Autres discours officiels

[QParizeau19940914]

Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi de m’adresser d’abord directement aux Québécoises et aux Québécois pour leur redire combien la confiance qu’ils ont exprimée envers nos candidates, nos candidats et notre parti lors de l’élection de lundi nous honore et combien nous avons l’intention d’être à la hauteur de leurs espoirs et de leurs attentes. Les défis sont nombreux et celui de rétablir ce lien de confiance qui doit exister entre le gouvernement et les citoyens n’est pas le moindre. Les Québécois ont, comme nous et avec nous, le goût de bouger. Et ils l’ont d’autant plus que l’immobilisme leur coûte. Bouger, d’abord et avant tout, sur la question de l’emploi pour laquelle il faut développer, partout, des solidarités agissantes et créatrices d’emplois et d’espoir. Bouger, sur la question du décrochage scolaire. Bouger, pour assurer l’égalité des chances pour tous. Bouger, pour assainir les finances publiques. Bouger, pour donner aux régions le pouvoir et les moyens de prendre en main leur développement. On a senti, pendant la campagne électorale, une impatience à cet égard. Une impatience que nous partageons. C’est pourquoi, mon équipe de députés et moi-même, sommes déjà à pied d’oeuvre dans cette période de transition qui précède la formation du gouvernement.

Le premier geste du nouveau gouvernement sera de faire en sorte que les régions soient dorénavant dotées d’une voix forte et efficace, jusqu’au sommet de l’appareil politique, jusqu’au bureau du premier ministre. Il faut que l’information puisse circuler vite et sans embûche administrative ou hiérarchique, de Gaspé ou de Rouyn-Noranda jusqu’au chef du gouvernement, et il faut que cette information soit portée par quelqu’un qui se fait l’avocat des régions, quelqu’un qui en fait sa responsabilité personnelle et qui réponde directement aux électeurs et aux partenaires de chaque région. Traditionnellement, les gouvernements ont affecté beaucoup de ressources, par la voie des adjoints parlementaires, aux ministères sectoriels. Il m’apparaît que toutes ces énergies serviraient mieux si elles étaient tournées vers les régions. J’entends donc créer le poste de délégué régional. Ces délégués, un par région, seront choisis parmi les députés ministériels et ils auront pour mandat de représenter et de relayer, à Québec, les attentes, les propositions, les ambitions des régions. En tant que premier ministre, je présiderai, en plus du Conseil des ministres, les réunions des nouveaux délégués régionaux. Le mandat de ces délégués régionaux sera quadruple:

Établir le lien entre le premier ministre et leurs régions pour tout dossier régional à caractère gouvernemental;
Agir comme interlocuteurs privilégiés des ministres sectoriels pour les dossiers gouvernementaux de leurs régions;
En collaboration avec le ministre responsable du Développement régional, les délégués du premier ministre en région travailleront à l’élaboration d’une politique réelle de décentralisation;

A titre d’adjoints parlementaires du premier ministre, les délégués pourront répondre aux questions soulevées à l’Assemblée nationale qui concernent spécifiquement leurs régions.

Le ministre responsable du Développement régional siègera, avec moi, aux réunions des délégués régionaux, qui pourront aussi, au besoin, requérir la présence des ministres sectoriels dont les dossiers ont un impact dans les régions du Québec. Ces délégués disposeront d’un secrétariat commun, à Québec, celui du Secrétariat aux Affaires régionales. Chacun sera appuyé par le secrétaire adjoint pour la région concernée.

Nous avons beaucoup parlé, pendant la campagne, de la revalorisation des régions que nous voulons amorcer. Au cours des semaines et des mois qui viennent, plusieurs autres volets viendront s’ajouter à ce premier geste. Mais les régions savent dès maintenant qu’elles auront une porte d’entrée directe au bureau du premier ministre et au Conseil des ministres, ce qui sera notamment essentiel pendant l’élaboration de la décentralisation que nous ferons, bien sûr, en concertation avec les partenaires régionaux. Le second grand message que nous a donné l’électorat lundi, c’est aussi celui de préparer la décision référendaire. Nous avons l’intention, là aussi, de bouger et de donner aux Québécois tous les éléments nécessaires pour poser un jugement éclairé, dans les délais que nous avons indiqués. C’est un peu comme si les Québécois nous disent: « Vous vouliez nous convaincre de faire la souveraineté, bien voilà, on vous a portés au pouvoir, on vous écoute ».

Nous savons qu’un grand nombre de Québécois, et de façon bien plus déterminée qu’en 1980, ont d’ores et déjà fait le choix de la souveraineté. Nous constatons aussi qu’un autre large segment de la population souhaite obtenir une très vaste autonomie pour le Québec, allant jusqu’à faire en sorte que le Québec vote toutes les lois qui s’appliquent sur son territoire, perçoive tous les impôts que versent les contribuables, signe tous les traités qui nous concernent. Mais le vieil espoir d’obtenir plus d’autonomie pour le Québec au sein du Canada est éteint. Hier encore, le premier ministre canadien disait clairement qu’il n’était pas question de faire des offres de réforme constitutionnelle au Québec et il reflétait en cela un très vaste consensus canadien, consensus qui s’est exprimé au moment de Meech comme au moment de Charlottetown. Ce même refus .d’accommoder le Québec., comme on dit au Canada anglais, fait en sorte que depuis maintenant 12 ans, le Canada est doté d’une constitution qu’ont refusé de reconnaître tous les gouvernements québécois. C’est un peu comme si un contrat avait été modifié sans l’accord d’une des parties.

Notre tâche, donc, est de convaincre ces Québécois qui ont le goût et la volonté de prendre en main leur destinée qu’il n’y a qu’une façon d’être plus autonome, c’est d’être souverain. Bref, notre tâche est de faire en sorte que ces Québécois tirent les conclusions de leurs convictions. C’est une démarche que nous voulons accomplir de manière responsable et de façon solidaire. Solidaire avec tous ceux qui, au Québec, sont déçus du fédéralisme, et avec tous ceux qui sentent ou qui savent que l’avenir du Québec passe par la souveraineté. À cet égard, j’ai appelé ce matin le chef du Parti action démocratique, Mario Dumont, qui partage ces convictions, pour le féliciter de sa victoire dans sa circonscription de Rivière-du-Loup et pour le féliciter aussi des résultats obtenus dans plusieurs circonscriptions par sa formation. Voilà, aussi, des électeurs qui rejettent le statu quo et en ont assez de l’impasse canadienne. Il faut en prendre bonne note.

Je sais qu’aujourd’hui un certain nombre de représentants de la presse étrangère sont à l’écoute, sans parler du corps diplomatique. J’aimerais donc réitérer brièvement, et à leur intention, certains des principes qui sont, au coeur de notre projet souverainiste.

La souveraineté telle que nous la concevons est le contraire du repli sur soi. Les Québécois ont formé, en Amérique du Nord, l’électorat le plus favorable au libre-échange, d’abord avec les États-Unis, puis avec le Mexique. Les adultes québécois forment le groupe le plus bilingue d’Amérique du Nord et nous avons l’intention d’intensifier encore nos efforts en ce sens. Ouverts sur le monde, en prise directe sur deux civilisations, les Québécois importent et exportent avec succès des produits industriels et culturels. La souveraineté du Québec, c’est le prolongement de cette volonté d’ouverture, de participation au concert des nations, aux échanges des idées, des cultures et des produits. Nous voulons devenir pleinement citoyens du monde, sans intermédiaire et sans compromis boiteux, sans animosité et sans agressivité. Formant nous-mêmes une minorité au sein d’un pays, le Canada, qui ne reconnaît pas officiellement notre existence en tant que nation, que peuple ou même que société distincte, nous sommes extrêmement sensibles aux problèmes de nos propres minorités au Québec et nous avons l’intention d’être irréprochables à ce sujet.

C’est ainsi que les militants du Parti Québécois ont inscrit dans leur programme politique, et qu’aujourd’hui, en tant que premier ministre désigné, je réaffirme, notre engagement à enchâsser dans la constitution d’un Québec souverain plus de droits pour la minorité anglophone du Québec, plus de droits que jamais la loi fondamentale du Canada n’en a proposés pour les francophones du Canada L’élection de lundi a suscité un grand intérêt dans la presse internationale et, bien sûr, du reste du Canada. Sur quelques questions essentielles, je veux être bien compris par eux, ainsi que par nos concitoyens anglophones et vous me permettrez de leur parler directement pour quelques minutes en choisissant mes mots, en langue anglaise.

[Sovereignty as we conceive, it is the opposite of turning inward upon ourselves. Quebeckers have shown that they are, in North America, the electorate most favorable to free trade, first with the US, then in Natto with Mexico. We find more bilingual adults in Quebec than in any other area in North America. Open on the world, avid consumers and exporters of products cultural or industrial in both the French and English world, Quebeckers long to be more of a presence in the world, not less.

Sovereignty is thus a way to be present, fully, in the modern world of ideas, culture, commerce and politics, to speak in our own voice, in good intelligence with its neighbours and partners, on the continent and elsewhere. We are fully aware of our responsibility, as a government proposing sovereignty to its people, of keeping this debate in the confines of a civilized, democratic –if-heated– debate. Because we have been for so long a minority in a country that refuses to this day to recognize officially our existence as a nation, or a people, or even a distinct society, we are extremely sensitive to the fate of minorities in Quebec. And we intend to be beyond reproach on that score.

In order for members of the Anglophone community to continue their vibrant contribution to Quebec life, they need the possibility to live fully right in their own language. The right to be educated in English in institutions under their control, the right to receive medical care in their language, the right to have access to courts of law in their language and the right to express themselves in the language of their choice in the National Assembly. Not to mention, of course, the right to be informed and entertained, in their language. This is the situation as it stands now. We wouldn’t have it any other way. We pledge that we will keep it this way. Our relations with the 60000 Quebeckers members of the 11 native nations of Quebec will by guided by this same spirit. ln the 1970s, Quebec was the first province in Canada to sign a modern treaty with some of its native groups. ln the 1980s, Quebec was the tirst province to recognize that native groups formed distinct nations, within Quebec. In the 1990s we also want to be in the forefront of self-government for the native populations and we pledge to offer these communities the same or a greater amount of autonomy than anything that exists in North America.]

Nos relations avec nos 60000 concitoyens des 11 nations autochtones du Québec seront marquées par ce même esprit de respect et d’ouverture. Dans les années 1970, le Québec fut la première province au Canada à signer un traité moderne avec quelques-unes de ses communautés autochtones. Dans les années 1980, le Québec fut la première province à reconnaître que les autochtones formaient des nations distinctes au sein du Québec. Dans les années 1990, le Québec compte aussi poursuivre cette démarche de pionnier en accordant aux autochtones une large mesure d’autonomie gouvernementale. Nous nous engageons, à cet égard, à permettre aux autochtones québécois d’être aussi, sinon plus, responsables de leur propre développement que tout autre groupe autochtone en Amérique du Nord.

Hier, j’ai pu m’entretenir avec le premier ministre sortant, monsieur Daniel Johnson, qui m’a assuré de toute sa collaboration pour effectuer une transition rapide et ordonnée, dans le respect des traditions démocratiques québécoises qui sont les nôtres depuis plus de 200 ans. J’aurai le plaisir de retrouver ,monsieur Johnson dans son futur rôle de chef de l’Opposition officielle et, d’un ancien chef de l’Opposition à un nouveau, je lui offre mes meilleurs voeux. C’est un emploi dans lequel on ne s’ennuie pas.

Quant aux relations du nouveau gouvernement avec le reste du Canada, je dois dire d’abord que, dès hier matin, le premier ministre du Canada, monsieur Jean Chrétien, a communiqué avec moi. Nous sommes convenus que nous pourrions travailler sur les sujets qui concernent la gestion des affaires, et en distinguant autant que faire se peut ces affaires courantes du débat sur l’avenir du Québec, sur lequel monsieur Chrétien et moi ne sommes pas, c’est le moins qu’on puisse dire, sur la même longueur d’ondes. En attendant, le gouvernement du Québec ne cherche aucunement la confrontation avec Ottawa et les autres provinces. Le gouvernement québécois défendra les intérêts québécois au sein et dans le respect des institutions, et s’attend à ce qu’Ottawa respecte en retour les prérogatives et les pouvoirs du Québec. En ce qui concerne les conférences fédérales-provinciales et les échanges de toutes sortes entre Ottawa et Québec, il n’est nullement question de les boycotter ou d’en empêcher le bon fonctionnement. Le gouvernement du Parti québécois représente les intérêts de toute la population avant, pendant et après le référendum, et nous répondrons favorablement aux invitations fédérales ou des autres provinces chaque fois que cela sera dans l’intérêt du Québec, tout simplement. Mais le nouveau gouvernement québécois n’a pas l’intention d’attendre les conclusions de toutes ces conférences pour, je l’ai dit, faire bouger les choses et surtout, faire reculer le chômage. Avec les leviers dont nous disposons maintenant, au Québec, avec la solidarité que nous voulons susciter maintenant, au Québec, avec la volonté de changement que nous avons constatée dans toutes les régions du Québec, nous pouvons améliorer, sans tarder, la situation des Québécoises et des Québécois, remettre le Québec au travail et faire de l’emploi notre priorité. Voilà ce à quoi nous travaillons.

[QParizeau19940928cp]

[ (Quatorze heures cinquante huit minutes)]

[Le Modérateur: On va avoir une courte présentation en français, et ensuite on aura une période d’une quinzaine, de 15 à 20 minutes en français et d’une dizaine de minutes en anglais. Alors, M. Parizeau.]

[M. Parizeau]: Brièvement, j’ai donc rencontré hier matin les délégués régionaux, hier après-midi les membres du caucus et, ce matin, le Conseil des ministres. Dans les trois cas, le message que j’essaie de passer est le même: ce gouvernement a été élu pour changer les choses; ce gouvernement là est tout le contraire du statu quo; et d’autre part, ce gouvernement là a été élu pour faire en sorte que, dans un horizon qui a été déterminé, c’est-à-dire en 1995, le référendum ait lieu pour que les Québécois se prononcent sur leur avenir et sur la souveraineté du Québec.

Ce message là, je pense, j’ai essayé de le rendre, mais je l’ai aussi beaucoup reçu de tous ceux que j’ai vus depuis hier matin. Je pense que la volonté est la même, les orientations sont les mêmes: tous ensemble, nous voulons faire en sorte que tout ça débloque.

Ce matin, un certain nombre de décisions ont été prises au Conseil des ministres à l’égard de, surtout, fondamentalement, nos rapports avec le gouvernement fédéral. Nous avons reçu, à peine assis, une série d’invitations à des conférences fédérales-provinciales de tous ordres. C’était un peu bousculant, et nous sommes arrivés aux décisions suivantes: Dans l’ordre essentiellement du pragmatique, il va y avoir, le 5 octobre, une conférence fédérale-provinciale sur le transport et la sécurité routière. Nous nous sommes entendus pour faire en sorte que M. Léonard, le ministre des Transports, assiste à cette réunion, essentiellement parce que, entre autres questions dont il s’agit, il y en a quelques-unes qui sont de l’ordre métaphysique mais, des questions dont il s’agit à cette conférence, l’une a trait à la vente d’un certain nombre de lignes d’une des grandes compagnies ferroviaires à l’autre, et que cela, possiblement dans les 90 jours.

Forcément, il faut que notre voie se fasse entendre, pour faire en sorte qu’on ne préjuge pas, comme ça, de l’avenir des deux grandes compagnies ferroviaires qui fonctionnent au Québec. En même temps, j’ai demandé à Mme Beaudoin qu’elle assiste à cette conférence fédérale-provinciale, en un certain sens, pour établir un peu les règles du jeu. Comme ça va être la première à laquelle nous allons assister, il faut qu’on établisse un peu les règles du jeu et éviter qu’on nous happe dans le système, alors que nous arrivons.

Le même jour, le 5 octobre, une conférence des ministres des richesses naturelles était convoquée. Après avoir examiné l’ordre du jour, il était tout à fait clair que la réunion en question correspondait à peu près à ce que, un ami à moi, Maurice Sauvé à l’époque – qui est mort maintenant, qui était le mari de la gouverneure générale du Canada, lorsqu’il avait été nommé ministre fédéral des Forêts, disait: Je suis le ministre fédéral des forêts provinciales, n’est [-] ce pas. La conférence des ministres des richesses naturelles porte sur des questions forestières où le gouvernement fédéral ne devrait pas être, de toute façon. Alors, dans ces conditions, nous avons décidé, ce matin, d’envoyer un fonctionnaire comme observateur, simplement, s’interrogeant de ce que le gouvernement fédéral fait dans nos forêts. Une troisième demande, pour une conférence fédérale-provinciale, est venue du ministre fédéral des Finances au ministre de Québec, M. Campeau. Pour une conférence qui aurait eu lieu, je ne sais pas quoi, le 12, 13 ou 14 octobre, et qui aurait comme sujet un peu substantiel l’exploration des conséquences d’un rapport de M. Axworthy que nous ne connaîtrons que lundi prochain… Ça nous paraissait un peu anticipé d’organiser une conférence fédérale-provinciale sur ce qui reste inconnu, ce ne me paraît pas une façon particulièrement utile de procéder. Alors, on va donc attendre de voir ce qu’il y a dans les propositions de M. Axworthy avant de savoir le prolongement qui sera donné à ces questions. Je pense que ces trois exemples donnent assez bien une idée de l’empirisme avec lequel nous avons l’intention de fonctionner, dans certains cas où les intérêts du Québec sont directement concernés, comme, par exemple, le transport ferroviaire, bien sûr qu’on va être là. Dans des cas où le gouvernement fédéral cherche à obtenir la caution des provinces pour s’ingérer dans des domaines où il n’a pas d’affaire, nous n’irons pas; puis, dans des domaines où le gouvernement fédéral veut convoquer des conférences avant même de savoir de quoi
On parlera ou avec des sujets qui restent hypothétiques, on dira: Attendez donc un peu. On verra.
Nous avons discuté d’autres choses, bien sûr, ce matin, et en particulier de l’atmosphère qui règne depuis quelques jours quant à la date du référendum. Et, comme je sais que de toute façon vous brûlez de me poser des questions là-dessus, je vais essayer de vous donner la réponse avant même que vous posiez la question. Nous sommes à peu près tous d’accord… Non, pas à peu près, nous
sommes tous d’accord pour revenir, quitte à l’ inscrire sur les petites cartes, vous savez, comme Salomon Brothers…

[Des voix: Ha, ha, ha ! ]

[M. Parizeau:] Ça vous rappelle quelque chose? Ha, ha, ha !

[Des voix: Ha, ha, ha ! ]

[M. Parizeau:] Je dois encore l’avoir. Ha, ha, ha ! Eh bien, nous allons revenir à la phrase suivante qui apparaît dans mon texte de la présentation d’avant-hier soir. «Nous avons indiqué une perspective: huit à 10 mois, et nous nous sommes donnés un horizon en 1995.» Fin de la citation. Voilà. Cela étant dit, je me mets entre vos mains et je vous remercie tous d’être ici.

[Le Modérateur: Jean Thivierge, puis Normand Girard.]

[M. Thivierqe (Jean): M. Parizeau, vous avez dit tantôt que vous avez été élu pour changer des choses. Or, quand on regarde un peu ce qui s’est passé depuis deux ans, énormément de nominations ont été faites à des postes stratégiques dans tout l’appareil gouvernemental, de gens qui sont très liés à l’ancien gouvernement libéral.
Pour changer les choses, est [-] ce qu’il ne va pas falloir qu’on tasse beaucoup de gens parce que, sinon, les messages ou les ordres de changements vont devenir lettres mortes si ces gens là décident de bloquer un peu votre action? Et ça, je ne veux pas faire de procès d’intentions, c’est des choses qui peuvent arriver. Est [-] ce que ça ne vous obligera pas à tasser beaucoup de gens?]

[M.Parizeau:] M.Thivierge, vous êtes d’une très grande clairvoyance. Il est évident qu’on ne peut pas transformer l’immobilisme en action et que lorsque certains sont à ce point identifiés à l’immobilisme, certaines translations s’imposent. Il va donc y avoir des changements.
C’est tout à fait évident, en ne perdant, cependant, jamais de vue ce message d’ouverture que j’ai essayé, avant-hier soir, de transmettre. Il y a bien des façons d’être souverainiste et la souveraineté dépasse largement le Parti québécois. Alors, dans ce sens, il n’est pas question d’exiger de chacun qu’il ait, comment dire, ses lettres patentes de séparatiste péquiste; sûrement pas ! Mais il est tout à fait clair qu’il n’y a pas grand chose à faire dans le schéma d’actions que nous envisageons de, comment dire, d’amateurs de statu quo, les choses sont bien comme elles sont et continueront d’être comme cela jusqu’à la fin de temps; ça, non ! On se comprend !

[Le Modérateur (M. Boivin): Normand Girard.]

[M. Girard (Normand): M. le premier ministre, vous avez dit tantôt que vous enverriez M. Léonard et Mme Beaudoin à la conférence fédérale-provinciale et le ministre des Finances parce qu’il allait être question de la vente de certaines lignes…]

[M. Parizeau:] C’est ça.

[M. Girard (Normand): …ferroviaires, entre les deux compagnies qui desservent le Québec, afin de ne pas «préjuger de l’avenir».]

[M. Parizeau:] Oui.

[M. Girard (Normand): Je voudrais me faire préciser ce que vous entendiez par cette phrase là, «afin de ne pas présager de l’avenir ou préjuger de l’avenir».]

[M. Parizeau:] Le transport ferroviaire, singulièrement par fret, pour les trains à grande vitesse, on ne sait pas là; il va falloir aller regarder ça davantage, mais, pour le transport du fret, le transport ferroviaire n’est pas sur le déclin. Il est, en un certain sens, ascendant. Dans un marché nord-américain, ce n’est pas indifférent de savoir où passent nos lignes ferroviaires. Ce n’est pas vrai que, un an ou à peu près avant qu’on fasse un pays, on va déterminer où passent les lignes ferroviaires sans notre approbation. Un instant, là. Alors… Nous sommes partie prenante dans cette question, même si l’Acte de l’Amérique du Nord britannique nous dit de nous mêler de ce qui nous regarde.

[M.Girard (Normand): Alors, ça veut dire que la position québécoise à cette conférence fédérale-provinciale là sera de dire aux autres provinces: Attention ! une minute…]

[M. Parizeau:] Un instant.

[M. Girard (Normand)…ne vous pressez pas à vendre ça, là; nous, on s’en vient.]

[M. Parizeau:] Il y a un principe en anglais qui exprime fort bien ma façon de penser en français. C’est: [«Keep your shirt on»]. Du calme ! On regarde ça un peu.

[Le Modérateur: Christine Saint-pierre.]

[Mme Saint-pierre (Christine): M. Parizeau, j’aurais deux questions. La première, c’est au sujet du référendum. Est [-] ce qu’on doit comprendre que M. Bouchard a eu tort de dire la semaine dernière qu’il faudrait déclencher le référendum au moment où le Parti québécois serait sûr de le gagner, quitte à aller plus loin que 1995?]

[M. Parizeau:] Non. Ça n’est pas incompatible avec la phrase que je vais maintenant vous répéter. Où est [-] ce qu’elle était d’ailleurs? Il faudrait que je la fasse recopier sur un petit carton. Enfin, vous voyez, parce que là c’est… Ha, ha, ha !
[Une voix: Il faudrait la faire distribuer à tous les journalistes.]

[M. Parizeau:] Oui, à vrai dire, peut-être, un petit carton bleu. Mais non, si on tient compte de cette phrase que je viens d’exprimer et de ce que disait M. Bouchard, je pense que c’est tout à fait compatible, comme il l’a dit d’ailleurs lui-même il y a 24 heures ou 48 heures. Ça va. Là-dessus, ne cherchons pas d’exégèse.

[Mme Saint-pierre (Christine): Ma deuxième question, M. Parizeau. Il semble que Madame Lapointe va jouer un rôle important dans l’administration…]

[M. Parizeau:] Ah bien ! Je l’espère bien.

[Mme saint-pierre (Christine): …dans le gouvernement péquiste. J’aimerais que vous clarifiiez ce rôle, à savoir est-ce qu’elle sera rémunérée, est-ce qu’elle sera votre conseillère, est-ce que… Quel sera le rôle exact? Parce que c’est quand même sans précédent, là.]

