Mes chers amis,
Je dois avouer au départ que l’Honorable Jean-Jacques Bertrand à qui vous avez d’abord lancé votre invitation a mis bien peu de temps à me convaincre de le remplacer à la présente session d’étude: car j’avais déjà accepté de me faire le porte-parole du Premier Ministre, et, plus encore, parce que j’attendais depuis longtemps la première rencontre de ma carrière d’homme public avec les étudiants du Québec. Depuis trois mois, j’ai eu l’occasion de faire connaissance avec quelques leaders syndicaux de votre milieu, mais les circonstances, jusqu’ à ce soir, ne m’avaient pas encore permis de rencontrer les étudiants en groupe, au cours de leurs activités régulières ou de leurs sessions d’étude.
Je ne vous cache donc pas mon grand plaisir à me trouver parmi vous, et j’ose espérer que ce premier contact nous permettra de jeter les bases d’une amitié franche et loyale.
Je tiendrai avec vous des propos simples et ouverts, comptant en revanche que vous gardiez en ma présence le style de langage qui vous est familier.
De prime abord, j’avais pensé vous parler de mon expérience politique. Non pas tellement que cette expérience mérita une attention peu commune, mais plutôt parce qu’il m’apparaissait souhaitable que l’on mit en relief nos traits communs, et en particulier celui qui nous caractérise et qui, par conséquent, nous rapproche: je veux dire la jeunesse.
Je fus, à votre âge, un étudiant profondément absorbé par les réalités sociales et politiques, choqué par les désordres de notre société, surtout par les inégalités de fortune et de richesse. Les hommes politiques ne m’étaient pas toujours sympathiques: certains avaient des attitudes qui, à mes yeux, prenaient couleur de l’indigne. Leur bourgeoisie évidente, leur conservatisme d’âme et leur nationalisme chauvin ne manquaient pas de m’inquiéter, car j’y voyais les causes de l’infériorité du Québec et je ne cessais de croire à une éventuelle assimilation par l’écrasante anglo-saxonnie de notre continent.
Autant dire qu’ à votre âge, j’avais une préoccupation semblable à la vôtre pour la politique, pour la société, pour le Québec, et je voyais avec anticipation le jour où je pourrais me substituer aux « politiciens » du temps pour donner à mon pays, le Québec, le visage de mes aspirations.
Si nous nous ressemblons par le cœur et par l’esprit, nous restons toutefois différents par les générations qui nous ont vu naître.
Pour la plupart d’entre vous, vous êtes des hommes et des femmes de l’après-guerre. Votre éveil aux affaires publiques et en particulier à la vie politique s’est réalisé au cours d’une époque nouvelle où des hommes nouveaux ont fait leur apparition pour placer le Québec parmi les sociétés qui en ont assez de la médiocrité et de l’étroitesse et qui aspirent au rang du modernisme et de la grandeur. Des idées nouvelles ont fait leur cours, donnant naissance à des réalisations d’envergure dont nous devons objectivement nous réjouir. Bref, je dirai que vos premiers pas de citoyens conscients se sont accomplis à une époque où il est emballant de vivre ici.
Le milieu de travail dans lequel vous vivez est aussi bien différent de celui dans lequel j’ai vécu. Il y a dix ans à peine, le syndicalisme étudiant était une réalité pratiquement inexistante tant les étudiants que nous étions avaient peu d’intérêts communs. L’organisation des activités sportives et culturelles exigeait bien la présence d’une association étudiante, mais les préoccupations de celle-ci n’allaient souvent guère plus loin.
Au contraire, vous travaillez en tant que jeunes intellectuels dans un monde organisé, à l’intérieur de cadres syndicaux où il vous est possible de rassembler vos espoirs et votre dynamisme, vos énergies et votre courage pour réaliser avec plus de motivation votre double rôle d’étudiant et de jeune citoyen.
Quoiqu’il en soit, malgré les quelques dix ans qui nous séparent, nous restons liés par la jeunesse, et c’est là que nous trouverons notre terrain d’entente.
Je disais donc avoir songé à vous parler de mon expérience dans la vie politique, mais, après mûre réflexion, j’ai choisi d’apporter quelques réflexions personnelles sur la réforme de l’éducation.
Depuis que j’occupe le poste de ministre d’État à l’Éducation, j’ai déjà affirmé que la réforme de l’éducation au Québec doit se poursuivre en dépit du changement politique que nous venons de connaître. Car si l’éducation doit être assurée par l’État à tous les citoyens, il est tout aussi essentiel que les hommes politiques en fasse un facteur de développement et non un instrument de tactique partisane.
