Discours inaugural de Bernard Landry, Québec, 22 mars 2001

Madame le Lieutenant-Gouverneur,
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Monsieur le Chef de l’opposition officielle,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs de l’Assemblée nationale,
Distingués invités,

Citoyennes et citoyens du Québec,

« Plus qu’à aucun autre moment de notre histoire,
il est admis que le Québec forme une nation.
Une nation civique, inclusive et qui transcende
toute forme d’ethnicité. »

Le gouvernement du Québec a le devoir d’affirmer et de consolider ces réalités
de concert avec l’Assemblée nationale, dont les travaux doivent en témoigner
ici, devant le Canada et devant la communauté internationale. Les femmes et les
hommes qui entreprennent aujourd’hui les travaux de la 2e session de la 36e
législature sont les élus démocratiques de notre nation et ont le devoir de
servir ses intérêts comme ses valeurs profondes. Cela se fera avec ardeur et
dévouement, j’en suis assuré.

Nous avons d’excellentes raisons d’être fiers de ce qu’est devenue cette nation
québécoise dont la plus grande richesse est d’abord et avant tout humaine. Les
sept millions et demi de personnes qui peuplent notre vaste territoire ont
aujourd’hui l’une des meilleures espérances de vie au monde. Elle s’est accrue
de cinq ans durant les vingt dernières années. Notre population se range au
nombre des plus scolarisées du monde. Notre système d’éducation a fait passer le
taux d’obtention d’un diplôme d’études secondaires de 57 % à 84 % en 25 ans.
Notre taux de scolarisation dépasse maintenant de 7 % celui de la moyenne des
pays de l’OCDE. Sur le plan de la réussite éducative, ces progrès ont permis de
doubler le taux d’obtention d’un diplôme d’études supérieures. Nous avons
l’honneur d’être au deuxième rang des pays avancés pour la part de notre produit
national brut consacrée à l’éducation. Comme il s’agit de la clé du
développement social, on peut affirmer que, si le Québec est riche au plan
humain, c’est parce qu’il a fait le pari de la solidarité et qu’il s’assure que
le progrès bénéficie au plus grand nombre.

Les plus démunis comme les mieux nantis ont profité de la conjoncture favorable
des dernières années. Le nombre de prestataires de la sécurité du revenu a été
réduit de façon spectaculaire depuis 1996. Ces résultats témoignent d’une
générosité collective dont l’État est le relais, mais qui est aussi le fait des
divers acteurs de l’économie sociale dont le Québec offre le modèle peut-être le
plus avancé du monde. Cette répartition de la richesse fut facilitée par une
croissance économique vigoureuse au cours des quatre dernières années, dépassant
de 2 % en moyenne le taux de croissance annuel des vingt dernières années. Le
marché du travail a retrouvé son dynamisme avec la création de près de 300 000
nouveaux emplois en quatre ans et un taux d’emploi record de 67,3 %. Le taux de
chômage est le plus bas depuis 25 ans. Les investissements productifs du secteur
privé ont crû de 60 %, soit 10 % de plus que dans l’ensemble canadien.
L’économie du Québec se classe d’ailleurs parmi les plus diversifiées du monde.
La moitié de toutes les exportations canadiennes de haute technologie
proviennent d’ici. Le Québec a démontré, durant les dernières années, une
formidable capacité d’ouverture au monde comme l’illustre la croissance
vertigineuse de ses exportations qui fut de 130 % en dix ans. De toutes les
nations de la terre, le Québec arrive au 7e rang pour le commerce avec les
États-Unis d’Amérique.

Le Québec, on le sait, est aussi une terre de culture, un lieu de création, la
patrie d’un grand nombre de femmes et d’hommes de lettres, de théâtre, de
cinéma, de télévision, de musique, de danse et de cirque, un lieu
d’expérimentation et d’audace créatrice. Une audace saluée par l’ensemble de la
population québécoise, qui soutient ses artistes de façon exemplaire et apprécie
leurs oeuvres, pleure leur disparition comme dans le cas des regrettés Juliette
Huot et Jean Besré. Une audace et une originalité connues aussi par des millions
de personnes qui, dans le monde, ont vu nos créateurs et créatrices à l’oeuvre
au Salon du livre de Francfort, dans une exposition à Berlin, lors d’un
spectacle de danse à Tokyo, sous un chapiteau à Las Vegas, dans un théâtre de
Paris, de Londres ou d’Écosse.