[M. Parizeau:] C’est sans précédent. Ça n’a jamais été essayé, et là, comme beaucoup d’autres choses que je cherche à faire dans la vie, parce que ça n’a jamais été fait, je vais essayer. Donc, oui, Mme Lapointe va avoir un bureau dans mon cabinet. Oui, elle va servir de conseillère dans mon cabinet. Elle a pas mal de suivi à faire sur les dossiers qU’elle a ramassés pendant la campagne électorale. Elle a rencontré au-delà, je ne sais pas, moi, de 150 organismes communautaires. Elle a fait 80 ou 82 entrevues dans les presses locales ou régionales. Elle a joué un très grand rôle et, pour moi, un rôle essentiel, à travers cela. Il faut qu’elle assure le suivi de ces dossiers. Elle en a pour un sacré bout de temps. Écoutez, à l’heure actuelle, il doit y avoir, je ne sais pas, moi, plusieurs dizaines de pieds linéaires de dossiers qui découlent directement de cette campagne. Alors, dans un premier temps, elle va s’occuper de ça. Dans un deuxième temps ou peut-être en même temps, d’ailleurs, il y a un certain nombre de mandats que je vais lui confier, qui ne sont pas encore précisés pour l’instant, encore que ça va se préciser, je pense, assez rapidement, où elle aura à me conseiller sur certain nombre de choses. Tout ça n’est pas encore précis, parce qu’elle doit rencontrer son conseil d’administration à la fin de la semaine et donc, dans ces conditions, il y a une discrétion élémentaire à appliquer, et quant à sa rémunération, bien sûr, elle ne recevra pas de rémunération. Notre système le veut ainsi, et il est parfaitement raisonnable qu’il en soit ainsi; le contribuable n’a pas à la rémunérer et ne doit pas la rémunérer. Et dans ces conditions, j’en ai conclu que la meilleure façon de procéder, c’était de faire en sorte que ma paie soit divisée en deux. Voilà !

[Le modérateur: Michel Venne.]

[M. Parizeau:] Question suivante. Ah ! Ah !

[Une voix: …

M. Venne (Michel): Alors, je vais poursuivre sur le même sujet, et j’ai une deuxième question. Mais, vous ne croyez pas, à ce moment là, que si Mme Lapointe doit régler un certain nombre de dossiers, qu’il ne risque pas d’y avoir des empiétements ou des querelles avec des délégués régionaux, des députés locaux, des ministres?]

[M. Parizeau:] J’allais dire: Au contraire. Elle a l’art de traiter avec ces délégués régionaux et ces députés bien mieux que je ne le fais. Non. Mais, ça ne s’est jamais essayé. Et pourquoi pas? Et pourquoi pas, hein? Pourquoi on n’essaierait pas? Qui ça choque? À qui ça coûte? Et moi, après maintenant plusieurs mois à opérer comme ça, je me rends compte à quel point je trouve ça extraordinairement intéressant, utile, avantageux, efficace. Alors, pourquoi pas?

[Une voix: Une question…]

[M. Parizeau:] Et que la société, de temps à autre, reçoive quelques chocs comme ça, et pourquoi pas? Et pourquoi pas? Et entre nous, si nous n’étions pas formellement mariés, qui s’objecterait à quoi que ce soit? Il y a eu un précédent: Mme Corinne Côté Lévesque. Alors, voilà.

[M. Venne (Michel): J’aurais une question qui porte sur le Canada. Vous avez parlé de conférence. Il y a une mission qui est organisée en novembre, je pense, par M. Chrétien en Asie. M. Johnson a déjà été invité à y participer au mois de juillet en tant que premier ministre du Québec. L’invitation devrait vous être réitérée en principe. Est-ce que vous allez, vous-même y participer ou envoyer un représentant du Québec?]

[M. Parizeau:] Je trouve assez étonnant, à cet égard, que tout le monde soit au courant de l’invitation que j’aurais reçue, sauf moi ! Alors, je ne l’ai pas cette invitation. Je ne sais pas. Maintenant, je ne vous cacherai pas que ça ne me paraissait pas très, très approprié que je fasse partie de la délégation de M. Chrétien. Il a sûrement des tas de gens beaucoup plus, de son point de vue qualifiés que moi pour faire partie de sa délégation, ce qui ne m’empêchera sûrement pas, si tant est que la démarche est intéressant, je ne sais pas moi, de demander à un des ministres d’accompagner M. Chrétien, s’il y tient, s’il y tient. Alors, je ne veux pas m’imposer. Je ne veux pas m’imposer.

[Le Modérateur: Michel David.

M. David (Michel): Oui, M. Parizeau. J’aimerais, si vous permettez, revenir sur la date du référendum. Je sais que vous avez le souci de la précision dans le vocabulaire ! ]

[M. Parizeau:] Ha, ha, ha !

[M. David (Michel): Et vous avez choisi le mot «horizon». Or, l’horizon c’est quelque chose qui recule au fur et à mesure qu’on avance.

Des voix: Ha, ha, ha ! ]

[M. Parizeau:] C’est joliment dit !

[M. David (Michel): Non, je voulais savoir si c’est dans cette perspective là qu’il faut apprécier l’horizon de 1995.]

[M. Parizeau:] Non pas si, sur l’horizon, se situe quelque chose de substantiel. Vous avez tout à fait raison. Quand nous sommes en plaine ou devant la mer, l’horizon recule, au fur et à mesure où on avance. Mais quand on est en face d’un objectif précis, visible pour tous, on s’approche de l’horizon au fur et à mesure où on avance.

[M. David (Michel): De l’objectif.]

[M. Parizeau:] Voilà !

[M. David (Michel): O.K. Évidemment, vous voyez bien le sens de ma question.]

[M. Parizeau:] Tout à fait ! Ha, ha, ha !

[M. David (Michel): Est-ce que 1995, c’est vraiment une date butoir qui est… ça n’ira pas au-delà du 31 décembre 1995?]

[M. Parizeau:] Bien non, c’est ça. C’est exactement ça. Et ça correspond. .. Lequel d’entre vous disait en anglais: [« What you see is what you get»?] Bon. Ah, M. Séguin, je pense. Bien, il avait parfaitement raison.[ «What you see is what you get.» ]Je vous dis 95, bien, l’horizon est de 95. Voilà !

[Le Modérateur: Katia Gagnon.

Mme Gagnon (Katia): M. Parizeau, vous avez fait beaucoup de déçus lors de votre Conseil des ministres. Il y a M. Baril qui disait aujourd’hui qu’il se plaignait de ne pas avoir été nommé à l’agriculture. Il ne comprenait pas comment vous avez pu ne pas nommer des députés de sa région dans votre Conseil. Qu’est-ce que vous lui répondez et à tous ceux du parti qui sont probablement déçus de ne pas travailler?]

[M. Parizeau:] Non, monsieur… Dans la région en question, M. Jolivet est le whip et siège au Conseil des ministres comme il l’a fait d’ailleurs ce matin. Ça, je reconnais que, devant l’abondance remarquable de talents que j’avais devant moi, je ne pouvais pas éviter d’en décevoir certains. Je regrette, mais je pense que, moi, je préférais, puis que je pense que tout le Québec préférera avoir été devant ce dilemme plutôt que devant le dilemme opposé: qui pourrait [-] on nommer à des postes importants compte tenu du manque de talent? Dans mon cas, c’était le contraire. Il y en avait une très grande abondance.

[Le Modérateur: Deux dernières questions en français: Rhéal Séguin et Suzanne Ouellet.

M. Séquin (Rhéal): M. Parizeau, dans la foulée des déclarations des derniers jours du gouvernement fédéral dans le domaine de l’éducation, on a vu ce qu’ils ont dit sur la taxe de vente provinciale, sur les services sociaux, est-ce que, devant tout cela, vous allez mettre de l’avant une stratégie, au cours des prochains jours, pour répondre, pas à ces exigences, mais à ces politiques qui semblent faire l’objet de fuites dans les journaux dernièrement?]

[M. Parizeau:] Vous parlez de…

[Le Modérateur: Par exemple.

M. Séguin (Rhéal): On propose, le gouvernement fédéral proposerait par exemple de prendre le contrôle complet sur la taxe de vente provinciale en retour de points d’impôt.]

[M. Parizeau:] Ce n’est pas plutôt M. Rae qui proposait ça?

[M. Séguin (Rhéal): Oui, mais le fédéral aussi avait une proposition.]

[M. Parizeau:] Je regarde tout ça avec beaucoup d’intérêt. Je trouve ça enfin remarquable de voir que, pour la première fois depuis longtemps, les Canadiens ont l’air de commencer à vouloir définir le pays dans lequel ils vivent. C’est très bien. Moi, je leur souhaite bonne chance. C’est épatant, ça. Et chaque pays, par exemple, établit la combinaison de taxe de vente et de l’impôt sur le revenu qui lui paraît la plus appropriée, reflétant sa philosophie sociale. Le gouvernement américain n’a pas de taxe de vente fédérale. Il a des taxes de vente au niveau des États et des municipalités. Si les Canadiens veulent s’engager dans une voie, comment dire, inverse, c’est-à-dire leur gouvernement fédéral ramassant toutes les taxes de vente et l’impôt sur le revenu envoyé vers les États, c’est-à-dire les provinces. C’est une conception tout à fait différente de celle des États-Unis, mais parfaitement valable. Ce n’est pas à nous, les Québécois, d’aller dire aux Canadiens comment ils veulent organiser leur pays. Je trouve ça très intéressant ce qui se passe à l’heure actuelle. Pour la première fois, dans un système un peu fossilisé, les Canadiens commencent à manifester le genre de pays qu’ils voudraient avoir. J’espère que c’est grâce à nos tentatives, nous, d’avoir notre pays, qu’ils cherchent à se définir comme pays eux aussi. Et c’est très bien. Et c’est très bien. Écoutez, je leur souhaite bonne chance là dedans. Et qu’ils montent un pays qui leur ressemble. Et nous sommes… Quand on parle des choses dont vous avez parlé, comme par exemple du degré de centralisation dans l’enseignement, des programmes de formation professionnelle, administrés par qui, décentralisés ou centralisés; chaque peuple a le droit de définir ces choses là et ils commencent à le faire et c’est très bien. Il y a des formes de choses que nous voyons au Québec qui sont profondément décentralisées. Le Canada souffre du contraire. Et beaucoup de Canadiens voient dans ces grands programmes, particulièrement de formation de la main-d’oeuvre, la nécessité de centraliser des choses de leur côté. Je n’ai pas de commentaires à faire là-dessus. Il y aurait quelque chose d’incorrect pour nous de dire aux Canadiens: Voici comment vous devriez vivre. Nous, ce qu’on réclame, c’est le droit d’être capables de définir notre vie. On ne va quand même pas le nier aux autres.

[Le Modérateur: Suzanne Ouellet. Mme Ouellet (Suzanne): M. Parizeau, justement à cet égard, est-ce qu’on doit donc comprendre que le gouvernement du Québec ne participera pas à la réforme Axworthy? Qu’il ne participera pas à la réforme, justement, de la taxe de vente, et tout ça? Donc, que vous n’avez pas l’intention de participer à ces réformes mises de l’avant par le gouvernement fédéral?]

[M. Parizeau:] Pour le moment, je ne sais pas dans quelle mesure on ira ou on n’ira pas aux conférences. Les documents ne sont pas sortis. Je ne sais pas, moi. L’important, c’est toujours de se laisser guider par une chose. Est [-] ce qu’il faut assister ou participer à des négociations? Si, à un moment donné, des intérêts directs du Québec sont mis en cause, le transport ferroviaire dont on parlait tout à l’heure, ah oui, là, on va être là. Bon. Dans d’autres cas, on regardera, on regardera les Canadiens se définir entre eux. Dans d’autres cas on participera un peu activement, moins activement. Tenez, par exemple, Régie des rentes, Canada Pension Plan. Pour favoriser la liberté de circulation de la main-d’oeuvre, des deux côtés… Il n’y a que deux plans au Canada, c’est le Canada Pension Plan pour neuf provinces et la Régie des rentes pour le Québec. On a toujours fait très attention d’avoir des clauses qui ne soient pas incompatibles dans chacun des deux programmes pour favoriser la liberté de circulation de la main-d’oeuvre. Il n’y a pas de raison de ne pas continuer. Et si ça implique des discussions, bien sûr qu’on aura des discussions et des négociations. Ça se prendra cas par cas en fonction de nos intérêts.

[Mme Ouellet (Suzanne): Mme Harel évoquait, ce matin, la formation d’un comité de ministres sur la réforme Haxworthy. Est-ce que la décision a été prise à cet égard là?]

[M. Parizeau:] On attend de voir ce que va être le document. Je ne sais pas ce qu’on va trouver dedans et je me trouve devant un premier ministre du Canada qui nous dit, ce matin dans les journaux, pas à moi, attention, il n’y a pas eu de conversation téléphonique, on se comprend là, bon. Mais je lis les journaux comme vous qui dit: Ce n’est pas urgent tout ça. Je dis, écoutez…

[Le modérateur: Tom Kennedy, en anglais, s’il vous plaît.

H. Kennedy (Tom): Mr Parizeau, I am wondering, if there is no mistake in the first communication between and the Federal Government on a common issue with the letter that Mme Beaudoin sent yesterday…

M. Parizeau: Yes

H. Kennedy (Tom): I am wondering, in the last couple of lines of this letter say something along the line, you must pay immediately without any further delay the 47000000 $ and if not, Québec will take whatever measures at its disposaI to see that it gets its due. I am wondering why your government has chosen to choose such a harsh tone in the first communication with ottawa.

M. Parizeau: Because we have found, after only a few hours in the books, that the preceding government, the federalist one, if ever we saw one in Québec, has put in the books that 47000000 $ as from the Federal Government as an account receivable. It is in the books of the Government of Québec, at the present time, an account receivable from the Federal Government. You can weIl understand that in so far, as we are told by the Federal Government why we look at the situation and we will see wether we pay that account’payable or not, requires that kind of firm attitude.

Le modérateur: Patrick White.

M. White (Patrick): I just want a description of Mr Parizeau. When are you planning to call back the National Assembly?

M. Parizeau: End of November. The date has not been decided yet upon, but l would suspect that it would be sometime end of November.

Le Modérateur: Patricia.

Mme Enborq (Patricia) : Mr. Parizeau if you would not mind repeating in English what you said in French about what role Lisette Lapointe in your government and include to that whether or not you … people, l would like to know.

M. Parizeau: I know that by saying this I am opening new ground, this has never been done before, and l think it should. Mrs. Lapointe has given me a great hand during aIl the electoral campaign. She has met more than 150 organizations in community action. Something, as you know, upon which l rely a great deal in our modern system of dealing with things. She will have an office on the same floor as I do, as I have one, to handle that stuff. There are something like, Oh I suppose, 10 linear yards of dossiers that have entered. She must go through all this. I have also asked her to act as an advisor to me, I have got a few advisors in my cabinet, and I will ask her to fulfill some mandates as one of my advisors. Thirdly, of course, she cannot be, in any way, she cannot receive any salary, any financial compensation for that work. 50, after thinking about it for a while, I have proposed to her, and not to anyone else, that my wages as premier would be split in half.

M. Noseworthy: She becomes the Hilary Clinton of Québec?

M. Parizeau: Oh, no, no, I hope she is going to be the Lisette Lapointe of Québec.

Le Modérateur: Peter Ray.

Mme Enborq (Patricia): Will it be a separate budget for her staff, sir?

M. Parizeau: Pardon me?

Mme Enborq (Patricia): Will it be a separate budget for her staff?

M. Parizeau: Oh yes, I have a large staff in a premier’s office, so yes indeed I will probably ask one of the member of that staff to work on her dossier. She has a hell of a lot to do, with a great deal of staff in there. But it will not, this allows me to say one thing about the size of Cabinets, and maybe 1 should say the same thing in French just in a few minutes – about the size of ministers’ cabinets and the cabinet of the premier. I have asked every minister to limit himself to five political «attachés», including his chief of staff. Five, no more. I know it can be done. When I was minister of Finance, president of the Treasury board, minister of Revenue, I had five political attachés, including my chief of staff – I know i t is enough – and including the staff that will be required by the regional delegates, should allow the total financial envelope, for a political staff to be reduced by at least 2000000 $ to 3000000 $, according preliminary estimates. 50, in terms of political staff attached to the ministers and the premier, on the whole, 1 think we are going towards savings of about that, between 2000000 $ and 3000000 $.

Le Modérateur: Peter Ray.

Une voix: En français.

Le Modérateur: Vous finissez en anglais.]

[M. Parizeau:] Là, on va finir en anglais, et on reviendra.

[Le Modérateur: On finit en anglais…]

[H. Ray (Peter): I just wonder if you could… You explained in French that, as far as federal-provincial conferences go, Québec will attend when its interests are concerned. But, it seems ta me this gets(?) a very difficult signal out there. l mean, if something is interesting, you go, if it is not interesting, you won’t go, but, at the same time, you said: The rest of Canada can go ahead and define its own country, we will do ours. It seems to me that… l am not sure what kind of country you are trying to define, when you are still taking part in some federal provincial conferences and not others.

M. Parizeau: But, there is a lot of conferences that Canada holds with the US. It happens all the time. Except that between sovereign nations, you go to conferences, or you define conferences… you hold
conferences when both parties agree that it is important. I am not quite yet in that sort of situation with the rest of Canada. They have their own schedule of meetings. And it exists in spite of everything that might or might not happen in Québec. And it is understandable. Provincial premiers, and the federal premier should meet. Our ministers, at both level, should meet. They have their own schedule. They supply me with that schedule saying: Will you come? And l answer: Well, it depends. sometimes, yeso sometimes, l will just send an observer, a civil servant that will just observe what goes on. In other cases, if you ask me: Should we hold a conference, l would say: What is on the agenda? And if there is nothing substantial on the agenda, if there is somethlng on the agenda that l do not want to talk about, l would say: No, l think we should, maybe, postpone that conference. There is nothing in this that is perfectly abnormal. It is just gradually the realization that we would tender to have a number of interests in common and whenever we have interests in common, we discuss them, and in other cases, whether we are not necessary interested in what is qoinq on in Canada, we are aIl respecting the fact that they should go through that kind of exercise, but we are not politically interested in it. That is aIl. There is nothing… 1t is empirical? Yes, it is empirical. 1t is candid? Yes, it is candid. But, after aIl, we are not there to have the system operate as smoothly as possible. We are there to qet out of the system and, at the same time, to maintain aIl the links that are required interesting in some cases a sense for the working of both conferences. So, we will deal on that very empirical bases.

Une voix: Just to make it clear, did you say you would not host any conferences? You would not host any federal-provincial conferences? Is that clear?

M. Parizeau: Host Them? Why not? I mean, President Reagan and Mr. Mulroney were at the Château Frontenac recently and l am a great amateur of the Château Frontenac, as you know. Heavens ! not host (?)? Sure, l will host, whenever it is interesting, l will host anything. Ha, ha, ha !

Une voix: Speaking of the Château Frontenac, to go with your address at the Château Frontenac, you said that when trying to follow up relations, future relations with ottawa, you said you would not be the one starting in confrontations. And yet listening to Mme Beaudoin among other ministers today, there certainly was atone that was certainly more confrontational than cccooperational». Is this the tone that we should expect from here on in?

M. Parizeau: It is the tone of the holder of an account receivable and that ls the way the preceding government, the Liberal Government, has put it in the books. We just found that out. It ls ln the books as an account receivable. And, suddenly, we realize that the Federal Government say: Maybe, l should not pay that account payable to Québec or, maybe, l should. l do not know. We say: Eh ! eh ! look ! it is an account receivable. We are at the, receiving end. And, therefore, the Minister for Québec is not particularly nice about those who say: For the Federal government, it is an account payable; for Québec, it ls an account receivable; and some people seem to wonder whether they will pay or note Oh ! Oh ! They will paye

Une voix: Meanwhile, starting the confrontation.

M. Parizeau: And starting the confrontation, l want the federal debts to be paid.

M. Noseworthy (Ralph): That is part of your pOlicy to change things. You were elected to change things, that is one of the things that are going to be changed from now on.

M. Parizeau: What you me an is that it will not be changed. An account receivable is an account receivable. l did not put it as an account receivable, Mr. Johnson put it in the box. That is something, you know, to suddenly realize that the preceding government, who was a federalist through and through, the loyalty of which towards Canada was absolute, put that thing in the accounts receivable. l do not have to present any explanation, they have to, surely.

Le Modérateur: Une dernière question en anglais.

M. Parizeau: To have question about that, ask them. Why did they put it there?

Le Modérateur: Une dernière question en anglais, Allen, for you.

Une voix: Mr. premier, Mr. Chrétien said, in the House of common, today, that he has to hear from Mr. Mulroney before deciding whether to pay up or not. Be says: «If Mr. Mulroney does not confirm that there was an undertaking, then, blame him.» Is that satisfactory for you?

M. Parizeau: Oh ! I am sure that they will manage to sort that out between themselves. Look, I do not know what they said to each other: MX. Bourassa said to Mr. Mulroney or vice versa. Look, I am not involved in that debate. I look at the books.

Une voix: Quick follow-up, if l may, as you were looking through the books, did you come across any of the studies that you talked about so frequently during the campaign?

M. Parizeau: We have found them. I gather it is about four or five feet high. We have not had a chance to look at them, yet, but there is about that high of these studies, l gather. l was told, I have not seem them myself, but they are there.

Une voix: Are you going to look them soon?

M. Parizeau: will you, please, allow us to read them before, just to know what is in there and in what order ! But, as l said, indeed, we will. l think that people are entitled, look it was paid with our taxes. The least one can do is…]

[Une voix: M. Parizeau, vous avez expliqué, tantôt, en anglais, que vous aviez restreint beaucoup des cabinets politiques. Je voudrais savoir si vous avez aussi pris la décision de maintenir le nombre des adjoints parlementaires à 14 ou si les six postes qu’il reste encore peuvent être adjugés à des plus gros ministères?]

[M. Parizeau:] Question intéressante. Commençons par les adjoints parlementaires. Pendant que j’y pense, oui, il va y avoir 14 adjoints parlementaires, 14 postes d’adjoint parlementaire qui sont pris par les délégués régionaux. Je vais sûrement en garder un en réserve. Il est possible que, à l’heure actuelle, une région puisse être divisée en deux. Donc, il faudrait peut-être en ajouter, mais ça ne sera pas fait dans les mois qui viennent. Il est possible qu’il y ait un poste de plus, là.
Et, d’autre part, il faut que je m’en garde certainement un à définir. La décision n’est pas encore prise, mais, du côté du député de Vimont, M. Cliche, pour les questions autochtones, il ne faut pas oublier que, puisque je me suis réservé les questions autochtones, là, j’ai besoin de quelqu’un qui soit très actif dans ce dossier et il est possible que ce soit bien commode d’avoir un poste d’adjoint parlementaire pour M. Cliche, comme mon représentant dans ces questions.

Peut-être encore un dans un autre dossier. On aura l’occasion d’y revenir, mais disons que les discussions durent encore dans ce cas là, mais pas plus.

Pour ce qui a trait maintenant au personnel des cabinets. Il y a eu, au cours des dernières années, vraiment de très gros abus quant au nombre d’attachés de cabinet chez un certain nombre de ministres.

Et là, j’ai demandé à chaque ministre de se contenter de cinq attachés de cabinet, y compris le chef de cabinet. C’est une formule que bien connue pendant toutes les années où j’ai été ministre des Finances. Il fut un temps où j’étais ministre des Finances, président du Conseil du trésor et ministre du Revenu ensemble. Je n’ai jamais eu plus que cinq attachés de cabinet. Alors, j’ai demandé à tout le
monde de se contenter de ce genre de chose là.

Cela devrait nous permettre d’économiser, même si on tient compte du personnel additionnel qu’il va falloir donner pour les délégués régionaux, moi, je pense qu’on s’en va vers une économie de 2000000 $ à 3000000 $ pour ce qui a trait au personnel politique. Finalement, il va falloir que je raffine un peu plus la formule au fur et à mesure qu’on avance parce qu’il ne faut quand même pas oublier qu’on est rentrés dans nos bureaux lundi et qu’on est mercredi. Mais, d’après les premiers rapports qu’on a présentés ce matin, on s’en va vers une économie de 2000000 $ à 3000000 $ facilement.

[Une voix: Qui sera président de l’Assemblée nationale?]

[M. Parizeau:] Nous avons des discussions fort intéressantes avec l’opposition officielle à ce sujet. Vous savez, ils doivent…

[M. Girard (Normand): M. le premier ministre, concernant les adjoints ou les délégués régionaux, j’ai constaté que la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean englobe le très grand territoire de l’Ungava.]

[M. Parizeau:] Oui.

[M.Girard (Normand) : Comment pourra-t-on, de Jonquière, par exemple, voir aux besoins spécifiques de toute la population de l’Ungava qui est très loin en distance par rapport au Saguenay-Lac Saint-Jean comme tel?]

[M. Parizeau:] Je suis prêt à parier que ça être plus facile de faire ça de Jonquière que de faire ça de Québec.

[M. Girard (Normand): Oui, d’accord…]

[M. Parizeau:] Bien, voilà !

[M. Girard (Normand): Mais quand vous parlez de diviser…]

[M. Parizeau:] On rapproche, progrès.

[M. Girard (Normand): …une région peut-être en deux…]

[M. Parizeau:] Non.

[M. Girard (Normand): …est-ce que ça pourrait être celle là?]

[M. Parizeau:] Non. Du tout.

