaucoup dans cette augmentation.
il faut par ailleurs considérer que les importations ont aussi augmenté très rapidement, à cause de l’interrelation de deux facteurs:

1) la rapidité de la croissance économique canadienne

2) l’impact considérable de cette croissance sur les achats à l’étranger de produits manufacturés tributaires d’une haute technologie.

Le résultat, un déficit de $12 milliards au compte des produits manufactures, des matières et produits non-finis.

Notons ici une dépendance croissante du Canada par rapport à l’économie américaine.
De 65% en 1970, la part des États-Unis dans nos exportations est passée ? 70% en 1978.

Un autre client dont l’importance s’est accrue: le Japon où étaient dirigées 5,7% des exportations
canadiennes de 1978, comparativement à 4,4% en 1970. Le Japon devançait ainsi le Royaume-Uni
comme deuxième client du Canada.

Or malgré cette plus grande ouverture du Canada à l’économie mondiale (surtout celle des États-Unis), une caractéristique importante de cette évolution est comme je le mentionnais plus tôt, le faible rôle qu’y jouent
les ventes de produits manufacturés. Le rapport Hatcil sur la promotion des exportations canadiennes, rapporte qu’entre 1967 et 1977, la part du Canada dans le marché mondial des produits finis est passée de 5.9% en 1967 à 4.6% en 1977.
Cette tendance ne va pas aider à sortir le Canada de sa situation de nation industrialisée qui importe
le plus fort volume de produits finis par habitant.

Devant la faible présence du secteur manufacturier canadien sur les marchés internationaux, demandons-nous quels sont les
moyens nécessaires pour développer cette performance.

Les conditions de financement à l’exportation sont-elles au moins comparables à celles offertes dans les autres pays industrialisés? Ces conditions font l’objet d’une analyse très pertinente dans le rapport du Comité d’examen
des services de promotion des exportations, paru en décembre dernier.

Pour l’instant, j’aimerais faire certains commentaires sur l’un des potentiels d’exportation les moins exploités; le budget de
coopération internationale administré par l’ACDI. Ce budget est de l’ordre de $1,25 milliards. Un tel niveau de dépenses annuelles représente près de 0,5% du P.N.B. ce qui place le Canada parmi les pays qui font proportionnellement le
plus pour le développement international.

Le programme d’aide de l’ACDI se répartit entre le budget bilatéral, qui sert à financer des programmes gérés directement par l’ACDI, le budget multilatéral, qui couvre les contributions du Canada aux programmes des grandes
organisations internationales d’aides (Programme des Nations-Unies, Banque Mondiale et
autres), l’aide alimentaire, la recherche sur le développement et le financement d’organisations non gouvernementales de coopération.

Recherche et coopération aux organisations non gouvernementales prennent respectivement 3% et 4% du budget. La composante de biens et services canadiens dans ces budgets ne m’est pas connue. Chose certaine, il s’agit
de programmes où les salaires figurent parmi les dépenses les plus importantes.

L’aide alimentaire qui compte pour 13% du budget d’aide bénéficie surtout au secteur agricole, principalement aux producteurs de céréales des provinces des Prairies. Une partie assez faible de ce montant soit environ 5%
de ce budget est affectée à l’achat de poudre de lait, produite principalement au Québec.

Quelque 40% des dépenses totales du gouvernement canadien au chapitre de la coopération
internationale financent des programmes bilatéraux, administrés directement par l’ACDI.

De ce total, 88% est lié à des achats de produits canadiens. Mais le contenu canadien de ces produits étant en moyenne de 75%, il en découle que la composante canadienne du programme bilatéral représente 66% du total.

Or, le programme bilatéral constitue une composante plus canadienne du budget d1 aide que ne peut l’être la composante multilatérale. La partie multilatérale compte pour 40% du budget total. L’usage des fonds alloués en fonction de ce programme n’est nullement lié à l’achat de produits canadiens Il serait néanmoins normal qu’au moins une partie de ces
argents reviennent au pays sous forme de contrats pour des firmes canadiennes.

A ce titre, les entreprises canadiennes ne vont chercher qu’une faible partie des argents versés par l’ACDI aux organismes
internationaux finançant des projets internationaux. Pourtant le Canada est parmi les pays occidentaux un de ceux dont le pourcentage d’aide multilatérale est le plus élevé. Comparés à notre 40%, la France ne fournit que 14% de son aide
sous forme multilatérale, l’Allemagne 25%, le Royaume-Uni 30%, le Japon 32% et les États-Unis 34%.

Rappelons que lorsqu’on prend les argents des contribuables canadiens pour les affecter à l’aide bilatérale, ces argents devront servir a l’achat de biens et services à contenu canadien au moins en majorité. C’est donc de
l’aide liée. Mais quand ces argents sont versés à des organisations internationales comme la
Banque Mondiale, la FAO, ou le Programme des Nations-Unies pour le Développement, il s’agit
d’aide déliée, aucun accord n’oblige ces organisations à les affecter à l’emploi de personnel ou à l’achat de produits canadiens.
Iil appartient aux firmes canadiennes de proposer leurs marchandises et leurs services à ces organisations,
sans quoi ces argents sortent complètement du système économique canadien.

Effectivement, certaines firmes canadiennes obtiennent des contrats avec ces organisations
internationales. Par exemple, 42% des fonds versés par l’ACDI à la Banque Mondiale
sont moins d’un an plus tard alloués par celle-ci à des firmes canadiennes, sous forme de contrats.
Toutefois, avec les autres institutions internationales financés par l’ACDI, le pourcentage de
retour pour la première année n’est que de 16%.

Qu’on compare cette performance avec celle de pays comme l’Allemagne et le Japon qui récupèrent en ventes et contrats un chiffre supérieur à leur mise de fonds. grâce à sa capacité d’exportation, le Japon récupère en contrats,
242% de sa contribution aux organismes d’aide internationaux.

Il n’est pas étonnant que le Canada fasse figure d’apôtre selon les uns ou d’angélisme
incurable selon les autres, de la coopération sur la scène internationale quand on constate jusqu’à quel point l’aide des autres pays complète bien leur commerce extérieur.

Il ne serait que juste qu’une plus large part de cette aide multilatérale profite aux exportateurs canadiens. En vertu du
caractère délié de l’aide multinationale, il n’appartient pas aux organisations financières internationales d’aller au devant des entreprises canadiennes pour leur demander de proposer plus souvent leurs services.

Par contre, il reste au gouvernement canadien à poursuivre et accroître ses efforts pour renseigner les entreprises sur les
occasions de contrats offertes par les organisations de coopération.

En ce sens, la Direction de Coopération Industrielle de l’ACDI annonçait  il y a quelques mois la création d’un programme
destiné à favoriser une plus grande participation des entreprises canadiennes aux projets des institutions internationales. En vertu de ce programme, les firmes canadiennes qui voudront proposer leurs services à ces institutions
pourront réaliser leurs études de préfaisabilité aux frais de l’ACDI.

Encore faudrait-il que les entreprises canadiennes sachent profiter de ces occasions. Le président de l’ACDI., Monsieur
Michel Dupuy, déclarait récemment aux membres de l’Association des Exportateurs canadiens combien il était étonné de constater la faibles se du nombre des entreprises canadiennes qui proposent leurs services aux institutions financières internationales Il s’agit pourtant là d’un marché énorme puisque la somme globale des budgets de ces organismes atteint $25 milliards!

De plus, les quelques firmes qui ont proposé leurs services ont remporté des succès encourageants; en 1978, sur douze propositions faites à des institutions financières internationales par des sociétés canadiennes, huit
ont été acceptées. Deux contrats pour trois appels d’offres, c’est là un taux de succès assez enviable!

Enfin, les efforts des gouvernements pour stimuler la participation des firmes canadiennes seront vains si les hommes d’affaires canadiens eux-mêmes se cantonnent aux marchés canadiens ou nord-américains.

Une telle attitude serait du gaspillage, surtout quand on connaît les succès déjà réalisés par des entreprises canadiennes
en milieu international. L’entreprise canadienne a toutes les chances de son côté, que ce soit les ressources, la capacité de réalisation, l’excellente réputation de notre pays à l’étranger. J’ajouterais même que les Canadiens francophones,
en particulier, du fait qu’ils ont dé apprendre une autre langue, s’adapter à une culture, ont développé des capacités adaptation qui se révèlent extrêmement utiles dans la réalisation de projets en milieu étranger. Ce sont là des avantages
importants qu’il faudrait savoir mieux exploiter.