Mais notre fierté légitime de toutes ces réalisations ne doit pas nous amener à
occulter quelques parties moins brillantes de notre réalité. Une réalité qui
nous rappelle, pour reprendre l’expression de l’historien français Ernest Renan,
que la nation « est un plébiscite de tous les jours ». Notre plus grande erreur
serait de croire que ce que nous avons bâti est acquis pour toujours et de
penser que le progrès sera assuré sans effort. Une réalité révélant que, en
dépit de nos labeurs et de nos réussites, il subsiste encore, par exemple, trop
de décrochage scolaire, de chômage, de gens qui attendent dans les salles
d’urgence des hôpitaux, de personnes handicapées pas aussi bien secondées
qu’elles devraient l’être, de femmes dont le salaire n’est pas encore égal à
celui des hommes pour le même travail, de régions inégales dans leur
développement.

Le Québec d’aujourd’hui fait donc face encore à de nombreux défis qu’il doit
relever en effectuant les choix qui s’imposent avec lucidité et rigueur. Le défi
le plus grand est sans doute de maintenir le cap sur la prospérité, de l’étendre
à l’ensemble des régions du Québec et de la partager équitablement aussi entre
les personnes. Cela nous oblige en même temps à prendre acte de l’équilibre
fragile de notre économie dans la conjoncture mondiale actuelle. Il faut donc
garder la juste mesure de notre capacité collective de dépenser. Nos finances
doivent rester équilibrées. Notre État national ne se laissera pas entraîner de
nouveau dans l’escalade sans fin de toutes les dépenses. L’amélioration de
l’état des finances publiques doit être une préoccupation constante non
seulement pour préserver notre capacité actuelle, mais pour assurer l’avenir des
générations futures et garantir leur liberté d’action collective.

Pour relever ces défis, le gouvernement doit assumer toutes ses responsabilités
sociales, culturelles, économiques et de gestion. Il compte le faire avec
énergie, compétence et dévouement en misant sur une administration dont les
fonctionnaires ont depuis longtemps prouvé leur qualité professionnelle et leur
sens de l’État. Avec l’aide de ces précieuses ressources humaines, le processus
de modernisation de l’administration publique sera rigoureusement poursuivi. Les
ministères et organismes du gouvernement feront bientôt des déclarations
formelles de services aux citoyennes et citoyens établissant clairement leurs
devoirs et responsabilités envers le public qui en défraie les coûts et doit,
comme on dit, en avoir pour son argent.

Un des premiers sentiments qui animera le gouvernement sera celui de la
responsabilité.

Pour assumer cette responsabilité et pour le faire avec humanité et efficacité,
le gouvernement a établi une série de priorités. Des priorités nationales qui
constituent un programme gouvernemental dont les lignes de fond sont esquissées
dans le présent exposé. L’équipe gouvernementale présentera l,ensemble des
éléments plus en détail dans les prochains jours. Ces priorités ont été définies
en tenant compte des réformes déjà entreprises et qui seront maintenues. De
nouvelles priorités démontreront qu’il est souhaitable, et possible, d’assumer
ses responsabilités, de proposer du changement tout en poursuivant dans la
continuité des succès antérieurs.

Le nouveau gouvernement veut d’abord être celui de la solidarité. Dans les lois
qu’il soumettra à l’attention de cette Assemblée ainsi que dans les politiques,
plans et stratégies qu’il définira et réalisera, le gouvernement mettra l’accent
sur la solidarité sociale, la santé, la famille et l’enfance, l’éducation,
l’emploi, les régions et la culture. Nous relèverons le défi de mener à terme
ces objectifs prioritaires tout en recherchant, comme c’est notre devoir, le
règlement de la question nationale.

Une solidarité sociale

Le gouvernement adoptera une véritable stratégie de développement social qui
aura pour objectif de favoriser la participation de toutes et tous aux fruits du
développement.

Cet objectif appelle une nouvelle synergie entre le développement économique et
le développement social qui doit se réaliser en partenariat avec les divers
groupes de la société.

Il est impérieux de constater que les citoyennes et les citoyens du Québec ne
profitent pas également de l’ère de prospérité que nous avons connue. La
pauvreté et l’exclusion continuent à prélever un lourd tribut qui engendre de la
souffrance, du désespoir et de multiples drames personnels dont nous ne pouvons
détourner les yeux.