Je persiste à croire que le progrès économique d’une société est intimement lié au degré de scolarité des citoyens qui la composent. Les deux premiers rapports du Conseil économique du Canada soulignent avec insistance le lien direct entre l’éducation et la croissance économique, démontrant, chiffres à l’appui, jusqu’ à quel point l’éducation joue un rôle primordial comme facteur de relèvement du niveau de vie. Je n’ai pas l’intention de m’engager plus à fond dans le développement de cette thèse. La Conférence inter-provinciale sur l’éducation et le développement des ressources humaines qui doit se tenir la semaine prochaine à Montréal nous permettra d’exploiter ce thème avec plus de profondeur. Si toutefois je me suis permis cette allusion, c’est pour mettre en évidence la mentalité nouvelle qui doit nous guider lorsque nous évoquons les réformes de notre système d’éducation au Québec.
Pour ma part, j’estime qu’il est temps que nous cessions d’identifier l’école exclusivement comme la protectrice de notre langue et de notre foi. Je veux bien que depuis trois cents ans elle nous ait permis d’ériger un rempart contre les impérialismes que l’on connaît, mais il faudra en arriver un jour à en faire la véritable voie de notre liberté. Il faudra comprendre, dans tous les milieux, que la réforme de l’éducation au Québec n’est pas et ne sera pas menée par des incultes visant à « marxiser » ou à « communiser » notre bon peuple. A tout événement, au cours des années qui viennent, elle sera conduite à la manière de notre temps.
Le Québec est situé sur un jeune continent où évolue la société du monde la plus moderne; nous ne pouvons pas ne pas en tenir compte. Le Québec a opté pour un système économique tel que nous ne pouvons pas en oublier les impératifs. C’est là que s’inscrit la réforme de notre système d’éducation. L’histoire de notre passé a très souvent inscrit le passif des Canadiens français sur le compte des autres. Je voudrais bien que nous puissions inscrire l’actif de notre avenir sur notre propre compte. Aujourd’hui, je tiens à le dire à tous ceux qui n’ont pas encore compris et le répéter à tous ceux qui ne sont pas encore convaincus: c’est par l’éducation que le Québec pourra se ranger du côté des sociétés modernes; c’est par l’éducation que les citoyens que nous sommes pourront vivre le plus humainement du monde, en tirant profit des connaissances nouvelles, de la science et de ses inventions.
Je comprends que les jeunes ne sont pas tous voués à une scolarisation prolongée, que certains pourront entreprendre des études de niveau universitaire mais que d’autres devront entrer plus tôt sur le marché du travail. Je comprends que dans une société comme la nôtre il a été très longtemps possible de faire face à la vie sans instruction ni formation adéquates. Je comprends que les familles nombreuses ne peuvent sacrifier qu’ à grand peine les bras de leurs a”nés et les revenus additionnels que ceux-ci sont en mesure de rapporter. Je comprends qu’il est difficile de déserter les petites écoles locales pour les grandes écoles régionales. Je comprends qu’il est pénible de se lever tôt, à chaque matin, pour pouvoir fréquenter une école éloignée du foyer. Je comprends les exigences quotidiennes du voyage, soir et matin, sur des routes parfois peu carrossables.
Mais il faut bien saisir le sens d’une réforme de l’éducation. Bien mieux que d’accrocher tous les jeunes uniformément et indistinctement sur les bancs de l’école, l’essentiel est de permettre à chaque individu, quel qu’il soit, en dépit de sa race, de sa couleur, de ses origines sociales et de sa fortune familiale, de pouvoir développer au maximum ses talents personnels et préparer son avenir en fonction de ses goûts et de ses aptitudes. Bien mieux que de vouloir fabriquer des têtes bien remplies, l’essentiel est de pouvoir faire face aux impératifs du monde du travail qui s’accroissent sans cesse et exigent de l’homme plus que bonne volonté et habilité naturelle.
Il est vrai que les habitants des régions excentriques sont généralement défavorisés par rapport aux habitants des grandes régions urbaines et qu’il leur en coûte des efforts particuliers. Mais quel est le prix d’une scolarisation prolongée en comparaison avec les effets formidables qu’elle procure? A quoi ces gens-là ne peuvent-ils pas se résigner pour aller chercher ce qui ne peut leur tomber sous la main? Comment ne pourraient-ils pas comprendre que les heures n’ont plus tellement d’importance quand il est temps de préparer son avenir et que les distances n’ont plus de mesure quand elles conduisent au monde des connaissances?
Je comprends les efforts particuliers et collectifs que suppose le coût de l’éducation. Mais faut-il s’avérer de mauvais comptables face à l’investissement le plus productif et le plus rentable d’une société?
