Discours prononcé par Monsieur René Lévesque, premier ministre du Québec, au quarantième anniversaire de l’Association forestière du Québec, le mercredi 30 mai 1979, au Château Frontenac

Monsieur le Président, chers collègues lointains et permanents de l’administration publique, mesdames, messieurs, je cherchais à compter de ma lointaine enfance à Newcastle, la ville du charbon, quelles pouvaient être les raisons pour lesquelles vous m’aviez invité à venir vous rencontrer ce soir, j’en ai trouvé trois possibles.

Une possible théoriquement mais vous ne pouviez pas le savoir, c’est quand j’étais petit gars à Newcastle en Gaspésie, j’étais un coureur des bois, après tout cela fait partie de notre tradition, on tendait nos collets puis on avait d’un côté la mer, de l’autre côté la forêt. Cela marque pour la vie et aujourd’hui, souvent lorsque je voyais grandir mes enfants, c’était la même chose d’ailleurs parce que c’était en ville, je me dis que c’est extraordinaire, effrayant même des choses comme ça, à quel point on les a perdues.

Mais cela vous ne pouviez pas le savoir, alors ce n’est pas pour ça que vous m’avez invité. Je me suis dit que c’était peut-être parce que j’ai déjà été ministre des Richesses naturelles, seulement vu que votre préoccupation principale est la forêt, cela ne peut pas s’appliquer parce que le ministre des Richesses naturelles comprenait à ce moment-là les mines et les eaux et il y avait un énorme lobby, je passais pour radical à ce moment-là, vous voyez comme on peut calomnier les gens, leur faire des mauvaises réputations…. Et puis Monsieur Lesage résistait férocement à toute idée de confier la forêt aux richesses naturelles, on n’a jamais pu mettre la main dessus…

Donc la troisième raison doit être la bonne et cela m’a à la fois inquiété et amusé, quand on m’a rappelé que je succédais à cette tribune, dans cet hôtel même, au seul autre premier ministre qui a été votre conférencier invité, Monsieur Maurice Duplessis. Ici même au Château Frontenac, en 1944 au moment du premier congrès, c’est le quarantième anniversaire et avant de l’oublier, je voudrais féliciter l’Association d’avoir tenu le coup comme ça parce que c’est vraiment une preuve de ténacité, un anniversaire comme celui-là, je voudrais en même temps en profiter pour saluer aussi quelques-uns des amis, il y a eu le congrès de Foresterie Internationale d’Europe, du Canada anglais, de divers autres pays sont venus participer aux travaux ces derniers temps, certains d’entre eux sont encore avec nous ce soir.

Mais tout ça pour revenir à Monsieur Duplessis et au premier congrès, je me suis dis que cela doit être pour ça, j’enchaîne sur Duplessis. J’ai vu dans les notes qu’on m’a fournies comme renseignement que Monsieur Duplessis qui en 1944, était à peine revenu au pouvoir après un passage dans le désert, était au congrès accompagné de huit de ses ministres. Après trente-cinq ans si vous comptez mes collègues dans la salle ce soir, il y a au moins une chose qui a progressé c’est l’économie d’énergie, je pense que je suis venu tout seul…

C’est peut être utile de rappeler un petit peu 1944, de la façon suivante, on attendait la fin de la guerre à ce moment-là, on attendait les militaires, les gars en uniforme qui reviendraient et on cherchait des idées évidemment pour employer ces démobilisés prochains qui reviendraient et à votre premier congrès on en avait trouvé afin de leur inventer des emplois. On avait trouvé des idées qui rejoignaient à ce moment-là ces deux impératifs qui n’ont pas cessé, je pense de préoccuper votre association et il y avait des résolutions qui essayaient de marier ces deux impératifs en 1944, en pensant aux démobilisés et à leur trouver des emplois. C’était des résolutions qui, hélas, n’ont pas tellement été pratiquées mais qui quand même étaient déjà à la page, elles sont encore à la page aujourd’hui à certains points de vue. Par exemple, il y en avait une de ces résolutions de 1944 où on proposait d’employer les démobilisés qui reviendraient bientôt pour le rendement économique immédiat à la coupe des arbres autour des villes pendant la belle saison pour la construction et puis le reste de l’année pour la conservation de la ressource et le rendement à long terme de les employer à faire du reboisement pendant le reste de l’année, vous savez cela rejoint pas mal les préoccupations concrètes que l’on peut avoir aujourd’hui et peut être bien que, si c’était adapté aux conditions courantes, cela pourrait rejoindre aussi une préoccupation qui est aujourd’hui non pas celle des démobilisés, sauf que parfois ils le sont si on ne fait pas attention, les préoccupations d’une partie de cette jeunesse qui pendant quelques années encore, nous donne le taux le plus élevé en Amérique du nord de nouveaux citoyens actifs ou potentiellement actifs. Le recrutement si vous voulez de nouveaux citoyens adultes est le plus élevé encore pendant quelques années au Québec de toute l’Amérique du nord.

Et si vous me le permettez, parce qu’on ne peut pas ignorer tout ce qui se passe après tout vous avez un congrès et des activités, il y a des accidents de parcours et il y en aura toujours, en parlant de jeunesse, je voudrais souligner l’importance permanente puis vous savez à quel point c’est vrai pour n’importe quel mouvement l’importance de ne pas se couper des jeunes ce qui exige en partie beaucoup d’assiduité de disponibilité et pour employer une expression qu’on emploie d’une autre façon ces temps-ci de les traiter « d’égal à égal » aussi et peut être qu’il y aura quelque chose mais nous sommes tous portés parfois à oublier et cela peut être tragique si on l’oublie trop longtemps. En tout cas dès le début, dès ce premier congrès et dès la fondation de votre mouvement d’une quarantaine d’années, vous avez tâché de pratiquer tout le long du chemin ce sujet que vous m’avez proposé de vous traiter en quelques minutes, et ce sujet est d’essayer de réconcilier ces trois termes qui ne devraient jamais être vu comme des contradictions mais plutôt comme des compléments d’une société équilibrée: conservation, économie et qualité de la vie.