Une société avancée ne peut tolérer qu’un nombre significatif de jeunes familles
et de jeunes enfants vivent dans la pauvreté. Je l’ai déjà dit, cette lutte
contre la pauvreté et l’exclusion sera pour nous une véritable obsession, comme
la lutte contre le chômage l’a été pour le précédent gouvernement.

Ainsi, nous présenterons un plan de lutte contre la pauvreté qui proposera des
mesures à court, moyen et long terme portant autant sur la prévention que sur
l’aide directe aux plus vulnérables.

Nous maintiendrons notre soutien aux familles, particulièrement aux familles les
plus démunies.

Nous proposerons de nouvelles avenues aux jeunes prestataires de la sécurité du
revenu de moins de 21 ans et sous-scolarisés, à la lumière des résultats du
projet Solidarité jeunesse qui est en marche depuis quelques mois.
Nous travaillerons en vue de soutenir adéquatement les chômeurs de longue durée
dans leur démarche vers l’emploi.

La place centrale de l’éducation dans la lutte contre la pauvreté se
concrétisera de multiples façons, entre autres par l’accès à des services de
garde éducatifs et le projet de politique de formation continue, qui seront au
cœur d’une redéfinition du concept d’égalité des chances par l’éducation, base
de notre projet de démocratie solidaire.

Nous allons donner un nouvel élan à l’économie sociale, qui connaît depuis
quatre ans un formidable essor avec la création de plus de mille entreprises et
de quelque 15 000 nouveaux emplois permanents.

Les prochaines actions concrètes du gouvernement dans ce secteur prioritaire
seront dévoilées dès la semaine prochaine par ma collègue, la vice-première
ministre et ministre des Finances, à l’occasion du discours sur le budget.
La santé : pour une meilleure accessibilité des services
Tout le secteur de la santé et des services sociaux demeurera l’une des plus
grandes priorités du gouvernement. De nombreux consensus sur des actions
structurantes et porteuses d’avenir ont été mis en lumière par le rapport de la
Commission d’étude sur les services de santé et les services sociaux. Il y a là
une occasion qui doit être saisie, et elle le sera.

L’élargissement de l’accessibilité générale aux services de santé et aux
services sociaux retiendra particulièrement notre attention. L’accessibilité aux
services de base, c’est-à-dire aux services qui doivent être disponibles le plus
près possible des personnes, des communautés, des lieux où se vivent les
problèmes. C’est notamment dans cette perspective que nous entendons mettre en
place des groupes de médecine de famille, issus de la collaboration, sur une
base locale, des cabinets de médecins, des CLSC et de l’ensemble des
professionnels appelés à intervenir dans les communautés.

Le gouvernement est convaincu que les nouvelles technologies constituent de
puissants outils d’amélioration des services aux citoyens. Pour permettre une
obtention rapide de toute l’information médicale, la carte à puce sera
instaurée. Cette mesure, qui sera effective d’ici quelques années, sera
développée et mise en œuvre dans le respect intégral de la vie privée.
La gouverne du réseau de la santé et des services sociaux sera resserrée, de
manière à ce que la ligne d’autorité et la répartition des responsabilités
soient plus claires entre les établissements, les régies régionales et le
ministère de la Santé et des Services sociaux. Un projet de loi sera déposé à
cette fin au cours de la présente session parlementaire.

Famille et enfance

Le Québec accorde un soutien à la famille et à l’enfance qui est le plus
généreux d’Amérique du Nord, non seulement par l’offre de services de garde à
tarif réduit, mais aussi par son aide financière à la famille (allocation
familiale et fiscalité), qui dépasse celle accordée par le gouvernement fédéral.
Le gouvernement continuera de mettre de l’avant sa propre proposition d’un
régime d’assurance parentale mieux adapté à la réalité des familles québécoises.
Il va de soi également qu’il poursuivra sans relâche le déploiement des services
de garde à 5 $ dans toutes les régions du Québec.

L’éducation, un pilier de la solidarité sociale

Dans notre marche en avant vers plus de prospérité et plus de solidarité, nos
principales tâches, sans doute les plus sacrées, demeurent l’éducation et la
formation de nos enfants.

Dans la foulée du Sommet du Québec et de la jeunesse et profitant de l’élan
nouveau donné à notre système d’éducation par les réinvestissements qui y sont
effectués, il est nécessaire de pousser d’un cran la mobilisation de toutes et
de tous, à commencer par les élèves et leurs parents, le personnel des
établissements et l’ensemble de la communauté éducative. Les plans de réussite
mis en place à tous les cycles de notre système d’éducation constituent des
outils exceptionnels pour réussir cette mobilisation et la nécessaire
responsabilisation de tous les intervenants.