[M Drolet: Sur la lettre de Mme Beaudoin, M. Parizeau, si vous me permettez, on va y passer très rapidement…]

[M. Parizeau:] oui.

[M. Drolet : .. .pourquoi Ottawa devrait payer? Jean Chrétien dit qu’il n’y a pas… qu’il n’y a aucune preuve matérielle ou écrite de ça. Pourquoi il devrait payer?]

[M. Parizeau:] Nous reflétons le fait que nous avons constaté que le gouvernement qui nous a précédés avait mis ça dans les comptes à recevoir, et pas 26000000 $, comme nous le pensions. Nous, pour arriver à 26000000 $, comme le Bloc québécois, d’ailleurs, on avait fait une règle de trois en proportion de la population dans les… Et là, on se rend compte que c’est 47000000 $, que les libéraux, le gouvernement libéral a mis dans les comptes à recevoir. Écoutez, nous sommes les gardiens de l’intérêt des contribuables. Nous, si les libéraux considéraient ça comme un compte à recevoir, vous pensez bien qu’on ne va pas considérer ça comme moins qu’un compte à recevoir.

[Une voix: Merci, M. Parizeau.]

[(Fin à 15 h 45)]

[QParizeau19941115]
Monsieur le Président de la Chambre de Commerce du Montréal Métropolitain,

Mesdames, Messieurs,

Je suis venu vous parler aujourd’hui pour vous dire que nous avons beaucoup de travail à faire ensemble.
Nous avons vécu ces dernières années la pire récession depuis les années 30. La situation de l’emploi à Montréal comme dans plusieurs régions est déplorable. Trop de nos concitoyens n’ont pas l’opportunité de participer à l’effort collectif. Ce faisant, la santé financière de notre outil commun, l’État québécois, en souffre. La santé de nos quartiers, de nos Villes et de nos villages, aussi. La santé financière de bien des familles, surtout.

Parce que, vous le savez, le chômage, l’inactivité, la pauvreté, ont des conséquences fâcheuses sur la vie familiale, sur la qualité d’écoute des étudiants à l’école, donc sur le décrochage scolaire. La pénurie d’emploi est aussi un facteur aggravant les tensions entre les différentes communautés de Québécois, facteur aggravant aussi pour la délinquance, et même pour la santé physique et psychique d’un certain nombre d’individus.
Comme le disait Jean Campeau il y a quelques jours: « Peut-être que vous n’êtes plus en récession. Mais votre voisin chômeur lui, il l’est ».
Qui est responsable? Certains disent, le passage à une économie postindustrielle. D’autres accusent la Banque du Canada, qui nous a fait entrer en récession avant les États-Unis et nous y a enfoncés plus loin, trois fois plus loin, en fait, que ce qu’ont connu nos voisins du sud. On peut pointer du doigt la globalisation des marchés, et les dislocations qu’elle provoque. On peut parler de l’augmentation du fardeau fiscal, qui est venu siphonner toute la richesse nouvelle créée de 1990 à 1992, gelant ainsi, en pratique, le pouvoir d’achat des Québécois. Ce qui a entraîné une grave chute des investissements privés, pendant quatre années consécutives. Du jamais vu. Ce sont toutes d’excellentes explications.
J’ai vécu la crise de 1981-82 alors que j’étais ministre des Finances et je peux vous dire que l’État, comme les entreprises, tente de composer avec des forces économiques dont il n’a pas le contrôle. Il faut être humble devant certains phénomènes qui nous dépassent. Humble, mais pas inactif. Vous vous souviendrez de la façon dont le gouvernement de René Lévesque et ses partenaires des entreprises et des syndicats ont voulu faire profiter le Québec du moindre souffle de reprise. Et nous avons réussi, ensemble, notre sortie de crise mieux que n’importe où ailleurs au Canada et mieux que presque partout en occident. Nous l’avons fait et nous avons collectivement redonné aux Québécois en deux ans et demi les 227000 emplois que la crise leur avaient enlevés.

J’ai vécu la dernière récession sur la banquette du chef de l’opposition, et je peux vous dire que j’ai ressenti une grande frustration. Il y avait devant moi un gouvernement qui se disait expert en économie. Il a eu neuf ans pour faire ses preuves. Ses ministres nous ont quittés, en septembre, avec un taux de chômage plus élevé qu’à leur arrivée. Ils ont quitté avec un déficit record, chaque année depuis 1990, ils ont toujours excédé de 900000000 $, en moyenne, leurs propres prévisions. Le dépassement que nous avons découvert pour 94-95 n’est donc pas une surprise.
Je l’ai dit il y a deux semaines à Québec et je vous le répète, nous avons l’intention de casser ce cycle de dépassements constants. Notre objectif est de terminer leur année budgétaire en épongeant une bonne partie de leur dépassement.
Qu’on me comprenne bien. Je ne prétendrai jamais que Robert Bourassa et Daniel Johnson sont responsables de la crise. Soyons sérieux. Je vous dirai cependant qu’ils ont mal joué les cartes que l’économie et les Québécois leur avaient données.
Qu’ont [-] ils fait des premiers souffles de reprise économique? Presque rien. Du creux de l’emploi atteint en avril 1992 jusqu’à septembre 1994, le Québec n’a récolté que 16% des nouveaux emplois au Canada. Au cours de leurs six derniers mois, 6% seulement. Cette fois-ci, on sort de la récession à pas de tortue.
Ce qui est sans doute le plus pernicieux de tout, c’est qu’on a laissé s’installe ! « , au Québec depuis quelques années, l’idée que l’appauvrissement allait être permanent. Qu’il y a deux Québec dans un, pour toujours. Que « c’est la vie, on n/y peut rien ». Le message émis continuellement par 1e gouvernement du Québec au cours des dernières années était celui là. Celui de l’absence d’ambition, des petits horizons, du laisser-faire. C’était souvent vrai dans l’action. C’était vrai, surtout, dans le ton. Le ton du « on ne peut pas, on ne sait pas, c/est compliqué, on verra, ça dépend, c/est fatiguant ».
Combiné aux effets de la récession, ce ton gouvernemental a créé un climat: une morosité qui s’est logée presque partout, une attitude défaitiste, pessimiste. Ce climat de renoncement a des conséquences désastreuses pour les sans-travail de tous âges, mais surtout, pour nos jeunes. 40 % des Québécoises et des Québécois ont moins de 30 ans. Il devrait être interdit de les déprimer comme ça. C’est comme si on tuait leur espoir, c’est comme si on confisquait leur rêve.

Mes amis, je suis venu vous parler aujourd’hui pour vous dire que j’ai, comme premier ministre, une responsabilité personnelle envers les jeunes du Québec. Mon gouvernement a une responsabilité envers eux. Notre génération, vous et moi, avons une responsabilité envers eux. Le Québec nous a beaucoup donné. En retour, nous devons préparer son avenir. .
Je vais vous dire le fond de ma pensée: Je ne serai pas le premier ministre de la morosité, de la pauvr1té et de l’inactivité. Au contraire. Je veux être le premier ministre de l’espoir retrouvé. De l’ambition revenue. Du rêve réinventé.
Trois conditions sont maintenant réunies pour donner au Québec l’élan qui lui manque. Premièrement, les derniers indicateurs le montrent, la reprise, encore fragile, semble vouloir s’installer. Il faut l’harnacher et lui faire produire un maximum d’emplois. Vous vous souvenez du film Jean de Florette » où le personnage joué par Gérard Depardieu attendait depuis des semaines une bonne averse pour son champ assoiffé. Un magnifique nuage est passé au dessus de sa terre… mais a poursuivi son chemin sans dégorger une seule goutte. La reprise économique va passer sur le Québec. Voulez [-] vous? On va la faire pleuvoir !
Deuxièmement, une nouvelle équipe a pris le pouvoir à Québec et au Québec. Un de ses dénominateurs communs: la volonté de bouger, de mobiliser, d’insuffler une énergie nouvelle à l’ensemble des partenaires et à l’ensemble des Québécois, actifs et inactifs. Nous ne sommes ni des génies, ni des magiciens. Et je vous le dis bien franchement: on va probablement faire des erreurs. Mais je peux vous promettre que nous ne baisserons pas les bras. Je peux vous garantir que la volonté d’action est chez nous une denrée inépuisable.
La troisième condition pour donner au Québec un élan décisif, elle est ici, devant moi, dans cette salle. Et je suis très heureux que vous soyez venus en si grand nombre Car, sur quoi peut [-] on s’appuyer pour sortir l’économie québécoise de sa torpeur Sur les investissements étrangers? Sans doute. Ils sont bienvenus et figurent parmi les fleurons de notre économie: qu’on pense à GH à Sainte-Thérèse et Bell Hélicoptères dont nous sommes tous très fiers, ou à Merck Frosst qui a su s’intégrer dans les réseaux Québécois comme une main dans un gant. Je pourrais en nommer des dizaines et nous tenterons d’en attirer des dizaines d’autres. Mais forment [-] ils le coeur de notre potentiel? Je crois plutôt qu’ils sont une force d’appoint, attirée souvent par nos propres succès. Devons [-] nous alors nous appuyer sur les grands chantiers hydro-électriques ou sur les ventes d’électricité aux États-Unis? Ces avenues ont leurs mérites mais on sait maintenant qu’elles ne sont pas la panacée que nous vantaient nos prédécesseurs. Pourquoi nous est [-] il si difficile de nous rendre à l’évidence: la principale richesse naturelle du Québec, ce sont les Québécois. Le principal potentiel de développement du Québec: c’est chacun d’entre vous, les entrepreneurs québécois, les investisseurs, les innovateurs. Vous qui êtes ici, et ceux de Québec, de Jonquière, Sherbrooke.
Selon le Conseil économique du Canada, lorsqu’on mesure le total des recettes perçues ici, presque 70% de notre économie est contrôlée par des intérêts québécois, ce qui est beaucoup plus élevé qu’ailleurs au Canada. Presque la moitié de tous les emplois privés se trouve dans nos entreprises de moins de 100 employés, ce qui est nettement plus qu’ailleurs sur le continent. Nous avons réussi, en 30 ans, à effectuer un rattrapage considérable. Que dis [-] je en 30 ans? Je devrais dire en 20 ou en 15.
Souvenez [-] vous lorsque je parlais de la garde montante. À la fin des années 70. On
me regardait d’un air goguenard, l’air de dire: .c’est pas parce qu’on vend quelques motoneiges, qu’on possède des épiceries et qu’on est bon dans les coopératives, qu’il faut se péter les bretelles.. J’ai peut-être même entendu ce genre de remarque de la part de certains aînés parmi vous.

Je vous l’accorde: à l’époque, la réussite éclatante était l’exception. Mais il faut se rendre compte maintenant que c’est devenu la règle. Sur la planète, on ne peut plus parler de métro ou d’avion sans invoquer le nom de Bombardier. Le Mouvement Desjardins est aujourd’hui le premier employeur privé au Québec, et il étend maintenant ses ailes à l’étranger. Bell Hélicoptères produit un hélicoptère par jour. SNC-Lavalin est en Afrique, au Chili et en Chine.

Au sujet de la Chine, permettez [-] moi une digression. Plusieurs de nos meilleures entreprises sont sur les rangs pour des contrats importants. Nous savons tous qu’11 y a loin de la coupe aux lèvres et nous n’avons pas été dupes de l’inflation verbale qui a entouré le récent voyage de M. Chrétien. Si ça pouvait être vrai, tous ces milliards, on danserait tous dans les rues ! Reste que nos entreprises voient leurs longs efforts de prospection du marché chinois commencer à porter fruit. Mon gouvernement a l’intention de les épauler chaque fois que c’est nécessaire. Vous le savez, j’ai rencontré deux gouverneurs chinois ces dernières semaines et j’ai signé avec eux des accords de coopération. Notre savoir-faire hydro-électrique en particulier, les intéresse. Notre habitude de financement des grands projets. Nos techniques de transports et de pâtes et papiers. Laissez [-] moi simplement vous dire que les relations entre le Québec et la Chine ne font que commencer et j’y veille personnellement, et des équipes sont à l’oeuvre pour les faire fructifier.
Alors cette garde montante? Elle est montée: Cascades, Ro-Na, Quebecor, Jean Coutu, Sico, Agropur, Vidéotron… vous avez tous des noms à ajouter à cette liste. Nous avons au Québec, et en particulier à Montréal, une bien plus grande part des emplois canadiens en télécommunications, en aérospatiale, en pharmaceutique, que notre proportion de la population le justifierait. C’est peut-être parce qu’on est bon. C’est peut-être parce qu’on a le tour.
Il ne s’agit plus de vendre du fer une cenne la tonne. Il s’agit de ce qu’on conçoit et de ce qu’on transforme. De ce qui sort de notre imaginaire, aussi.
Quand les films de Denys Arcand sont en nomination pour l’Oscar du meilleur film étranger et que ceux de Jean-Claude Lauzon sont en compétition pour la Palme d’or à Cannes, c’est pas mal.

Quand presque chaque année on produit un film grand public qui fait plus d’entrées que n’importe quel film canadien au Canada, c’est pas mal.

Quand Céline Dion est numéro un au billboard américain, que Roch Voisine remplit les plus grandes salles parisiennes et qu’André-Philippe Gagnon fait rire des dizaines de milliers d’Australiens, c’est pas mal.
Il y a quinze ans, j’aurais dû creuser mes dossiers pour trouver d’autres exemples. Aujourd’hui, je suis embarrassé parce qu’il me faudrait des heures pour les nommer tous, et j’ai peur de faire des jaloux. Il me faudrait parler de nos grands couturiers, de l’OSM, du Cirque du Soleil, de nos troupes de danse…
Je le répète: au Québec, le succès n’est plus l’exception. C’est la règle.
Un des plus beaux compliments qu’on ait pu faire à l’inventivité québécoise est arrivé lorsque Softimage de Montréal, qui a donné vie aux dinosaures du film le Parc Jurassique, a suscité la convoitise de Microsoft. Une des compagnies les plus innovatrices au monde est venue reconnaître que des Montréalais avaient été plus inventifs qu’elle. Et elle est venue investir encore plus de ressources dans nos capacités, ici. Embaucher encore plus de cerveaux, ici. Laisser aux innovateurs montréa1ais, la maîtrise de la technologie qu’ils ont conçue et leur permettre d’aller encore plus loin. Savez [-] vous que, pour trouver un emploi sur le marché français des informaticiens, les Québécois ont un avantage? Ils ont la réputation d’être parmi les meilleurs.
On est loin de Maria Chapdelaine, vous ne trouvez pas?
Vous me direz: oui mais, il ne parle pas des échecs. Dans la garde montante, il y a eu des montées, mais il y a eu de belles débarques aussi. C’est vrai. J’y viens.

Au début des années 1990, il s’est fait, à la faveur de la crise, un genre de tri dans notre nouvelle classe d’affaires. Ceux qui avaient créé de la richesse, vraiment, des produits, des services, de l’intelligence artificielle, de la pellicule, de la matière, sont toujours parmi nous. Ceux qui ont perfectionné leur savoir-faire ou qui ont investi des champs connexes, ayant une parenté immédiate avec leurs activités, sont toujours parmi nous. Un peu plus aguerris, un peu plus compétitifs. D’autres se sont aventurés trop loin dans leur diversification, ou encore ont voulu asseoir leur expansion sur un endettement excessif. Ils n’ont pas résisté aux coups de butoir de la crise. On se souvient tous des cas Steinberg, Lava1in et des Coopérants. Il aurait été préférable d’éviter ces écueils, bien sûr. Et il Y en a eu de bien pires à Toronto, New York et Londres. C’est désolant quand même. Je ne suis pas complètement étranger, vous le savez, à la volonté de donner de l’oxygène à un certain nombre de gens d’affaires, à cette idée d’utiliser les institutions collectives québécoises comme marchepied pour aider les entrepreneurs dans leur progression. Mais il est arrivé que la marche soit trop haute. Qu’elle soit prise trop tôt. Et que certains trébuchent. Reste que, dans l’ensemble, le taux de succès est élevé. Loin au-dessus de la note de passage. Mais on n’aura jamais 100%. Je suis content de voir que, dans presque tous les cas, 11 n’y a pas eu d’abandon. Chaque fois, il s’est trouvé d’autres entrepreneurs pour prendre le relais de l’entreprise vacillante, préserver une majorité de ses emplois, une bonne partie de son savoir-faire, et les intégrer dans d’autres réseaux pour les rendre plus performants.
Qu’avons [-] nous donc appris, collectivement, de ces épisodes? D’abord que nous sommes nos propres principaux créateurs d’emplois et de richesse, matérielle et intellectuelle, et nous le sommes en bonne partie parce que nous sommes ouverts sur le monde, à l’intersection de l’Europe et de l’Amérique. Ouverts, par plaisir et par nécessité. Nous exportons le tiers de tout ce que nous fabriquons. Nous sommes les plus libre-échangistes du continent. Nous formons la population la plus bilingue d’Amérique du Nord. Nous avons à Montréal des gens d’affaires de toutes les communautés, qui contribuent à jeter des ponts avec les marchés étrangers. Et quand nous deviendrons souverains, ce sera pour être en prise encore plus directe sur le monde.
Aujourd’hui, 34 ans après le début de la révolution tranquille, l’économie québécoise a acquis, pour l’essentiel, la maturité qui lui manquait. Elle a repris, pour l’essentiel, le retard qui la grevait. Au total, au cours des 20 dernières années, alors que le Canada perdait du terrain face à ses principaux concurrents, la productivité a progressé plus rapidement au Québec qu’en Ontario ou qu’aux États-Unis. Les Québécois ont appris à connaître mieux l’économie, à y investir, à s’y investir. C’est énorme.
Ensuite, nous avons appris que nous sommes couronnés de succès lorsque nous nous attachons à inventer et à produire. Lorsque nous avançons dans l’économie vraie, plutôt que dans celle de la comptabilité trop inventive qui a coûté si cher à Wall Street. L’économie vraie. Voilà ce que je veux continuer à faire avec vous. Nous avons constaté que le terrain économique québécois est fertile. Qu’il y pousse, partout, des entreprises audacieuses et vigoureuses.
Mais il faut qu’il en pousse davantage. Nous n’avons pas encore aperçu les limites de notre propre potentiel. Nous n’avons pas suffisamment mis en valeur nos propres capacités.
Je veux, avec vous, redonner l’espoir. Redonner l’élan. Pour faire pousser de nouvelles entreprises, il faut que les jeunes entrepreneurs aient le coup de pouce voulu. Ce matin, à Québec, le ministre de l’Industrie et du commerce, M. Daniel Paillé, a dévoilé son plan de démarrage d’entreprises.
Si, au moment où on se parle, les jeunes Armand Bombardier ou Alphonse Desjardins étaient en train de concevoir leurs projets, ils pourraient se tourner vers ce programme. Il leur suffirait d’entrer dans une institution financière, et d’obtenir un prêt de 50000 $, garanti à 90% par le gouvernement du Québec et remboursable en huit ans. La première année, Québec prendra même en charge les intérêts. Si notre entrepreneur en herbe est un étudiant endetté, une partie de sa dette sera épongée en fonction de la masse salariale créée par sa petite entreprise.
Nous allons garantir jusqu’à 300000000 $ de prêts et nous estimons que 30000 emplois seront créés en deux ans. Et qui sait s’il ne se trouve pas, dans le lot de ces très petites entreprises, des futurs membres éminents de cette chambre de commerce. Il faut de nouvelles pousses, donc. Mais aussi, il faut aider les entreprises en croissance. Il y a une dizaine de jours, c’est ce que nous avons fait en levant le plafond imposé au Fonds de solidarité des travailleurs du Québec. Voilà un instrument québécois, original. Déjà, 73 entreprises et 23 fonds de développement spécialisés ont profité de l’existence du fonds. Selon l’INRS, en 10 ans, le Fonds de solidarité a contribué à créer ou à sauvegarder presque 30000 emplois.
Nous avons enlevé la bride que nos prédécesseurs avaient imposée à ce fonds. Nous espérons que d’autres fonds du même genre verront le jour. Chaque dépôt individuel dans ce type de cagnotte québécoise est un acte de confiance en soi, un geste d’espoir. Et nous avons eu le souci de répartir cet espoir partout au Québec, pour que l’entrepreneurship de Montréal et des régions en profite pleinement.
Montréal est toujours un cas à part, et mérite toujours une attention particulière. Sachez que si le premier ministre du Québec a maintenant une résidence à Québec, ce qui était un voeu légitime, longtemps exprimé par les gens de la capitale, cela ne veut pas dire que Montréal sort de mon champ de vision.
Des projets pour Montréal, vous en avez et nous en avons. Le président du nouveau comité d’initiative et d’action pour la grande région de Montréal, Camille Laurin, me faisait ces jours-ci la liste de 23 projets mobilisateurs pour la région, dans le secteur manufacturier, celui de la haute technologie, en culture et en énergie. Je vais lui laisser le loisir de vous en informer lorsqu’il sera plus avancé et lorsque les arrimages auront été faits avec le nouveau maire de Montréal. Vous aurez noté que dans les deux mesures nationales dont j’ai parlé, le plan de démarrage et la liberté redonnée au Fonds de solidarité, le gouvernement québécois est un partenaire. Nous avons observé comment les ministres qui nous ont précédés ont joué aux banquiers, tous les mercredi à la table du conseil des ministres. Par le truchement de la SDI, ils ont perdu dans le paysage 1000000000 $ des économies des contribuables. Un milliard. Les commentateurs disent souvent de moi que j’ai l’air d’un banquier ce que, soit dit en passant, j’ai toujours pris pour un compliment. Mais je peux vous promettre que ni moi ni mes ministres n’avons l’intention de jouer aux banquiers, surtout lorsqu’on trouve dans les banques et les caisses et les fonds québécois un remarquable réservoir de talents. Dans chaque quartier et chaque région, des gens gui peuvent évaluer et conseiller. Et qui, en plus, sont en concurrence les uns avec les autres pour donner un meilleur service. Qu’est [-] ce que l’État irait faire là-dedans?
Il y a un rôle pour l’État, c’est celui d’assurer que la main-d’oeuvre a accès à une formation de base de qualité, puis une formation continue de haut niveau. Avec le Forum pour l’emploi, un autre remarquable instrument québécois, nous préparons pour très bientôt une initiative nouvelle, importante, pour la jeunesse du Québec. Cette initiative concernera l’entrepreneurship des jeunes, mais aussi leur formation et leur insertion sur le marché du travail. Nous n’allons pas discuter du problème ». Nous le connaissons bien. Nous allons, ensemble, nous donner des cibles précises, des échéanciers. Nous allons nous engager à livrer la marchandise, dès l’an prochain.
Je vais vous faire un aveu. La question de l’éducation et de la jeunesse québécoise me préoccupe au point que j’ai failli, lors de la constitution du gouvernement, me réserver le ministère de l’éducation. J’ai dû me rendre à l’évidence: le temps m’aurait manqué, comme premier ministre, pour bien m’acquitter de cette seconde tâche. C’est pourquoi je l’ai confiée à Jean Garon, qui ne manque ni d’instruction, ni de bon sens, ni surtout d’énergie. Il doit réunir, l’an prochain, les États généraux de l’éducation. Il est déjà à pied d’oeuvre.
Ces deux actions, l’initiative du Forum pour l’emploi et les États généraux, doivent nous conduire à une meilleure formation de notre jeunesse, donc à de meilleurs débouchés, pour eux, à une meilleure compétitivité, pour nos entreprises. À une meilleure qualité de vie, pour tous. Voilà les premières grandes mesures que le nouveau gouvernement, en concertation avec ses partenaires, met en place pour redonner l’espoir: aux nouveaux entrepreneurs, aux entreprises en croissance, à la jeunesse québécoise.
Il y aura d’autres mesures, grandes et petites. Et mon gouvernement a résolu de répondre présent chaque fois qu’un projet porteur d’espoir a besoin d’aide. L’autre jour, il s’agissait d’une des meilleures initiatives de réinsertion des jeunes au travail: le Carrefour Jeunesse-emploi, à Gatineau, dont le taux de succès est très é1evé. Ottawa lui a coupé 1es vivres, parce qu’il ne se conformait pas aux fameuses « normes canadiennes ». Nous l’avons sauvé. C’était trop précieux.
En Gaspésie et dans le Bas-du-Fleuve, Ottawa voulait se retirer du programme du Plan de l’Est, sur lequel comptent 6000 producteurs forestiers pour leur expansion. Il nous a suffi de manifester notre intention de prendre le relais, car encore une fois c’était trop précieux, et Ottawa a changé d’avis. Très bien. Ici à Montréal nous avons enfin débloqué le chantier de l’Institut de l’image et du son, dans lequel nous fondons beaucoup d’espoir. Cet élan collectif, fait de grandes initiatives et d’une multitude de petites actions, sera récompensé par la création d’emplois, bien sûr. Et j’aimerais pouvoir vous dire que nous allons tirer tous les dividendes de nos efforts. Mais j’ai demandé qu’on me fasse quelques simulations. Voici ce que ça donne: Première hypothèse: supposons que nous mettons tous nos efforts, toute notre capacité d’innovation, dans la création d’emploi et que nous réussissons, mieux qu’ailleurs au Canada, à faire baisser notre taux de chômage de 1%. Il y aurait 30,000 salariés de plus qui paieraient plus de taxes et d’impôts: 400000000 $ de plus.
Bonne nouvelle? Pas si vite. Car si le Québec va trop bien, par rapport au Canada, le jeu des transferts fédéraux nous punit en retirant de notre prochain chèque plus de 300000000 $. Je résume: on se crée 400000000 $ de revenus, on s’en fait couper les trois-quarts. Mais, si, au contraire, on appauvrit les Québécois, on est récompensé. Alors, deuxième hypothèse: plutôt que de suer à grosses gouttes pour créer des emplois, on coupe 500000000 $ de dépenses. Le résultat, c’est que moins de Québécois travaillent. Nos revenus baissent de 150 millions. Mais le Canada, par les transferts, nous récompense: il nous rembourse presque les deux tiers de notre perte pour nous féliciter. Bref: l’enrichissement est puni aux trois-quart, le rapetissement récompensé aux deux-tiers.
On comprend très bien pourquoi c’est fait. C’est un système de répartition de la richesse et de la pauvreté. Mais son effet pervers est absurde, pour nous comme pour les autres. Le Canada nous impose une taxe à l’initiative et nous offre une prime à l’appauvrissement. Ça stérilise l’initiative et ça décourage la performance. Je n’essaie pas de vous dire que le Québec ne retire pas un avantage financier du système de péréquation, ce serait faux. Je ne cherche pas plus à cacher que nous recevons davantage de prestations d’assurance-chômage que nous payons de cotisations, c’est l’évidence. Certains y voient la preuve de la rentabilité du fédéralisme, c’est un saut logique un peu périlleux. Plus on a de chômeurs, plus on profite du Canada. Mais qu’est [-] ce qui se passe du côté des dépenses fédérales structurantes en matière d’emploi?