Je comprends que la réforme de l’éducation impose à tous et à chacun des sacrifices auxquels nous ne sommes pas tellement habitués. Mais je m’empresse de répondre que jamais un sacrifice n’aura tant rapporté, à chaque individu et à l’ensemble de notre société, que celui-là.
Je ne suis pas sans savoir, mes chers amis, que vous êtes de la génération de ceux qui n’ont pas à être convertis. Bien sûr, vous brûlez de vous retrouver sur le marché du travail, réellement productifs, citoyens à part entière à qui l’on ne dira plus: « citoyens d’accord, mais étudiants d’abord ». Cette aspiration légitime ne vous enlève toutefois pas le mérite d’avoir saisi le sens et la portée du geste que vous posez aujourd’hui en prolongeant la durée de vos études, en profitant au maximum de l’éducation qui vous est accessible. Si vous n’avez fait l’équation vous-mêmes, vous avez accepté d’identifier l’éducation à l’investissement le plus avantageux pour vous et pour le milieu dans lequel vous évoluez.
Si je prêche à des convertis, je n’ai cependant pas des journalistes et j’estime avoir trouvé bonne oreille, car ce sujet qui me préoccupe devrait normalement vous passionner.
Vous avez choisi d’être journalistes. Quelques-uns auront commis ce geste délibérément, conscients des responsabilités inhérentes au métier. La plupart sans doute s’y seront engagés inopinément, guidés par la fascination qu’a le don de déclencher le reporter en chantier, l’analyste devant des données, l’éditorialiste face à la réalité. Si vous ne le savez déjà, vous y trouverez un métier passionnant dont vous ne sortirez certainement pas indemnes. Si vous tirez au maximum de l’expérience exclusive qui vous est présentement offerte, je pense que vous aurez acquis un conditionnement assuré pour les réalités sociale, politique et économique.
Or, de toutes ces réalités sociale, politique et économique, celle qui devrait vous accaparer en premier lieu, c’est la réforme de l’éducation. Il m’apparaît essentiel que les journalistes étudiants trouvent dans la présente réforme le champ d’une mission personnelle. Voilà une tâche qui n’est certes pas mince, mais qui fait partie des défis de notre temps auxquels vous désirez apporter votre part. Je suis certain que, bien informés, vous serez en mesure d’expliquer à votre entourage immédiat aussi bien qu’ à vos lecteurs inconnus le sens et la portée de la réforme de l’éducation au Québec, vous serez en mesure de dire à tous ceux qui se font vos protecteurs que vous acceptez les sacrifices qu’on vous impose dans votre intérêt personnel et dans l’intérêt du Québec tout entier.
Parmi les questions d’ordre scolaire qui retiennent présentement l’attention des opinions publiques du Québec, il faut en souligner deux dont l’importance n’est pas insoupçonnée dans les milieux étudiants: vous avez compris qu’il s’agit de l’organisation de l’enseignement pré-universitaire et professionnel et de l’aide aux étudiants. J’aimerais qu’au tout début de l’année scolaire les journalistes étudiants soient bien renseignés sur ces questions de sorte qu’ils puissent apporter à leurs lecteurs les informations auxquelles ceux-ci sont en droit de s’attendre.
Depuis que la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec, communément appelée Commission Parent, a publié le deuxième tome de son rapport, l’enseignement pré-universitaire et professionnel est devenu un point de mire pour le Québec tout entier. La situation actuelle des institutions qui dispensent l’enseignement à ce niveau est telle que la Commission Parent estime nécessaire la création d’un nouveau type d’institution dans laquelle on dispensera tout l’enseignement qui suit immédiatement le secondaire et précède immédiatement l’université.
La nécessité d’organiser ce type d’institution dans notre milieu n’a plus besoin de justification: dans l’hypothèse où la scolarisation des jeunes de 17 à 19 ans atteindrait un niveau considéré comme normal, c’est-à-dire 50% à 55% de ce groupe d’âge, en 1971-1972, environ 125,000 étudiants seraient alors inscrits à des études pré-universitaires et professionnelles; actuellement, on dénombre 77,000 inscriptions à ce niveau, dans les collèges classiques, les écoles normales, les instituts familiaux, les instituts de technologie et les universités. C’est donc dire qu’en cinq ans, l’enseignement de niveau pré-universitaire et professionnel devrait recevoir presque deux fois plus d’étudiants qu’il n’en reçoit actuellement.