L’implantation du nouveau programme de formation de l’école québécoise se
poursuivra donc selon le calendrier prévu. Les parents et la population seront
davantage informés sur les différents aspects de la réforme en cours.
Le gouvernement tient à réitérer toute sa confiance en la capacité des
enseignantes et des enseignants de réussir ce virage décisif vers une formation
qui donne plus de place aux matières essentielles et qui soit plus respectueuse
de la personnalité propre de chaque enfant. Le ministre de l’Éducation veillera
à ce que les maîtres reçoivent tout le soutien nécessaire à la réussite de la
réforme, notamment en apportant les améliorations requises au niveau de
l’évaluation des apprentissages.

L’emploi : pour l’échec au chômage et à l’exclusion

Après des années d’efforts, après avoir déployé sur le territoire une stratégie
économique avant-gardiste dont l’objectif premier était la création d’emplois,
et bien que nous n’ayons pas encore en main l’ensemble de nos leviers
économiques, le chômage a été ramené depuis à son plus bas taux depuis 25 ans,
passant de 13,3 % en 1993 à 8,4 % aujourd’hui.

Le gouvernement ne s’arrêtera pas là, car nous sommes toujours en présence d’un
gaspillage humain et économique intolérable pour une nation riche comme le
Québec moderne.

Autre grave problème que la bonne performance de presque toutes nos régions tend
à cacher et auquel il faut s’attaquer avec encore plus de combativité. Celui que
pose le niveau inacceptable du chômage dans certaines autres régions,
principalement les régions ressources.

Pour l’heure, qu’il me soit permis d’indiquer comment le gouvernement déploiera
son action pour l’emploi sur l’ensemble du territoire.

D’abord, au chapitre de la main-d’œuvre, il compte étendre à certaines
catégories de personnes qui ne bénéficient pas du régime d’assurance emploi ni
de la sécurité du revenu – les sans-chèque – une forme de soutien au revenu
lorsqu’elles participent à des activités de formation dans une perspective
d’accès à l’emploi.

Les régions: pour des pôles nationaux de développement

Comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer à plusieurs reprises lors de ma récente
tournée du Québec et lors de la cérémonie d’assermentation du nouveau
gouvernement, les régions ressources feront l’objet d’une attention très
particulière dès le dépôt du prochain budget.

Il sera nécessaire d’accélérer la cadence dans ces régions ressources pour leur
permettre de prendre pleinement leur place dans la nouvelle économie et pour
maintenir la position concurrentielle du Québec sur les marchés mondiaux.
Cette stratégie comprendra également des mesures qui auront un impact important
sur le développement des communautés rurales en difficulté et sur la ruralité
dans son ensemble.

Le gouvernement est aussi conscient que certains territoires, en dehors des
régions ressources, ont besoin de mesures adaptées pour appuyer leur
développement économique.

La démarche que nous proposerons comportera de nombreuses mesures visant à
consolider le secteur des ressources naturelles, à le dynamiser et à le rendre
encore plus compétitif. Il faut accélérer la cadence, soutenir plus
énergiquement encore les industries de la 2e et de la 3e transformation,
encourager la recherche et le développement dans ces secteurs.

Parallèlement, le gouvernement verra à intensifier les efforts déjà entrepris
pour diversifier l’économie des régions, notamment à travers l’action du Fonds
de diversification économique.

Il nous faudra une mobilisation générale pour donner le coup de collier dont les
régions ressources et tout le Québec ont besoin. Tous les ministères sont
interpellés.

Le ministre d’État aux Régions et ministre de l’Industrie et du Commerce lancera
une action d’envergure pour cerner le profil des filières industrielles les
mieux en mesure de mettre en valeur les avantages respectifs de chaque région.
Le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire, celui des pêches et de
l’aquaculture, et le tourisme exercent un rôle moteur dans l’économie des
régions, tant sur le plan de l’emploi que de l’activité économique, de même que
dans le dynamisme des milieux ruraux. Il faut maintenir le cap sur la croissance
de ces secteurs d’activité. Un premier geste concret sera posé dès le début de
l’année financière : le gouvernement complètera la mise en place de la
Financière agricole du Québec, qui constitue un nouveau modèle de partenariat.
Le gouvernement apportera des ajustements au régime de protection des activités
agricoles et appuiera la mise en place, avec les intervenants concernés, d’un
plan d’accélération du virage agroenvironnemental.