Le gouvernement joue un rôle de plus en plus actif dans la conclusion de ventes de produits canadiens à l’étranger. Deux raisons importantes de ce développement sont:
1) L’importance du financement dans l’obtention d’un marché et la capacité des institutions gouvernementales comme le ministère de l’Industrie et du Commerce, la Société pour l’Expansion des Exportations, d’intervenir efficacement
dans ce secteur.
2) Le fait que, pour bien des produits, le client étranger lui-même est souvent un organisme gouvernemental, surtout, bien sûr, dans les pays à économie centralisée.

Les ventes de blé canadien à l’étranger illustrent bien cette dernière situation. Les exportations de blé sont transigées par la
Commission canadienne de blé qui a vendu 16 millions de tonnes outre-mer en 1977-78.

Les ventes conclues par la Commission canadienne de blé jouent un rôle crucial pour l’économie agricole des Provinces des Prairies puisqu’elles constituent le débouché d’environ 3/4 de la production canadienne de blé.

Remarquons que toujours pour l’année 77-78, 22% de ces exportations ont été destinées à la Chine et 13% à l’URSS; ces deux clients importants du bloc communiste comptent donc à eux-seuls pour 35% de nos exportations de blé, les
autres clients importants étant le Royaume-Uni et le Japon.

Ces ventes de blé ont représenté, pour 1978, 3.6% du montant total des exportations canadiennes.

Un autre secteur d’exportations où une société gouvernementale est directement impliquée est l’exportation de matériel de technologie nucléaire mis au point au Canada. Depuis plusieurs années, l’Énergie Atomique du Canada Limitée (EACL) a réussi à introduire à l’étranger le système CANDU de production d’énergie nucléaire.

Outre la centrale nucléaire de Cordoba en Argentine, EACL a aussi construit une centrale à Wolsung en Corée. En 1978, EACL signait un important accord destiné à doter la Roumanie d’un important réseau de réacteurs nucléaires.

Cette dernière transaction a pu être réalisée grâce au financement fourni par la Société pour l’Expansion des Exportations et un groupe de banques canadiennes.

D’autres possibilités de transactions se présentent dans des pays comme le Japon, la Corée, le Mexique, l’Italie, la Chine, l’Irlande, les Pays-Bas, le Vénézuéla et la Yougoslavie.

Les succès remportés par l’Énergie Atomique du Canada Limitée, même s’ils n’ont pas un impact immédiat important sur notre balance des paiements, illustrent que des possibilités intéressantes existent pour le Canada même dans
un secteur de haute technologie comme le nucléaire.

Un autre moyen d’encourager les exportations canadiennes est le financement offert par la Société pour l’Expansion des Exportations, organisme qui a remplacé la Société d’Assurance  et de Crédit à l’Exportation.

De par ses statuts, la S.E.E. doit faciliter et accroître le commerce d’exportation au moyen d’assurance, de garanties, de prêts et d’autres mesures financières. Sur le plan financier, la S.E.E. complète d’une certaine manière le financement fourni aux exportateurs par le réseau des banques commerciales, en leur offrant des crédits à plus long terme (cinq ans et plus).

Le montant des prêts à l’exportation accordé par la S.E.E. en 1978 se chiffrait à $88 millions. La S.E.E. fournit également des services d’assurance des crédits à l’exportation et de garantie des investissements à l’étranger.
La S.E.E. a joué un rôle-clef dans la conclusion de nombreuses transactions telles que la vente par Marine Industrie de navires de commerce à la Pologne.

Le gouvernement a voulu faire de la S.E.E. une société de la couronne qui s’autofinancerait; en d’autres mots, il était exclus
que le gouvernement fédéral subventionne les exportations canadiennes par le biais d’un déficit de cette société d’état. L’objectif d’autosuffisance financière est atteint, puisque la S.E.E. réalise des bénéfices d’exploitation. On serait toutefois tenté de se demander si la réalisation de l’objectif d’autosuffisance ne s’est pas faite au détriment de l’autre objectif, beaucoup plus important, de stimulation des exportations.

Une étude récente de la Banque d’Export-Import des États-Unis indique que dans le domaine des crédits à l’exportation pour plus de cinq ans, le coût réel des prêts canadiens est de 9,2%, soit un coût plus élevé que celui pratiqué chez lez principaux concurrents du Canada.

La France, l’Allemagne, l’Italie, le Japon, le Royaume-Uni et les États-Unis offrent tous des crédits à moyen terme dont le coût est inférieur  à 9%. Or, dans le domaine de l’exportation, le financement est le troisième facteur en
importance après le prix et la qualité du produit. Il est évident que les conditions financières offertes
à l’exportateur canadien ne lui donnent pas toutes les chances dont bénéficient ses concurrents
des États-Unis et d’Europe.

La S.E.E. par ailleurs a concentré toutes ses ressources dans le financement à long terme (cinq ans et plus) en laissant le secteur des prêts à plus court terme aux banques commerciales. Encore une fois, cette politique empêche
les exportateurs ayant besoin de crédit à court terme de bénéficier de l’appui financier auquel ont accès leurs concurrents américains et européens.

Un autre avantage dont bénéficient les concurrents de nos exportateurs canadiens: alors que le financement de la S.E.E. est limité à un plafond de 85% du montant de la transaction, le support financier offert aux exportateurs européens
et américains peut ouvrir la totalité du montant de l’échange. Là encore, la position concurrentielle de l’exportateur canadien est affaiblie faute d’un appui adéquat des institutions financières responsables.

Il faudra bien que la S.E.E. ajuste ses conditions de prêt à celles offertes dans d’autres pays industriels par les organismes
de financement d’exportation. Si nous revoyons un moment ces quelques aspects du commerce extérieur canadien
dont nous nous sommes entretenus, nous sommes forcés de constater les réalités suivantes: même si le quart de la production canadienne de biens et services est vendu a l’étranger, le fait que ces exportations soient concentrées
dans les mains d’un petit nombre de grandes entreprises et dirigées à plus de 70% vers les États-Unis nous fait penser
que trop peu d’entreprises au Canada sont engagées dans l’exportation.

Or, une plus grande ouverture aux marchés extérieurs, surtout pour l’industrie manufacturière,
est une condition essentielle à notre développement.

Les divers programmes gouvernementaux qui favorisent l’accès des entreprises canadiennes aux marchés extérieurs sont sous-utilisés. Je vous ai parlé de la S.E.E. ainsi que de l’aide liée et déliée financée par l’ACDI. Malgré certaines lacunes de ces organisations, leurs activités fournissent de nombreuses occasions pour les exportateurs canadiens d’accéder aux marchés étrangers. Jusqu’à maintenant toutefois, la plupart des entreprises n’ont encore mis en valeur qu’une faible partie de leur potentiel d’exportation.

Souhaitons que les rares mais impressionnantes expériences de celles qui ont tenté leur chance soient mieux connues et encouragent les autres.

<Masse19800214>
<DECLARATION DE MONSIEUR MARCEL MASSE PEUT-être CECI, PEUT-être CELA L’ANNONCIATION 14 FEVRIER 1980>

Pouvons-nous nous fier au Parti Libéral, à son chef et à ses candidats, quand eux-mêmes ne savent pas faire l’unanimité dans leurs déclarations? C’est impossible, et vous comprendrez pourquoi. même si M. Pierre Trudeau dirigeait encore le pays il y a moins de neuf mois, il semble que son parti ne dispose même pas d’un programme électoral fiable. Incroyable!