Depuis 1979, nous, Québécois, n’avons récolté que 18% des dépenses canadiennes en recherche et développement. Même chose pour les investissements effectués au Québec par les ministères fédéraux au cours des 30 dernières années. C’est pire pour les dépenses en matière de défense. Globalement, la proportion québécoise des dépenses fédérales en biens et services n’a atteint que 19% au cours des dernières années.
On en revient toujours à la vieille légende du poisson. Vous savez: est [-] ce que c’est préférable de donner du poisson à un homme, ou à lui apprendre à pêcher? Le Canada nous donne du poisson, c’est vrai: assurance-chômage, péréquation, mais pas de morue ! Mais moi je crois fermement que l’ambition des Québécois, la vôtre, ici, c’est plutôt d’apprendre à pêcher: recherche et développement, formation professionnelle, production de biens et de services. Le statu quo, lui, nourrit notre dépendance. Notre projet, celui d’un Québec souverain, nous permettrait d’amorcer la transition vers l’indépendance économique.
En attendant, rien de tout ça ne va pas nous empêcher de bouger, au contraire. Mais dans plusieurs secteurs, on se rend compte que le Canada agit comme un frein à notre capacité de prendre les virages importants. Tout le monde nous dit que dans la nouvelle économie mondiale, les sociétés agiles, promptes à s’adapter aux nouveaux défis, auront un avantage sur les autres.
Le Québec est une de ces sociétés. Notre pratique du partenariat et de la concertation dépasse tout ce qui se fait sur le continent. Dans plusieurs dossiers on est prêt, on veut, mais ça bloque.
Prenez la formation de la main-d’oeuvre. On est tous d’accord sur nos objectifs et sur nos moyens d’action. De Louise Harel à Ghislain Dufour, 11 y a deux semaines, le consensus québécois a été réaffirmé. Même Tom D’Aquino, du Cercle Canadien des Chefs d’Entreprise vient de dire que cette responsabilité doit être dévolue aux provinces, mieux _ même d’organiser un guichet unique, et plus proches des besoins de leurs citoyens. Rien à faire. Le gouvernement canadien a décidé que c’était une prérogative du gouvernement central. Et M. Axworthy nous invite à discuter pendant deux ans de questions que nous, au Québec, on a réglé depuis la ans. Il veut qu’on cause d’employabilité, alors qu’on est passé, chez nous, à l’étape de l’insertion.
Je sais que plusieurs d’entre vous n’êtes pas souverainistes mais avouez que ce pays est étrange. Les Québécois forment 25% de la population, ils forgent des consensus importants et lancent à répétition des messages à Ottawa et… rien ne se passe. C’est comme si on n’était pas là. C’est comme si les organisations patronales et syndicales québécoises ne comptaient pas.
Je trouve ça décourageant et ça ne date pas du 12 septembre. D’une part, le premier ministre canadien le plus flexible qu’on ait eu, Brian Mulroney et d’autre part le premier ministre québécois le plus accommodant, Robert Bourassa, n’ont pas pu s’entendre sur la main-d’oeuvre. Ensuite, Daniel Johnson et Jean Chrétien, qui avaient vraiment intérêt, pour des raisons électorales, à prouver que le fédéralisme était flexible, n’ont pas réussi à s’entendre non plus sur la main-d’oeuvre.

Le système est complètement bloqué. Enfin, pas pour tout le monde. Nos concitoyens Mohawks ont eu droit à une autonomie considérable en ce domaine et on les félicite. On est très content pour eux. Je leur dis: allez [-] y, profitez [-] en au maximum. Mais pour ce qui est de respecter le consensus des Québécois, rien ne bouge.
Parlons de l’autoroute de l’information. C’est ici, à Montréal, qu’on trouve la plus grande concentration d’entreprises en télécommunications au Canada. Nous avons un contenu francophone dont on ne retrouve nulle part l’équivalent. Nous avons donc, dans cette ville, les éléments d’un mariage unique de la culture et de la technologie. La Cour suprême du Canada nous a dit qu’on n’avait pas le droit, en tant que collectivité québécoise, de nous mêler de ça. Et, ce mois-ci, le ministre canadien Michel Dupuy a fait savoir qu’il nous consulterait au même titre qu’une municipalité ou une église. C’est fort.
Même en culture, où on pensait que c’était acquis qu’au Québec on était un peu différent de Winnipeg, Ottawa propose maintenant de se promener dans le monde en parlant strictement de culture canadienne ». Nous nous réjouissons que plus d’argent puisse être trouvé on ne sait où pour promouvoir les créateurs, dont les Québécois, à l’étranger. Mais c’est quand même incroyable qu’Ottawa puisse définir une politique de promotion culturelle comme s’il n’y avait qu’une culture au Canada.
L’idée de dualité est en train de disparaître complètement du paysage. C’est pas étonnant, le quotidien la Presse nous apprenait récemment que M. Chrétien a recasé à des postes importants tous ceux qui avaient combattu le concept de société distincte dans Meech. Il les a tous récompensés. Mais ce n’est pas une question d’individus. Ces gens là sont au diapason du consensus pancanadien, qui veut que les provinces se mettent en rangée derrière Ottawa et que pas un poil ne dépasse.

Ce n’est pas ce que les Québécois, même fédéralistes, veulent. 66 %des Québécois veulent plus d’autonomie pour le Québec. Depuis 1984, ils le disent à toutes les élections, canadiennes et québécoises. Autant vous le dire tout de suite, sauf à devenir souverains, on n’en aura pas, plus d’autonomie. Collectivement, on a essayé le statut particulier, le fédéralisme rentable, la souveraineté culturelle, le beau risque, la société distincte: rien n’a marché. On en est au point où M. Chrétien tente de nous convaincre qu’il est plus facile et moins coûteux d’apprendre le français à Kingston qu’à Saint-Jean-surRichelieu.

Je trouve un peu triste ceux qui jouent à l’autruche et veulent, encore, lancer les Québécois dans un cul-de-sac. J’entendais ces jours-ci Jean Charest, un garçon fort sympathique. Une semaine il parle de souveraineté-association, une bien jolie expression; une autre, il parle de souveraineté partagée, reprenant à son compte le faux-fuyant favori de Robert Bourassa. Je comprends que M.
Charest refuse de partager ses tribunes avec Jean Chrétien, mais il devrait avoir le courage de nous dire que ses propositions de réforme, de redistribution des pouvoirs, n’ont aucun écho dès qu’on sort du Québec. M. Charest a tenté deux fois de vendre le concept de société distincte aux autres Canadiens. Deux fois, il s’est fait dire non. Maintenant il voudrait proposer quelque chose d’encore plus ambitieux? Il nous vend des illusions.
Et il faut nous rendre à l’évidence. On peut faire un grand nombre de choses avec les outils que nous possédons au Québec et nous allons le faire. Mais il y a des défis économiques, sociaux et culturels que la société québécoise est prête à relever, mais qu’elle ne pourra réussir dans le contexte actuel. Le système canadien se referme sur la volonté d’autonomie historique du Québec. La lourdeur et la lenteur des consultations pancanadiennes retardent des décisions que nous sommes prêts à prendre. La Cour suprême nous interdit d’agir dans des secteurs où nous excellons. Le système de transferts fédéraux taxe la performance et récompense le sur-place. Le caractère distinct de notre culture n’est même plus reconnu par les ambassades canadiennes à l’étranger.
Il n’y a pas de complot ou de mauvaise volonté. Le gouvernement fédéral pense réellement servir les intérêts de tous les Canadiens et il reflète, vraiment, la volonté politique de la majorité de nos voisins. Le problème est systémique. Le Canada ne nous aide pas à recréer l’espoir québécois. Il lime ce qui nous distingue. Il nous retient dans le passé.
Mes amis, le passé, comme vous, je l’ai connu. Et, comme vous, je ne veux pas y retourner. Le sur-place, nous l’avons vécu depuis neuf ans, et nous sommes déterminés à y mettre fin. Mais réfléchissez avec moi à cette idée, à cette réalité dont je suis plus convaincu que jamais. Notre avenir, il nous incombe à nous, Québécois, de le créer. Nous savons qui nous sommes et ce que nous voulons devenir. Il sera bientôt temps de tirer les conclusions de nos convictions.

Merci.

[QParizeau19941025cp]
[ (Quinze heures onze minutes)]

[La modératrice: On va passer directement aux questions en français.

Une voix: Ah oui ! Justement une question, si vous le permettez, sur cette histoire qui roule à Ottawa depuis une semaine concernant le CST pour voir qu’est [-] ce que vous en pensez de façon générale et nominalement d’avoir peut-être été espionné vous-même par une agence.]

[M. Parizeau:] Je vous avouerai que ça ne m’étonne pas particulièrement. Je réagis, dans ma vie publique, depuis bien des années comme si c’était le cas. Vous savez, après tout ce qui s’est passé au cours des années 70, s’imaginer tout à coup que les gens voient la lumière et changent à ce point leur façon de procéder. Je ne peux pas dire que le contraire m’aurait surpris. Alors, dans ce sens là, qu’est-ce que vous voulez, ça reste toujours aussi inadmissible. Je pense que ça justifie tout à fait la demande que fait le Bloc québécois d’avoir à nouveau, ce n’est pas la première fois, une commission d’enquête. Peut-être que la seule façon de tenir ces gens à peu près, comment dire, dans un cadre de correction élémentaire, c’est de faire, toutes les quelques années, une commission d’enquête qui révèle des choses et qui, pendant un certain temps, les ramène à de meilleurs sentiments. Mais, comment dire, celui qui a pratiqué ça pendant bien des années, il a toujours la sensation de retourner dedans, hein?

[Une voix: M. le premier ministre. Vous êtes le seul qui pouvez nous dire ce qui se passe au caucus quand vous voulez bien le dire. Est-ce que le caucus s’est prononcé sur ce qui est survenu à Domtar concernant les primes de séparation faramineuses, là, qui ont été votées par le conseil d’administration? Et qu’est-ce que le gouvernement peut faire dans une situation comme celle là?]

[M. Parizeau:] J’ai simplement mis le caucus au courant des raisons de ma réaction hier et de la raison pour laquelle je peux difficile ment aujourd’hui aller plus loin parce que j’ai demandé au conseil d’administration de Domtar, effectivement, d’examiner si comment dire, la détermination de ces primes de séparation a été faite correctement, en fonction, non seulement des règlements de l’entreprise, mais de l’équité. Après tout, moi, je représente le plus haut actionnaire là-dedans. Le public québécois est actionnaire de 45 % dans cette compagnie. Moi, je veux que le conseil d’administration s’assure que tout ça a été fait correctement et que ça correspond à des normes d’équité à peu près correctes. J’attends. Ils pourront examiner les choses et ils me feront rapport. Et, puis, là, on verra l’étape suivante.

[Une voix: Le gouvernement a…]

[M. Parizeau:] Non, non. Écoutez, je ne peux pas retirer une prime de départ. Je peux demander à des gens de faire ça. C’est une entreprise, ça, c’est une entreprise privée. Je comprends que le gouvernement, par la SGF et la Caisse de dépôt, a 45 %.des actions, mais il reste énormément d’actionnaires aussi. Il reste un conseil d’administration qui a ses pouvoirs. Mais moi, au nom du public, je dois m’étonner, je dois dire que je trouve ça vraiment trop haut et demander des renseignements et voir comment ça a été fait et si ça a été fait correctement; ce que j’ai fait. Et là, j’attends de voir… J’espère que les réactions vont venir assez rapidement.

[Une voix: Votre ministre, M. Campeau, avait bénéficié aussi, à l’époque, d’une prime importante de la même corporation. Est-ce que c’était plus justifié? Est-ce que c’était différent à ce moment là? Est-ce qu’il y avait des circonstances différentes?]

[M. Parizeau:] C’est la raison pour laquelle je demande d’aller aux renseignements. Je ne peux pas me substituer au conseil d’administration à cet égard là.

[Une voix: M. le premier ministre.]

[M. Parizeau:] Oui, sur le même sujet?

[Une voix: Non, sur autre chose.]

[M. Parizeau:] Bon. Allez [-] y !

[Une voix: Sur le résultat, hier, de l’élection dans Saint-Jean, vous avez dit: Enfin, on a fini par l’emporter. Dans une perspective référendaire, vous avez dit également que c’était nettement insuffisant. Est-ce que le résultat d’hier commence à ébranler votre conviction pour la tenue du référendum dans une perspective, dans un horizon… en 1995?]

[M. Parizeau:] Ah, bien non ! Pas du tout ! C’est simplement… Il est très important, quand on s’engage dans une perspective comme celle de 1995, qu’on soit extrêmement attentifs à chaque résultat, à chaque exercice, à chaque tentative. Que l’on dise: Ça, pas mal; ça, attention, il Y a encore un effort à faire; ça, il faut aller plus loin. Vous allez m’entendre exprimer des points de vue comme ceux là de la façon la plus candide dans les mois qui vont venir. Quand on va faire un bon coup, vous pouvez compter sur moi que je vais le montrer le bon coup. Mais quand c’est moins bon, je vais le dire aussi.

[Une voix: M. le premier ministre, ça va faire un mois exactement que vous êtes au pouvoir. Est-ce que vous trouvez que ça a passé vite? Est-ce qu’on déblaie assez vite les priorités que vous vous étiez fixées en campagne électorale?]

[M. Parizeau:] Je pense que vous allez voir dans les jours qui viennent une accélération considérable. Le premier mois a consisté à mettre à la fois les personnes et les choses en place. C’est à peu près terminé, cette opération là. Maintenant, on devrait voir… Déjà, on a vu un certain nombre de choses apparaître et se faire très rapidement, de façon assez remarquable, je pense en particulier aux 34000000 $ d’Ottawa, il n’y a pas beaucoup de gens qui auraient parié que ça se règle en 48 heures, cette histoire là. Mais, je pense qu’on va voir, là, dans les quelques semaines qui viennent, une foule de choses débloquer. Les rapports que j’ai, à l’heure actuelle, sont excellents sur ce plan là.

[Une voix: Le démarrage, le fonds de démarrage auquel vous tenez beaucoup. . .]

[M. Parizeau:] Ah, ah, bien…

[Une voix: …est-ce qu’on peut s’attendre à ce que, dans les prochains mois, on ait des nouvelles de…?]

[M. Parizeau:] Bien, normalement, je dois avoir, moi, des nouvelles je pense cet après-midi, dans une demi-heure, ha, ha, ha !

[Des voix: Ha, ha, ha ! ]

[M. Parizeau:] …dès que j’ai fini ici. Oui?

[Une voix: Lors de votre discours au Château Frontenac, envers les autochtones, vous promettiez que le gouvernement dirigé par le Parti québécois allait être irréprochable. Maintenant, M. Coon Come ne sera pas là jeudi pour reconduire l’entente sur la protection des communautés et il y a les Mohawks qui ont fait des déclarations, disons au cours des dernières semaines. Est-ce que votre gouvernement ne risque pas de tomber sur les mêmes écueils que le gouvernement précédent, c’est-à-dire d’être obligé d’adopter une approche différente envers les Cris et les Mohawks, puisque ça semble aller plutôt bien avec les neuf autres communautés?]

[M. Parizeau:] C’est encore un peu tôt pour voir s’il y a lieu de changer d’argumentation ou de cadre. Là, on va me… j’ai appris, à peu près comme vous, là, que M. Coon Come ne va pas venir jeudi. Bon, bien, très bien, continuons de regarder ça. Je suis un peu déçu parce que, au fond, ça m’aurait intéressé, moi, de reprendre contact. Je connais M. Coon Come, mais ça fait quand même un certain temps qu’on n’avait pas discuté de choses. Bon, bien, alors, très bien, on fera ça un peu plus tard. Mais, moi, vous savez, pour le moment, j’ai plutôt tendance à ne pas trop m’exciter avec ces questions, et tout en m’assurant, cependant, et c’est ça le sens de la démarche du ministre de la Sécurité publique, que les problèmes, justement, qui relèvent de la Sécurité publique et qui se produisent, il les surveille très attentivement. Comme vous l’avez remarqué, il a commencé à le faire.
Alors, il faut, je pense, sur ces questions, surveiller ça de très près et, pour le reste, garder l’esprit ouvert et quand, à un moment donné, un dialogue est reporté de quelque temps, ne pas en faire tout un plat.

[Une voix: M. le premier ministre, pendant la campagne électorale, il y a 93 de vos candidats qui s’étaient engagés, à la suite de l’élection d’un gouvernement du Parti québécois, à réviser la loi 84.]

[M. Parizeau:] Ha, ha, ha ! Oui.

[Une voix: Est-ce que votre gouvernement a pris une décision à ce sujet là, ou est-ce que le caucus a pris une position face à la loi 84?]

[M. Parizeau:] Alors, il s’agit, pour tous ceux qui ne seraient pas tout à fait au courant, il s’agit de la Loi sur les vidéopokers. La 84. Alors, effectivement, oui, au caucus, nous avons discuté de ça. Ce n’était pas 93. C’était, je pense, 50… Ah ! Peut-être 93, mais 57 ont été élus.

[Une voix: 57 élus.]

[M. Parizeau:] Alors, il y a 57 députés qui avaient signé une lettre. Alors, ce que la lettre dit, cependant, seulement, c’est qu’ils s’engageaient, si nous étions portés au pouvoir, à faire en sorte qu’une table de concertation, une commission parlementaire, enfin, je ne sais pas, quelque chose siège à ce sujet là, au sujet de la loi 84. Alors, ce qui a été décidé au caucus, ce matin, c’est, oui, de dire: Très bien, nous allons tenir quelque chose de ce genre là. Et quelques députés doivent se réunir avec M. Campeau et M. Ménard, pour déterminer quelle forme cette consultation va prendre.

[Une voix: Je vous remercie.

Une voix: M. Parizeau, une dernière question: Demain, il y aura déjà une manifestation de fonctionnaires, demain midi. Qu’est-ce que vous direz à ces gens là?]

[M. Parizeau:] Écoutez, l’opération… Moi, je les comprends un peu, à l’heure actuelle. Ils auraient voulu, vous savez que la demande m’a été faite pendant la campagne électorale, à plusieurs reprises, une sorte de moratoire sur toutes les coupures. On me l’a demandé explicitement, d’ailleurs. Pas les fonctionnaires, je pense que c’est la CSN qui m’avait demandé ça. Moi, je ne pouvais pas dire: écoutez, non, on va faire un moratoire sur toutes les coupures. On a dénoncé ça comme des coupures aveugles. Nous, on ne va pas faire de coupures aveugles, on va réviser ces coupures là. Ce qui ne veut pas dire qu’on n’en fera pas. Ça veut simplement dire qu’on va se débrouiller pour qu’elles ne soient pas aveugles, pour qu’elles puissent être justifiées. Alors, on est dans le processus de révision. Ce n’est pas nécessairement toujours facile de se comprendre, geste par geste. C’est assez délicat, ce que nous entreprenons, de dire: Non, les coupures qui ont été faites, de ce côté là, pour nous, c’est abusif, ça va trop loin, ou ça a trop d’impact sur le public.
Et dans d’autres cas, ça, oui, on maintient ce genre de coupure ailleurs. Ce n’est pas facile de se saisir de se comprendre. Et c’est pour ça que je dis que je les comprends un peu. C’est bien plus facile de prendre une décision radicale et tout ratiboiser et de se retrouver contre ça et dire: Je suis contre tout ça. C’est plus délicat, pour deux parties, de se regarder, de se comprendre, geste par geste.

[Une voix: Est-ce que vous êtes favorable à la mise en place, comme le suggère le syndicat des professionnels du gouvernement, d’un comité national mixte pour tout revoir l’organisation du travail dans ce secteur là?]

[M. Parizeau:] Ça, c’est, à mon sens, la grande idée qui commence à appara1tre dans les syndicats du secteur public et que nous partageons absolument, la majorité. Il faut revoir de fond en comble les méthodes de travail, l’organisation du travail et aussi, donc, la formation du personnel. Et ça, au fond, on est toujours d’accord sur l’objectif.
Déjà, Mme Marois nous a amenés au comité des priorités ce qui pourrait être une sorte d’encadrement de ces discussions là. Nous sommes en train de regarder quel cadre ça pourrait prendre et les premières ouvertures avec les syndicats vont se faire à cet effet là très, très bientôt. C’est la grande idée. C’est épatant. Il y a un avenir remarquable, je pense, des discussions à l’intérieur du secteur public autour de cette question là. Il y a une ouverture à l’heure actuelle qui me paraît extrêmement intéressante pour essayer d’augmenter… C’est pour ça qu’il est question d’augmenter l’efficacité du secteur public, de faire en sorte qu’il se rapproche des gens, qu’il soit plus rapide, qu’il soit capable de se retourner. C’est toujours en fonction du service qu’on a à rendre à la population.
Dans un certain nombre d’entreprises privées, ça a bougé très, très vite depuis cinq ou six ans, alors que le secteur public a eu tendance à s’immobiliser. Et là, de partout, aussi bien du côté des syndicats que de notre côté, tout le monde se dit: si on commençait à bouger un peu. Très bien, très bien, qu’on continue comme ça.

[Une voix: Alors, ça veut dire que jeudi, Mme Marois va accueillir favorablement, lorsqu’elle rencontrera les représentants du Syndicat des professionnels du gouvernement, la proposition de mettre une structure en place pour ces discussions que vous trouvez intéressantes?]

[M. Parizeau:] Je pense que Mme Marois et les centrales syndicales, sur la nécessité d’établir une sorte d’encadrement, tout ça, vont tomber d’accord très, très vite. Je n’ai pas de… Ce que j’en sais.

[Une voix: …Domtar golden handshake?

M. Parizeau: Here, I am speaking as the representative of the largest shareholders in Domtar, the people of Québec, I think they are too high. These indemnities are just too much. It is not a golden handshake, it is a golden parachute too, and l have asked the board to give me some information about how this came about, the kind of justification that they see in this, and simply from the point of view of equity, if that is correct. I am waiting for their answer. I can’t… I mean, it is a private corporation. I can’t just say: will you change this? But I can say: Hey ! Look ! This is a lot of money. At a time like ours, at the present time, don’t you think it is too fat?

Une voix: Mr. Parizeau, do you think that the allegations of espionage seriously matter fore?) moment.

M. Parizeau: Look, after what happened in the 1970s, I am ready to believe a lot of that stuff, not that l approve of it, but you know, such people do not change their stripes all that easily, and in that sense I think it is a good idea on the part of the Bloc to say: We want a commission of Enquiry. It will not be the first one, but a least, if we have a Commission of Enquiry on such people every ten years or so, you keep the system strickly more honest or at least you temper them for a few years. As I say, I am deeply shocked or surprised by it. l was shocked and surprised in the 1970s but since then, you know, l just act as if l were under the eyes of those people all the time.

Une voix: Do you think that the dossier on Jacques Parizeau has been there for qui te a while?