Le gouvernement prendra également les mesures nécessaires, en collaboration avec
l’industrie, pour mettre en place un système de traçabilité permettant de suivre
les aliments depuis la ferme jusqu’à la table du consommateur.
S’il y a encore des gens qui doutent que la recherche, la haute technologie et
les savoirs de pointe puissent trouver leur place en régions, on les invite à
prendre connaissance du numéro de la revue Québec Science qui sera en kiosque à
compter de demain. Il y est question de l’avenir de la Gaspésie et des
Îles-de-la-Madeleine, un avenir qui passe par la mer, mais une mer qui se
conjugue au futur, une mer qui est devenue un immense laboratoire. Un simple
coup d’œil à ce dossier spécial est une bouffée d’espoir et d’optimisme pour
l’ensemble des régions du Québec.

Le développement durable (environnement)

Le développement des ressources est indissociable d’un engagement à un
développement durable qui se préoccupe de léguer aux générations futures un
patrimoine non seulement intact mais enrichi.

Certains incidents survenus au cours des derniers mois nous ont particulièrement
sensibilisés à l’importance de l’eau. L’eau potable est l’une de nos plus
grandes richesses collectives. Certains souhaitent même qu’on la déclare
patrimoine public de tous les Québécois. Afin de préserver la qualité et la
pérennité de cette ressource tout en permettant l’essor de nombreuses activités
économiques, le gouvernement adoptera sous peu une politique nationale de la
gestion de l’eau.

Les affaires municipales, la métropole et la capitale nationale

Le gouvernement a entrepris au cours des dernières années l’ambitieuse et
nécessaire réforme de nos municipalités. Je salue l’exceptionnel dévouement et
le travail accompli par la ministre d’État aux Affaires municipales et à la
Métropole, qui poursuivra sa courageuse entreprise au bénéfice de la population
québécoise.

Le rayonnement culturel

La culture, sous toutes ses formes, est au cœur du projet collectif du Québec.
Le gouvernement continuera de soutenir vigoureusement la création dans toutes
ses manifestations.

« Il n’y a jamais eu de projet politique sans projet de culture », disait
Fernand Dumont. Notre gouvernement a la même conviction. La culture est au cœur
du projet collectif de notre société. Elle est porteuse d’intégration, de
cohésion sociale et de développement.

Parmi les priorités à venir au chapitre de la culture, je tiens à souligner que
nous voulons assurer un soutien accru à la création et à son rayonnement à
l’étranger, mettre à jour la politique québécoise du cinéma et de la production
audiovisuelle, et donner un souffle nouveau au développement culturel régional.
Le renouvellement de la création pour une société comme la nôtre passe par la
relève. Si les rêves de nos artistes deviennent les nôtres, si les imaginaires
nous font découvrir « la face cachée de la lune », si leur écriture, leurs
images et leurs tableaux nous émeuvent sans cesse, c’est à la fois qu’ils sont
riches et que les Québécois et les Québécoises sont là pour les applaudir. Mais
la portée de leurs œuvres dépasse aujourd’hui leur seul univers d’artistes, il
faut également en prendre acte.

En somme, c’est d’une culture en prise directe avec la vie commune d’une société
dont il est ici question. Un ministère qui se préoccupe de la langue, de
l’histoire, de l’habitat, de la créativité, des communications, du multimédia,
des inforoutes, de la diversité culturelle et de l’innovation est un ministère
capable d’instrumenter les Québécois sur le plan culturel, de les maintenir
ensemble et de les inscrire dans la modernité des nations.

En juin 2000, la Commission des États généraux sur la situation et l’avenir de
la langue française a été créée afin de faire le point sur la politique
linguistique québécoise et de proposer des priorités d’action. Depuis, les
commissaires ont eu l’occasion de sillonner le Québec en tenant des audiences
publiques dans toutes les régions afin d’établir un véritable dialogue avec les
Québécoises et les Québécois. Plus de 200 mémoires ont été reçus par la
Commission, ce qui témoigne du succès et de la nécessité de l’opération.
Il y a lieu d’être fiers de cette démarche démocratique qui s’est faite dans un
esprit d’ouverture. Toutes les forces vives de la société québécoise ont eu
l’occasion de faire valoir leur point de vue et d’en débattre.