A quelques jours du scrutin du 18 février, Judd Buchanan, un des porte-parole des libéraux, annonçait que le service militaire devrait être obligatoire au Canada, tandis que Jean Chrétien niait catégoriquement cet engagement devant un auditoire d’étudiants à Winnipeg. Ce dernier voulait sans doute atténuer les retombées de l’annonce faite par le Toronto Star un quotidien qui appuie pourtant inconditionnellement le Parti libéral et selon laquelle M. Buchanan sera le prochain ministre de la Défense…Quant à  l’augmentation de l’essence prévue dans notre budget, nous nous souvenons que les partis d’opposition se sont élevés contre celle-ci en disant qu’elle n’était ni raisonnable, ni justifiée, et
qu’ils ont jugé bon de renverser le gouvernement. Les libéraux prévoient néanmoins une telle augmentation
s’ils sont élus. Mais, quand les journalistes parviennent à questionner M. Trudeau à ce sujet, celui-ci répond toujours qu’il lui est impossible en pleine campagne électorale d’en révéler l’ampleur. Par conséquent, ceci provoque des contradictions pas trop surprenantes parmi leurs candidats. En effet, le 7 février dernier, Pierre Trudeau a parlé d’une augmentation
de $3.00 ou moins le baril, alors que son ancien ministre des Finances, Jean Chrétien, prévoit une augmentation d’au moins $3.50. Qui croire?

C’est dans la même confusion que les libéraux lancent leurs promesses dans l’Ouest canadien. Sans doute pris de panique par la chute libre de son parti dans ce coin du pays, M. Trudeau a promis aux habitants de cette région d’améliorer les expéditions de grains vers les marchés étrangers. Comment? il va construire une double voie ferrée. Nos concitoyens n’en croyaient pas leurs oreilles, quand Jean-Luc Pépin a tenté de couvrir les déclarations quelque peu farfelues
de son chef. Est-ce avec de telles fantaisies que les libéraux comptent remporter la victoire là-bas?

Sur le plan international, M.Pierre Trudeau se plaît à vanter ses réalisations: réduction de nos effectifs militaires; par conséquent, diminution dans notre participation active aux travaux de l’OTAN; et, éclosion d’une amitié personnelle avec Fidel Castro, le chef de la révolution communiste cubaine. Jugez s’il y a de quoi être fier!… De plus, pour un homme qui
a mené pendant onze ans les destinées du Canada sur la scène internationale, il était on ne peut plus aberrant de le voir chercher des gains politiques au détriment de la vie des six Américains (et de celle de notre personnel) en harcelant
le Premier ministre en Chambre, quand ce dernier avait eu la délicatesse de lui confier le secret sur la présence américaine dans les murs de notre ambassade. Mais, l’exploit de l’ambassadeur Kenneth Taylor a fait rater le coup de maître que M. Trudeau comptait réaliser le 29 janvier, à Toronto, avec sa conférence de presse sur les questions internationales. Celle-ci n’a as créé l’effet espéré, car M. Trudeau s’est vu dépassé par les événements du moment. Et, devant la reconnaissance du peuple américain face à l’évasion de six de leurs otages, réussie grâce à l’aide du Canada, il a été forcé de reconnaître
la part du gouvernement Clark dans cette affaire, et d’approuver l’action de son ambassadeur.

En ce qui a trait au boycottage des Jeux Olympiques, M. Trudeau a aussi changé son fusil d’épaule. A l’instar de M. Clark qui a tôt fait de voir une menace à la paix mondiale dans l’invasion soviétique en Afghanistan, Monsieur Trudeau soutenait fermement son opposition au boycottage des jeux de Moscou pour cette raison.

Toutefois, au cours de sa fameuse conférence de presse à Toronto, il s’est dit prêt à s’aligner aux pays qui jugeront nécessaire de boycotter les olympiades par suite de cette percée militaire dans la zone libre.

La campagne de Pierre Trudeau a fait maintes pirouettes, ce qui permet de le comparer à une girouette agitée par le vent qui
souffle sur les humeurs de l’électorat. Il est évident que les libéraux n’ont pas intérêt à lancer  leur chef dans un débat télévisé avec les autres chefs de partis. Leur dirigeant est celui que les Canadiens ont rejeté le 22 mai dernier;
leur équipe se forme toujours de ce seul chef et le programme de leur parti laisse vraiment à désirer.

Par contre, l’équipe Clark offre la meilleure des trois alternatives présentées par les libéraux, le NDP et les conservateurs.
Son programme est réaliste et affronte les priorités économiques du Canada.

Le 18 février, c’est une équipe responsable qu’il faut élire à Ottawa: L’EQUIPE DE JOE CLARK!

<Masse19800215>
<« L’ELECTION DU 18 FEVRIER ET L’AVENIR DU CANADA » PAR MONSIEUR MARCEL MASSE
PUBLIE DANS LE DEVOIR Montréal, le 15 février 1980>

Il y aurait beaucoup à dire sur les paradoxes de la vie politique canadienne.

La double allégeance des Québécois à un parti indépendantiste à Québec et au parti le plus centralisateur à Ottawa n’a pas fini de mystifier les observateurs. La façon que nous avons de tourner le dos à tout élément de résolution
de la crise canadienne laisse également songeur. A la veille du 18 février, il importe plus que
jamais de mesurer l’ampleur de ces paradoxes.

Il faut se souvenir de l’année 1967. Robert Stanfield accédait à la direction du Parti progressiste-conservateur. Ancien premier ministre provincial, flanqué de Marcel Faribault, le conseiller constitutionnel de Daniel Johnson, Robert Stanfield sur la base du diagnostic très préoccupant qu’avait posé la commission Laurendeau-Dunton, faisait inclure dans le programme de son parti, la reconnaissance de la thèse des deux peuples fondateurs des deux nations.
Peu après, les libéraux fédéraux eux aussi choisissaient un nouveau chef. Leur choix se portait sur Pierre Trudeau, l’homme
qui, lors de la première conférence constitutionnelle, avait bien su aux yeux du Canada anglais « mettre le Québec et son premier ministre à leur place ». Pierre Trudeau était aussi, le fait mérite d’être rappelé parce qu’il est significatif,
un ancien du NPD, c’est-à-dire un homme politique convaincu de la nécessité d’une intervention toujours plus poussée de l’État dans la vie du pays. Et cet homme-là fidèle à ses convictions, allait voir à rendre encore plus tentaculaire la machine gouvernementale fédérale et à créer des conflits fédéraux-provinciaux partout où il n’y en avait pas encore.

Du point de vue des problèmes que connaissait alors le système fédéral canadien, et de la crise qui se dessinait, le choix
était clair. Et pourtant les Canadiens préférèrent les mirages de la trudeaumanie. Les résultats du choix qu’ils firent alors, nous les connaissons maintenant Il faut les rappeler ici.
Les politiques d’affrontement
Toutes ces années furent celles
d’une expansion phénoménale de l’appareil gouvernemental fédéral. Oublions les conséquences budgétaires et économiques de cet état de choses pour ne retenir que celles qui intéressent la crise du fédéralisme canadien. Du CRTC à Loto-
Canada, du ministère des Affaires urbaines à la Société centrale d’hypothèques et de logement, des interventions inconsidérées du Secrétariat d’État à celles du MEER, le gouvernement Trudeau imposa sa présence dans un très grand nombre de domaines où le bon sens aurait précisément commandé qu’il soit absent. Y avait-il là une stratégie
délibérée par laquelle le gouvernement Trudeau cherchait à occuper le plus grand espace
gouvernemental possible dans la perspective des négociations constitutionnelles à venir? Ou était-
ce uniquement une méconnaissance profonde de la nature de notre pays et de son système de gouvernement?
Je ne saurais le dire. Mais les résultats sont là et ils sont éloquents.

Alors que dans une fédération, il est réaliste de penser que les différents paliers de gouvernement se consultent et agissent de concert, l’histoire des relations Ottawa-Québec durant toute cette période est faite d’affrontement, de conflits et d’actions qui, de part et d’autre, cherchaient à se neutraliser.

Le rapport intérimaire sur les relations entre le gouvernement du Canada et la province de Québec, 1969 – 1977, rendu public l’automne dernier est, à cet égard, particulièrement troublant Il démontre que les activités d’un nombre impressionnant de ministères à Ottawa n’ont aucun fondement constitutionnel, outre le pouvoir général de dépenser. Le rapport ajoute en page 12 « Les fonctionnaires fédéraux établissant les politiques ignoraient souvent la situation générale du Québec au point de vue culturel/ social et politique ».

C’est une situation tragique et contraire aux intérêts des Québécois, de la province et de la fédération dans son ensemble.

Est-ce à cet état de chose que nous voulons retourner?