M. Parizeau: More than one, I am sure. Ah ! Ah !

Une voix: Does your government intend to pursue the matter? Do you think it is up to the Bloc or will the Québec Government make it its own…

M. parizeau: I will support vocally and whatever help I can give to the Bloc for this request for a Commission of Enquiry. I think after the Macdonald Commission of some years past, it is time to have another one and just see how, over the last few years, all this has been conducted. It should make an amusing reading. There are things, you know, that astounish me here. What is the role of Norway in this? l mean, we never did anything to the Norwegians. What on earth are they doing in that sort of stuff? Is it true that Mrs. Thatcher asked them to? l knew Mrs. Thatcher had an original mind, but to ask the Canadians to spy upon ministers of the Crown – by Jove ! Ah ! Ah !

Une voix: Mr. Parizeau, do you think Mr. Coon Come is getting off on a good foot with its peace relations in the PQ is right to show more opening or is it worst th an ever (?) and now be standing … for this meeting on Thursday? Is he getting off on the right foot?

M. Parizeau: Maybe he is reacting specifically through a sort of open this like we have tried to just show. Maybe he wants to negotiate the few of … Why not? Welcome. Rome was not build in a day. I know Mr. Coon Come for a few years. He knows me. That is aIl right. I am not… I think … I am sure we will be, you know, again.

Une voix: Daniel.

Une voix: Mr. Parizeau, can you get excited over this report by the hit list for top …

M. Parizeau: The hit list?

Une voix: Yes

M. Parizeau: I try to be quite specifie on that point. Delegates abroad or in foreign countries of the Québec Government are salesman of the Government’s positions and interests. I look for the interest of Québec, as a whole. It is awfully tough for them to do a good job if they cannot leave with the political objectives of the Government of the day. l do not mean to say that they have to be rab id proponents of this, but, at least, they must feel at ease with it. If they do not, well, l hope they … pass open of Kr. Scowen. Mr. Scowen did something qui te remarkable. He said: Look, l cannot. l cannot be the salesman in New York of that government. l resign. Well, l sa id to Mr Scowen: Look, you did a remarkable thing and l will not forget. L mean, if there is a job that has not that kind, let us say, political over tongs(?), we will discuss. We will discuss again. Anytime l have
been in contact with Mr. Scowen for so many years of my life, l mean, l feel perfectly at ease with that sort of … Mr. Dauphin, l gather will… l think he already has … another job in the pUblic sector will probably be offered to him, and that is all right. l do not find anything terrible about this.

une voix: …other cases?

M. Parizeau: Why not? Like, well… Which other cases?

une voix: No sir, you can’t sell a product to… You have to get somebody else to sell the product.

M. Parizeau: Well, yes, indeed. Although I am sure we will have no difficulties in finding candidates for such jobs, you know. There are as many as you like.

La modératrice: O.K., dernière, une petite dernière.

Une voix: Mr. Parizeau, is the victory of the Parti québécois in Saint-Jean more impetus for your (?)

a better with the Federal Government?

M. Parizeau: Why, it will help surely. And l think we’ve got to(?) If it was difficult during the campaign itself. l mean it’s hard to bring the Federal Government to reopen something while there is an election on that subject going on. But now that the election is over, we certainly have to go and see the relevant authorities with the Federal Government saying: Weil, look, let’s talk. We’re interested in keeping the original purpose of that college. It’s a good college, it’s a good institution. We need i t both for the learning of languages and for the training of off icers, Francophones. We think that that function should remain. Let’s talk. l don’t know how far we can go. l don’t how the Federal Government eventually, when the tension’ has fallen a bit and we can discuss reasonably, will accept our premise or not. But it would be wrong, on our part – if we believed that that institution must remain – to say: We’re going to wash our hands of it. Now, it takes two to tango.

La modératrioe: O.K. Merci, merci, merci !

M. Parizeau: Pardon me?

Une voix: You said that the Québec government has signed a deal with the…

M. Parizeau: No. You see, that is wrong factually. There was a deal on July 19 to have an operational agreement as to what would happen to that institution and how financing would be shared, etc. by August 31st. By August 31st, there was no agreement, no signature, not even negotiations between the two parties. So, l feel quite free ta reopen the thing. Oh no ! A deal is a deal. I mean, if l had a signature of the Québec government on August 31st, that would be ver y different. But, aIl parties concerned recognize that on August 31st, there was nothing.

Une voix: Rapidement en français…]

[La modératrice: O.K.

Une voix: …M. Parizeau, est-ce que vous croyez que le résultat de l’élection d’hier va permettre un règlement facile avec Ottawa sur cette question?]

[M. Parizeau:] …Bien, je pense que ça va surtout permettre de rouvrir la question avec le gouvernement fédéral. Ça va faciliter les choses. De toute façon, on voulait rouvrir avec le gouvernement fédéral. Mais le fait qU’on l’ait gagné dans Saint-Jean ne fait, comment dire, qu’aider davantage. Cette affaire là, il faut prendre ça un peu rationnellement. C’est une bonne institution d’enseignement. Les cadets officiers qui sont passés par là depuis maintenant des années ont été bien entra1nés, bien formés. Ce sont des francophones. Il y a, de toute façon, un besoin pour des officiers francophones et tout le monde reconna1t, que ça soit dans l’armée même ou en dehors de l’armée, que ce n’est pas vrai que les cadets francophones vont être entra1nés en aussi grand nombre et de la même façon à Kingston. Donc, nous sommes intéressés à ce que cette institution là demeure. Le gouvernement antérieur se préparait à signer une entente pour dénaturer complètement et ratatiner, d’ailleurs, cette institution d’enseignement. Mais l’entente qui consacrait tout ça et qui devait être signée pour le 31 août n’a jamais été signée. Alors, écoutez, ne m’en voulez pas que je rouvre avec le fédéral en disant: écoutez, ça prend longtemps pour monter une institution comme celle là. Ça prend des années pour monter une bonne institution d’enseignement. Ça peut se détruire en quelques semaines. Est [-] ce qu’il n’y a pas moyen de s’entendre pour maintenir cette institution d’enseignement sur une base à peu près correcte?

Et remarquez que j’aimerais bien qu’on sorte de ça, là, des querelles fédérales-provinciales. Les gens de l’armée canadienne qui ont eu à examiner ça arrivent à la même conclusion. Je comprends que, des fois, ça les gêne d’être du côté du Parti québécois, bon, mais enfin, quand même, on pourrait les écouter, ces gens de l’armée qui disent: si vous voulez former des officiers francophones, il faut passer par là. C’est le bon endroit pour les former. Puis, si vous essayez de les former à Kingston, ça ne sera pas fait en aussi grand nombre et de la même façon. Bon, bien, alors, pourquoi on ne serait pas capables de discuter ça comme des gens à peu près rationnels?

[Une voix: Oui, mais M. Parizeau, il y a quand même quelque chose d’ironique à ce que ce soit vous qui exigiez le maintien d’une institution qui, finalement, renforce l’unité canadienne.]

[M. Parizeau:] Elle ne renforce pas l’unité canadienne, cette institution. Elle satisfait un besoin. Il va y avoir des forces armées. Que Québec soit dans le cadre fédéral canadien ou que le Québec soit un pays souverain, il y a des forces armées dont une partie est composée de francophones. Alors, où voulez [-] vous les former? Ou bien voulez [-] vous qu’on revienne à la situation qu’on a connue autrefois où, dans l’armée, il n’y en avait pas et s’il y avait quelques francophones il fallait qu’ils passent toute leur vie en anglais? J’ai connu cette époque là, moi. Je l’ai connue, cette époque là. Je vous assure, c’est comme ça que ça se passait. Et le premier qui a commencé à réagir un peu, le général Allard, avait quoi comme objectif en tête? Il disait: J’en ai assez de voir les Québécois francophones rentrer dans l’armée comme, qu’est-ce qu’il disait, comme cuisiniers ou chauffeurs. Parce qu’il n’y avait pas d’autre métier, à ce moment là, qu’on leur enseignait. Et quand aux officiers francophones, il n’yen avait à peu près pas. Mon frère, moi, a été à l’école navale de (?). Il a fait son cours là-bas. Je vous assure que c’était quelque chose. Si vous pensez que le bilinguisme était particulièrement développé à cette époque là… Tout ça a bien abouti, c’est devenu une institution remarquable qui correspond à un besoin dans la société. Voulez [-] vous bien me dire pourquoi on va casser ça? C’est quoi le principe qu’on exprime en anglais? [« When it is not broken, do not fix it.» Bon, bien alors, «do not fix it».]

[(Fin à 15 h 40)]

[QParizeau19941028cp]

[(Dix heures cinquante minutes)]

[M. Parizeau:] Maintenant, c’est qu’on est toujours très spécifique sur un ou deux éléments, et puis pas sur les autres. Un ou deux éléments apparaissent intéressants, parce que tout le reste n’a pas été précisé. D’ici décembre, ce que je me suis engagé à faire, c’est que d’ici décembre il y ait une offre globale, sur l’ensemble des secteurs, qui est mise sur la table. Alors dans l’intervalle, voyez, je ne veux pas être trop spécifique pour dire: le minéral n’est pas…
On parle de partage des ressources de la fiscalité sur les ressources naturelles. Je donne des exemples. Rien de ce que je dis n’est exclusif, n’exclut quoi que ce soit. Au moment où l’offre globale sera sur la table, on aura, je pense, un fonds dès le départ pour les négociations, à qui on donne une chance. M. Bédard avait demandé…

[Une voix: Oui, M. Bédard.

M. Bédard (Jean): M. Parizeau, vous avez remarqué que, à propos de la question du territoire… vous parlez de… mais en face de nous, on a peut-être… Et là-dessus, vous n’avez pas été très explicite. . .]

[M. Parizeau:] Non.

[Une voix: …quant à ce que le Québec entend tenir comme position dans les propositions globales là-dessus?]

[M. Parizeau:] Je pense que, cependant, vous noterez que dans mon texte, il Y a plusieurs catégories de terres, de territoires qui sont mentionnés. Il Y en a qui sont manifestement en toute propriété. Il y en a d’autres qui sont, comment dire, où l’usage est conjoint. Il y a beaucoup de statuts juridiques différents dans cette nomenclature. Alors, ce n’est pas tout à fait exact que je n’ai pas été explicite. J’admets, cependant, avoir été très nuancé.

[Une voix: M. le premier ministre, j’ai aussi une question sur le même sujet. Pour être plus clair, vous avez toujours dit que le territoire du Québec… que l’intégrité du territoire du Québec ne saurait être mise en cause. Est-ce que vous maintenez la même position?]

[M. Parizeau:] C’est une position qui est universelle, parmi, comment dire, toutes les personnalités ou tous les dirigeants politiques du Québec. En disant cela, je ne vais pas plus loin que M. Johnson. Je ne vais pas plus loin que M. Bourassa. Nous sommes tous d’accord là-dessus. Mais on ne parle pas des mêmes choses. Là, ce dont on parle… Tenez, ce n’est pas parce qu’il y a une intégrité du territoire québécois que vous ne pouvez pas être propriétaire ! Bon.

[Une voix: Mais, qui sera souverain sur les terres de la première catégorie, des réserves plus, est-ce que ce sera l’Assemblée nationale en cas de conflits ou les structures politiques des Attikameks?]

[M. Parizeau: ] Ah ! ça va être l’objet justement de la négociation que de voir jusqu’où va la juridiction, parce qu’il y aura juridiction, n’oubliez pas. Nous parlons dans ce texte de gouvernement montagnais, de gouvernement attikamek. Ça a un sens, ça. Nous ne parlerons pas seulement ici des droits d’un propriétaire foncier. Nous parlons de l’étendue de la juridiction de gouvernements, de nations que nous avons déjà en 1985 reconnues comme étant des nations distinctes.

[Une voix: si vous permettez, j’aurais une question à M. Cimon et à M. Ottawa. J’aimerais avoir vos premières réactions à ce que vous avez entendu ce matin, sur deux questions en particulier. D’abord, est [-] ce que vous trouvez que ce que vous avez entendu ce matin va assez loin dans ce que vous recherchez en termes de reconnaissance territoriale et, deuxièmement, que pensez-vous de l’échéancier qui est quand même assez court, suggéré par M. Parizeau?]

[Une voix: Peut-être au deuxième point, quand vous parlez d’échéancier, je sais qu’il y a des discussions en cours, je veux dire entre chefs montagnais actuellement. Je sais qu’il yale processus référendaire qui s’en vient. Nous, ce qu’on s’est dit au niveau de l’échéancier, ça a été soulevé lors d’une rencontre antérieure avec M. Parizeau, c’était le fait qu’il y ait une proposition globale qui soit négociée dans un temps limité et, si possible, avant le référendum, de façon à essayer dans la mesure du possible d’acquérir justement des choses sur la proposition ou pour les éléments que M. Parizeau a soulevés ce matin. Ça, je pense que c’est le point de vue des Montagnais. Quant à la question territoriale, je sais que nous on l’a toujours soulevée à la table centrale. On s’est dit: Bon, et je pense qu’il y a des chefs qui l’ont mentionné tout à l’heure, c’est que le territoire montagnais, c’est un territoire autochtone. Dans la mesure du possible, s’il y a possibilité d’entente au niveau de la négociation qui va être poursuivie, je pense que l’élément qui va être fondamental pour les Attikameks et pour les Montagnais, l’élément territoire et je pense que c’est un élément qui est négociable actuellement et dans la mesure du possible, si ça répond à nos besoins, aux attentes justement des populations concernées, aux attentes des chefs, je pense qu’il va y avoir possibilité d’un accord là-dessus.]

[Une voix: À partir de ce que M. Parizeau a dit?]

[Une voix: À partir des éléments qui appartiennent aussi de la proposition qui va être mise à la table, je pense que la proposition va être plus développée.

Le modérateur: oui?

Une voix: En ce qui concerne la nation attikamek, disons que le contenu du discours du premier ministre de cet près-midi, là, rejoint en quelque sorte beaucoup de choses, sauf qu’il manque toujours l’élément essentiel. Nous, à la table de négociation, on a fait des propositions concrètes. On a déposé des documents concrets. On a utilisé des termes très précis qui concernent notamment la juridiction, la cojuridiction, le partenariat, tout ça. On les a tous très bien précisés puis très bien confirmés, sauf qu’on a toujours maintenu aussi comme position que, pour se prononcer ou que, pour continuer le travail de négociation, il manquait toujours l’essentiel. Puis ça, l’essentiel, pour moi, c’est une proposition globale qui viendrait du gouvernement du Québec. Et c’est ce que j’attends, d’ici aux fêtes, pour permettre à la nation attikamek de se prononcer de façon plus précise sur ce qui va  » advenir des négociations par la suite. Moi, j’attends uniquement l’essentiel, c’est-à-dire le dépôt d’un document, d’une proposition globale.

Une voix: M. Parizeau.]

[M. Parizeau:] Oui?

[Une voix: Dans votre allocution, vous n’avez pas mentionné le livre? Est-ce qu’on peut savoir quelle est votre pensée par rapport à ce point, parce que c’est le fondement de toute revendication autochtone soit au Québec ou au Canada.]

[M. Parizeau:] Ce n’est pas, comment je dirais, le fondement, un fondement traditionnel qui est relativement nouveau, hein, devant cette expression là. Et c’est assez… C’est différent comme mot, des termes qui étaient utilisés au Québec. Au fond, c’est à l’occasion de Charlottetown que le droit inhérent, comment dire, est apparu en public. Je ne veux pas dire que, depuis longtemps, ça n’existait pas dans des conversations moins connues. Mais c’est vraiment à Charlottetown que ça débloque comme concept alors que, nous, depuis déjà des années, au Québec, on était orientés en fonction une nation distincte ou des concepts similaires. Mais nous sommes tous d’accord. Ces deux vues reviennent, à un moment donné, à la reconnaissance et à l’articulation de l’autonomie gouvernementale. Je n’exclus rien. Si des termes, l’usage de certains termes peut faciliter la compréhension ou l’aboutissement d’une entente, moi, je ne vais pas me braquer. L’important, simplement, c’est qu’on sache très spécifiquement ce que ça veut dire. Mais vous comprenez? Alors, je ne ferme pas de porte, et à l’occasion de la préparation de cette proposition globale, bien sûr, on va aborder cette question, et bien sar, il y aura une proposition là-dessus. On n’aboutira à rien si on cherche à passer à côté de questions dont on s’entend qu’elles sont importantes pour tout le monde. Ça ne me donne rien de dire: Tel concept est délicat, donc, n’en parlons pas. Ils ne seront pas contents et ils ne marcheront pas. Mais, pour une entente globale, moi, je n’exclus rien pour le moment, si l’utilisation d’un terme plutôt que d’un autre peut aider, pourquoi pas, à la condition que l’on sache exactement, on l’a bien défini, ce que ça veut dire.

[Une voix: Une dernière question sur l’autonomie gouvernementale. Évidemment, c’est un long processus tant au niveau du gouvernement provincial et du fédéral. Les discussions ont été longues. Elles se poursuivent chez les autochtones comme vous pouvez le constater aujourd’hui, hier et demain. L’autonomie gouvernementale est en train de se former. Est-ce que vous êtes prêt à reconnaître un deuxième palier de gouvernement qui serait les autochtones du question, comme les Attikameks et les Montagnais qui revendiquent évidemment aussi tout contrôle sur l’avenir de ces textes(?) .]

[M. Parizeau:] Je vais vous lire une phrase à ce sujet là. «Pour ce faire, il faut, c’est dans mon texte et je m’adresse à ceux qui étaient devant moi ce midi, que vos gouvernements détiennent des pouvoirs politiques véritables.» Votre question, on y répond déjà. Ça va être un autre palier de gouvernement. Moi, je les appelle déjà «vos gouvernements». On se comprend, là, sur ces…

[Une voix: Je ne sais pas si… ]

[M. Parizeau:] L’autonomie gouvernementale… D’autre part, il y a un autre aspect de votre question que je voudrais dissiper ici, là. L’autonomie gouvernementale, on peut prendre beaucoup de temps, si on veut, à la définir. Mais si on veut que ça prenne moins de temps, ça prend moins de temps. Ça a un contenu, ça, l’autonomie gouvernementale. Ce que je disais, par exemple, des écoles, tout à l’heure, bien c’est ça de l’autonomie gouvernementale dans les écoles. On peut bien prendre des années à discuter de ça si on veut. On peut dire aussi: Vous aurez juridiction sur vos écoles primaires et secondaires, voilà, et maintenant définissez les choses comme vous l’entendez. Sur ce plan là, on peut s’entendre très vite sur le contenu de l’autonomie gouvernementale.

Ce qu’il faut soigner en même temps, si on ne veut pas que ce soit illusoire, c’est l’argent, les ressources. On ne peut pas exercer des pouvoirs véritables à l’égard d’un secteur, on ne peut pas manifester l’autonomie gouvernementale si on n’a pas l’argent voulu pour le faire et, à cet égard, des ressources, des ressources autonomes à part ça. C’est que ça ne peut pas toujours se faire simplement par un transfert d’argent. Il faut qu’il y ait des ressources autonomes, l’aptitude de gagner ses ressources pour un gouvernement véritable. Ce n’est pas la définition de l’autonomie gouvernementale qui est compliquée, c’est de faire en sorte que les ressources mises à la disposition de ces gouvernements leur permettent vraiment d’exercer leur juridiction.

[Une voix: Au niveau de la constitution, vous invitez les autochtones à participer à la rédaction de la Constitution du Québec.]

[M. Parizeau:] Pour tout ce qui les concerne.

[Une voix: Est-ce que cela veut dire que le gouvernement indien recherché par les autochtones, est-ce que cela veut dire que vous ne reconna1triez pas un deuxième palier de gouvernement?]

[M. Parizeau:] Bien non. Un gouvernement a des droits, des responsabilités, des attributions, un régime fiscal; a la possibilité de tirer des ressources fiscales qui sont, pour une part, établies par des lois, des lois qui peuvent changer ou sont constitutionnalisées. Il y a un certain nombre de choses quant au statut des nations autochtones au Québec qui doivent être constitutionnalisées. Autrement, jamais ils ne signeraient des ententes aussi globales soit elles, et je les comprendrais très bien, et c’est dans ce sens, comme je l’ai dit, qu’il faut qu’ils soient partie à la rédaction d’une nouvelle constitution du Québec pour tout ce qui les concerne et plus que ça, partie du processus d’amendement pour pas que quelques années après avoir établi quelque chose, on puisse le transformer. Tout ça est dans la nature des choses. Tout ça, on se comprend bien, une chose découle de l’autre. C’est pour ça que ça n’a pas besoin, une fois qu’on a décidé de partir, ça n’a pas besoin de prendre bien du temps, parce qu’il y a toute une série de gestes qui découlent. C’est le point de départ. C’est le premier pas qui est important à faire. Après ça, ça roule.

[Une voix: M. Parizeau, pour être un peu plus spécifique sur la question des pouvoirs, quels sont, en fait… Vous avez parlé de l’éducation primaire et secondaire, mais quels autres types de pouvoirs, dans votre esprit, pourraient être dévolus à ces gouvernements attikameks et montagnais? Quelle est l’ampleur de ressources financières qui découleraient du principe que vous venez d’évoquer?]

[M. Parizeau:] On ne peut pas reprendre ma conférence. J’espère que… J’espère que…D’ailleurs, elle sera… On en reproduira des extraits, parce qu’il y a beaucoup de choses là-dedans. Encore une fois, il n’y a pas… J’ai donné l’éducation à titre d’exemple, mais il n’y a pas de doute que dans toute une série de services communautaires à la population, la plus grande autonomie doit se manifester, qu’il faut, sur le plan de l’exploitation des richesses naturelles et sur le plan du développement économique, en général, que les pouvoirs soient importants, et d’ailleurs, divers en fonction de notre territoire dont il s’agit, et c’est par les ressources qui viennent de là qu’une partie du financement des services qu’on offre à la population puissent être défrayés. C’est… On ne construit pas un gouvernement avec deux ou trois morceaux. C’est pour ça qu’il faut une offre globale. C’est pour ça qu’il est tellement important de dire: La négociation va s’engager sur une offre globale concernant toute une série de secteurs. Un gouvernement, ce n’est pas une chose. Ce n’est pas deux choses. Ce n’est pas trois choses. C’est un faisceau de choses, on le sait bien. Le faisceau va être plus ou moins étendu.

[Une voix: Mais les lois du Québec continueraient à s’appliquer sur ces territoires là, le Code civil, les lois criminelles, les chartes, la Charte de la langue française.]

[M. Parizeau:] Pas intégral… Ah, non, non ! Pourquoi on dit ça?

[Une voix: …]

[M. Parizeau:] Là, il y a une question, comment dire, d’opérationnalisation. Moi, ça ne me dérange pas outre mesure que des dispositions juridiques puissent être assez différentes, selon qu’il s’agit de la nation montagnaise et le Québec. Il peut y avoir, sur le plan du droit, des divergences très importantes, mais là, vous comprenez, j’y vais avec, comment dire, circonspection avant que toute une série de juristes me tombent dessus, mais il reste néanmoins que, comment dire, la diversité dans ce domaine là ne m’effraie pas du tout.

[Le modérateur: En dernière, M. Girard.

M. Girard (Normand): M. le premier ministre, je sens mieux votre optimisme quant à la sévérité(?) que la négociation pourrait prendre. Mais vous allez convenir avec moi qU’étant donné mon expérience des négociations constitutionnelles, est-ce qu’on n’a pas raison d’avoir l’impression que le gouvernement s’engage dans un processus qui peut être aussi long que celui que le gouvernement du Québec a engagé avec le gouvernement d’Ottawa sur la Constitution quand on constate que ce n’est qu’avec une des 11 nations amérindiennes du Québec qu’on pourra avoir une proposition globalement.]

[M. Parizeau:] Il y a bien des choses dans votre question.

[M. Girard (Normand): Il y en a beaucoup. Deux.]

[M. Parizeau:] Deux.

[M. Girard (Normand): Il y a au moins deux nations. La Nation attikamek et la Nation montagnaise.]