Nous attendons que ces travaux nous fournissent les matériaux d’une politique
linguistique renouvelée et enrichie.

Jeunesse

Notre volonté d’unir plus étroitement que jamais prospérité et solidarité
interpelle directement la jeunesse.

Dans la perspective d’associer plus étroitement que jamais les jeunes à notre
projet de société, le gouvernement déposera prochainement la politique
québécoise de la jeunesse qui fixera les orientations majeures qui se traduiront
dans le plan d’action jeunesse qui en découlera.

De plus, dans un esprit d’ouverture sur le monde, l’Office Québec-Amériques pour
la jeunesse a pour objectif de permettre à 3000 jeunes, chaque année, de prendre
part à des programmes de formation et d’échange susceptibles de contribuer au
rapprochement des peuples des Amériques dont la nation québécoise fait partie.
Justice

Le ministre de la Justice verra à moderniser la procédure civile et à poursuivre
le développement des processus consensuels de résolution des conflits, telle la
médiation.

La violence, particulièrement celle exercée par les bandes criminelles,
préoccupe de plus en plus la population. Nous avons l’intention d’accorder à
cette situation toute l’attention et les ressources qu’elle requiert. Les
ministres de la Justice, du Revenu et de la Sécurité publique seront appelés à
poursuivre de concert leurs efforts et à améliorer les moyens juridiques mis à
notre disposition dans cette lutte sans merci contre le crime organisé.

Les relations avec les citoyens et l’immigration

Un de nos défis collectifs consiste à bien accueillir et intégrer les
immigrants. Le gouvernement a donné mandat au ministère des Relations avec les
citoyens et de l’Immigration d’intensifier les efforts visant à lever les
obstacles empêchant les personnes immigrantes de faire valoir pleinement leurs
compétences.

À cette enseigne, je souligne que le gouvernement a créé le poste de secrétaire
d’État à l’Accueil et à l’Intégration des immigrants. Le député de
Sainte-Marie–Saint-Jacques, chargé de cette fonction, mettra en place les
mesures favorisant l’atteinte de ces objectifs.

Parlant d’intégration, l’État québécois se doit d’être exemplaire en matière
d’ouverture et d’être le reflet le plus fidèle de la population québécoise dans
toute sa diversité.

Plus encore, la Loi sur l’accès à l’égalité en emploi dans les organismes
publics entrera en vigueur le 1er avril prochain. Les secteurs couverts par
cette loi représentent plus de 700 organismes totalisant quelque 500 000
emplois. Les femmes, les minorités visibles, les autochtones et les allophones
doivent bénéficier de cette législation. Je verrai personnellement à ce que
cette loi ambitieuse et généreuse réponde vraiment à nos attentes.

Les relations internationales et la Francophonie, y compris le pouvoir
d’approbation des traités internationaux du Canada.

La mondialisation des marchés exigera que nous nous donnions de nouveaux
instruments d’action.

La gestion de l’économie exige aujourd’hui le renforcement des structures de
concertation supranationales (OCDE, OMC, BIT, FMI, Banque mondiale, etc.).
Or, ce sont les États souverains qui participent à ces instances
supranationales, dont le rôle devient aujourd’hui plus primordial.
La souveraineté du Québec devient, dans ce contexte, encore plus nécessaire: le
peuple du Québec ne doit pas mettre à risque sa langue, sa culture et ses
intérêts économiques par son absence des forums décisionnels internationaux. Il
doit prendre les moyens pour devenir membre de plein droit de ces institutions
déterminantes pour son avenir le plus rapidement possible. Autrement, faute de
souveraineté, des décisions vitales ne seront plus prises ici dans cette
Assemblée, mais à des tables internationales. Sans la souveraineté, la
mondialisation éloignera le pouvoir de cette Assemblée et la démocratie de notre
peuple.

La loi constitutionnelle de 1867 représentait un pacte entre les deux nations
formant le Canada. Elle définissait les pouvoirs de chacun des deux ordres de
gouvernement et donnait au Québec des responsabilités exclusives dans plusieurs
domaines.

Dans le présent contexte mondial, la dérive centralisatrice, contraire au pacte
de départ, aura des effets de plus en plus néfastes.

Ce pourrait être le cas par exemple dans des domaines aussi variés que les
ressources naturelles, l’environnement, l’adoption internationale, la fiscalité,
l’administration de la justice, le travail, la santé et d’autres encore.