Vos fondateurs, je ne répéterais pas ce que notre ami Alfred Rouleau disait il y a un instant à propos de Monsieur Lucier je l’ai connu de loin, puis j’ai été un de ses disciples, pour tout le monde et sinon plus pour les gouvernements que même si très souvent on les voit comme contradictoires mais parce que je n’étais pas dans sa discipline, mais je sens à quel point cet homme-là a eu ce qu’il fallait de ténacité pour être un pionnier autour de lui il y avait des pionniers avec tout ce que cela implique d’effort pour briser le mur de l’indifférence générale et la lenteur qui est toujours désespérante du véritable progrès, des pseudo-progrès cela va vite, mais du vrai progrès cela prend du temps. Ils ont été les premiers à parler de l’environnement. Aujourd’hui tout le monde en parle, ce qui ne veut pas dire qu’on s’en occupe mieux qu’autrefois, pas toujours en tout cas, mais une chose certaine c’est qu’ils ont été les premiers à parler de cet équilibre de la nature qui est nécessaire de conserver. Ils ont été aussi les premiers à se rendre compte que dans la recherche souvent trop aveugle de la croissance, de la croissance à tout prix, la croissance cela presse, qu’on peut gaspiller des richesses.

On aurait jamais pensé avant qu’il y avait des limites aux ressources, mais il y en a et on le sait de plus en plus qu’on peut gaspiller des richesses au point de ne pas pouvoir les renouveler si on ne fait pas attention et alors on s’aperçoit vite qu’on s’appauvrit sur tous les plans, qu’on peut s’appauvrir économiquement aussi bien que dans ce qu’on appelle un autre terme à la mode maintenant, la qualité de la vie. Alors je le répète, vous êtes les héritiers, vous avez besoin de ménager, préparer votre relève aussi si vous voulez que ça dure et que ça se développe, vous êtes les héritiers, les pionniers, mais pendant quelques temps encore, vous avez besoin d’être des pionniers. Vous savez et là je veux élargir en sortant de la forêt, cela ne veut pas dire qu’on s’en éloigne parce que finalement on parle de l’équilibre naturel, en dépit des avertissements solennels qui des fois font un peu trop veiller les gens comme le club de Rome, en dépit des alertes toutes récentes et il va y en avoir d’autres, comme celle de Three Miles Islands par exemple qui est arrivée récemment dans le nucléaire, en dépit de ce que l’on voit aujourd’hui dans les journaux si vous avez vu ça, ce qu’on est obligé de noter aujourd’hui, pas pour un appareil, mais pour toutes flottes des transporteurs aériens, DC-10, il y en a un vous savez ce qui lui est arrivé il y a quelques jours, vous avez vu peut-être qu’ils sont tous semble-t-il un peu des résultats de cette espèce de folie de la croissance qui ne fait pas attention et qui fait de l’à peu près, le gaspillage infernal, une espèce de courte vue de gens qui se disent:  » après moi le déluge, je peux faire n’importe quoi, pourvu que cela grossisse vite « . Cela ce sont des choses auxquelles toutes les sociétés et surtout celles que l’on dit avancées, justement on se demande si des fois on n’avance pas par en arrière, comme on disait dans les anciens tramways, toutes les sociétés cèdent avec beaucoup de facilité, avec une sorte de routine incrustée et qui est dure à corriger et quand on voit comme le DC-10, Three Miles Islands, cela fait peur souvent.

Évidemment cela ne veut pas dire que l’on doit filer à l’autre extrême avec ceux qui sont toujours dans le genre absolu ou bien ci ou bien ça puis il n’y a rien entre les deux par exemple cet absolu qui disait qu’il fallait s’en aller à la croissance zéro, cela a été une expression à la mode dans certains milieux pendant un certain temps.

Nous sommes dans un monde où il y a des millions, des centaines de millions de gens qui n’ont jamais connu ce qu’était la croissance, même la plus modeste, qui crèvent de faim littéralement. Pour eux parler de croissance zéro c’est une perspective qui a quelque chose d’inhumain, cela n’a pas de sens et même chez nous, tant qu’on a ces nouvelles générations qui ont besoin de carrière et qu’on a cet écart qui est encore terriblement cruel entre l’offre et la demande dans le domaine de l’emploi, l’idée de bloquer la croissance est une utopie complète. C’est farfelu et cela aussi ce ne serait pas civilisé quand on regarde les besoins. On l’a dit récemment, d’ici dix ans on aura besoin de sept-cent mille emplois nouveaux, sans compter les chômeurs d’aujourd’hui qu’il faut quand même continuer à s’occuper pour essayer de leur trouver une activité rentable, utile dans la vie eux autres, ils sont là et en plus il va falloir au moins sept-cent mille emplois d’ici une dizaine d’années si on veut répondre à cette demande.

Vous savez une chose, sur une période de quinze ans et cela vient de ce qu’on appelle l’OCDE, l’Organisation de coopération économique des pays occidentaux, je crois que ça comprend le Japon aussi, les pays développés comme on dit dans l’OCDE, on a fait les chiffres de quinze ans, de 1963 à 1978 inclusivement. On parle souvent du miracle allemand, savez-vous que les pays d’Allemagne y compris les pays d’Europe, n’ont pas créé en moyenne sur quinze ans chaque année, le nombre d’emplois que l’on a créé. L’Allemagne qui a une dénatalité qui vient de très loin a moins besoin d’emplois, ce qui fait qu’ils ont créé peut être le meilleur record, c’est l’Allemagne c’est à peu près 1.8 à 2% d’augmentation d’emplois par année sur quinze ans.