[M. Parizeau:] Deux sur les 11, voilà. Il y a plusieurs éléments dans votre question. Il faut bien commencer quelque part avec un groupe. Oui, présenter une offre globale à ces deux nations, attikamek et montagnaise. Je pense que ça s’explique pour des raisons, peut-être en un certain sens, de circonstances. On a commencé à discuter de ces questions là il y a à peu près un an et demi, lui et moi, et quelques autres à une table à Québec, comme ça, un soir. Des fois, dans la vie, comme ça, il y a des circonstances qui se révèlent heureuses. Bon, pourquoi pas en profiter? Je suis assez empirique pour être capable de faire ça. Éventuellement, il va y avoir comme ça des offres à présenter aux autres. On commence ici. On s’entend bien. On dit les autochtones au Québec, les autochtones au Québec, il y a 11 nations très, très distinctes. On ne fera pas plus de mur à mur avec elles, que je veux qu’on fasse du mur à mur dans le reste du Québec. Je l’ai assez dénoncé le mur à mur. Bon, ce serait bien qu’eux aussi… Les Montagnais, les Attikameks, ils existent, puis on va avoir des ententes spécifiques avec chacun d’eux. si on s’imagine un instant que je cherche une sorte de modèle qui va s’étendre à l’ensemble des nations autochtones, je suis quand même assez réaliste pour le savoir.
D’autre part, l’échéancier, le temps. Avec eux, ça fait 15 ans que ça dure et on est à peine plus avancés. Pourquoi? Parce que, eux, disent au gouvernement, depuis des années, et à juste titre: Voulez [-] vous cesser de négocier avec nous un petit morceau sans nous dire ce que vous allez faire avec le morceau d’à côté. On ne peut pas négocier comme ça. Ce n’est pas vrai qu’on va accepter le paragraphe 3 alors que les paragraphes 4 et 5, c’est blanc, et que le paragraphe 6, il a cinq lignes. Ils ont raison. Ce qu’on dit, c’est: On ne peut pas commencer vraiment une négociation et se sortir de l’ornière de 15 ans sans avoir une proposition globale sur la table. Les négociateurs qui nous représentent,

M. Cou1ombe en particulier dit: Pour moi, à trois, quatre choses près, l’offre globale, elle est prête. Elle incorpore cette offre globale – un grand nombre de choses, de propositions qui nous viennent des Montagnais, que les Montagnais ont faites depuis plusieurs années, que les Attikameks ont faites depuis quelques années. Cette offre globale, ce n’est pas seulement le gouvernement qui tire un lapin du chapeau. C’est à la fois des choses que les gouvernements de Québec successifs ont proposées, que les Montagnais ont proposées, que les Attikameks ont proposées. On ramasse tout ça et on dit: Partons de là.
Dans ce sens, je dois vous dire, à mon sens et au sens de pas mal de gens qui connaissent ça mieux que moi, que ça a pas mal plus de chances d’aboutir et d’aboutir rapidement que tout ce qui s’est fait jusqu’à maintenant. Est [-] ce que je place mes espoirs mal? Est [-] ce que je suis trop optimiste? Je n’en sais rien, mais je dis simplement: si on se mettait tous à bouger, histoire de voir.

[Une voix: Merci.]

[Une voix: Est-ce que les Montagnais sont prêts à être propriétaires de la terre sans être souverains sur cette terre si l’accord est acceptable?]

[Une voix: Je pense qu’il y a un élément qui est fondamental là dedans – je pense que M. Parizeau l’a soulevé aussi – c’est toute la question, justement, de concéder des titres de propriété, via la négociation, via le processus de négociation. Je pense que c’est le but visé par les Montagnais, justement, disons, à cette entente là. Quant à la question souverain ou pas, je pense qu’il y a un élément qui est fondamental pour nous, c’est qU’on a toujours prétendu être souverain sur le territoire qU’on… Maintenant, comme je vous le mentionne, c’est des éléments à être négociés. Je sais que ce ne sera pas une négociation facile. Il y a des choses très ardues qui vont se dire, et on est prêt, dans la mesure où la proposition va être amenée et on va essayer de voir, justement, qu’est-ce que la proposition contient, en termes de ces questionnements là.]

[Une voix: …

Une voix: Vous seriez prêt à reconnaître la souveraineté entière du Québec sur ces terres si vous jugez être propriétaire de…]

[Une voix: Je pense qu’il y a plusieurs possibilités, je veux dire, il y a plusieurs éléments. Nous, ce qu’on dit, c’est que, on veut négocier, essayer d’aller chercher, dans la mesure du possible, ce qui convient aux Montagnais, indépendamment de la question de souveraineté. Mais, nous ce qu’on dit, bon, le territoire est montagnais, on prétend être souverain, on a toujours prétendu être souverain sur le territoire, maintenant, si c’est négociable, et supposément, c’est le cas, on va négocier dans ce sens là.]
[Une voix: M. Parizeau.]

[Une voix: …

Une voix: M. Parizeau, si vous permettez, je ne veux pas insulter personne(?) à partir d’un seul autre sujet que ce qui est abordé ici aujourd’hui. La question des finances du gouvernement de Québec. Est ce que l’état des finances du gouvernement est tel que, votre gouvernement pourrait être obligé de proposer un nouveau budget plus rapidement que ce qui est normalement prévisible?]

[M. Parizeau:] Pas que je voie…

[Une voix: Quand on parle de déficit qui augmente énormément.]

[M. Parizeau:] Pas que je voie… Je ne vois pas que ça soit nécessaire à l’heure actuelle. Les rapports me viennent, les uns après les autres. Il est évident que les libéraux, comment dire, nous laisse une situation, à mon sens, qu’ils auraient pu éviter. Comme d’habitude, ils nous ont annoncé au printemps dernier, qui est inférieur à celui que l’on trouve à l’heure actuelle, en train de se dérouler, dans leurs livres, dans les livres qu’ils nous ont laissés. Il y a des choses qu’ils auraient pu éviter. Sur le plan des revenus, il n’y a pas de doute que, qui est [-] ce que vous voulez? Regarder qu’après avoir laissé si longtemps la contrebande de cigarettes se développer, on est en face d’une contrebande sur l’alcool considérable à l’égard de laquelle, jusqu’à maintenant, personne n’a voulu bouger. Je dis jusqu’à maintenant parce que vous comprendrez qu’avec nous ça peut changer un peu. Voir le problème des vidéopokers, ça n’a l’air de rien, ça a l’air presque d’une p1ague cette affaire là, mais c’est 250000000 $ par année. On regarde tout ça, puis on se dit: Ils nous laissent un héritage qui n’est pas exactement drôle. Mais, d’un autre côté, on a un certain nombre de gestes à poser, de choses à faire, puis tout ça va apparaître dans les jours qui viennent, je pense assez clairement. Je ne veux pas être trop explicite aujourd’hui parce que j’ai encore deux, trois rapports à recevoir, mais, enfin, jusqu’à maintenant, oui, c’est mon impression. On ne peut pas laisser seulement les choses se dérouler comme si de rien n’était. Mais, d’un autre côté, il n’y a pas de quoi dire: Dans ces conditions, on va refaire le budget.

[Une voix: Est-ce que vous confirmez que ça peut aller au-delà de 5000000000 $?]

[M. Parizeau:] Je ne confirme rien aujourd’hui.

[Une voix: En anglais.]

[M. Parizeau:] J’aurai à confirmer des choses un peu plus tard, mais dans pas longtemps.

[Une voix: Mr. Parizeau, …global offer that would be affecting every aspect of day to day life? That is an immense…

M. Parizeau: Yes, but it has been such a … about for so long that things are pretty clear. The political will was not there. But the reason that the political was not there that there has not been a great deal of exploration. It is true that governments have been dragging on negotiations for years. It is true also that the Montagnais and the Attikameks for years have been signed up. We cannot say this part of negotiation is aIl right, we are ready to sign this and for the other part, could you tell us something? We do not know what you intend to propose. It was perfectly understandable for them that they would not agree on anything until they saw the whole picture. What we are saying now is that on the basisof recommendations made through the years by the Montagnais, on the basis of recommandations made through the years by the Attikameks, on the basis of proposals made by our own negotiators on the table, we can present a global proposition before Christmas. That’ s what we say, and we know we can.

Une voix: Do you expect to deal before the referendum or, at least after the negotiation is weIl under way?

M. Parizeau: I don’t know yet. I can wish that negotiations would be concluded by the middle of 1995. But – what shall I say – our negotiators, after the global proposals have been put on the table, negotiators of al1 parties will look at i t and gi ve me a better estimate. Until the global picture has been put to aIl parties concerned, I can wish for some things. I can’ t make a reasonable estima te. Our negotiators will tell us that.

Une voix: Mr. Parizeau, how important is it to you to get a deal before the referendum so you can demonstrate to the people who are going to be voting in the referendum, the people of Québec, with(?) a sovereigntist government can deal wi th and come to agreements with(?)

M. Parizeau: Well, it is not something that is linked – as I said in my speech to them – to the referendum. Rather, it all started when René Lévesque, in 1983, came out with the so-called 15 conditions of a self-government. And then, in 1985, just a few months before the government 1eft. .. before the Parti québécois left power or was beaten in 1985, Mr. Lévesque came out in the House, in the National Assemb1y, with a proposal recognizing the 11 indigenous groups in Québec as distinct nations, not distinct societies, distinct nations. And in 1985, we are five years after the first referendum and 10 years before the second. So, l do not fee1 that going back to that (?) and trying to get something acceptable to aIl of us is linked to a referendum. This has poisoned the relationship between al1 of us in Québec for several years, the fact that we cou1d not agree on how things shou1d be done. By each of us in relation to the others. And I want this to be solved, I want a solution to appear, and I am sure they also want one; for they have paid, they have pa id a heavy price for this, much heavier than us. We just, at times, thought that the atmosphere was insupportable. Before that, it has been a question of having a far more difficult life that they would have otherwise, if we could only have gotten to proper solutions years ago. WeIl, l intend to do something about it and l intend to do it quickly and l know that they are of the same (?).

Une voix: …

M. Parizeau: Yes, I think one can label it that way and, as far as the participation of ottawa is concerned, you will have noticed that in the present constitutional situation one must refer periodically to attitudes or policies from ottawa. That is why in my text, tOday, on a couple of occasions, l have to say: WeIl, ottawa would have to adjust on this or that. Sure.

Une voix: …

M. Parizeau: On the basis of what ottawa has done in recent discussions on in relations with Mr. Coulombe, the negotiator, l have every hope that they will adjust, or at least we have reasonable discussions with them. There is no reason why l should assume that we fight over these people, it would not be correct. It just would not be correct. There are no reasons why the Montagnais or the Attikamek should be used as a sort of football between the federal and the provincial governments. There is no reason whatever. In fact, it would be in a chain…

Une voix: Mr Premier, the address for Mr Maurice Longpré, a man with (?) reminding you a promise made, what are you going to do with that promise?

M. Parizeau: We have already started. It has to do with fights over Northern Québec by planes from various NATO Nations, and (?) low level flights bombings apart of this. l had diner in Québec city, one night with Mr Cimon and l chat and another – l thank you… – Yeso We have discussed that. l had (?) the first opportunity if we gain power, we will try to do something about this, and the question came at the right moment today. Mr Cliche wrote to Mr. Cadorette of the Defence Ministry asking for a meeting and today, at noon, Mr. Cliche has called the agreement of few people from the Montagnais and the Attikameks to join him in that first meeting with Mr. Cadorette on what are really expected from that meeting is that we get more information than we have about the situation. Then, we will have to do something about it. Within the framework of the powers of a provincial government l know very well that l cannot do things other as quickl or as simply as l would do it if we were a sovereign nation. For that, we will have to wait a few months.

Une voix: Especially if you want to go on with Natives.

M. Parizeau: Pardon me?

Une voix: Especially if you want to do the…

M. Parizeau: Do you think there is no discussions among native(?) countries? Ha, ha, ha !

Une voix: Mr. Parizeau, two little points: You can make similar agreements with the Crees and the Mohawks and when do you think that will happen?

M. Parizeau: One thing at a time. One thing at a time.

Une voix: Second point. You spoke to the Cree this week after our conversations that news conference about Mr. Coon-Come not wanting to attend the ceremonies yesterday. Mr. Coon-Come says that he is not recognized. Mr. Coon-Come wants to (?) personally, face to face, the encounter because they have not recognized the authority of Mr. Cliche and they say that Mr. Cliche may (?) parliamentary assistant. He is not a commissioner. How are you going to work on that?

M. Parizeau: You know, it is very simple. If Mr. Coon-Come wants to see me, we will me et each other, by all means. l am not that kind of a guy who tries to complicate things, particularly on such matters. Let us keep it simple.

(Fin à 11 h 31)]

[QParizeau19941102cp]

[(Quinze heures)]

[M. Boivin (Gilles): si tout le monde est prêt, on va commencer par une déclaration de M. Parizeau. Ensuite, on passe aux questions en français et en anglais.]

[M. Parizeau:] Il y a quatre choses que je veux aborder cet après midi. C’est beaucoup, mais comme c’est la première conférence de presse, comment dire, opérationnelle, que je tiens depuis quelque temps, vous ne m’en voudrez pas, j’en suis sûr. Les prochaines, je chercherai à être plus succinct. Premièrement, je veux parler d’une sorte de rapport d’activités depuis, en gros, une semaine. Les choses commencent à bouger, commencent à rouler, et je dois en faire état; deuxièmement, dire quelques mots de l’état des finances publiques. Nous avons à peu près fait le tour maintenant des livres, et il y a un certain nombre de choses, au moins en termes généraux, que je peux dire à ce sujet. Je voudrais parler de la structure de direction à la Caisse de dépôt et à Hydro-Québec. Il y a eu beaucoup de spéculations dans les journaux. Je pense que ça serait assez normal que je précise les choses. Et, troisièmement, je voudrais parler de ce qu’on est en train de voir apparaître dans certaines entreprises du secteur privé, et non pas public, cette fois-ci, à l’occasion des primes de séparation chez Domtar.
Première question, tout le monde s’est mis en place. On a commencé à bouger un peu partout, et là, clairement, la machine est en marche. Il y a pas mal de choses dans les pipelines. Vous allez voir ça aboutir, je pense, assez rapidement, mais essayons de faire l’état des choses depuis, mettons, huit jours. Certaines des questions, donc, que je vais aborder, comme vous allez le voir, représentent très, très peu d’argent, mais ont une très grande signification. Carrefour-Jeunesse Emploi, à Gatineau, le… C’est un organisme vraiment émanant de tout le milieu de l’Outaouais, destiné à aider des jeunes, quels qu’ils soient, quel que soit leur état civil, à se placer, à trouver un emploi, à acquérir des compétences nécessaires à un emploi, selon le cas. Le gouvernement fédéral a décidé qu’en vertu des nouvelles normes nationales Axworthy, un bel exemple qu’on a, là, de normes nationales, ça fait longtemps, depuis Charlottetown, qu’on parle de normes nationales, vous en avez une, qu’il ne financerait plus des services d’emploi qui s’adressent à tous les jeunes, mais seulement aux jeunes qui sont sur l’assurance-chômage. Carrefour jeunesse-emploi a refusé, a dit: Nous, on prend tous les jeunes qui se présentent. Alors, c’est dans ces conditions que le gouvernement fédéral a supprimé la subvention qui faisait vivre le service d’emploi proprement dit de Carrefour jeunesse. Cinq personnes ont été mises à pied et un système remarquablement efficace, qui avait une sorte de performance d’à peu près 60… Les trois quarts des cas placés par ces gens là, au bout d’un an, avaient toujours le même emploi. Remarquable comme efficacité. Tout ce service là a été mis à pied. Nous avons décidé, en huit jours, ça a pris huit jours pour que les chèques arrivent, de nous substituer au gouvernement fédéral et, grâce à la collaboration du ministère de l’Emploi, du ministère de la sécurité du revenu, Carrefour jeunesse-emploi est sauvé. Ça coûte à peu près 100000 $ jusqu’à la fin de l’année en cours, puis ça coûtera 240000 $ l’année prochaine pour qu’on trouve une formule permanente pour les tenir en vie. Bien, la conclusion de ça: M. Michel Lévesque, 21 ans, renvoyé d’un concessionnaire. C’est dans le droit, ça; ça n’a pas eu beaucoup d’impact, mais, comment dire, je tiens à le souligner. Il y a toute une histoire là-dedans. M. Michel Lévesque, renvoyé de chez un concessionnaire, veut devenir gérant de dépanneur. Il s’est adressé, depuis que c’est rouvert, depuis quelques jours que c’est rouvert, ce service d’emploi, à ce service d’emploi, parce qu’on lui a dit que ça marchait bien. L’assurance-chômage l’a averti vendredi dernier que s’il continuait de fréquenter Carrefour jeunesse-emploi, l’assurance-chômage lui serait coupée. C’est beau, les querelles de gouvernement sur le dos des gens. De façon abstraite, là, j’en ai parlé pendant toute la campagne électorale de ces gouvernements qui se battent sur le dos des chômeurs. Bien, là, vous en avez un exemple parfait. J’imagine que ce bonhomme là, en payant ses timbres d’assurance-chômage, pensait qu’il y avait droit. On lui dit: Si vous n’allez pas à l’endroit que, moi, le fédéral je préfère, et qui vient d’être sauvé par Québec, on va vous couper votre assurance-chômage. Soit. Ça n’arrivera pas ou, alors, si on lui coupe l’assurance-chômage, nous, on va se débrouiller pour, je veux dire, l’aider, pour faire ce qu’il faut. Mais dans combien d’autres cas ça va se produire, qui n’auront pas, comme il l’a eu, le courage de convoquer les journaux et de dire: Voici ce qui m’arrive. Deuxième chose. Donc, le Carrefour est sauvé, son service d’emploi, pour 100000 $. Il n’y a rien de ruineux pour nous. Quelque chose de parfaitement efficace, qui correspondait à ce que le milieu veut et qui fonctionnait bien est sauvé… M. Gendron, à Rimouski, deuxième épisode. Le gouvernement fédéral n’est pas certain; on n’était pas certain de poursuivre, passé le 31 mars, le programme forestier de l’Est du Québec. Ça, ça représente des dépenses d’à peu près 10000000 $ et ça s’adresse à 6000 producteurs forestiers. En Gaspésie, c’est beaucoup de monde. M. Gendron est allé à Rimouski pour dire essentiellement ceci: Si le gouvernement fédéral se retire de ce programme, nous, à partir du premier avril, nous nous substituons à lui. L’effet a été énorme avec un «h» ! Le gouvernement fédéral a immédiatement annoncé qu’il restait dans le programme, que l’argent serait disponible. Et, donc, M. Gendron a sauvé le programme pour l’Est du Québec moyennant une dépense de zéro. Quand on parle des vertus de la parole, en anglais, on dit «Moralsuasion». C’est ça? Bon. En tout cas, le fédéral bouge, parce qu’on a menacé de le remplacer. C’est quand même 6000 personnes. C’est 6000 producteurs fores tiers, ça. Ce n’est pas négligeable. Ce matin, le Conseil des ministres a confirmé la décision du Conseil du trésor d’autoriser la subvention étalée sur six ans à l’Institut du son et de l’image de Montréal. Ça va être la première école professionnelle de cinéma, de télévision, de radio. Tout était prêt depuis trois ans, mais ça n’avait pas abouti à Québec. Et, évidemment, tant que ce n’était pas la subvention de Québec n’était pas assurée, les gens responsables, c’est-à-dire à peu près toute la collectivité, toute la communauté de télévision, de cinéma et de radio à Montréal ne voulait pas s’engager là-dedans tant que le gouvernement de Québec n’avait pas bougé. Alors, ce matin, ce midi, ç’a été confirmé par le Conseil des ministres. C’est un montant énorme. Pensez [-] y ! C’est 200000 $ la première année, montant, à la sixième année, à 1000100 $. Et, pour ça, on retarde depuis trois ans la création de cette école de l’image et du son. Quatrièmement, toujours ce midi, les allocations d’établissements agricoles pour les jeunes producteurs agricoles de 15000 $ sur trois ans. C’est une subvention gouvernementale qui, pour beaucoup de jeunes producteurs agricoles, représente leur mise de fonds par rapport à la banque, par rapport aux emprunts qu’ils vont contracter auprès de la banque et, donc, c’est très important pour eux. Elle était suspendue depuis juin dernier. C’est un programme qui existe depuis fort longtemps. Ça faisait partie des coupures aveugles. Alors, ce midi, nous avons rétabli ces subventions. Il y avait à peu près 1000 dos siers de jeunes producteurs agricoles qui étaient éligibles, mais qui n’avaient pas pu la recevoir. On leur souhaite bonne chance et on dit: allez [-] y ! On a besoin d’une agriculture solide.
Vendredi, je pense être en mesure d’annoncer le déplafonnement du fonds de solidarité, vendredi qui vient, dans deux jours. Cela voudrait dire à peu près 100000000 $ de plus de capital de risque de disponible pour les entreprises du Québec dès cette année parce que, dès que ça aurait été annoncé, le déplafonnement, le fonds de solidarité va mettre ses équipes en circulation et devrait être en mesure assez facilement, au moins, de doubler la collecte, cette année, des fonds par rapport à l’an dernier. Normalement, d’ici deux jours, cette question devrait être attachée.

Voilà ! Ce n’est pas mal pour cinq jours ou, enfin, sept jours. Nous allons continuer de faire rouler ça semaine après semaine. Comme je vous le disais tout à l’heure, il y a pas mal de choses dans le pipeline. Dans la mesure où tout ça entraîne et va entraîner passablement d’activités économiques, est [-] ce qu’on peut en conclure que ça va améliorer les finances publiques? En somme, si on travaille fort pour développer l’économie et l’emploi au Québec, est [-] ce que ça veut dire qu’on va améliorer la situation des finances publiques? Pas du tout, pas du tout. C’est le système qui veut ça. Comment dire? Je regarde avec plaisir un certain nombre de mes collègues qui arrivent au cabinet pour la première fois et qui sont mis au courant des règles du fédéralisme canadien. Je voudrais vous en dire quelques mots. Pour certains d’entre vous, ça ne sera pas une surprise, ils sont dans la machine depuis longtemps, mais pour d’autres, ça va vous venir comme un choc. Je vais essayer de résumer ça de la façon suivante: imaginons que, grâce à des efforts considérables de notre part, à des mesures au rythme de plusieurs par semaine comme ça, on arrive pendant un an, mettons en 1995, à augmenter l’emploi de 1 % par rapport aux prévisions actuelles. Ça, c’est 30000 emplois. On serait contents. Le produit intérieur brut du Québec aura augmenté d’à peu près 2500000000 $ à cause de ça. On se trouverait bons. Regardez l’impact sur les finances publiques. Ça provoquerait une augmentation des revenus du gouvernement du Québec sous forme d’impôt sur le revenu, taxe de vente, etc., de 408000000 $. Mais comme la situation économique aurait été mieux que prévue, les transferts fédéraux au Québec seraient coupés de 321000000 $. c’est-à-dire qu’on améliore nos revenus, comme gouvernement, de 408000000 $, et on perd aux mains du fédéral 321000000 $, les trois quarts. Je pourrais vous en dire autant d’une augmentation des investissements publics. 1 % des investissements publics, ça ajoute 172000000 $ à la production du Québec, aux revenus du gouvernement, 26000000 $. Le fédéral vient nous en siphonner 17000000 $. Les exportations… Excusez [-] moi. Non. Ça, c’était les investissements privés. 1 % des investissements publics, c’est 53000000 $ que ça apporte à la caisse de l’État et le gouvernement fédéral vient nous en siphonner 27000000 $, la moitié. 1 % des exportations. Nous travaillons, nous envoyons des missions partout pour augmenter les exportations du Québec. On augmente les exportations de 1 %. Ça, c’est presque 400000000 $ d’augmentation du PIB québécois. Ça rapporte au trésor public 55000000 $, le fédéral nous en siphonne 34000000 $. Est [-] ce que ça veut dire qu’il ne faut rien faire? Non, ça ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire. Au contraire, on va travailler aussi fort qu’il faut pour relever l’économie du Québec et la sortir des ornières dans lesquelles elle est enfoncée, mais il faut bien comprendre que, sur le plan des finances publiques, l’amélioration qui en découle est assez faible. C’est ça que veut le système, c’est comme ça qu’il est construit et tant qu’on sera dedans on sera pris dans cette espèce de comptabilité là. Passons alors à l’état des finances publiques. Le gouvernement du Québec a l’habitude, depuis déjà quelques années, d’annoncer un montant de déficit au moment du discours sur le budget et à la fin de l’année de montrer un déficit réel en moyenne de 900000000 $ plus élevé et ça, depuis un bon bout de temps. En 1990-1991, il avait annoncé 1750000000 $, à la fin de l’année, c’était 2842000000 $; 1100000000 $ de plus. L’année suivante, 3480000000 $ annoncé, 4202000000 $ réalisé. L’année suivante, 3790000000 $ annoncé, 4932000000 $ réalisé. Même chose en 1993-1994, 4145000000 annoncé, 4895000000 $ réalisé. En moyenne, ça fait 900000000 $ toujours de plus.
Alors, dans le budget ils nous avaient annoncé 4425000000 $ comme déficit, dans le dernier budget. Qu’est [-] ce que vous pensez qu’on a trouvé? 5005000000 $, un1000000000 $, comme d’habitude, à peu près divisés également entre les dépenses et les revenus. Comme d’habitude, ils sous-évaluent les dépenses d’à peu près 5000000000 $ et ils surévaluent les revenus d’à peu près 500000000 $. La tentation devant ça serait de dire: Bon, bien, écoutez, c’est comme d’habitude, pour la première fois, sans doute, ça dépasserait 5000000000 $ 900000000 $, cette année, mais c’est comme d’habitude, c’est 1000000000 $ de plus que ce qui est annoncé au printemps. On ne va pas chercher les cinq derniers mois de l’année fiscale à essayer de corriger parce que ça provoquerait, et sur le plan de l’emploi et sur le plan des services en particulier, des commotions absolument inutiles. Alors, la tentation… Il a une tentation qui consisterait à dire: Bon, écoutez, c’est leur budget, laissons [-] le rouler, nous préparons le suivant. Préparons le budget de l’année prochaine. On a décidé de ne pas suivre cette tentation. Pas d’essayer de ramener le déficit de 1000000000 %, ça non, ça n’a pas de bon sens. En cinq mois, il faut se rendre compte de ce que ça impliquerait. Mais au moins, de provoquer un certain nombre de corrections qui vont être utiles pour la préparation de notre prochain budget. C’est vrai, pour une part, limiter quant aux dépenses. On a encore dans une machine, vous savez, qui dépense 40000000000 $, il y a toujours moyen d’aller chercher, comment dire, un peu d’argent à gauche et à droite. On va le faire, mais on ne va pas chercher à compenser, par exemple, le déficit. Les dépenses d’intérêts sont presque 250000000 $ plus hautes que prévues. On va essayer de compenser ça.
On va aller chercher, on va périmer de certains endroits des crédits, comment dire, qui ne gênent pas trop. Ils ont été, dans une bonne mesure, examinés à la suite de l’examen des coupures aveugles qui avaient été pratiquées. On a réexaminé tout ça, à travers ça, mais on peut, probablement, aller chercher un peu de réduction de dépenses.