De même, les discussions qui s’amorcent sur la Zone de libre-échange des
Amériques porteront sur des questions touchant directement plusieurs champs de
compétence du Québec.

Le débat entourant la place du Québec au Sommet des Amériques est venu nous
rappeler le prix que doit payer une nation qui est privée de sa souveraineté. Le
Québec manquerait à son devoir s’il acceptait cette situation sans bouger.
Il n’y a pas en place de processus formel de participation pour faire entendre
la voix du Québec sur les questions qui touchent ses propres champs de
compétence.

Ce qui n’est pas le cas, notons-le, au sein de la Communauté européenne, qui est
une source d’inspiration remarquable dans l’aménagement des rapports entre
nations libres.

On sait que les tribunaux ont déjà indiqué au gouvernement fédéral qu’il ne peut
pas ignorer les provinces lorsqu’il signe des ententes internationales dans des
domaines de leur compétence.

C’est pourquoi, dans le prolongement des gestes qui ont été posés au cours des
quarante dernières années, le gouvernement du Québec prend aujourd’hui
l’engagement de présenter dorénavant à cette Assemblée, pour approbation, tout
traité international qui concerne l’une ou l’autre des responsabilités
constitutionnelles du Québec.

Cela signifie que le Québec ne pourra être lié ou être considéré lié par un
engagement international que dans la mesure où il aura ratifié cet engagement
par une décision de son Assemblée nationale.

Cela permettra aux députés de participer au débat et à nos concitoyennes et nos
concitoyens d’être mieux informés sur les grandes questions des relations
internationales qui affectent notre société.

La consolidation de l’identité nationale

The reality of Québec also embraces the situation of people belonging to the
English-speaking community, that enriches Québec with its economic, social and
cultural vitality and contributes to Québec’s diversity. The government will
take particular care to listen to the English-speaking community and its
representatives, and ensure that its rights are protected.

My government is committed to an ongoing, meaningful dialogue with the
English-speaking community.

Cette réalité est aussi le fait de la présence sur le territoire du Québec de
onze nations autochtones que notre Assemblée n’a pas hésité à reconnaître comme
telles en 1985 et 1989, et avec lesquelles des négociations, basées sur les
Orientations gouvernementales adoptées en 1998, ont déjà permis d’établir des
relations harmonieuses, solides, respectueuses et durables. Le gouvernement
entend rappeler qu’en cette année de commémoration du tricentenaire de la Grande
paix de Montréal de 1701, il est disposé à poursuivre un dialogue constructif
avec les nations autochtones du Québec et rechercher, par la négociation, des
solutions mutuellement acceptables relativement à l’exercice d’une plus grande
autonomie gouvernementale, et financière, par ces nations.

L’option de la souveraineté

Tout en assumant l’entièreté de ses responsabilités, le gouvernement n’entend
pas occulter la question nationale.

Il n’hésitera pas à situer la question nationale dans le contexte plus large de
l’avenir politique du Québec. Et il le fera parce que l’avenir d’un peuple n’est
pas une question partisane. Le gouvernement doit assumer la responsabilité
d’éclairer le plus possible les diverses voies de l’avenir.

De nombreuses raisons militent en faveur de la poursuite d’une réflexion par la
société civile, les partis politiques et le gouvernement lui-même sur l’avenir
politique du Québec. Il faut donc que tous ces acteurs continuent de se demander
quel est le statut qui assurera mieux le respect des intérêts nationaux du
Québec. S’interroger sur le statut politique qui permettra au Québec d’exercer
les compétences qui lui sont nécessaires pour assurer librement son
développement économique, social et culturel est un devoir de tous les partis
présents dans cette Chambre, et qui le font d’ailleurs, chacun à leur manière.
Les nations se gouvernent elles-mêmes ou aspirent à le faire. L’histoire a
entrelacé les destins du Québec et du Canada. Niant l’esprit historique de ces
liens, le gouvernement fédéral a voulu, par sa Loi sur la clarté, priver le
Québec de la possibilité d’envisager un rapport avec le Canada qui soit fondé
sur un autre type d’association que celui qui prévaut actuellement. Tout cela se
situe d’ailleurs dans la logique du changement unilatéral de 1982 et de la
Constitution que nous n’avons jamais signée. Le gouvernement, avec l’appui
d’ailleurs des autres partis en cette Chambre, a rappelé, et continuera de
rappeler, que cette loi de la clarté est illégitime et qu’elle ne saurait «
réduire les pouvoirs, l’autorité, la souveraineté et la légitimité de
l’Assemblée nationale ni contraindre la volonté démocratique du peuple québécois
à disposer lui-même de son avenir ».