La manipulation du sentiment d’appartenance Mais il y a un deuxième niveau fondamental où l’action de Pierre Trudeau aura été encore plus pernicieuse et plus destructrice. Ce que les libéraux ont tenté de faire, c’est vraiment d’administrer le patriotisme des citoyens. Il y a eu chez M. Trudeau une tentative délibérée pour mettre en place un schéma unique
à l’intérieur duquel « les bons Canadiens » devaient comprendre et sentir leur appartenance
au Canada. Ne pas appartenir à cette école de fédéralisme, c’était, ne l’oublions pas, « commettre
un crime contre l’humanité ».

La chose n’aurait pas été grave s’il s’était agi uniquement du prêchi-prêcha d’un incorrigible dogmatique essayant d’imposer
sa conception du fédéralisme. Mais, justement, l’homme était premier ministre du Canada. En
voulant ainsi uniformiser les motivations des Canadiens, il créait une large zone d’exclusion.

Les résultats de cette façon d’agir sont devenus clair le 15 novembre 76: Pierre Trudeau a renvoyé au PQ un très grand nombre de Québécois, assez près de leurs tripes pour savoir que leur expérience était aux antipodes du credo auquel
il leur commandait d’adhérer.

L’idéologie anti-provinciale

Enfin, il y aurait long à dire sur le développement au sein du Parti libéral du Canada d’une idéologie essentiellement anti-provinciale. Notre système politique veut que l’attention des médias et du public se porte d’abord sur les paroles et les actions du parti qui exerce le pouvoir. Pourtant, ce que dit l’opposition aussi est fondamental et instructif.

Il faut lire et relire le Journal des Débats pour bien voir ce que les libéraux fédéraux affirment constamment au sujet du pouvoir provincial. Lorsqu’à la dernière session, un député libéral évoquait à la Chambre une réalité provinciale, c’était toujours pour la déplorer, toujours pour accuser les gouvernements provinciaux d’irresponsabilité, de manque
à la parole donnée, d’égoïsme ou encore de sentiments anti-canadiens Il faut relire et s’interroger
sur les postulats qui conduisaient aux questions d’une Monique Bégin à propos des programmes de santé, d’un Marc Lalonde sur l’énergie, d’une Jeanne Sauvé sur les communications.

Pour eux abolir Loto-Canada conformément aux engagements pris, reconnaître aux provinces côtières la juridiction sur les droits miniers sous-marins, c’est être « weak on Canada », c’est « vendre le Canada aux provinces » Il y a dans ces accusations bien sûr, une aberration du fédéralisme.

Pour que Pierre Trudeau puisse continuer à nous émouvoir lorsqu’il parle de péréquation et de partage, il faudrait que certaines provinces soient maintenues dans un état de misère et de dépendance chronique. Pour combien de temps encore les vrais fédéralistes dans ce pays auront-ils à supporter ce fédéralisme de dames patronnesses qui n’a rien à voir avec ce
qu’avaient voulu les Pères de la confédération? Pour combien de temps encore laisserons-nous
les libéraux fédéraux dissimuler leur soif de pouvoir et leur visée hégémoniste dans la vieille salade de leurs principes supposément altruistes?

il faut maintenant conclure. Aux trois niveaux de la gestion des relations fédérales-provinciales, de la manipulation du sentiment d’appartenance et de l’idéologie anti-provinciale, les libéraux de Pierre Trudeau ont préparé au Canada un enterrement de première classe.

Par leur acharnement à vouloir un gouvernement central plutôt qu’un gouvernement fédéral, par leur persistance à concevoir
des politiques nationales « made in Ottawa only », par leur refus de laisser le Canada et les Canadiens
être ce qu’ils sont, ils portent la responsabilité première de la crise canadienne.

Qu’ils soient perçus comme des champions du fédéralisme appartient à la catégorie des paradoxes
et des grandes énigmes historiques. Qu’un Jean Chrétien, l’homme de l’affaire de la taxe de
vente, appuyé d’un Francis Fox, le fossoyeur de l’enquête Keable, puisse couvrir le « livre beige » de M. Ryan de louanges sans déclencher au Québec un immense éclat de rire est un fait qui dépasse l’entendement. M. Ryan lui-même
est d’ailleurs allé à la limite de ce qu’il pouvait dire à ce sujet, en rayant d’un trait toute la période Trudeau et en affirmant qu’il fallait amorcer un retour à l’esprit de L.B. Pearson.

Mais si les sondages ont raison, ces hommes-là sont à la veille de revenir à la conduite des affaires de la fédération. Indépendamment de ce que pourront être les résultats du référendum, il est évident que le Canada ne pourrait pas survivre longtemps à ce retour.

En 1968, les Canadiens se sont trompés Ils avaient l’excuse de ne pas connaître les conséquences de leur choix. La situation
aujourd’hui est radicalement différente. Le bilan libéral est là et il est accablant.

Depuis six mois, un nouveau gouvernement à Ottawa avait donné un sérieux coup de barre Il s’agissait d’assainir le climat
des relations fédérales-provinciales; cela a été fait Il s’agissait dans toute la mesure
du possible, de bonifier le statu quo constitutionnel; cela a été fait par toute une sérieusement
d’initiatives et cela se continuera après l’élection.
Il s’agissait enfin de préparer un projet substantiel de renouvellement de la fédération canadienne; un groupe de travail sous
la direction du sénateur Tremblay est présentement à l’œuvre et ses recommandations seront
rendues publiques à l’automne 80. Déjà, le cadre de référence donné à ce groupe de travail
par le premier ministre, nous apprend que les propositions de renouvellement qui en émaneront
ne devront pas être en de?à de ce qu’avait proposé la Commission Pépin-Robarts.

M. Clark demande à poursuivre son action. S’il n’était pas reporté au pouvoir le 18 février prochain, les vrais fédéralistes
et les vrais démocrates dans ce pays ne devront avoir aucun regret. Le torpillage du Canada aura vraiment été une décision de l’électorat canadien et une conséquence de son refus de saisir l’occasion de la dernière chanceé

<Masse19800215>
<« LE PÉTROLE « LE PROGRAMME CLARK EST LE MEILLEUR » LIBRE OPINION PUBLIÉE DANS LA PRESSE
PAR MONSIEUR MARCEL MASSE MONTRÉAL LE 15 FÉVRIER 1980>

Au rythme actuel de la consommation et de la production pétrolières au Canada, il nous faut en valeur nette importer 300 000 barils de pétrole brut par jour à un coût unitaire moyen dépassant maintenant les 30$ le baril. Cet état provoquera
un déficit commercial pétrolier de plus de 3 milliards de dollars en 1980. Quant au prix fixé pour le pétrole produit domestiquement, il s’établit à 15$ le baril et il s’accroît à raison de un dollar tous les six mois. Compte tenu de la
politique de péréquation pétrolière en cours, l’effet sur le budget du gouvernement fédéral sera de 1,5 milliard de dollars en 1980.

En présumant que les tendances que nous connaissons se poursuivent, dans cinq ans. Les valeurs correspondantes conduiront à une importation nette de plus de 600 000 barils par jour à un coût unitaire variant entre 45$ et 60$
ou plus le baril et sans sécurité d’approvisionnement. Le déficit commercial pétrolier atteindra de 10 à 13 milliards de dollars, et avec un prix de 25$ le baril pour le pétrole domestique,

L’effet sur le budget fédéral de la péréquation pétrolière, si elle était maintenue à son plafond
actuel, engendrerait un déficit Š combler variant entre 3 et 4 milliards de dollars.

Il est inutile de calculer les effets cumulatifs ni d’extrapoler davantage, le portrait projeté pour l’année 1985 parle assez
de lui-même pour prévoir: – des importations nettes de pétrole doublées à des prix très élevés sans sécurité d’approvisionnement; – des déficits commerciaux et gouvernementaux sans précédent; – une ou plusieurs autres dévaluations du dollar canadien; – une économie difficile à planifier et des emplois conditionnés par l’étranger.

Est-il nécessaire d’élaborer davantage? il faut absolument corriger la situation et le plus tôt sera le moins douloureux.

Nous sommes en effet très gâtés. Par exemple, par individu, nous sommes les plus
gros consommateurs d’énergie du monde bien qu’il fasse aussi froid dans certains pays nordiques
de l’Europe et d’ailleurs. Le prix de notre essence pour l’automobile est, malgré les accrois
sements que nous avons subis, le plus bas parmi les pays industrialisés de l’hémisphère ouest Il
est en moyenne de 35% supérieur aux États-Unis, de 150% en Angleterre, de 200% en Allemagne de
l’Ouest, de 250% en France et en Italie. Aussi, si l’on tient compte de l’inflation nationale,
le prix de l’essence en valeur réelle a constamment diminué entre 1975 et 1979.