Aux États-Unis ils atteignent à peine 2%, cela suffit ou à peu près, enfin mieux que nous autres. Au Canada et au Québec c’est quelque part entre 2 et 3% sur quinze ans de création d’emplois nouveaux, la moyenne autrement dit la plus haute du monde, évidemment notre problème c’est que nous avons une augmentation annuelle pendant encore plusieurs années de 3.9% c’est-à-dire presque 4% d’arrivée de nouveaux citoyens sur le marché du travail. C’est-à-dire de demandes d’emploi parce que c’est fait de deux choses, c’est fait de cette espèce de richesse qui peut devenir terriblement impatiente si elle n’a pas d’horizon qui est la jeunesse, pendant encore quelques années, on a encore plus de jeunes qui arrivent à 18 ans et plus, puis aussi, l’augmentation constante chaque année de l’arrivée des femmes sur le marché du travail, parce qu’il y a beaucoup de pays qui sont en avant de nous à ce point de vue là et un jour ou l’autre nous aurons équilibré ça. Mais si vous prenez les deux facteurs, les jeunes encore très nombreux pendant quelques années parce qu’après ça la dénatalité va nous rattraper, les écoles primaires se vident, les écoles secondaires diminuent, avant longtemps les Cegep vont être pognés et nous aurons beaucoup moins de jeunes qui vont se chercher du travail, nous allons en manquer. Mais pendant plusieurs années, sur les dix ans qui viennent, le nombre de jeunes et l’augmentation constante et normale par rapport à d’autres pays de la main-d’oeuvre féminine qui arrive sur le marché du travail font qu’on aurait besoin de 4% de croissance de l’emploi chaque année malgré que là c’est le Canada aussi bien que le Québec, qui sont en avant sur tous les autres, cela n’a pas suffi et en particulier dans le Québec cela nous crée ce problème que vous connaissez d’à peu près 10% de chômage officiel.

Cette année par exemple, c’est-à-dire 1978, il y a eu cinquante-deux mille nouveaux emplois, c’est la meilleure année depuis quatre ans au Québec mais il y aurait fallu soixante-quinze mille emplois juste pour répondre à la demande des nouveaux. Cela qu’on le veuille ou non c’est un problème qui implique on ne peut pas commencer à parler dans les nuages de croissance zéro, d’autant plus qu’il faut ajouter une autre chose c’est que nous avons encore une terrible inégalité des revenus, autrement dit nous avons besoin de grossir notre gâteau pour avoir besoin de trouver des moyens, pour cela il faut qu’il grossisse, de le répartir d’une façon un peu plus juste. Cela est assez facile de se taper la bedaine ici au Québec ou au Canada, avec beaucoup de satisfaction et puis dire « en tout cas ici on ne crève pas de faim parce qu’il y a bien des coins du monde où le monde crève de faim ». C’est vrai que c’est assez exceptionnel et c’est plus qu’exceptionnel que quelqu’un crève vraiment de faim, dans un contexte comme le nôtre, mais vous savez la misère c’est relatif, dans une société riche, une société comme la nôtre qui gaspille tous les jours qui est gâtée par rapport à ce qu’on appelle le tiers-monde par exemple. Le sentiment de la misère, c’est ça qui fait la misère, c’est-à-dire que c’est la réalité de la perception en fonction de la situation collective. Autrement dit comment on se situe par rapport aux autres dans une société qui est une société d’abondance jusqu’à nouvel ordre.

Alors il y a quelque chose, cela encore c’est tout récent et sur quinze ans qu’on apprenait récemment, cela vient du conseil économique et cela nous dit que depuis quinze ans en suivant des critères qui évoluent évidemment et qui dit voici le seuil de la pauvreté, voici à partir de quel niveau en descendant, à partir de là on est pauvre, officiellement on est des pauvres homologués. Savez-vous qu’en quinze ans la proportion de pauvres homologués est exactement restée ce qu’elle était au début, 20% de la population. Et l’écart n’a pas diminué d’un pouce entre le cinquième, même pas, le 10 ou 15% des super-privilégiés et en bas de l’échelle la pyramide sociale est 20% et cela est restée à 20% de gens qui sont en dessous du niveau de la pauvreté. D’ordinaire, ils ont le téléphone, ils peuvent même avoir même la télévision en couleur, mais cela ne change pas le fait qu’en termes relatifs, malgré les belles luttes verbales, les luttes à la pauvreté, malgré les slogans de la société juste, et puis toutes les politiques sociales, le fossé n’a absolument pas rétréci, il n’a pas rétréci d’un pouce entre le sommet et la base de la pyramide. Ce qui veut dire qu’au point de vue croissance pour augmenter notre gâteau économique et aussi au point de vue peut-être social, pour améliorer la distribution, ce qui ne veut pas dire qu’il est question de niveler tout ça et de mettre tout le monde au même niveau, mais il ne faut tout de même pas que les écarts soient trop graves, parce que c’est un poison social, on a encore pas mal de planche et là-dessus je pense à nos amis des compagnies et des cadres supérieurs etc… On a beau comprendre ces pressions qui nous arrivent sans arrêt depuis plusieurs mois de la part des gens qui touchent des revenus supérieurs, parce qu’on a monté leurs impôts l’année passée, alors qu’en même temps que nous faisions un effort sans précédent pour diminuer le fardeau des gagne-petits ou de ceux qu’on peut appeler les gagne-petits moyens, il fallait bien essayer d’équilibrer cela mais nous avons augmenté les impôts, et ça hurle. Mais quand on regarde à quel point l’écart n’a pas changé depuis quinze ans, je ne peux pas m’empêcher de penser que nous sommes encore assez loin d’un minimum civilisé de solidarité sociale. Cela reste dangereusement la tentation qui est toujours là, « au plus fort la poche ». Si j’ai les moyens de pression qu’il faut, je peux parler vertueusement de politique sociale, de société juste à une condition c’est que ça ne me dérange d’aucune façon.