Le gouvernement continuera d’explorer la voie d’un nouveau partenariat avec le
Canada, et notamment l’idée d’une nouvelle union de type confédéral entre États
souverains. Cela s’inspire de l’expérience européenne qui a suscité un grand
intérêt chez plusieurs de mes prédécesseurs, dont Robert Bourassa qui l’avait
évoquée dans la célèbre question de Bruxelles.

Pour alimenter la réflexion sur les diverses dimensions des options qui
s’offrent au Québec, le gouvernement procédera au cours des prochains mois à la
mise à jour, quelque dix ans après leur publication, des études réalisées dans
le cadre des travaux de la commission Bélanger-Campeau sur l’avenir politique et
constitutionnel du Québec et de la Commission d’étude des questions afférentes à
l’accession du Québec à la souveraineté, deux initiatives du dernier
gouvernement de Robert Bourassa. Le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes assumera la coordination de cet effort de mise
à jour des études. Il le fera en toute transparence et en rendra les résultats
publics, comme ce fut le cas en 1991 et en 1992.

L’étranglement fiscal

Le Québec fait face à un défi majeur de gouvernance: les besoins en santé, en
éducation et en services sociaux croissent à un rythme qui va en s’accélérant.
Devant ces besoins croissants, le Québec dispose de moyens limités. Pourtant,
les Québécoises et les Québécois paient déjà suffisamment d’impôts et de taxes.
Le drame, c’est que la moitié de ceux-ci prennent le chemin d’Ottawa, sans
aucune garantie qu’ils serviront à financer les priorités du Québec. En fait,
l’expérience récente démontre clairement qu’Ottawa est davantage préoccupé
d’accroître sa visibilité que de répondre aux priorités de nos concitoyens. Le
gouvernement fédéral multiplie les intrusions dans les champs de compétence du
Québec. Pendant ce temps, il se refuse à utiliser ses énormes surplus afin de
corriger l’impact des nombreuses coupures qu’il a effectuées dans ses paiements
de transfert. En bref, notre argent est à Ottawa alors que les besoins sont au
Québec.

Nous connaissons la véritable solution au problème: comme le disait Daniel
Johnson, le père, il faudrait contrôler 100 % de nos impôts et de nos taxes et
décider pleinement de leur meilleure utilisation, ce que permettrait la
souveraineté.

En attendant, notre gouvernement entend prendre les moyens pour favoriser une
solution à court terme. Une première étape sera la mise sur pied d’une
commission, composée d’experts et de représentants du milieu, qui sera chargée
de faire rapport sur le déséquilibre fiscal qui prévaut entre le gouvernement
fédéral et le Québec, et les façons de le corriger. L’ancien ministre du Revenu
dans le gouvernement Bourassa, M. Yves Séguin, a accepté de présider cette
commission, dont la composition sera annoncée sous peu.

Le gouvernement du Québec ne doit pas se dérober devant les responsabilités
nationales qui lui incombent. Il doit gouverner pour le bien public et, tirant
sa légitimité de l’Assemblée nationale et de la confiance dont celle-ci
l’investit, il doit associer les députés qui en font partie à l’élaboration des
mesures du programme gouvernemental. Le gouvernement, par sa ministre d’État à
l’Économie et aux Finances et par son président du Conseil du trésor, soumettra
très bientôt à votre attention ses propositions de budget et de répartition des
crédits.

À cet égard, le gouvernement cherchera les moyens de rendre le processus
budgétaire plus ouvert et plus participatif dans l’avenir.

En ces années de réflexion identitaire et linguistique, je souhaite en terminant
que nous entendions ensemble le cri du cœur d’un grand poète québécois, Marco
Micone, qui dans son Speak what a écrit:

nous sommes cent peuples venus de loin
partager vos rêves et vos hivers
nous sommes cent peuples venus de loin
pour vous dire que vous n’êtes pas seuls.

C’est dans cet esprit d’ouverture que le gouvernement du Québec veut poursuivre le débat sur notre avenir politique et, en même temps, gouverner de façon efficace dans la solidarité, l’équité, et avec le plus haut sens de ses multiples responsabilités.

Je souhaite à notre Assemblée une excellente session consacrée au progrès de notre nation.

Merci!

[Texte électronique établi par Denis Monière (Université de Montréal) 1999]

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