Pour redresser la situation, il n’y a qu’une seule solution: arrêter de rêver et s’aligner le plus rapidement possible sur le
moindre du prix international ou de 85% du prix de Chicago pour maintenir l’écart permettant à
nos grandes sociétés exportatrices d’être concurrentielles.
Aussi faudra-t-il tenir compte des pressions inflationnistes. L’effort collectif
douloureux à court terme produira à moyen terme et pour le compte des générations à venir les
effets bénéfiques décrits ci-dessous. Un prix plus élevé du pétrole brut permettrait entre
autres : – une substitution rapide vers d’autres formes d’énergie conventionnelle que nous possédons.

Ce fait est déjà illustré au Québec par la substitution de l’hydro-électricité au pétrole des récentes années.
(De 70% en 1974, la part du pétrole dans le bilan énergétique du Québec a baissé à 66% en 1978, tandis que celle
de l’électricité partait de 22% pour atteindre 26% durant la même période.)

– une sécurité d’approvisionnement accrue pour toutes les parties du Canada.

Le remplacement du pétrole importé par des sources locales d’énergie en vue d’en arriver le plus rapidement possible Š une
autosuffisance est devenu un impératif primordial. Le gaz naturel est une de ces sources importantes;
en 1978, il constituait 31% du bilan énergétique ontarien, tandis qu’au Québec, il n’atteignait
que 7%. Les réserves découvertes dans la partie est du Grand Nord d’une part et les excédents de
gaz naturel de l’Ouest canadien d’autre part peuvent être mis en commun par une infrastructure
adéquate et ainsi être très bénéfiques pour l’Est du Canada en particulier, mais aussi
assurer une sécurité d’approvisionnement à tous les citoyens du pays. On pourrait de plus
imaginer des exportations vers nos voisins du sud encore plus grandes que celles que certains
anticipent présentement avec les surplus de l’Ouest et, par conséquent, contribuer à améliorer
notre balance commerciale avec les États-Unis.

– le développement de nos propres richesses énergétiques et de nouvelles formes d’énergie.

Les bénéfices accrus des sociétés œuvrant dans les hydrocarbures et ceux des gouvernements
pourront être dédiés en grande partie au développement de nos propres richesses énergétiques
et des nouvelles formes d’énergie sur une échelle inimaginable jusqu’à présent. Aussi,
la participation de l’entreprise privée à cet essor contribuera à la relance économique qui
s’ensuivra.

– la réduction de la consommation du pétrole en soi et une substitution accrue des autres formes d’énergie ainsi que des énergies nouvelles.

Il est fort évident qu’une forte hausse du prix du pétrole provoquera cet état de choses. Aussi, le prix de l’énergie en général
augmentera. Une utilisation plus efficace de chacune des sources énergétiques sera alors plus vraie. Cette conjoncture nous permettra d’assister à une substitution accrue des autres formes d’énergie.

– la relance de l’économie.

Une fois la réduction des importations nettes de pétrole engagée, les sommes épargnées en utilisant des formes d’énergie moins coûteuses permettraient de planifier l’économie en conséquence. A titre illustratif, 100 000 barils par jour de réduction en importations de pétrole en 1985 réduiraient le déficit commercial de 1,5 à 2 milliards de dollars par année.

Maintenant que nous avons une idée des bénéfices, sommes-nous prêts à faire le sacrifice à court terme?
Sur le plan individuel, l’effort ne fera certainement pas de nous des victimes.

Des pressions réelles se feront sentir du côté des entreprises manufacturières et industrielles
pour qu’elles deviennent vraiment concurrentielles. Quant à celles dont les coûts d’énergie
représentent une part importante des coûts de production, elles seront tout de même protégées
par un différentiel vis-à-vis le prix de référence de Chicago, nonobstant la valeur inférieure
du dollar canadien vis-à-vis l’américain. Du côté des entreprises impliquées dans les hydrocarbures,
la part des bénéfices qu’elles obtiendront devrait les inciter à assurer la recherche
et le développement de nouvelles sources. Enfin, si on pense à la situation qui prévaut dans
d’autres pays, la France est à citer en exemple. En effet, grâce à une volonté politique, la
France s’est engagée dans un immense programme nucléaire (l’équivalent d’une Baie James par
2 ans) ainsi que dans un programme d’économie d’énergie, et à ce titre, elle a déjà réussi à
réduire de quelque 8% son importation de pétrole. En 1985, son objectif est de l’abaisser de plus
de 40%. D’autres pays, tels l’Allemagne et le Japon, font aussi des efforts dans le même sens.
S’ils sont capables, eux, de le faire, pourquoi ne le serions-nous pas alors que notre richesse
collective est beaucoup plus grande? Plus tard, ce sera peut-être trop tard! il s’agit tout de même d’un investissement pour assurer l’avenir!

Le gouvernement sortant a été défait sur son budget et en bonne partie sur la politique de prix qu’il voulait appliquer aux
hydrocarbures. Maintenant, quel que soit le nouveau gouvernement qui sera élu le 18 février
prochain, on peut sérieusement douter qu’il puisse éviter de proposer quelque chose de semblable.
Incrédule, le gouvernement qui pourra trouver une solution plus facile! La responsabilité
d’un gouvernement devant la collectivité doit inspirer des actions collectives et ce
devra être une des préoccupations importantes du prochain gouvernement.

<Masse19800416>
<TEXTE DE MONSIEUR MARCEL MASSE « RÉFÉRENDUM » CENTRE SPORTIF ST-VINCENT-DE-PAUL
(LAVAL) LE 16 AVRIL 1980>

Mardi, le 20 mai, les Québécois seront appelés à répondre à la question que leur
pose le gouvernement dirigé par le Parti Québécois. Artifice de la stratégie du gouvernement,
ce texte va bien au-delà du libellé. Nous aurons l’occasion au cours de cette campagne référendaire
d’en analyser la portée et la signification réelle.

C’est une période fondamentale que nous vivrons autant pour la survie du Canada que
pour l’épanouissement du Québec. Les résultats de la consultation marqueront pour longtemps les relations
inter-communautaires de ce pays. Dans ce contexte, nous nous devons de prendre position.

Le gouvernement du Canada s’est engagé auprès du comité du non à défendre l’idéal canadien, à s’opposer à l’effritement
du pays. Nous ne croyons pas que la souveraineté-association soit une formule viable et
satisfaisante ni pour les Québécois, ni pour les citoyens des autres régions du Canada.

J’aimerais ici ouvrir une parenthèse et dire qu’il importe de distinguer entre des désaccords sur l’orientation des politiques du
gouvernement fédéral, sur l’application du principe du fédéralisme au Canada et l’acceptation par
tous les partis politiques siégeant au parlement canadien du fédéralisme comme base du système de nous retrouvons alliés dans la lutte à mener.

Les partis politiques canadiens et québécois présents sur cette scène s’affrontent quotidiennement au sujet des politiques à préconiser ou à mettre en vigueur mais tous acceptent de promouvoir et de défendre une entité géographique
commune, le Canada, ayant le fédéralisme comme base de gouvernement lequel peut prendre
des formes ou des colorations différentes selon les formations politiques.

C’est dans cet esprit que se situe notre démarche. Mais revenons à la question.

Elle est piégée. Cela est voulu par le gouvernement. Elle permet de jouer sur tous les tableaux. De parler avec les uns de
souveraineté, d’aller même jusqu’à l’idée d’indépendance si l’interlocuteur est un séparatiste.
Avec les autres associations, si ces derniers craignent des lendemains incertains. De pouvoir
même dire que puisqu’il y aura un deuxième référendum, une victoire du P.Q. ne changera rien et
que voter Oui serait alors signifier une volonté de changement. C’est vouloir attraper beaucoup
de monde aux idées différentes avec le même appât.

La réalité est autre. Voter Oui, c’est refuser la réforme constitutionnelle dans le cadre canadien puisque les partenaires recherchés ont unanimement rejeté l’idée de souveraineté-association .