Alors dans un contexte comme celui-là c’est évident que de parler de croissance zéro, ça ne tient pas debout. Il y une autre formule que ça qui doit nous servir de devise on me l’a suggéré parce que vous vous en servez, une formule qui est plus raffinée que ça et reflète mieux la réalité parce qu’elle essaie de réconcilier, d’harmoniser deux objectifs qui justement ne doivent pas être contradictoires c’est-à-dire celui de la croissance qui est absolument nécessaire, la croissance économique, industrielle, enfin dans tous les secteurs de réconcilier ça avec l’objectif d’utilisation qui serait quand même plus rationnelle et surtout plus prévoyante des ressources qui ne sont pas illimitées contrairement à ce que l’on croyait encore il n’y a pas si longtemps et la formule que l’on m’a suggérée et que je trouve très bonne, c’est au lieu de parler de croissance zéro, si on pouvait finir par arriver à parler de gaspillage zéro et vous savez, je n’ai pas besoin de vous rappeler le vieux cliché, celui qui dit que gouverner c’est de prévoir, mais cette idée de gaspillage zéro comme un idéal, comme un objectif à atteindre, je pense que c’est un souci que l’on peut partager automatiquement parce qu’à notre époque en particulier, c’est un souci qui doit être au cœur de l’action des gouvernements.

Vous savez, on a dans le présent une obligation d’avoir des projets de développements, l’urgence de faire ou de stimuler des investissements pour grossir le gâteau collectif, puis on a en même temps c’est évident un patrimoine à léguer à ceux qui vont nous suivre et puis essayer de s’assurer que quand ils arriveront, l’assiette ne sera pas vide, qu’on va laisser quelque chose de riche et de productif qui va pouvoir enchaîner sur les générations qui viennent. Ce n’est pas facile parce qu’il y a une sorte d’équilibre délicat puis on le sent tout le temps nous dans notre travail c’est sans arrêt que la pression vient d’abord d’un vieil extrême que tout le monde connaît, c’est celui de la croissance galopante, le gars qui dit: « le plus de profit, le plus vite possible, tant pis pour les dégâts, le plus gros trou qu’on peut creuser le plus vite possible tant pis pour les dégâts, après moi le déluge ».

Evidemment, c’est le genre de gars, et c’est l’industrie trop classique, c’est la promotion, c’est ce qu’on appelle justement la croissance sauvage, c’est évidemment le genre de gars qui n’ira jamais installer sa maison à côté des dégâts, ils les infligent aux autres. Mais ça, c’est l’un des extrêmes et c’est celui-là qui est le plus connu, c’est celui-là qui a fait le plus de ravages.
Mais il y a un autre extrême qui s’est développé, il est moins important, mais il est de plus en plus insistant, ça se comprend parce que c’est comme le pendule, ce sont les deux extrêmes. C’est-à-dire qui se développe de plus en plus des extrémistes du paradis terrestre , qui voudraient quasiment que la nature redevienne vierge un peu partout. Par exemple, il y a des cas où ils sont tellement intenses dans la protection de la nature, que si on les écoutait il n’y aurait plus de place, parce qu’il y aurait tellement d’espace vierge autour de chacun des lacs au Québec, qu’il n’y aurait plus de place pour une scierie ou une usine de pâte et papier, parce que là c’est seulement la nature. Cela ne les empêcherait pas évidemment, comme tout le monde, de refuser en même temps de condamner le papier qui entre dans leurs journaux et dans leurs livres parce qu’il y a toujours une sorte d’illogisme dans les extrêmes, ils ne refuseraient pas le cuivre ou l’acier qui fait leur batterie de cuisine puis ils ne refuseraient pas les fils électriques qui leur apportent du courant, même si ça vient des méchants barrages qui dérangent un peu la nature par-ci, par-là.

Alors on a ces deux extrêmes et entre ces deux extrêmes, bien il faut trouver assez de citoyens réfléchis et équilibrés pour qu’on puisse se concerter pour assurer ces deux damnés objectifs qui sont durs à réconcilier mais qu’il faut vitalement réconcilier, le premier qui est d’assurer à tout le monde au moins un minimum vital décent ce qui exige avec l’augmentation même si elle est lente, de la population, des nouveaux ménages, etc … L’augmentation des besoins qui ont traduit si souvent les appétits en besoin que difficiles. Mais cela exige une croissance économique continue qu’on ne peut pas arrêter. Et en même temps il faut tâcher d’assurer l’environnement physique naturel, pas seulement respirable mais une environnement de qualité pour protéger ou créer souvent surtout dans les villes qui n’ont pas pensé depuis longtemps des espaces verts. Il faut lutter et c’est une lutte à recommencer tout le temps quasiment comme la liberté, c’est la vigilance perpétuelle à laquelle nous sommes condamnés maintenant, lutter contre les pollutions de tous les genres puis surtout se rentrer dans la tête, ce qui est difficile pour des Québécois, parce que lorsque l’on regarde la carte, ce n’est pas possible comme c’est grand mais savez-vous une chose, moi j’ai découvert ça, il n’y a pas ces préoccupations-là et qui disaient et nous l’a prouvé mille carré par mille carré, le Québec est immense et nous sommes toujours portés à dire trois fois et demi la France, on pourrait rentrer cinq, six pays européens et il resterait de la place, mais autour de la vieille vallée du St-Laurent où on vit, à partir de Hull jusqu’à Rimouski ou si vous voulez vous pouvez descendre jusqu’à Gaspé, mais c’est surtout jusqu’à Rimouski, savez-vous que le Québec habité, à part quelques marges où il n’y a pas grand monde, le Québec habité n’est pas plus grand que la Belgique, vous examinerez ça sur la carte et puis vous allez voir. Tout de suite cela dramatise le fait qu’il ne faut pas se conter d’histoires, nous sommes dans le même monde que les autres et nos ressources ne sont pas illimitées, loin de là. Vous savez la rivière la Grande n’est pas contaminée même si le barrage l’a chambardé un peu, et la Caniapiscu et enfin toute une série de grands cours d’eau qui nous mène jusqu’à l’extrême nord, je ne connais pas beaucoup de gars qui s’en iraient là-bas pour vivre une vie moins empoisonnée, il faut quand même qu’on continue à vivre dans notre vieil habitat de la Vallée du St-Laurent. Alors la Vallée du St-Laurent, notre vieil habitat, est à peu près de la même grandeur que la toute petite Belgique, ce n’est pas plus que ça. Et on se rend compte maintenant que dans l’eau si longtemps, c’est un de mes collègues qui parlait de ça, qui puis dans la forêt, dans l’air que l’on respire à quel point si on se laisse aller puis on s’est laissé aller autant que les autres, tout à coup nous avons atteint très vite les limites, les ressources même les ressources qui devaient être éternellement ou enfin perpétuellement renouvelables.