Or l’impact d’une telle croissance n’a pas nécessairement à être rencontré au niveau des investissements. Au contraire, on estime qu’une partie importante de la croissance des inscriptions pourrait être absorbée par une organisation rationnelle du réseau des institutions actuelles d’enseignement post-secondaire. Il ne s’agit donc pas de créer de toute pièce ou de détruire ce qui existe déjà, mais bien d’opérer, à partir des ressources existantes, une réorganisation et un regroupement considérable afin « d’assurer au plus grand nombre possible d’étudiants qui en ont les aptitudes la possibilité de poursuivre des études plus longues et de meilleure qualité; (de) cultiver l’intérêt et la motivation
chez les étudiants, pour diminuer le nombre des échecs et des abandons prématurés; (de) favoriser une meilleure orientation des étudiants selon leurs goûts et leurs aptitudes; (de) hausser le niveau des études pré-universitaires et de l’enseignement professionnel, (d’)uniformiser le passage des études secondaires aux études supérieures… »
A quoi nous pourrions ajouter les objectifs suivants: répondre aux besoins de la croissance des inscriptions; assurer des services scolaires équivalents dans toutes les régions de la province; permettre aux institutions actuelles de mieux définir leur vocation et de situer leur action en toute connaissance de cause; permettre le recyclage, dans chaque région, de la main-d’œuvre active actuelle, de façon à la préparer à des emplois techniques spécialisés.
Je n’ai pas à appuyer davantage sur des choses que vous savez déjà. Je voudrais toutefois vous dire que la prochaine année sera celle de l’enseignement pré-universitaire et professionnel. Les études ayant été complétées, tant par les organismes de planification que par le ministère de l’Éducation, le projet d’organisation de ce niveau d’enseignement devrait maintenant faire l’objet d’une décision du conseil des ministres. Ensuite, au cours des mois qui viennent, il faudra soumettre au parlement un projet de loi permettant aux institutions actuelles qui voudront le faire:
a) de se regrouper dans un cadre juridique et administratif commun;
b) de mettre en commun leurs ressources matérielles et humaines pour dispenser un programme d’enseignement offrant un large éventail d’options, allant de la technologie aux humanités.
Il est évident que l’adoption d’une telle loi par le parlement favorisera nettement les regroupements désirés et augmentera la qualité de l’enseignement actuel. Mais je voudrais indiquer ici que les objectifs visés peuvent être atteints même en l’absence de cette loi. Déjà, à travers le Québec, nous connaissons des regroupements institutionnels dont les résultats sont assurément identifiables. Qu’il me suffise de signaler le consortium de sept institutions de la région de Hull qui, l’an dernier, ont décidé d’un commun accord de regrouper leurs ressources matérielles et humaines afin de dispenser à leurs étudiants un enseignement plus varié et de meilleure qualité. Ce sont: le Collège St-Alexandre, le Collège Marie-Médiatrice, le Collège Marguerite d’Youville, l’École normale St-Joseph, l’École normale de Hull, l’Institut de Technologie de Hull ainsi que la Commission scolaire régionale Outaouais. En vertu de cette entente, les étudiants de ces diverses institutions sont regroupés physiquement dans les mêmes locaux pour suivre des cours communs. Cet exemple fournit donc la preuve qu’on a pu, par des initiatives privées et indépendamment de toute loi, parvenir à des fins identiques destinées à améliorer l’enseignement de niveau pré-universitaire et professionnel.
Dans cette perspective, il m’apparaît extrêmement important que des expériences-pilotes soient tentées au cours de la prochaine année scolaire, expériences qui seraient fondées sur le principe du regroupement et de la coordination des activités de différents types d’institutions. Ces expériences permettront de vérifier la validité des hypothèses que nous avons déjà formulées et assureront une mise de fonds appréciable dans la poursuite des objectifs visés.
Pour sa part, la loi créant légalement l’enseignement de niveau pré-universitaire et professionnel permettra, après son adoption, de donner un cadre juridique aux accords conclus entre les différents types d’institution en donnant naissance à des corporations distinctes de caractère public.
Par ailleurs, le parlement devrait être saisi, dès l’automne prochain, d’un projet de loi visant à modifier le système actuel d’aide aux étudiants.
Il est admis de toutes parts que le présent système d’aide aux étudiants de niveaux pré-universitaire, professionnel et universitaire est tout à fait inadéquat. Depuis 1961, aucun changement d’importance n’a été apporté au régime, même si les sommes mises à la disposition des étudiants sous forme de prêts-bourses sont passées de $7.5 à environ $17 millions. Il est donc évident aujourd’hui que le présent système ne permet pas de répondre aux véritables besoins des étudiants, et ne favorise pas suffisamment l’accessibilité aux études supérieures.