La vraie question, la seule qui importe aurait de traiter de l’indépendance du Québec puisque c’est là le but recherché.
Pour notre part, nous croyons que notre avenir, notre épanouissement culturel, notre bien-être matériel passe par notre appartenance à l’entité canadienne. Nous croyons que le fédéralisme est un principe de gouvernement qui peut
permettre aux Québécois tout en contrôlant là où ils sont en majorité leur devenir culturel, de participer avec les autres canadiens aux développements du pays, de ses institutions politiques garantissant nos libertés fondamentales, de ses
richesses naturelles assurant notre développement économique.

Nous sommes tous en faveur de la promotion du Québec; le désaccord porte sur le moyen. Certains croient à la nécessité d’une seule source de pouvoir, d’autres, et nous en sommes, cherchent à partager et les risques et les bénéfices.

Nous préférons un système d’administration public qui répartisse entre deux assemblées démocratiquement élues les responsabilités constitutionnelles, législatives et administratives. Nous croyons qu’ainsi nos libertés fondamentales seront mieux garanties. En un mot, nous nous méfions de l’État-nation, de l’Assemblée unique.

Le fédéralisme n’a pas que des défauts, il a aussi des qualités. Et le premier de ses avantages, c’est peut-être de nous forcer continuellement à vivre le fruit d’un compromis. Partager à plusieurs, c’est s’obliger à prendre en compte leurs points de vue, c’est nous inviter à mieux motiver le nôtre et c’est peut-être cela qui nous assure un développement plus équilibré. Ce
serait là une qualité à retenir.

Voilà un des aspects du fédéralisme à ne pas négliger. Nous aurons l’occasion au cours du débat de revenir et de développer d’autres facettes de notre système de gouvernement.

D’ailleurs, la période référendaire devrait être pour chacun des camps beaucoup plus l’occasion de mettre en valeur les vertus de son point de vue que de détruire systématiquement celui de l’autre. Profitons des jours qui viennent
pour assurer une analyse approfondie et réfléchie de nos options. Je reconnais que ce ne sera pas
facile. Le niveau de la discussion a tendance à s’abaisser rapidement. C’est une raison pour souhaiter
que chacun garde son sang froid.

Le Parti Progressiste Conservateur du Canada a joint les forces fédéralistes du Québec malgré ses désaccords avec l’administration canadienne actuelle parce qu’il a confiance en l’avenir du Canada. Nous comprenons bien la frustration
de nombreux Québécois, nous l’épousons en grande partie. La plupart des provinces et de leur administration souhaitent une réforme en profondeur de l’actuelle constitution.

L’histoire du Canada français et de ses relations avec nos concitoyens du Canada n’a pas été toujours marquée par la justice et la reconnaissance des intérêts de l’autre. Les revendications justes qui n’ont pas été satisfaites sont un poids à traîner dans le débat. Mais cette frustration ne justifie pas l’idée d’abandonner notre co-propriété du sol canadien au moment où
l’accord se fait sur la nécessité d’importantes réformes.

Nous devons, par exemple, reconnaître la légitimité des dynamismes régionaux, être fiers des forces constructives qui mettent en cause certaines vérités imposées de tout temps pas un mandarinat trop souvent coupé de la diversité
géographique canadienne.

Nous devons admettre que revendications n’est pas toujours synonyme de confrontations.

Ne craignons pas de façonner par le débat des leviers pour l’avenir. C’est ainsi que nous rendrons service au Canada. Reconnaissons aux francophones de ce pays des vertus nationales et assurons, par la réforme à venir, les moyens
nécessaires à leur plein épanouissement.

Ayons foi en l’avenir du Canada qui permet par sa constitution actuelle, par ailleurs si décriée, la tenue d’un débat de fond sur son existence.

Peu de pays au monde permettraient un tel référendum. Et quand bien même cela serait la dernière des raisons, ça en serait peut-être une suffisante pour voter en faveur d’un tel pays.

<Masse19800423>
<ASSOCIATIONS DE COMTE DE L’UNION NATIONALE DE LA REGION DE MONTREAL ALLOCUTION PRONONCEE PAR M. MARCEL MASSE Montréal, le 23 avril 1980>

J’ai répondu avec empressement à l’appel des organisateurs de cette réunion convoquée dans le but de vous fournir
l’information nécessaire pour participer activement à la campagne référendaire.

Il importe dès le départ d’insister sur un point en particulier: d’ici le 20 mai 1980, il nous faut à tout prix et le plus vite
possible mettre de côté nos divergences politiques traditionnelles avec les libéraux et les créditistes pour assurer la victoire d’une cause qui dépasse largement les allégeances partisanes.

L’heure est trop importante pour que nous nous laissions guider par l’esprit de parti, aussi justifiée puisse-t-elle être en
certaines circonstances.

Il faut se rendre à l’évidence, qu’on le veuille ou non, qu’au-delà de la question à laquelle nous aurons à répondre bientôt,
le mandat sollicité par le gouvernement du Parti québécois force les citoyens à adopter une orientation
pour l’avenir qui mènerait éventuellement à l’indépendance politique du Québec. En disant « Oui », nous nous acheminerions vers une séparation complète du Québec du reste du Canada.

Il n’y a aucun doute à ce sujet. Advenant une victoire du « Oui », on aura tôt fait de mettre de côté le fédéralisme canadien.

Face à une situation aussi dramatique, nous ne pouvons demeurer à l’écart, nous devons nous impliquer.

L’enjeu réel de ce référendum ne nous laisse pas indifférents, nous qui pour plusieurs, avons contribué personnellement à façonner ce Québec moderne.

Certains d’entre vous avez vécu l’époque de Maurice Duplessis. D’autres, plus nombreux, ont participé activement à la politique québécoise sous le leadership de Daniel Johnson et de Jean-Jacques Bertrand, que ce soit du côté de
l’opposition ou du côté ministériel.

Notre héritage, riche de réalisations de toutes sortes, dans tous les domaines de nos activités sociales, économiques et politiques, nous commande aujourd’hui de prendre position et d’indiquer clairement qu’il est faux
de prétendre que la « Souveraineté-Association », l’entente proposée par le Parti Québécois, s’inscrit
dans la continuité historique des revendications québécoises en matière constitutionnelle.

Il est important que nous réfléchissions à la signification réelle de nos luttes en faveur du respect de l’autonomie provinciale
et la reconnaissance de l’égalité de nos deux peuples fondateurs.

Notre philosophie politique a été constante: loin de vouloir briser le Canada, loin de vouloir mettre un terme à l’expérience
canadienne, nous avons toujours combattu, comme formation politique, pour une révision en profondeur
de la constitution canadienne afin que le Québec dispose de tous les pouvoirs nécessaires à son plein épanouissement à l’intérieur du Canada.

L’Union Nationale demeure attachée à trois valeurs fondamentales qui, loin de s’opposer, sont complémentaires:
(1) Le maintien d’un cadre fédéral décentralisé comme outil privilégié pour permettre aux Québécois d’atteindre leur plein
épanouissement individuel et collectif.
(2) Le respect intégral de l’autonomie des gouvernements provinciaux dans leurs sphères de juridictions.
(3) La reconnaissance, en fait comme en droit, de l’égalité de nos deux peuples fondateurs.

Si le parti de l’Union Nationale a traversé 45 ans d’histoire politique au Québec, c’est parce qu’il est resté fidèle à son passé
nationaliste et à son appartenance à cet ensemble canadien qui nous appartient à part entière.

D’ailleurs, c’est Daniel Johnson lui-même qui a le plus fidèlement exprimé la pensée traditionnelle de l’Union Nationale
dans un mémoire soumis à la Conférence fédérale provinciale tenue à Ottawa en février 1968. Il parlait alors en sa qualité de Premier ministre du Québec: « Il ressort clairement de nos discussions de Toronto que le Canada fait face
à l’heure actuelle à deux problèmes fondamentaux celui de la disparité économique entre les différentes
régions du pays et celui des rapports entre les deux peuples qui ont fondé le Canada. »
C’est à ce dernier problème que nous voulons surtout nous attarder car il est à l’origine de ce qu’on a appelé la crise majeure de l’histoire canadienne. Le problème de la dualité culturelle existait en 1867, il était même alors l’une des causes principales de l’inefficacité des institutions politiques de la province du Canada. Nos ancêtres ont pensé résoudre ce problème à l’aide de deux moyens principaux qu’on pourrait résumer en deux mots: fédéralisme et biculturalisme.