Donc il va falloir en faire un emploi, ce n’est pas demain, ni en l’an deux mille, c’est déjà là, un emploi qui soit plus intensif pour la croissance mais en même temps plus soigneux que jamais auparavant, de toutes ces ressources que nous avons, évidemment, à commencer par nos ressources humaines. Là-dessus c’est important parce que nous n’avons pas besoin d’avoir de complexes puis c’est finalement une société évoluée qui a des chances de se civiliser mieux, c’est-à-dire de mieux retrouver l’harmonie avec son entourage. Or à ce point de vue là, il y a quand même une bonification et c’est drôle qu’il y a encore beaucoup de gens qui l’ignorent et qui ont encore des complexes d’infériorité parce que nous sommes partis de loin il y a une vingtaine d’années.

Il y a une vingtaine d’années quand le rapport Parent, même pas une vingtaine d’années mais pas loin, sur l’éducation au Québec nous avait donné un choc parce qu’il nous disait qu’à ce moment-là les deux tiers, 66%, en 1963-64, les deux tiers des adultes au Québec, c’est-à-dire, deux sur trois des gens de dix-huit ans et plus n’avaient pas une cinquième année primaire. On avait un sacré bout de chemin à rattraper dans le monde contemporain. Savez-vous qu’aujourd’hui on manque encore au sommet du nombre qu’on pourrait appeler avancé de diplômés supérieurs, de deuxième et de troisième cycle, de maîtrise et de doctorat etc. et nous avons encore du chemin à faire et savez-vous qu’aujourd’hui avec 57% maintenant de la population qui a une scolarité de sept ans et plus, croyez-le ou non, pour la scolarisation d’ensemble, le Québec est à la première place en Amérique du Nord. Donc, on a plus à avoir ce vieux complexe d’infériorité qui est maintenant dépassé en ce qui concerne la capacité de faire face à nos problèmes. L’effort surhumain qui a été consenti par les citoyens du Québec pour rattraper nos retards qui étaient devenus criminels fait qu’aujourd’hui c’est ça. On a un paquet de compléments à faire, on a besoin de faire encore beaucoup de chemin mais c’est une constatation récente et des chiffres officiels, la scolarité d’ensemble est maintenant la plus élevée en Amérique du Nord. C’est avec cet instrument-là que le Québec peut travailler pour l’avenir parce que maintenant, il n’y a pas de raisons qu’on se refuse des responsabilités, qu’on se refuse des possibilités de progrès à cause de cet espèce de vieux complexe d’impuissance que nos négligences nous avaient rentré dans le corps et c’est difficile à corriger.

La première des ressources qu’il va falloir employer et sur laquelle il faut mettre un accent à plus finir, il ne faut pas oublier qu’en Europe ils n’ont pas beaucoup de ressources physiques, enfin ils en ont très peu pour les deux, trois cent millions de gens qu’ils sont. Ils ont simplement cette ressource humaine et pourtant ils s’en tirent, puis des gens comme l’Allemagne, Danemark, la Hollande, la France s’en tirent remarquablement bien mais avec une base de ressource qui n’est pas comparable à la nôtre. Donc la première richesse, on l’a bonifiée quand même et on l’a valorisée elle aussi est renouvelable, c’est la ressource humaine. Il ne faut pas dire qu’il ne faudra pas mettre un accent comme jamais auparavant sur le patrimoine physique et d’abord et avant tout sur ses ressources renouvelables, l’eau, la forêt, la terre, en particulier la terre agricole. Vous savez que nous étions dans un triste état, il y a des années que l’on parlait de zonage agricole, on en parlait, je crois que c’est comme beaucoup de choses, quand c’est l’on s’en occupe parce qu’on en a parlé. On aime mieux parler de protection du territoire agricole, on a commencé il y a quelques mois, des années et des années en retard.

Vous savez, nous étions ce drôle de cas d’une société équipée, développée dont l’autosuffisance alimentaire au lieu d’augmenter, diminuait d’année en année. Autrement dit, on se suffisait de moins en moins, ce qui est à la fois scandaleux dans un monde famélique, où il y a encore plus de la moitié de l’humanité qui crève de faim, on ne faisait même plus notre effort minimum. Littéralement on s’effondrait au point de vue production alimentaire et ce qui est en même temps d’une stupidité absolument incommensurable parce que chaque fois, au lieu de produire ce qu’on pourrait produire sans même se faire mourir, on importe la nourriture, on exporte de l’emploi et puis on se met dans le trou, Alors maintenant, cela permet de penser que comme toutes les choses qui commencent, il y a des années en retard au moins et cela est un des éléments essentiels de ce que l’on peut appeler la conservation du patrimoine au moins maintenant, on va apprendre entre nous avec des accidents de parcours, avec du chiquage de guenilles à l’occasion, il en faut, avec des ajustements parce que cela fait seulement quelques… soit un rythme de croisière. Au moins nous aurons cette respectabilité minimum d’une société qui ne gaspille pas exprès dans la spéculation, dans des développements sauvages n’importe où, n’importe comment ce qu’on a de sol valable au point de vue agricole. Ce qui implique aussi que les producteurs agricoles vont devoir eux aussi, immédiatement et dans l’avenir, avoir des préoccupations qu’ils n’ont jamais eu, avoir des prévenances qui n’ont jamais été nécessaires pour disposer des déchets, quand ils répandent des pesticides, quand on fait du drainage puis qu’on ne passe pas à celui qui est en aval, c’est comme le loup et l’agneau de Lafontaine, il y a toujours un autre qui est en bas, lui aussi a le droit d’avoir de l’eau. Mais tout ça fait partie de ce patrimoine qu’on apprend, mieux vaut tard que jamais, dont on apprend à quel point il est limité, il est précieux et serait irremplaçable si on avait continué à le gaspiller.