Pour ce qui a trait aux revenus, là c’est autre chose. Il y a moyen d’initier tout de suite des choses qui sont très utiles pour l’année prochaine. Par exemple, la lutte contre la contrebande, elle n’est pas commencée, la contrebande d’alcool, elle n’est pas vraiment commencée, bon, bien on ne va pas recommencer le coup du tabac, là.
On peut, et quant à l’approvisionnement, et quant à l’utilisation dans les bars, les hôtels, les restaurants, etc., poser toute une série de mesures du ministère du Revenu, de concert avec la police. Alors, un plan est en cours qui va démarrer rapidement, pour être en mesure, comment dire, de graduellement refermer ça. Et on va y aller de façon, comment dire, assez rigoureuse là-dedans. On perd 220000000 $ par année, c’est le dernier estimé, cette année on perdrait 220000000 $ à cause, juste, de cette contrebande d’alcool. Il n’y a pas de raison, vraiment.

Dans les coupures aveugles, on s’est rendu compte qu’ils avaient coupé des dépenses de vérification au ministère du Revenu. Alors, une heure de vérification coûtait tant, et rapportait six fois plus. Alors, pour baisser les dépenses, ils ont coupé dans les dépenses de vérification. Alors, évidemment, les revenus ont baissé six fois plus vite. Bon, on va remettre des ressources dans la vérification, pour faire en sorte qU’on aille chercher l’argent qui doit revenir au gouvernement. C’est très, très payant, ça, une bonne vérification. Il est temps de commencer, si on veut vraiment que ça rentre bien l’année prochaine, là, il faut commencer tout de suite. Il faut, d’autre part, régler l’affaire des appareils de vidéopoker. On s’était engagé à une consultation là-dessus. Elle va avoir lieu, mais on veut bouger assez rapidement. Il y a beaucoup d’argent à aller chercher pour le trésor public dans les vidéopokers. Il n’y a pas de raison de s’en priver. Si on ne va pas chercher l’argent qui doit revenir de ce côté là, il faut aller le chercher ailleurs. Alors, donc, pas de préparation d’un nouveau budget, mais mettons ceci: une tentative, à cause des mesures dont je viens de parler, d’essayer de ramener le déficit qui est prévu, à l’heure actuelle, autour de 5500000000 $, du côté plutôt de 5000000000 $, bon, à condition, que les transferts fédéraux ne nous jouent pas de vilain tour. Alors, on a encore de la difficulté, à l’heure actuelle, à valider les projections de transferts fédéraux, mais on va essayer de se ramener à ce niveau là, de façon à mieux préparer le virage l’année prochaine.
Le virage de l’année prochaine, je veux simplement en dire un mot, Mme Marois aura l’occasion de le commenter bien davantage, il va y avoir un changement, qui est déjà commencé, mais il va y avoir un changement, en très peu de temps, majeur dans le fonctionnement du Conseil du trésor. Les ministères vont être appelés à, non seulement contrôler leurs propres dépenses, mais choisir leurs priorités, beaucoup plus que ça n’a été le cas jusqu’à maintenant. Il va y avoir une responsabilisation de chacun des ministères à l’égard d’une enveloppe. Pensez que ce système de contrôle du Conseil du trésor, on va de surprise en surprise quant à la précision des contrôles. Mme Marois nous dit qu’on vient de trouver que le Conseil du trésor contrôlait jusqu’à l’affectation des attachés-cases et des agendas dans le personnel. On en était rendu jusque là. C’était un budget de 41000000000 $, on se comprend bien, là. C’était rendu jusque là. C’est un système de contrôle rendu dans un cul-de-sac, complètement dépassé. Alors, le système… Mme Marois aura l’occasion de parler de ce nouveau système, bientôt.

Hydro-Québec et Caisse de dépôt. Dès que la nouvelle loi de la Caisse de dépôt a été passée, j’ai dit qu’en prenant le pouvoir on la changerait, quant à la direction, qu’on reviendrait à la structure de direction de la Caisse qui existait avant, et qui avait très bien fonctionné pendant des années, à savoir que seul le président de la Caisse a la protection de l’Assemblée nationale, c’est-à-dire ne peut pas être renvoyé sans un vote de l’Assemblée nationale. C’est ça qu’il y avait dans l’ancienne loi et qu’il y a depuis le début, depuis 1966. Le gouvernement antérieur a décidé qu’il y aurait deux postes: un chef de la direction et un chef de l’exploitation, deux postes qui seraient tous les deux protégés par l’Assemblée nationale. c’est-à-dire, à toutes fins pratiques, une direction complètement bicéphale où aucun des deux ne peut donner des ordres à l’autre, sans que l’autre dise: Eh bien, on va aller régler ça, non pas dehors, mais devant l ‘Assemblée nationale. C’est absurde. Et on en a vu les résultats. Ce qu’on attendait d’une structure bicéphale comme ça s’est produit. Alors, on va revenir à la loi antérieure. Alors, il y en a qui commencent à faire circuler l’idée: Mais ils vont faire sauter Savard. Là, je suis très concret, comme vous le voyez. On ne va pas faire sauter Savard. M. Savard sera, si tant est que le conseil d’administration décide de le garder comme chef de l’exploitation, chef de l’exploitation. On ne va pas aller dicter au conseil d’administration qui il veut nommer. Mais, ce qu’on va dire, cependant, c’est que, il n’y aura pas deux postes protégés par l’Assemblée nationale, il. Y en aura un. C’est tout. Et quant au reste, le conseil d’administration se débrouillera avec ses décisions. Hydro-Québec, la même chose. Hydro-Québec, lorsqu’on a créé, dans les années 80, un conseil d’administration d’Hydro-Québec, il n’yen avait pas avant, on avait un poste de président de conseil d’administration et, d’autre part, président et chef de la direction, comme dans tellement de compagnies. Là, pour des raisons qu’il serait trop long de discuter ici le gouvernement précédent a décidé de fusionner ces deux postes. Eh bien, nous allons revenir au système antérieur: un président du conseil d’administration, un chef de la direction, qu’on appelle en anglais «Chief executive Officer» et, d’autre part, il y a aussi dans la loi maintenant un chef de l’exploitation, ça peut-être. Moi, alors que j’ai besoin de consulter, je pense qu’effective ment la distinction entre chef de la direction et chef d’exploitation est probablement utile. Est [-] ce qu’on met ça dans la loi ou pas? On verra.

Donc, ce qui va être présenté à la prochaine session sur ce plan, ça va être un changement à apporter et promis depuis longtemps à la forme de la direction â la Caisse de dépôt et une autre â Hydro-Québec. J’espère que ces précisions là, dites avec autant de candeur que je le peux, vont faire cesser certaines rumeurs. Il me reste une dernière chose à discuter. Je m’excuse, j’ai été un peu long, mais ce qui s’est passé chez Domtar continue de m’étonner, en particulier, et à m’étonner, non pas comme premier ministre du Québec, mais comme représentant du principal actionnaire de Domtar, qui est une compagnie privée. Je vous avouerai que je ne m’en étais pas rendu compte qU’on en était rendu à se payer des affaires pareilles dans le secteur privé. On est tellement obnubilé, et c’est normal, à regarder du côté du secteur public, puis à voir si du côté des fonctionnaires, des députés, des ministres, tout le monde a des conditions… que ça n’exagère pas, parce qu’on se dit: C’est le contribuable qui les paie, qU’on finit pas oublier de regarder ce qui se passe dans le secteur privé et qui, soit dit en passant, est sous une forme ou sous une autre, ou bien payé par l’actionnaire ou bien payé par le contribuable aussi, hein ! Et ce qu’on voit est assez étonnant. Le contrat Desjardins, je me suis fait livrer le contrat Desjardins. Après tout, j’ai le droit, je suis actionnaire dans cette affaire là, c’est quelque chose à voir, vous savez ! Non seulement par le salaire, non seulement par les bonus, mais, enfin ! on en est rendu jusqu’à payer le comptable qui prépare son impôt personnel à la fin de l’année. Puis, pas rien, il est prévu là-dedans qu’il y a 10000 $ pour payer le comptable qui fait son impôt à lui. Moi, ça ne m’est jamais arrivé une affaire comme ça. Six semaines de vacances payées. Six semaines ! Une compagnie qui est dans le trou à ce point là. Non, non, mais quand même ! Ha, ha, ha ! C’est beaucoup. C’est trop. Ça n’a pas de bon sens. On est rendus à des choses qui sont nettement abusives. Dans ces conditions, j’ai demandé au président du conseil d’administration, pro tempore, de voir, avec son conseil d’administration, s’il y a lieu de remettre en cause certaines de ces clauses là. C’est possible. J’ai fait examiner par celui qui me sert d’avocat conseil dans ces choses cette question et, effectivement, le conseil d’administration pourrait réexaminer des clauses comme celles là en disant: Ce n’est pas dans l’intérêt de l’entreprise d’avoir fait des choses comme celles là. Ça, il nous fera rapport. C’est une compagnie privée; je ne peux pas exiger, mais je peux demander au moins que ce soit regardé.
Deuxièmement, pour l’avenir, dans des entreprises privées, où le contribuable québécois a, comment dire, des actions, un montant d’actions important, il va falloir s’entendre quand même sur une sorte de code, comment dire, de code d’éthique.
Troisièmement, il Y a la question de la divulgation. Ce serait dans l’intérêt de tous les actionnaires de savoir que des choses comme celles là existent quand elles existent. Ça, j’ai demandé aussi qu’on examine cette question où, là, les rémunérations des dirigeants, mais au complet: les options, les bonus, ce qu’on appelle vulgairement les «fringes », y compris le salaire, tout est exposé. Alors, vous voyez, je veux avoir un rapporte progrès là-dessus, simplement dans le sens de «je suis un peu étonné de voir jusqu’où c’est allé dans le secteur privé». Et sans vouloir rien casser, là je voudrais quand même qu’on me fasse des rapports et qu’on voit dans quelle mesure on peut tenir les comportements dans les bornes du raisonnable. Voilà à peu près ce que j’avais comme rapport à vous faire aujourd’hui.

[H. Boivin (Gilles):

Normand Girard.

M. Girard (Normand): M. le premier ministre, juste une précision concernant Hydro et la caisse de dépôt.]

[M. Parizeau:] Oui.

[M. Girard (Normand): Quand vous parlez de prochaine session pour modifier les deux lois, est-ce que vous parlez de la session qui va avoir lieu avant les fêtes?]

[M. Parizeau:] oui, oui.

[M. Girard (Normand): Ce sera fait avant les fêtes ! ]

[M. Parizeau:] Ah oui ! Bien, ça va être présenté avant les fêtes et, là, comment dire, ça va dépendre de l’Opposition s’ils acceptent de lever les règles d’adoption, sinon, bien, ça retardera un peu, mais pas beaucoup; mais pas beaucoup !

[M. Girard (Normand): Parfait, merci. ]

[Le Modérateur: Suzanne Oue11et.

Mme Ouellet (Suzanne): M. Parizeau, j’aimerais savoir si vous pouvez nous indiquer quels sont, justement, les manques à gagner en termes de revenus pour le gouvernement du Québec et, évidemment, les dépenses plus importantes, si vous pouvez identifier les principaux éléments qui vous arrivent, qui vous amènent au chiffre de 5500000 $?]

[M. Parizeau:] Oh ! Il y a à peu près, je n’ai pas la liste avec moi des… Attendez, je vais vérifier. Non, je ne l’ai pas. Mettez que sur l’impôt sur le revenu des particuliers, je cite ça de mémoire, là, à peu près 200000000 $ de moins que prévu. Est [-] ce que vous l’avez, M. Lauzon? Passez [-]moi donc ça. Alors, non, c’est plus que ça: impôt des particuliers, 237000000 $ de moins que prévu, ventes au détail, 183000000 $. Ce sont les deux postes importants. Quant aux transferts fédéraux, ils sont à peu près 252000000 $ au-dessous de ce qui avait été prévu.

[Mme Ouellet (Suzanne): Comment vous expliquez cette baisse des transferts?]

[M. Parizeau:] Pardon?

[Mme Ouellet (suzanne): Quand vous dites q’à chaque fois que le gouvernement gagne un peu, le gouvernement fédéral vient en chercher, sur quoi il vient en chercher? Comment ça se fait?]

[M. Parizeau:] Ah, bien c’est la formule… Ah ! Ah ! Comment je vous expliquerais ça, la formule de péréquation, en 45 secondes? Par rapport à la moyenne, on établit les rentrées fiscales per capita pour une province par rapport à la rentrée moyenne des mêmes impôts pour cinq provinces canadiennes qui servent de norme. Et alors, quand le per capita de cette province approche de la moyenne des cinq, les transferts fédéraux tombent automatiquement. C’est la différence entre le per capita d’une province et le per capita moyen de cinq provinces, multiplié par la population, qui donne le transfert. Alors, plus nos affaires vont bien, plus vous travaillez fort, plus vous vous rapprochez de la moyenne des cinq et plus vous perdez de l’argent. Alors, ça rentre d’un côté et ça part de l’autre. La formule est ainsi faite. Ce n’est pas très drôle, mais c’est comme ça, et tant qu’on ne sera pas sorti du système, ça va continuer d’être comme ça.

Maintenant, vous voyez à quel point, cependant, dans une machine comme ça, la population est importante. Alors, quand il y a un sous dénombrement à l’occasion d’un recensement, ça arrive, ça. On peut réclamer du gouvernement fédéral que le chiffre véritable de la population soit rétabli. Moi, ça m’est déjà arrivé quand j’étais ministre des Finances, j’étais certain que j’avais un dénombrement, et effectivement, le sous-dénombrement a été démontré et on est allé chercher 500000000 $, et là, je viens de voir apparaître, hier, une possibilité de sous-dénombrement pour les quatre dernières années. Enfin, je ne vous en dis que ça. On va continuer de travailler pour voir si vraiment c’est… Bien voyons !

[Mme Ouellet (Suzanne): C’est juste parce que vous dites que la situation va mal. Donc, les transferts fédéraux ne devraient pas être moins importants. Ça devrait être une autre raison qui expliquerait que les dépenses…]

[M. Parizeau:] Non, parce que, vous voyez, ça remonte… Ce sont des corrections pour les années antérieures ça, madame. Ce sont des corrections pour les pires années de la récession.

[M. Boivin (Gilles)_ Gilles Morin.

M. Morin (Gilles): M. Parizeau, c’est au sujet des changements que vous voulez apporter au fonctionnement du Conseil du trésor.]

[M. Parizeau:] Oui.

[M. Morin (Gilles): N’y a-t-il pas danger de perdre un coussin apprécié de chaque administration dans l’exercice financier en fin d’année? C’est-à-dire que quand le Conseil du trésor contrôle tout, en fin d’année, quand les revenus ne sont pas aussi hauts, aussi élevés que prévu, on va chercher des crédits périmés dans les ministères pour équilibrer. Là, si je comprends un petit peu votre fonctionnement, ça n’existerait plus, ça, ce coussin là.]

[M. Parizeau:] Hé ! Il faut avoir une sacrée expérience de la machine pour poser une question comme ça. Vous avez exactement le doigt dessus, M. Morin, exactement. C’est la condition que l’on peut poser à un ministère, de dire: Voici votre enveloppe. Tout ce qui pourra se produire dans le courant de l’année, vous vous débrouillerez dans votre enveloppe implique absolument que, jusqu’à la fin de l’année, on cesse d’intervenir tous les trois mois en disant: En transformant le verbe «périmer» d’intransitif à transitif direct. C’est de dire non pas qu’un crédit est périmé, mais je vous ordonne de périmer tels crédits, ce qui a toujours été fait depuis quelques années et qui fait que toute planification des dépenses à l’intérieur des ministères devient impossible. Ils essaient d’organiser leur budget d’une certaine façon pour respecter l’objectif global, puis on intervient dans leurs choses en disant: Vous devriez arrêter tel programme, vous devriez bloquer la moitié de la dépense ici, etc. Ça ne se fera plus comme ça et ça permettra, parce que ça ne se fera plus comme ça et parce qu’il y aura cette marge que représentent les crédits périmés, comment dire, de situer les objectifs globaux de chaque ministère, les objectifs globaux pour le gouvernement à un niveau beaucoup plus raisonnable. Ça a des avantages, ça. Vous avez raison, il ne faut plus utiliser le mot «périmer» de façon transitive directe.

[M. Girard (Normand) : Si un ministère dépasse son budget de dépenses dans l’année, qui va l’autoriser?]

[M. Parizeau:] Bien, oui, il y a quelqu’un qui autorise à passer tout ça. Là, le Trésor retrouve son rôle de chien de garde, bien sûr.

[M. Boivin (Gilles): Denis Lessard.

[M. Parizeau:] Ça ne veut pas dire que sous prétexte qu’on simplifie considérablement les contrôles ex ante, à l’origine. Ça ne veut pas dire qu’on relâche les contrôles au bout, ça.

[M. Boivin (Gilles): Denis Lessard.

M. Lessard (Denis): M. le premier ministre, sur Domtar, il y a des informations voulant que les conditions accordées à M. Larsen, qui remplace, dans les faits, M. Desjardins, si on considère les «fringes» et tous les avantages, sont tout aussi avantageuses. Est-ce que vous avez pu vérifier comme principal actionnaire que c’est le…]

[M. Parizeau:] Non, c’est la première question que j’ai posée au début de la semaine au président par intérim. Je veux savoir les conditions d’embauche de M. Larsen. Est [-] ce que c’est clair que c’est le renvoi de M. Larsen qui a été à l’origine de la crise de Domtar? C’est vraiment ça qui l’a causée. Bien, là, je veux savoir, puisqu’on retourne chercher M. Larsen, dans quelles conditions ça se fait. Alors, j’ai déjà fait un rapport là-dessus. Mais votre préoccupation, je la comprends très bien, moi. J’ai eu le même réflexe. J’ai dit: Larsen, quelles conditions?

[M. Lessard (Denis): …pas encore le formulaire ou c’est…]

[M. Parizeau:] Je n’ai pas encore l’information. Non, je n’ai pas trouvé l’information là-dessus. Mais je les attends incessamment.

[M. Boivin (Gilles): …

Une voix: …The Financial Post Mr. Parizeau, vous avez donné à M. Campeau et à Mme Marois la tâche d’éliminer le déficit des opérations, sur les opérations. Maintenant, vous nous annoncez que le déficit est encore plus élevé que dans le passé. Alors, je ne sais pas, il me semble que vous devez couper beaucoup pour équilibrer le budget d’ici deux ans. Est-ce que vous pensez prolonger la période pour équilibrer? Quand est-ce que vous allez commencer à faire ça?]

[M. Parizeau:] Non, non ! Pas équilibrer le budget d’ici deux ans.

[Une voix: Oui, je sais…]

[M. Parizeau:] Éliminer les dépenses, comment dire, le financement par emprunt des dépenses courantes. Bon, bien. C’est d’emprunter pour payer l’épicerie. Et vous voyez, dans les gestes dont je viens de parler, cette préoccupation là est déjà présente. Mais c’est une des raisons pour laquelle je veux qu’on commence à fonctionner singulièrement du côté des revenus maintenant, pour que le prochain budget reflète ça très, très, très solidement.

Les règles d’établissement du programme du budget de 1995-1996 ont été, les règles générales, approuvées ce matin. Il y a les cinq qui restent où on va faire un certain nombre de choses pour préparer l’année prochaine. Mais la préoccupation que vous exprimez, vous comprenez â quel point je l’ai. Elle se traduit partout dans les règles qu’on a adoptées ce matin.

[Une voix: Mais il me semble qu’on a parlé d’un chiffre de 1700000000 $ pour éliminer le déficit sur les dépenses courantes. Et, maintenant, il y en a encore plus que 1000000000 $. Et vous parlez de couper 500000000 $. Comment ça va se…]

[M. Parizeau:] Et puis il faut se fixer des objectifs en termes d’investissements. Mais oui ! Mais oui ! Mais ne me demandez pas de faire le budget comme ça sur le bord de la table, â la fin d’une conférence de presse. Vous allez voir: la préoccupation dont je vous ai parlé, je continue de l’avoir au plus haut point. Et, quand, de temps à autre, pendant une heure, je ne l’ai pas, on se charge de me la rappeler. On a bien raison, d’ailleurs.

[M. Boivin (Gilles): Normand, s’il te plaît.

M. Girard (Normand): On peut avoir une copie des règles qui ont été approuvées ce matin?]

[M. Parizeau:] Jamais de la vie ! Ha, ha, ha !

[M Boivin (Gilles): Étric Tétreault puis Robert Houle.

M. Tétreault (Éric): Deux questions, Monsieur…]

[M. Parizeau:] Même avec l’accès à l’information, comme vous le savez. Oui, M. Tétreault.

[M. Tétreault (Éric): M. Parizeau, deux questions rapides: d’abord, je voudrais savoir, est-ce que vous pouvez me confirmer que M. Drouin hérite d’un des deux postes de direction à Hydro-Québec? Et j’aurais une autre question sur l’économie ensuite.]

[M. Parizeau: ]Je n’ai pas de, comment dire, raison de croire que ce ne serait pas le cas. Là, je… Au fond, ce qui m’a intéressé jusqu’à maintenant, c’était essentiellement la nouvelle structure de direction. Je n’ai pas eu de conversation avec M. Drouin, moi, sur cette question. Je n’ai pas de… Ma position n’est pas faite là dessus. Mais je n’ai pas de raison de croire que ce ne serait pas le cas.

[M. Tétreault (Éric): L’autre question, c’est sur l’évasion. Les chiffres avancés par les économistes disent qu’il y a des centaines de milliers de québécois qui travaillent au noir, soit comme emploi principal ou comme emploi secondaire. Est-ce que le gouvernement du Parti québécois a l’intention, dans l’avenir, de regarder de plus près cette situation? C’est beaucoup, beaucoup d’argent qui est perdu, ça, en revenus.]

[M. Parizeau:] Je ne voulais pas être trop explicite là-dessus dans ce que j’ai dit tout à l’heure parce que, plutôt que d’annoncer des choses, je voudrais que les ressources soient en place pour être capable de faire face à la musique. Quand on va commencer à rentrer dans la question du travail au noir, tout le monde va être averti: on rentre là-dedans, puis, on a ce qu’il faut pour être capable de surveiller ça. À l’heure actuelle, qu’est [-] ce que vous voulez? Vous dire: on est prêts à commencer à rentrer sur la question du travail au noir dans l’industrie de la construction, ce serait cracher en l’air. On n’est pas du tout organisés ou équipés pour ça. Alors, je prends les choses les unes après les autres. Là, je vous ai dit l’alcool. Moi, je vous dis l’alcool parce que j’ai demandé, là, au ministère du Revenu et à la Sûreté de préparer des opérations.
Me Ménard et M. Campeau sont au courant. Comment dire? C’est en voie de préparation. Bon, alors, on va la faire et puis l’affaire des vidéopokers, il y a la consultation qui va avoir lieu dans quelques jours et, puis, après ça, on bouge. Puis, je sais qu’on est en mesure de bouger et on sait comment le faire. Le travail au noir, ça reste tout aussi important à contrôler, mais j’en dirai quelque chose d’un peu spécifique quand on sera équipé pour y aller. La vérification dont je vous parlais au ministère du Revenu à l’heure actuelle, ça, c’est facile à mettre en place parce que tous ceux qui ont été coupés comme dépense étaient des occasionnels qui font ça saisonnièrement pour le gouvernement, dont le rendement est très connu, qui connaissent parfaitement l’emploi. Et, nous, on sait sur quelle liste ils sont pour les appeler. Alors, l’affaire de la vérification, ça part, comme disait l’autre, «now». Le travail au noir, dès qu’on sera prêts, on le dira, on le dira.