« Si, en effet, nous pouvons retrouver dans la constitution canadienne de 1867 à la fois le
principe fédératif et la reconnaissance de deux langues officielles, il ne fait aucun doute que cela est dé en très grande partie à la présence au Canada, à côté de l’élément majoritaire anglophone, d’une communauté francophone qui formait déjà, à ce moment, une véritable nation.
Il faut bien reconnaître cependant que le bilinguisme qu’on trouve dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique est limité et que même le fédéralisme y est assez fortement centralisé.

« Il faut de plus ajouter que, durant les 100 ans qui se sont écoulés depuis, le bilinguisme n’a fait que peu de progrès et
que les forces centralisatrices continuent leur action menaçante. C’est pourquoi le problème de la dualité culturelle est réapparu au cours des dernières années avec plus de vigueur que jamais.

« Comment alors devrons-nous y faire face? Par une nouvelle constitution qui exprime à la fois un bilinguisme authentique et un fédéralisme décentralisé où la coopération intergouvernementale viendra remplacer la centralisation
des pouvoirs. »

Cette orientation, à la fois nationaliste et fédéraliste, a toujours caractérisé notre action politique.

Certes, autant au cours des années où nous détenions le pouvoir à Québec que celles où nous avons été dans l’opposition, nous n’avons jamais hésité à afficher nos couleurs nationalistes. Nous sommes fiers d’avoir contribué largement
à cette prise de conscience, tant individuelle que collective, que nous formons en cette terre d’Amérique un peuple distinct, de culture et de langue majoritairement francophone.

Nous sommes fiers de l’évolution du peuple québécois. En tant que formation politique nous y avons largement contribué en préconisant une vision positive et constructive de l’avenir, où le nationalisme était perçu comme
une force capable de canaliser le dynamisme et la vitalité de tous les groupes au sein de la
société québécoise. Loin de minimiser le Canada, notre vision politique a toujours voulu que l’affirmation
québécoise devienne un facteur d’enrichissement pour tous les Canadiens. Nous ne croyons pas que le nationalisme
sain et normal de la population québécoise conduise nécessairement à l’État-nation, là où veut nous conduire le Parti Québécois Il n’y a pas d’irréversibilité Il y a un choix! Pour notre part, nous préférons partager avec
d’autres la propriété d’un grand pays et vivre sous un régime fédéral qui nous assure une reconnaissance
de notre spécificité, une évolution économique harmonieuse et la garantie de notre liberté individuelle.

Le Parti Québécois nous demande aujourd’hui de renoncer à cette vision du Québec et du Canada sous prétexte que le fédéralisme constituerait un carcan et qu’il serait illusoire de penser renouveler en profondeur le cadre
fédéral canadien.

Nous demeurons persuadés que la fédération constitue en soi un système flexible qui peut et qui doit s’adapter à des réalités
changeantes. Et sur ce point précis, le député de Gaspé et Chef intérimaire de l’Union Nationale, monsieur Michel Lemoignan, lors du débat sur la question référendaire à l’Assemblée nationale, il y a à peine un mois, a exprimé dans les termes suivants les raisons qui nous motivent à poursuivre notre action politique à l’intérieur du cadre fédéral: « Alors qu’il n’y a pas si longtemps le Québec était à peu près seul à réclamer une réforme constitutionnelle en profondeur, la
situation est tout à fait différente aujourd’hui. Il existe maintenant un consensus de tous les gouvernements au Canada sur l’urgence de procéder à une réforme constitutionnelle en profondeur.

Les raisons peuvent différer d’une région à l’autre; ce qui importe, c’est qu’enfin il semble possible d’aller au fond des choses… Cette détermination de nos gouvernements de vouloir s’attaquer aux problèmes constitutionnels
est devenue, à notre avis, un processus irréversible. après tant d’années d’efforts, de batailles et de discussions pour atteindre
cet objectif si cher aux Québécois et si cher à l’Union Nationale, nous n’avons pas le droit, indépendamment de nos options politiques , d’y porter atteinte… »

Le Parti Québécois nous demande également, sans même en faire la preuve, de substituer à notre désir légitime de renouveler le fédéralisme canadien, une théorie politique dont l’objectif est la création de deux pays juridiquement
indépendants et associés, si possible, par un simple traité. C’est contraire au programme politique traditionnel de l’Union Nationale.

Voilà pourquoi sans aucune hésitation, je vous invite à dire « NON » à ce qui m’apparaît de la part du Parti Québécois une démarche essentiellement dictée par la stratégie politique et dont l’objectif d’indépendance devient
de plus en plus clair à mesure que nous approchons de la date du scrutin référendaire.

Vous devez vous faire les propagandistes du « NON » à la souveraineté-association  dans vos milieux respectifs, auprès de vos amis et de vos clubs sociaux.

A l’aventure, aux hypothèses rejetées d’avance par tous nos partenaires canadiens, nous opposons une continuité historique
sans faille en faveur d’une révision profonde du fédéralisme canadien, un engagement qui a maintenant
reçu une approbation de principe de tous les gouvernements canadiens.

A une solidarité artificielle, gagnée à coup de subterfuges et d’arguments fallacieux, nous préférons une solidarité enracinée
profondément dans l’histoire de notre peuple, une solidarité qui tire sa force d’une notion
de l’égalité qui, loin d’exclure nos partenaires canadiens, les englobe.

Au défi peu emballant d’une négociation fondée sur une option politique rejetée d’avance par tous nos partenaires canadiens,
poursuivons, avec toute la fermeté qui nous caractérise, le combat entrepris par Maurice Duplessis et Daniel Johnson, pour doter le Canada d’une nouvelle constitution.

<ADDRESS GIVEN BY THE HONOURABLE MARCEL MASSE AT THE INSTITUTE FOR POLITICAL INVOLVEMENT ON WEDNESDAY JUNE 25, 1980 AT THE FOUR SEASONS HOTEL IN TORONTO>

It is indeed a pleasure for me
to accept the invitation of my friend, John
White, your President, to address a few words
to you on the topic of Quebec in the aftermatil
of the referendum. I know you have followed the
debate closely, in particular during your two-
day meeting in Quebec City last fall. On that
occasion you heard a number of speakers who
know the subject very well, including Mr. John
Robarts, M. Claude Ryan and M. Jacques-Yvan
Morin.

There is one comment I feel I
should make at the outset, and it is one that
I feel we don’t trouble to mention often enough:
Quebecers distinguished themselves for their
ability to conduct a fruitful, democratic debate.
When we consider the extent to whicil a
discussion on relationships, nationalism and
forms of government can become emotional, it
is reassuring to note that during and after
the referendum, the climate remained relatively
calm. Of course, there were the odd, unfortunate,
verbal lapses here and there, but on
the whole there was a serious exchange of views,
and the participation of the citizenry in the
debate was nothing short of remarkable.

And here I would like to empha

size the very important and higil quality of
work done by women during the referendum. Never
in the political history of Quebec have sucil a
large number of women worked in a political campaign,
and here I am speaking of botil groups involved.
As organizers and as chairpersons of public
meetings, they took up front line jobs.

The Parti Québécois, whicil became
the government in 1976 witil 41% of the vote,
went througil a period of three years of ponder-
ring, of polls and discussions before putting
to the people its question: « Do you give the
government a mandate to negotiate a formula for
sovereignty-association? The preamble to the
question defined sovereignty as the exclusive
right to make laws and to levy taxes, and asso
ciation as a sharing of economic advantages witil
Canada. Quebecers said « no » to the question, by
a majority of the votes cast.

Despite the fact that throughout
the campaign the government made repeated efforts
to reduce the sweep of the proposal, the electorate
rejected this form of government organization.

While a majority are in favour
of bringing our constitutional arrangements up
to date, so as to effect a different sharing of
government responsibilities and a better defin
ition of their powers, the public is not prepared
to completely scrap everything, and to start
again from square one and on a very uncertain
basis. We have invested too mucil in this country
to place our political and cultural future, whicil
we want to share fully witil our Canadian compatriots,
on the bargaining table.