Et c’est comme ça, peu à peu en s’habituant tranquillement, difficilement aussi que par exemple on se préoccupe maintenant de la Ouananiche dans le bout de St-Félicien et cela a été difficile de réconcilier une industrie de pâte et papier avec la protection de la Ouananiche. C’est comme ça que peut-être bien un jour les deux millions et demi de Montréalais ne seront plus obligés de s’en aller comme je le fais dans le Maine ou ailleurs en Gaspésie pour se trouver une plage. Ils sont entourés d’eau et il n’y a plus de plage depuis toujours. Nous ne sommes même pas capables de voir le fleuve, excepté si on monte sur la montagne puis là on l’aperçoit l’autre bord des élévateurs à grains. Peut-être qu’un de ces jours on va finir par retrouver le fleuve. Peut-être qu’on va même retrouver sur nos tables des palourdes, des clams comme on dit, parce que moi quand je vais, aux États-Unis sur la côte de l’Atlantique, ils sont deux-cent vingt-cinq millions d’Américains et on peut manger des clams tout l’été, il n’y a personne dont j’ai entendu dire que c’était empoisonné. Donc, on va réapprendre.

Peut-être même qu’un de ces jours, il paraît qu’en Finlande ils font ça depuis longtemps, il y a d’autres pays européens probablement, on admettra qu’en ville il faut une permission officielle pour couper, pas un bosquet.

Au fond, cela rejoint d’une autre façon ce que disait Monsieur Duplessis, à votre premier congrès. Vous savez il y a quand même des choses qu’il disait à l’occasion qui sonnent pas si mal, même aujourd’hui. Ce n’est pas complètement pour rien qu’on a finit par sortir la statue. Je suis une sorte d’historien amateur en ce moment, il faut rappeler des choses comme ça. Le premier congrès en 1944 disait et je cite: « Les ressources naturelles sont nécessaires à la survivance d’un peuple ou d’un pays comme le bien familial est indispensable à la survivance d’une famille ». On reconnaît le style de l’époque, la pensée est encore bonne.

Monsieur Duplessis à ce premier congrès : « de la conservation et de l’épanouissement de nos forêts dépend la voie du progrès » et un peu plus loin dans son discours du premier congrès en 1944, il a ajouté encore quelque chose qui hélas restait beau en principe pendant longtemps mais qui n’a pas « diable » été pratiquée, il disait ceci: « le problème forestier est très aigu et nos forêts les plus riches sont devenues considérablement appauvries et laissent entrevoir des ruines à moins que l’on intervienne tout de suite par une politique rigoureuse ». Tout de suite a été longtemps à venir un peu, ce qui fait que maintenant justement on est obligé de mettre les bouchées doubles et puis littéralement les bouchées doubles et nous sommes loin d’avoir atteint ce qu’il va falloir atteindre comme objectif avant longtemps. Tout ce qui touche les travaux sylvicoles et au reboisement, parce que nous avons coupé à blanc, je le dis sans amertume à nos amis des compagnies, on ne s’est pas foulé pour penser à l’avenir trop souvent. Aujourd’hui, on y pense plus puis il y en a qui ont été des pionniers, mais je me demande des fois si certains de nos amis des compagnies quand ils donnaient un coup de main à l’association ce n’était pas un peu pour expier leurs péchés par une petite participation.

Mais du côté des travaux sylvicoles et du reboisement, les trois années de 1974-75-76 et là je ne fais pas exprès pour dire que c’était l’ancien gouvernement, c’est nous autres, c’est simplement la perception semble s’accentuer et c’est normal qu’on soit obligé de la refléter mais ces trois années le budget de sylviculture, de reboisement en moyenne c’est à peu près quatre millions et demi. Les trois années de 1977-78-79 en moyenne, cela a dépassé neuf millions, mais on ne commence pas à se taper encore une fois sur le ventre en disant c’est bien beau. Actuellement nous avons quarante mille acres, ça permet de traiter annuellement du côté sylvicole et reboisement et là il va y avoir un fonds forestier qui va aider à permanentiser le financement de ces travaux-là, avec comme objectif pour 1984 et il faut qu’on l’atteigne parce que ça c’est vraiment une des garanties de l’avenir, de traiter cent mille acres par années. Là on pourra dire qu’on a à peu près atteint le rythme de croisière qui nous permettrait d’équilibrer à long terme mais c’est le long terme qui compte nos ressources forestières. Ce qui veut dire que cela signifie aussi et cela illustre bien à quel point on a négligé pendant longtemps, même si Monsieur Duplessis disait, et il était sûrement sincère : « il faut une politique vigoureuse tout de suite en 1944. » Il avait raison, et c’est dans cette même perspective d’ensemble, c’est-à-dire le souci du patrimoine en même temps que dans un environnement de qualité, qu’on tâche, tout le monde, on a tous besoin de s’entrer dans la tête la nécessité de remplacer la réparation perpétuelle des pots cassés, ce qui est un peu la tradition de nos sociétés. Remplacer cette damnée tradition du pot cassé qu’on répare sans arrêt, tout simplement par une meilleure prévention autant qu’il est humainement possible par la prévention. Vous savez il y a une notion que moi j’ai toujours trouvée complètement baroque absurde, c’est ce qu’on appelle le PNB le produit national brut, toutes les choses qui se produisent positives et aussi toute l’activité qui est générée par la société. Par exemple les accidents d’automobile font partie du produit national brut parce que ça coûte la réparation donc ça entretient quelque chose, ça tue du monde mais ça entretient quelque chose. La lutte contre la pollution, autrement dit toute la pollution qui est produite, tout ce qu’il faut faire pour réparer les pots cassés après, c’est dans le produit national brut, autrement dit il y a quasiment autant d’anti-produits qu’il y a de produits dans le produit national brut. Cela explique pourquoi les PNB, quand on regarde les pays et on dit qu’ils ont le plus haut PNB et qu’on va voir la qualité de la vie et la réalité de ce que vivent ces gens-là, ce n’est pas la même chose du tout. Le PNB ne reflète pas du tout dans bien des cas ce que peut représenter l’équilibre d’une société.