Pour répondre aux besoins réels des étudiants dans le cadre du régime actuellement en vigueur, il faudrait augmenter de façon très substantielle le budget consacré par le gouvernement à cette fin. Or vous comprendrez que ce budget ne peut pas être augmenté dans une proportion illimitée. C’est pourquoi le ministère de l’Éducation croit opportun de réaménager le système de l’aide aux étudiants sur la base de principes permettant un juste équilibre entre la part de l’État et la part de l’étudiant lui-même au financement de ses études.
Afin d’atteindre les objectifs visés – l’accessibilité de l’enseignement dans le cadre d’un budget relativement limité -, le réaménagement du système de l’aide aux étudiants devrait impliquer une participation plus systématique de l’étudiant à l’investissement – rentable pour lui – que constitue l’éducation supérieure qu’il reçoit. Selon cette orientation nouvelle, l’étudiant devrait avoir recours à des prêts pour assurer le financement de la première tranche de ses besoins; l’aide gouvernementale, sous forme de bourses, n’interviendrait que pour combler l’écart entre cette première tranche et ses besoins essentiels totaux, c’est-à-dire les frais de subsistance et de scolarité, déduction faite des revenus propres de l’étudiant et de la contribution de sa famille. Par exemple, l’étudiant pour lequel le coût d’une année scolaire serait de $1, 500 et qui ne disposerait d’aucun revenu propre ou provenant de sa famille, devrait emprunter $500 avant de devenir éligible à une bourse qui pourrait atteindre un montant maximum de $1,000.
Des fonctionnaires du ministère de l’Éducation et du ministère des Finances effectuent présentement des pourparlers auprès des banques et des caisses populaires afin de prévoir un système d’emprunt dont les modalités seraient analogues à celles que prévoient la Loi et les règlements du régime canadien de prêts aux étudiants. Le gouvernement du Québec paierait les intérêts sur les prêts consentis aux étudiants durant la période où ceux-ci demeureraient aux études.
Cette réorientation de la politique de l’aide aux étudiants a fait l’objet de consultation auprès de l’Union générale des étudiants du Québec; celle-ci a officiellement fait connaître son accord au ministre de l’Éducation sur les principes que je viens d’exposer.
Reste maintenant à savoir si nous serons techniquement en mesure de mettre ce nouveau système en application pour la prochaine année scolaire. Depuis environ un mois, le ministre de l’Éducation a constitué une équipe spéciale de travail qui devra mettre au point tous les détails matériels que suppose une application rapide d’un tel programme.
Entre-temps, l’Honorable Jean-Jacques Bertrand, quelques hauts fonctionnaires du ministère et moi-même avons rencontré quelques membres de l’exécutif de l’UGEQ afin de les informer sur l’état actuel des opérations. Du même coup, nous avons indiqué aux représentants de l’UGEQ les modalités du système. Vous avez pu apprendre par la voix des journaux qu’il y a accrochage sur ce point entre l’UGEQ et le ministère de l’Éducation.
Le système projeté prévoit trois catégories d’étudiants auxquels s’appliqueraient des normes différentes. Quant au montant du prêt dont l’étudiant devrait d’abord assumer la responsabilité, le ministère a établi le barème suivant: pour les étudiants de niveau pré-universitaire et professionnel, le montant maximum de prêt serait de $500; pour les étudiants universitaires du niveau de la licence, il serait de $700; et pour les étudiants universitaires du niveau de 4e et 5e années, il serait de $800. Pour sa part, l’UGEQ insiste pour que ces montants soient réduits à $400 pour le niveau pré-universitaire et professionnel, $500 pour le premier cycle universitaire et $600 pour le second cycle.
Or les chiffres proposés par le ministère de l’Éducation ont été établis après une étude détaillée d’un ensemble de solutions possibles. La solution retenue tient compte, d’une part, de la capacité d’emprunt des étudiants et, d’autre part, – ce qui n’est pas négligeable – des implications du système par rapport au budget du gouvernement.
Je comprends l’intérêt de l’UGEQ pour une réduction du montant maximum des prêts. Mais je comprends aussi que le gouvernement du Québec ne possède pas les disponibilités financières qui lui permettraient de répondre à une telle demande.
Le système sera-t-il mis en application dès cette année? Pour ma part, j’entretiens de vifs espoirs dans le sens d’une application possible. J’espère toutefois que les petits désaccords actuels ne compromettront pas une politique qui n’a pour but que d’assister d’une façon plus convenable les étudiants du Québec. Voilà le message que je tenais à vous livrer à l’occasion de notre première rencontre. J’espère que vous pourrez lui donner une diffusion large afin qu’il puisse devenir l’amorce d’un dialogue précieux entre le ministre d’État à l’Éducation et tous les étudiants du Québec.