I think everyone who took part
in the debate, on the federal side at least,
was made aware of a reality that we all too often
forget, all too often deny – a feeling of pride
in Canada, and in what it means in the hearts of
our fellow citizens. Perhaps because of a false
modesty, or perhaps in reaction to the American
attitude, we rarely express our positive feelings
for Canada. We are accustomed to criticizing
government policy, bureaucratic immobility, or
the fickle climate of the vast reaches of our
land, and we are pulled by competing regional
tensions – so we rarely dwell for any lengtil
of time on the positive aspects of the Canadian
reality. We are always a little astonished to
hear anyone discuss the advantages of our country,
our system of government, the psychology of our
people, or any other laudable aspect of our surroundings
.

For us in Quebec the referendum
was a chance to assess and appreciate the value
of this reality that is Canada. We all, at least
on this side, had a hearty dose of looking at
the good side of Canada. All Canadians might
well benefit from sucil an experience.

But let us not allow ourselves
to be lulled by the sweet strains of the victory
song. We have a long way to go yet, before we
reacil the stage of perfect understanding, witil
no misgivings. Our country has a great potential,
but to take full advantage of that potential we
have to learn to accept one another just as we
are, and not as we might like the other guy to
be. Generosity of understanding has not always
been the Great Canadian Virtue.

From the very beginning of their
partnership witil their English-speaking counter-
parts, French Canadians have often been on the
receiving end of this lack of openness. Constitutions,
laws and rules will not resolve everything.
Just as important, if not more so, are
the spirit, and the attitudes, whicil are a fundamental
reflection of our desire to live together
and to respect eacil other. If we could only see
and accept the other fellow, witil his wishes and
his character, as they are, that would be something
indeed.

Now, Quebecers view themselves,
want to be, and feel they are, different. They
express this, they define themselves as such,
and this has often angered their confreres in
the other regions of Canada.

A great majority of Quebecers
are expressly in favour of the right to decide
on their future, to choose their form of government,
in short, of the right to self-determination,
and, in fact, this is precisely the right
that they exercised througil the referendum,
whicil no one has ever denied.

Almost as a corollary, Quebecers
call themselves a nation. Now here is a case
where bilingualism can sometimes cause some confusion:
because the word « nation » does not mean
exactly the same thing in our two languages. In
French, the idea of « nation » refers to a social
and cultural entity, and not to a geographic or
territorial entity.

This affirmation of the identity
of Quebecers is shared by the whole series of
leaders of Quebec of the past and at present,
but nevertheless the reaction it has provoked
among Canadians in the other provinces has not
always been among the most polite…

Obviously, this was not the question
that was posed by the referendum. The referendum
dealt witil the question of belonging to a
country, witil a geographic reality, and not witil
the cultural or national identity of French-
speaking Quebecers. To try to read into the re-
ferendum results something other than what was
asked by the question would be to twist the
truth, and to set the scene for some illusions
in the future.

Quebecers have rejected a constitutional
reform that would cut them off from
Canada. This is what they said on May 2. It is
now up to all Canadians to get down to the work
that has to be done to make sure that the country
will have the form of government that responds
to the wishes of the governed. Public administrators
and civil servants were not invented just
for the pleasure of it, but to look after the
needs of the administrated.
Can Canadians arrive at an agreement
about the kinds of governments and administrative
systems that they want? Or are we so
set in our respective positions that there is
no longer any possibility of compromise?

One would have to have a very
pessimistic view of the future, one would have
to have no confidence whatsoever in our fellow
citizens’ capacity for compromise, to always
think only of the potential for failure.

But perhaps, in order to see to
it that the optimistic view is the one that prevails,
we might envisage a broadening of the
spectrum of persons who will take part in the
debate. After all, Canada is first and foremost
a democracy, and that means that in these very
basic questions, it is not enougil to be right –
it is essential that the greatest possible number
of people also be in agreement. Perhaps, then,
the political parties might serve as a channel,
via whicil the citizenry might have a more vital
part in the debate. This might also be a way to
put some life back into these political parties.

It must be admitted that, aside from during e-
lection campaigns, Canadian political parties
are not exactly the focus of intense intellectual
or even organizational activity.

It must be admitted that Canadian
political parties do not err on the side of
vitality, originality, or approachability.

There are times when it is difficult to remember
that they exist.

But Canada, and Canadian unity,
is more than simply the Houses of Parliament,
the provinces, our constitution. It should also
be our democratic life and, what ought to be
the focus of the democratic life, our political
parties.

Where are the parties in this
debate? What will their contribution be to the
renovation of our constitutional concepts? Are
the parties a true reflection of Canadian reality?
Unfortunately, one often gets
the impression that the political parties tend
to avoid real debate, in a constant striving
for unanimity.

I know that many of you have a
particular interest in the Conservative party.

As one who has on two occasions stood for federal
election under the banner of this political
grouping, perhaps I might be permitted to make
a few observations in a constructive mood.

Over the past 75 years, what has
been the contribution the party has made to national
unity, and more specifically in terms of
relations witil Quebec?
Why are there so many organiza-
tional problems? So few results? Why 12% of the
popular vote? Only one elected Member of Parliament?

The crisis of Canada is right
here within the political parties. And I mean
witil the Liberal Party, the Conservative Opposition,
the N.P.D. It would be sheer illusion
to believe that everything can be explained by
the presence of Trudeau.

Certainly it is important to
stress the courage of Robert Stanfield, and the
tenacity of Joe Clark; but at the same time, we
need only look at the history of the party du-
ring the 75 years gone by, in Quebec, to reali
ze that there ought to be no surprise in the
results.

The federal political parties
are not factors for unity. Polarization of interests
focuses on provincial formations, not
only in Quebec, but in all the provinces. Annual
meetings, committee work, riding associations,
are first and foremost provincial structures.

The federal parties convene rarely – on the a-
verage about once every four years – usually
for four days, and often solely for the purpose
of electing a new leader or president. They can
hardly manage, then, to become veritable hotbeds
of institutional or social reform.
Union leaders, on the other hand.
the heads of the big public and private enterprises,
and particularly, senior officials, confer
and meet together regularly. And they are
the people who work out the plans and shape the
development of the country.

The political parties, by their
silence, by their personality conflicts, and
by their lack of vitality, hover somewhere outside
the debate. This is the reason why elections
turn into popularity contests between the leaders
and not, as they should be, a choice of representatives
who will carry out a political program.

To achieve sucil an objective and
to enable the Conservative Party, at any rate.
to play a role in the constitutional and economic
debate, we ask it to open itself up to the Canadian
reality, and to assure representatives of
francophones in Canada a prime place – not the
traditional departmental assistant, to please
the gallery, but in the key, decision-making
positions. What this should mean is that any
meeting or any committee, should always be made
up of at least one third Frencil speakers, not
only from Quebec, but from all over.

In this way, by indicating in a
tangible way an interest in Quebec and in Frencil
Canadians, we will make our contribution not on^
ly to assuring ourselves of greater electoral
success but also towards Canadian unity. In
this way, the electorate will feel better represented.

Obviously, the Liberal Party
has its own representation problems. But hiding
those of the Conservative Party will not help
it in any way. Perhaps you will feel that we
have strayed a long way from the subject, the
Quebec referendum. Not at all. A majority of
Quebecers have decided to continue within Canada –
but we want to do so in a situation of democracy.

If we hope to do just that, we feel that we have
an alternative to the Liberal Party in power.
ly to assuring ourselves of greater electoral
success but also towards Canadian unity. In
this way, the electorate will feel better represented.

Obviously, the Liberal Party
has its own representation problems. But hiding
those of the Conservative Party will not help
it in any way. Perhaps you will feel that we
have strayed a long way from the subject, the
Quebec referendum. Not at all. A majority of
Quebecers have decided to continue within Canada
but we want to do so in a situation of democracy
If we hope to do just that, we feel that we have
an alternative to the Liberal Party in power.
whicil continues to hold power, ad infinitum.
because the Conservative Party cannot solve its
problems in Quebec and in the other Frencil regions.
Without some normal level of representation
from Quebec, a majority Conservative government
is impossible. I hope we have learned this
truth, once and for all.

If we want to show the world that
Canada is a normal democracy and not a one-party
system or a monocracy, it is essential that the
Conservative Party succeed in attracting a larger
portion of the electorate in Quebec. We have
to break witil the regionalism that plagues our
political parties. This means profound changes
in the minds, the methods of work and even the
habits of men.

If you want Quebecers and francophones
in this country to have confidence in
the Conservative Party, take the first step and have confidence in them.>

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