Par exemple, Monsieur Marquis me disait qu’il est allé en Autriche il n’y a pas longtemps, en Autriche ils sont moins pressés que nous autres, j’ai lu quelque chose sur l’Autriche récemment, j’ai rencontré des Autrichiens, je m’étais documenté un petit peu et Monsieur Marquis en arrive et me disait 1’expérience vécue récemment. Ils ne se feront pas mourir de la même façon, ils n’ont pas les mêmes cadences de productions, ce qui leur permet d’avoir moins de chômage aussi, ils emploient plus de gens et curieusement l’Autriche est un pays à la fois des plus équilibrés et dans l’ensemble, des plus harmonieux et des plus confortables qu’on ait aujourd’hui. Leur PNB est en dessous du nôtre mais peut-être que leur anti-produit est en dessous du nôtre aussi. Ce qui fait qu’ils ont un meilleur équilibre. Alors tout ce qui tourne autour de l’élimination de l’anti-produit, ça fait partie de la santé de la société.

Par exemple la dépollution, moi dans les notes qu’on m’a fournies j’ai appris que c’était rentable, je le savais déjà un peu en théorie mais on me donne des exemples. En France par exemple, où à cause de la densité de la population et des dangers qu’ils ont aperçus plus vite, il y a des obligations disons plus rigides , plus sévères que celles qu’on a introduit ici, Péchiney qui est une grande aluminerie a été obligée de s’acheter et vite à cause des règlements du gouvernement, des équipements anti-pollution qui ont permis de récupérer les poussières les plus polluantes de leur production d’aluminium et ils ont découvert en ne faisant pas beaucoup de recherche que c’était devenu rentable parce qu’ils pouvaient récupérer dans ces poussières assez de matériaux rentables et les recycler pour payer en quelques brèves années, amortir leur équipement anti-pollution et maintenant ils font des profits avec l’antipollution. La même chose s’applique d’ailleurs dans tout le secteur polyvalent qui se développe heureusement de plus en plus qui est celui de la récupération et du recyclage, le métal, le verre, le papier. Je connais une industrie, j’ai visité cela récemment, si vous ne connaissez pas ça, c’est assez fascinant, ça s’appelle les papiers Cascades, ils sont impliqués dans plusieurs choses, à Cabano entre autres. Mais le coeur de leur affaire est une famille dont le père vit encore et il est très actif, Monsieur Lemaire, qui avait obtenu pendant pas mal d’années les contrats de récupération de rebus, de ramassage de vidanges à Drummondville et de là lui sont venues des idées avec la recherche et les applications d’aujourd’hui font que lorsque l’on dit papier Cascades, ce sont les frères Lemaire et le père qui est encore actif, récupèrent du papier entre autre, cela a commencé avec ça. Même je me souviens il disait: « On a trois à quatre édifices fédéraux où on envoie nos camions et où il y a des gars qui ont été entraînés et vous savez ce que ça produit de papier les gouvernements, on meurt littéralement, on est noyé dans le papier, moi je suis surpris quand je n’ai pas au moins sept copies du même mémoire qui de toute façon ne passera pas mais ça ne fait rien on te l’envoie régulièrement, surtout quand ils sont épais, on les reçoit souvent. On n’a rien comme ça, mais j’étais furieux et il paraît qu’on va avoir un ou deux édifices à Québec avant longtemps qui vont permettre aux camions de venir récupérer le papier. Savez-vous ce qu’ils font avec ça, c’est à Richmond, dans le bout de Kinsey Falls, ils sont maintenant un peu plus loin et ils ont deux ou trois clans de production. Si vous allez à l’épicerie mesdames, vous avez une chance sur deux que votre douzaine d’oeufs dans les cartons, drôle de carton très absorbant. Si vous le cassez, il n’y a pas trop de danger, normalement cela va tout rentrer dans le carton. C’est fait avec du papier de rebus baratté avec simplement du colorant, il y a à peu près rien en produits chimiques, baratté, pressé, moulé ensuite et ça devient du papier Cascades rien que pour ces contenants de douzaine, ils sont un des trois producteurs en Amérique du nord qui domine le marché à partir de Kinsey Falls au Québec.

Et les papiers du gouvernement qui si, on s’en sert comme il le faut, cela permet de faire renvoyer le même camion, il ne vient jamais vide, au début il vient chercher du vieux papier, tous les mémoires…. puis toutes les copies, les duplicata. Il vient chercher ça en beaux ballots, mais lorsqu’il revient, c’est toujours avec quelque chose parce que cela peut, entre autre chose, servir avec encore des procédés relativement simples qui ont été mis au point à faire les serviettes qui sont dans les chambres de toilette. Alors ils peuvent revenir avec des rouleaux de serviettes, ils repartent avec du vieux papier, ils reviennent avec des rouleaux de papier de serviette, vous voyez le circuit perpétuel , on ne gaspille plus rien…

Et c’est vers ça que l’on s’en va, qu’on le veuille ou non et en plus pourquoi ne le voudrions-nous pas? C’est rentable et après cela tu passes à certaines formes de plastiques etc. mais tout ça se maintient. Et on vient de découvrir une chose, il y a une usine qui va ouvrir à Thetford Mines cet été, une usine semi-industrielle, c’est dans la politique de l’amiante, mais je ne parlerai pas de l’amiante, c’est une grosse discussion en chambre mais je parle encore de recyclage.

Dans ces rebus, il y a eu de la recherche de faite, à l’Université de Sherbrooke, cela leur a pris deux ans, on, a commandé ça au début de 1977. Il y a une usine qui va ouvrir cet été, procédé prouvé, il a été mis au point par des chercheurs québécois de l’Université de Sherbrooke, et les rebus de Thetford Mines et probablement ceux d’Asbestos aussi sont probablement une des sources la plus riche au monde du magnésium qui est de plus en plus en demande, qu’on va pouvoir chimiquement décomposer ce magnésium et même arriver au métal à un prix qui, d’après toutes les recherches mises au point maintenant, c’est rendu au stade de l’usine, sera à peu près sans rival dans le monde. Et c’est l’une des sources les plus riches qui traînent là depuis cent ans occupé.

Tout ça fait partie de ces choses qui illustrent cette perspective avec laquelle il va tous falloir vivre puis qu’il va falloir se rentrer dans la tête que les limites des ressources impliquent que de plus en plus on se serve de notre jarnigoine et puis qu’on ne gaspille pas et qu’on trouve les circuits qui permettent de démultiplier si vous voulez l’emploi et personne s’en était aperçu qu’on en fait. C’est pour ça que depuis deux ans et demi que l’on met beaucoup d’accent, on n’a pas été les premiers mais il faut insister de plus en plus à mesure que les années pas des excès de zèle parce que l’on vient de loin, et comme les gens qui reviennent de loin veulent aller trop vite, ce qui fait que l’on met de plus en plus d’accent sur tout ce qui concerne la protection de l’environnement. Il y une loi sur la qualité de l’environnement qui est la loi 69 qui a été passée, on vient de créer et on nomme les gars d’audience publique sur l’impact que peut avoir sur l’équilibre naturel et sur l’équilibre général tous nos grands projets de développement de façon qu’on ne fasse pas tous les dégâts puis après ça être obligé de les corriger dix ans après. Il y a un programme d’assainissement des eaux qui vient d’être amorcé et avant la fin de l’année tel que prévu, il va y avoir la création d’un vrai ministère articulé de l’environnement.

Mais en terminant il y a une chose qui est absolument centrale qui je voudrais souligner, c’est que ce souci ne peut surtout pas être celui exclusivement des gouvernements, cela ne peut pas même dans le gouvernement être celui d’un seul ministère parce que vous dites que ce n’est pas facile mais quand il s’agit de ces préoccupations-là il faut absolument faire de l’inter-ministériel et vous savez on parle souvent de souveraineté s’il y a un endroit où la souveraineté est solidement installé c’est dans un ministère. Ils sont tous chacun un état souverain, et ce n’est pas facile de les faire communiquer et pourtant de plus en plus, il va falloir que ce soit comme ça et surtout et bien davantage encore il y a une question de mentalité et de concertation collective. Il va falloir que les citoyens s’impliquent, on espère qu’il va y en avoir beaucoup qui vont s’intéresser à une patente qui s’appelle FAPEL et qui est la Fédération de l’association pour la protection de l’environnement des lacs. A condition que l’on donne une chance de couper le bois à peu près à un demi mille de là parce que sinon il n’y aura plus d’industrie et c’est là l’équilibre.

Mais avant ces choses-là il y a l’école, on s’en préoccupe de plus en plus, mais au fond on ne s’en préoccupera jamais assez parce qu’on le veuille ou non d’ici quelques années et c’est déjà vrai, il va nous falloir de plus en plus de citoyens équilibrés mais environnementalistes équilibrés. Il n’y a pas une société qui va pouvoir vivre autrement. Et pas loin de l’école souvent à côté d’elle, ou autour d’elle, en communication surtout si vous vous entendez bien avec vos 4 H, votre association peut et elle doit être en plein coeur de cet éveil qui s’accentue de plus en plus et qu’il va falloir accentuer davantage à mesure que les années passent, tellement il s’agit de quelque chose de vital. C’est pour ça que c’est un éveil qui se produit, mais c’est vrai aussi, il y a un réveil de ce qu’on appelle le progrès toujours sans trop de nuances, de progrès technique et industriel technologique que connaissent depuis vingt ans, vingt-cinq ans toutes les sociétés contemporaines, c’est un véritable gallon de changements, ça créé des occasions infiniment plus nombreuses et infiniment plus inquiétantes que jamais dans le passé de multiplier des dégâts irréparables. C’est pour ça qu’on est loin d’être sorti du bois, on est dans des sociétés où vivent actuellement, et la plupart sont jeunes, la majorité des scientifiques, c’est-à-dire des changeurs de monde qui développent des choses, des techniques etc. vivent actuellement la large majorité et jeunes pour la plupart de tous les scientifiques qui ont existé depuis que la civilisation a commencé. Ils n’étaient pas nombreux dans le temps des Grecs, ils étaient peut-être un peu plus nombreux dans le temps des Romains, il n’y en avait pas épais au Moyen-Age. Dans le temps de Louis XIV ils n’étaient pas rendus là, il y a eu une explosion, on le sait qui a commencé autour du XIXe siècle, la révolution industrielle et ça n’a pas cessé de s’accélérer, ce qui fait qu’aujourd’hui les changeurs de monde, les fabricants de techniques, les milliers de produits chimiques, qu’on n’a même pas le temps d’évaluer au point de vue de la santé et qui sont déjà rendus sur le marché et parfois aussi et ça risque toujours de se multiplier des accidents de parcours comme celui que l’on a connu avec la thalidomide par exemple, qui n’avait même pas été testée, ce qu’on voit avec le DC-10 qu’on est obligé de bloquer par terre toute la flotte de DC-10 parce que l’on découvre que ce n’était pas un boulon mais peut être tout l’empennage qui avait été fait à la va-vite. Enfin on est obligé de dire cela comme ça en profane, parce que l’on est collé au sol parce qu’on se dit, ils vont peut être avoir tous des problèmes de ce genre-là, de la manière qu’ils ont été mis ensemble. Alors tout ça fait qu’il y a plus de danger, il y a plus de dégâts possibles dans ce genre de monde-là qu’il y en a jamais eu dans le passé.

En 1944 c’était encore un monde bucolique quand Monsieur Duplessis est venu à votre premier congrès à comparer avec ce que c’est aujourd’hui. Ce qui veut dire que la carrière de pionnier n’est pas finie et dans ce sens-là vos quarante ans que vous célébrez cette année dans un sens c’est plutôt un nouveau début de carrière et c’est pour ça qu’en remerciant beaucoup les dirigeants de votre association, et je crois qu’on doit le faire au nom de tous les Québécois parce que vous avez pu labourer dans le passé et bien de tout coeur je pense que l’on doit vous souhaiter quelque chose comme une seconde jeunesse et je vous la souhaite bonne et productive. Merci beaucoup.

[QLVSQ19790530]

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