[M. Boivin (Gilles): Robert Houle.

M. Houle (Robert): M. Parizeau, j’imagine que, dans le pipeline, vous avez aussi commencé à songer à la préparation du référendum. J’ai une petite question à vous poser. Est-ce que vous allez donner suite à votre engagement de tenir une commission parlementaire qui préparera un projet de constitution d’un Québec souverain ou si vous avez mis un X là-dessus?]

[M. Parizeau:] Non, je n’ai pas, comment dir, je n’ai mis un X sur rien du tout, mais là je vais vous dire à peu près où j’en suis. Nous sommes en train de discuter de la mise en place de toutes les structures d’organisation, à la fois pour nous, comme gouvernement, et comme parti politique pour le Bloc québécois avec lequel nous travaillons très étroitement cette question là, avec des gens qui ne sont pas liés aux partis politiques.

Il y a beaucoup de gens qui, à l’heure actuelle, se présentent en disant: On veut travailler pour le référendum sans être dans des structures de parti. Alors, nous sommes en train de mettre au point toutes les organisations nécessaires, conjointes, distinctes, de façon à ne plus y penser. Je voudrais normalement que d’ici quelques semaines tout soit en place. On a pas mal discuté de ça. Je vais avoir l’occasion d’en discuter au Conseil national dans quelques jours. Alors, ça, on met ça en place pendant, encore une fois, deux ou trois semaines et puis après ça les choses se mettent à rouler. Et je vais les annoncer au fur et à mesure où ça se présentera, mais ne me demandez pas de vous annoncer des espoirs ou des rêves ou des affaires comme ça. Au fur et à mesure où ça aboutit, là…

[M. Houle (Robert): Je vous demande juste si vous allez suivre l’engagement que vous avez pris dans votre campagne électorale.]

[M. Parizeau:] Non, moi, je dis… Vous m’avez posé la question: Est [-] ce que vous avez mis un x dessus? Non, je n’ai pas mis un x dessus.

[M. Boivin (Gilles): Philip Authier.

M. Authier (Philip): Juste pour revenir sur la Caisse de dépôt, même question que M. Tétreault a posé sur M. Drouin: Est-ce qu’on peut confirmer aujourd’hui que M. Savard et M. Delorme vont rester là? Est ce que je vous comprends bien dans le sens que vous laissez la décision de où ils sont à la Caisse seulement ou…]

[M. Parizeau: ] Non, non, non non. Comment dire, il y a revenir à l’ancienne formule de la caisse, ça veut dire garder la protection de l’Assemblée nationale pour le président. Ce poste là est occupé, à l’heure actuelle, par M. Delorme, et il est, comment dire, nommé pour un terme fixe. On va revenir à l’ancienne loi. Regardez seulement les termes, les noms, et vous allez voir. Quant à M. Savard, comme je le dis, si la caisse décide qu’elle a besoin d’un chef d’exploitation, qu’elle en nomme un. Si c’est lui, c’est lui. Ne me demandez pas… Ce n’est pas à un gouvernement d’aller faire ces choses là. Le gouvernement a un certain nombre de postes à nommer. D’autres découlent essentiellement de la structure administrative.

[M. Boivin (Gilles): M. David.

M. David (Hichel): Oui, sur la caisse, M. Parizeau, encore une fois, indépendamment de la structure de direction, comment appréciez vous le comportement de la caisse depuis quelques années, tant au point de vue de rendement que de son rôle d’intervenant dans l’économie. Est-ce que vous êtes satisfait de la façon dont c’était fait?]

[M. Parizeau:] Il m’est bien difficile de répondre à ça. Pour le moment, selon des pouvoirs que la loi reconnaît au ministre des Finances, on se renseigne. On demande du renseignement. Dire que sur le plan, par exemple, des rendements, je suis délirant de joie par ce que j’ai vu jusqu’à maintenant serait exagéré. Là je ne suis pas près à faire une déclaration là-dessus et d’ailleurs, ce n’est probablement pas moi qui la ferait, ce serait le ministre des Finances, quant à la situation à la caisse. Et là, probablement, encore une fois, on pose des questions puis on reçoit des renseignements. Tout rôle que la loi nous reconnaît parfaitement.

[M. David (Michel): Et sur l’autre volet du rôle de la caisse, celui d’intervenant, de stimulateur de l’économie?]

[M. Parizeau:] Nous aurons à tester ça. Ça n’a pas été, depuis quelque temps, très, très visible, mais il y a des tests qui s’en viennent; l’autoroute de l’informatique, par exemple. Il y a des tests qui vont… On verra mieux.

[M. Boivin (Gilles): Deux dernières questions en français: Philippe Cantin et Gilles Morin.

M. Cantin (Philippe): M. Parizeau, vous venez de décrire une situation économique assez difficile. Dans ce contexte là, j’aimerais savoir est-ce que c’est vrai que le président des Nordiques de Québec vous a demandé de subventionner les déficits de son équipe qui est une entreprise privée? Est-ce que votre gouvernement serait prêt à investir dans la construction d’un nouveau Colisée, un dossier qui suscite beaucoup de commentaires ici à Québec?]

[M. Parizeau:] J’ai vu M. Aubut. Il m’a décrit ce qu’il attendrait d’un gouvernement du Québec à l’égard, en particulier, de la construction d’un nouveau Colisée. J’ai écouté ça attentivement, et puis je lui ai dit: Écoutez, moi, je suis un gars de dossier, je ne peux pas regarder ces affaires là simplement sur des bonnes paroles, là. Je vais vous envoyer deux personnes, un candidat, on n’était pas encore en élection, là, un candidat du Parti québécois et puis un comptable, et j’aimerais bien que vous ouvriez les livres et puis qu’on puisse voir si, vraiment, ce que vous affirmez quant au rôle d’un nouveau Colisée sur la rentabilité des Nordiques c’est… on porte le même jugement que vous. Et puis, là, on a embarqué en campagne électorale, et puis, bien, les livres n’ont pas été ouverts.
Alors, le comptable que j’ai désigné, en particulier, a essayé de les avoir d’une façon, il a essayé de les avoir d’une autre façon, il ne les a pas eus. Alors, comme on était en campagne électorale j’ai dit: Bien, arrêtez [-] moi ça jusqu’après la campagne, et depuis ce temps là je n’ai pas entendu parler de M. Aubut. Mais, moi, tu sais, passé un certain point, si je n’ai pas de livres devant moi, c’est la première des choses que je pose tout le temps, les états financiers sont où? J’aime ça savoir ça. Ce n’est pas, écoutez, on n’est pas ni dans le dogme, ni dans la religion, ni dans la Sainte-Enfance, là, ce n’est pas… Pas de chiffres, pas de décision.

[M. Boivin (Gilles): Gilles Morin et Katia Gagnon.

M. Morin (Gi11es): Oui, un petit peu dans la même veine, c’est-à-dire dans l’entreprise privée qui demande l’aide du gouvernement, Donohue, de Matane, veut de l’aide, c’est-à-dire que le gouvernement efface sa dette pour ouvrir…]

[M. Parizeau:] Ah bien non, là ! Je ne suis pas encore prêt à parler de ça, pour trois choses, trois raisons: l’usine, un instant, comment ça marche, il y a tellement de dossiers, là , la Cartonnerie Saint Laurent, à cause du prix du carton usagé, dont elle se sert, la Cartonnerie Saint-Laurent, voyant le prix du carton usagé monter, veut passer à la fibre de bois, ce qui va représenter des commandes considérables pour, en haute saison, à peu près 1000 producteurs de bois de la péninsule. Vous voyez le rapport qu’il y avait, tout de suite, pourquoi on a bougé tellement vite avec le plan forestier du gouvernement fédéral. C’est très important, là, ce débouché, la Cartonnerie Saint-Laurent. Mais, ça change les conditions d’épuration des eaux. Cartonnerie Saint-Laurent demande d’utiliser des installations qui appartiennent à la ville de Matane, mais qui ont été construites pour Donohue. Et là, Donohue, on cherche à le faire rouvrir. Alors, on a un problème d’affectation de la capacité de l’usine d’épuration entre ces deux initiatives là. Il y a des problèmes juridiques absolument inimaginables. Moi, j’ai des gens qui travaillent là-dessus depuis 15 jours. Alors, je ne suis pas prêt, encore, à vous faire…Je sais qu’il y a un problème, aussi, de radiation, de dette à l’égard de la SDI, enfin, il y a un paquet de choses dans ce dossier là. Mais, là, ça ne sert à rien que je vous en parle. Je ne suis pas encore assez avancé. Mais, normalement, ça devrait aboutir… Enfin, je devrais être en mesure de vous dire quelque chose d’ici pas longtemps.

[Une voix: …

M. Boivin (Gilles): S’il-te-plaît, Denis, parce qu’il ne reste plus beaucoup de temps, il faut passer en anglais. Il y a avait une autre question.]

[M. Parizeau:] Il n’y a pas de principe de radiation, là. Hein ! On est dans la «business». Il s’agit de savoir si c’est bon ou si c’est mauvais sur le plan des affaires. Moi, je n’en suis pas. Vous avez déjà vu, vous, des entreprises qui diraient: Je ne radierai jamais? Ou d’autres qui diraient: Je radierai toujours. La radiation, ce n’est pas l’immaculée conception. Bon. Ça dépend comment ça se présente !

[Une voix: Une dernière très courte question. On passe anglais…

Mme Gagnon (Katia): Sur la contrebande d’alcool, M. Parizeau, vous avez l’intention de faire quoi, concrètement? Pensez-vous juste à des opérations policières, ou vous pensez à baisser le prix des taxes, ou…]

[M. Parizeau:] Pour le moment, j’en suis au contrôle de la contrebande. Écoutez, ça n’a pas été amorcé du tout. Ce n’est pas une affaire. .. On sait bien que le plus clair de ça est concentré dans les bars, les hôtels, etc. C’est dans le commercial, ce n’est pas tellement dans l’individuel. Bon. Il n’y a eu aucun contrôle de fait, rien. C’est risible. Il se fait moins de contrôle à l’heure actuelle qu’il s’en faisait autrefois quand le problème n’avait pas du tout cette ampleur là. Alors, permettez qu’on mette les contrôles en place. Simplement par le nombre de gens qui vont protester là-bas, vous devriez voir ça, dès que ça va commencer à devenir efficace, vous allez voir, ça va protester pas mal.

[M. Boivin (Gilles): On passe en anglais, s’il vous plaît. Ralph Noseworthy et ensuite, Rhéal Séguin.

H. Hoseworthy (Ralph): Sir, you have had time to check the books.

M. Parizeau: Yes.

H. Hoseworthy (Ralph): You are not too surprised. You sort of expect it. Now what?

M. Parizeau: We_I, I would have wished to be surprised in a happy way. For the last four years, the government has always announced, on the average, 900000000 $ less at budget time than at the end of the year, as far as the deficit is concerned. They would announce 3500000000 $, it was 4400000000 $ for the last four years. This time, early in the year, at budget speech, they said: There is going to be 4425000000 $. I have added 900000000 $, and guessed 5300000000 $. I was wrong, it is 5400000000 $.

Une voix: …

M. Parizeau: 5400000000 $. Now what?]

Une voix: En français, vous avez dit 5500000000 $.

M. Parizeau: Excusez [-] moi, alors c’était de 5400000000 $ à 5500000000 $. C’est ça. C’est 5500000000 $ qu’on a à l’heure actuelle dans les projections. Bon. Excusez [-] moi, 5500000000 $ [now, sorry]. Ha, ha, ha ! Ça m’apprendra à ne pas regarder mes notes. C’est 5400000000 $ à 5400000000 $. 5500000000 $ et non pas 5300000000 $

[Now, watch ! We could just say: WeIl, that is it ! l mean that is their budget, there is only five months left. The hell with that, and we will work on our next budget. The problem is that this is going to be the first time that the deficit will be above 5000000000 $. Secondly, a great deal of that is due… about half of that is due to revenues. There are operations that they promised but they have not conducted really, they have not fought against the smuggling of alcohol, they have not put together a system that can really work, with respect to the videopoker. They have even reduced the expenditu res for accounting verifications of the tax returns. They have tried to save money even there, in spite of the fact that an hour of that kind of verification brings about 6 $ or 7 $ in additional income. Even that, they produced on these things. 50, we will do something about that, about smuggling, about videopokers, about the checking of the accounts. And, we can reduce some expenditures in areas, in that 41000000000 $ of the govern ment. We can reduce some expenditures that will not hurt really, a little, and in tha t sense, l hope we can reduce the anticipated deficit to about halfway between what they have announced and what is in the books today, about something like 5000000000 $, l hope. But l cannot be sure of that until we have more certainty, with respect to federal transfers. There is still a great deal of warbling in the estimates there…

M. Boivin (Gilles): Rhéal Séguin, puis, Mark Kelly.

M. Séguin (Rhéal): Mr. Parizeau, Mr. Bouchard recently complained that the sovereignty movement appeared to lack momentum. What will you be doing in the coming months leading up to the referendum to give this new emphasis te the sovereignty movement? What yeu have announced today, is this the type of strategy that we will be seeing on a constant basis over the ceming weeks?

M. Parizeau: Not on a constant basis. We have stated repeatedly that when we take power, we want things to start moving, and the impetus towards the referendum belongs to that same sort of attitude. We will move. We will move. We will not take things soft, sitting down, and that is, shall we say, the sort of broad atmosphere that l want to set as early as possible. Now, as to the way in which we are going to run that campaign, that referendum campaign, what we have done until now is not particularly spectacular but is necessary. We are putting together all the, shall we say, political structures in the wide sense of the word, applicable to us, applicable to the Bloc, of course, in cooperation with them, applicable to all those who do not want to go into political partisanship but want to cooperate to that referendum. l want all these problems of structures behind us in two or three weeks, and then, we start, shall we say, well, we start thinking more and more strategy, more and more issues, more and more why we want to get out of the federal government, why we want to have a country of our own, and this will unfold in the months that come.

M. Séguin (Rhial): Can we expect spectacular moves shortly?

M. Parizeau: It depends on what you call ((spectacular». There are, you know, some spectacular moves that are, in themselves, very small ones. When the federal government decided to withdraw its financial support to the Carrefour Jeunesse Emploi for the placement of youngsters, because, according to the new norms, they wanted Carrefour Jeunesse Emploi to handle only cases of young people on unemployment insurance and nobody else, while, as far as Carrefour Jeunesse-emploi was concerned it was their efficiency thatwas… They were efficient because they were handling all the young people who went there, no matter their origin, and refused to obey by the new national norms. Axworthy shot the placement department of Carrefour jeunesse emploi, withdraw all subsidies and we, in Québec, decided to re establish it, to finance it, to come and save the thing, and we did it in eight days. Carrefour jeunesse-emploi, their placement service is saved, and the guys and the girls are back, there, handling the request of the young of that area. It took eight days, for us, to substitute to the Federal Government. And there is a hell of flap now, in ottawa, because just imagine that what we were doing that, one of the first fifteen chaps, young chaps who came back to that Carrefour jeunesse to find a job, one of them was told by the Federal Government: If you go back there, we are cutting your unemployement insurance. The chap is called Michel Lévesque.
I do not know if one considers that a spectacular issue, but as far as l am concerned, it is at least as important as whathever, in propriety, Michel DUpuy has done with the CRTC. We are touching, here, the very bone of the way a society works. When l say that governments should not, that it is obscene for a government to fight over the unemployed. That is exactly what l am talking about.

M. Boivin (Gilles): Deux dernières questions.

Une voix:In your opinion…

M. Parizeau: That involves 100000 $ as a Government to save that peration, and that youngster, 1 hope, has found a job. If not, we are going to, somebody is going to find a job for that guy. But this is hameful, and the federal-provincial battle over Michel Lévesque, 1 will try to see that it lasts a long time as a sort of symbol of what should never be done in the society

M. Boivin (Gilles): Deux dernières questions. Mark Kelly et Eric Kalp

K. Relley (Mark): Mr. Parizeau, a double.barrel question, if I may Excuse my scepticism, but every new government that comes in, always one of the first things they say is: We are taking a look at the books and the financial situation is a lot worst than we expected.

M. Parizeau: I did not say that. 1 said: It is exactly the same as the last four years, 900000000 $, or in that case, 1000000000 $ more that what was announced during the spring.

M. Relley (Mark): Secondly, the comment comes right on the hills of… Mr. Le Hir comments that the debt situation, the financial situation, the economic situation is much worse because we are in a federalist straight-jacket. 1s this also part of the reasoning?

M. Parizeau: In very many ways. The straight-jacket Mr. Le Hir has mentioned has to do with the federal debt. This is becoming an intolerable burden. And no amount of words, any number of words won’t hide that. 1t is becoming an intolerable burden ! We’ve got to get out of that system. l mean, that system is sinking. 1t’s absurd that we should pay services in double to the tu ne of a few billion dollars a year ! We should we? And with debts accumulating, why should we? We’ve got to get out of that system and that’s what Mr. Le Hir has emphasized with an interesting set of figures.

As far as what l was saying today is concerned, it’s complementary but different. What 1’m saying is this: The system of federal transfer is such and it’s worked in the formula. 1t’s not a question of good intentions or bad intentions. That’ s the way the system works. If, through aIl kinds of efforts, we increased – everything else being equal – employment in Québec by 1 %, that is 30,000 jobs, this implies a ri se of JDP of $2,500,000,000. It increases through income tax, sales tax, the resources of the Québec government, the revenues of the Québec government, by about $400,000,000 and through adjustment in equalization, we lose $321,000,000 to the Federal Government. 50, the more efficient we are as a government to create jobs… No, l should not say that. The efficiency that we can show as a government ta create jobs translates itself into a very, very modest improvement in the public finances. Three quarters of what we do, in fact, is taken back by the Federal Government. It doesn’t me an that we should not work like hell to produce jobs here. But one has to realize that the state of public finances and the state of the economy, because of that incredible system, are on different paths.

M. Boivin (Gilles): Dernière question.

M. Kalb (Richard): sir, can you help me with… When you were giving out the numbers earlier for this year deficit, you were talking about short falling revenue. l would just like you to clear this up for me. Can you give me those numbers again…

M. Parizeau: Yes.

M. Kalb (Richard): …please for the short falling revenues? l think l missed one.

M. Parizeau: As of now, the latest projections: income tax on individuals or below estimates, those of the budget speech by $237000000 and sales taxes below by 183. That is the recent revenue.

M. Kalb (Richard): It adds up to $420000000.

M. Parizeau: Yes.

M. Ealb (Richard): What are the federal transfers? That is a revenue, isn’t it?

M. Parizeau: Yeso Minus 252.

M. Ealb (Richard): So you are talking around $670000000 and $680000000 on the revenue side that you are off.

M. Parizeau: No, there are increases in other directions with respect… in other revenues of above 176. So the short fall for total revenues of the Québec government that are called autonomous, its own revenues, the short fall is 275 and the federal transfer 252…

M. Kalb (Richard): The question that l have…

M. Parizeau: …by 527.
MH. Kalb (Richard): Thank you. The question l have for you is what are you going to do to stop the alcohol traffic because l can order it to my house and have it delivered to my door, but please do not put a cop there and wait. for the delivery.

M. Parizeau: Yes, but shall we say we are going to start by the… Well, both the supply and the demand sides, that alcohol comes in through specifie spots. And most of it is sold in commercial establishments. Neither in one direction nor in the other has anything been done. They have not even attempted anything. They just… I do not know what they have been doing. I do not know what they have been doing. Look, this is ponderous stuff. I mean, it shows… You just do not transport vans of the stuff without somebody noticing. No, no, no, you will see: by the time some people start to complain, you will know that we have become very efficient.

M. Boivin (Gilles): Merci, M. Parizeau.

(Fin à 16 h 9)]

[QParizeau19941104cp]

[(Onze heures trois minutes)]

[M. Boivin (Gilles): M. Parizeau va faire une courte déclaration, puis M. Campeau; ensuite, on va passer aux questions. Alors, M. Parizeau.]

[M. Parizeau:] Je crois que M. Godbout aussi a à parler après M. Campeau. Je suis ici, au fond, pour fournir l’introduction. Pendant des mois et des mois, le Parti québécois, vous vous en souviendrez, a protesté contre le plafonnement des contributions qui avait été imposé par le gouvernement libéral au Fonds de solidarité. C’était à peu près la seule chose qui marchait très bien, et peut-être, justement, à cause de son succès, le gouvernement avait décidé d’en limiter l’expansion, avec toutes les conséquences que c’était susceptible d’avoir, et que ça a eu d’ailleurs, sur le financement des entrepri ses, surtout des petites et des moyennes entreprises au Québec. Nous avions annoncé que nous enlèverions le plafond. D’autre part, notre intérêt, dans le sens du financement des sociétés de développement ou de financement régional ne s’est pas démenti pendant toute la campagne électorale. Donc, ça me fait plaisir, simplement en commençant aujourd’hui, de dire que nous posons les premiers jalons dans les directions que nous avions indiquées à cet égard avant la campagne électorale, pendant la campagne électorale. Rapidement, donc, les premiers jalons aujourd’hui sont posés. Je ne vais pas plus loin. M. Campeau maintenant va donner, non seulement un certain nombre d’indications précises sur ce que nous allons faire, mais, d’autre part, le résultat de discussions qui ont été engagées avec le Fonds de solidarité de la FTQ, et M. Godbout ira plus loin dans cette voie. Voilà !

[M. Campeau: Merci, M. le premier ministre. Mesdames, messieurs, le gouvernement veut s’assurer que les choses bougent au Québec en donnant les moyens aux institutions les plus dynamiques d’oeuvrer au mieux-être des Québécois. À cet égard, le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, c’est un bel exemple d’institutions qui contribuent à l’essor de l’économie québécoise. Ça crée de l’emploi. Souvenons [-] nous que d’avoir une job, ce n’est pas un privilège, c’est un droit. Constitué en 1993, le Fonds a su se tailler une place des plus importantes au Québec. On le connaît à travers toute la région. Avec un actif de près de 1000000000 $, il est devenu au fil des ans un intervenant majeur dans le développement économique du Québec. Par sa mission éducative, le Fonds a réussi à intéresser un nombre important de travailleurs et de travailleuses aux différentes facettes de l’économie québécoise. Il aura aussi permis d’accroître leur influence sur le développement économique du Québec. Avec plus de 200000 actionnaires, le Fonds constitue une manifestation éloquente de ce que peut réaliser la solidarité québécoise. En investissant une portion importante de ses avoirs dans les petites et moyennes entreprises du Québec, le Fonds a réussi à créer, il a aussi réussi à préserver un nombre significatif d’emplois partout à travers le Québec.
Au 31 octobre 1993, le Fonds possédait des investissements dans 76 entreprises et 23 fonds de développement spécialisé répartis dans tout le Québec. Le Fonds crée ou maintient plus de 6000 emplois au Québec par année. C’est pourquoi, conformément, comme le premier ministre l’a dit, à l’engagement pris lors de la dernière campagne électorale, j’annonce aujourd’hui l’élimination du plafond qui limite l’émission d’actions du Fonds de solidarité des travailleurs et des travailleuses du Québec. D’ailleurs, il est difficile de comprendre, comme plusieurs l’ont dit, pourquoi l’ancien gouvernement a imposé un tel plafond au Fonds qui constitue un instrument des plus efficace pour le développement de l’économie québécoise.
De plus, de manière à maintenir la vocation première du Fonds de solidarité, soit de favoriser la formation des travailleurs dans le domaine de l’économie et leur permettre d’accroître leur influence sur le développement économique du Québec, le Fonds de solidarité s’en engagé les moyens nécessaires pour que la vente de ses actions dans le grand public ne dépasse pas les ventes d’actions qu’il effectue aux travailleurs syndiqués. C’est un engagement du Fonds de ne pas dépasser cette limite là.
Par ailleurs, dans l’intérêt du public, le gouvernement a aussi le devoir de s’assurer que les sommes investies dans les fonds de travailleurs à capital de risque font l’objet d’un contrôle approprié et c’est pourquoi j’ai demandé que la supervision actuelle soit poursuivie, puis, même, améliorée s’il y a lieu.
En second lieu, nous avons l’intention de consentir les mêmes avantages fiscaux aux nouveaux fonds de travailleurs qui pourront être mis sur pied par des centrales syndicales reconnues et oeuvrant principalement au Québec. Ces nouveaux fonds devront cependant se conformer à des critères de reconnaissance similaires à ceux du Fonds de solidarité des travailleurs du Québec. Troisièmement, nous devrons aussi apporter un appui concret aux efforts déployés par le mouvement
Desjardins. C’est pourquoi j’annoncerai sous peu la mise en place d’une mesure qui sera adaptée à ses besoins en capitalisation et qui lui permettra, à ce mouvement Desjardins, de participer davantage à la croissance économique du Québec. Finalement, bien, je me réjouis de l’implication du Fonds de solidarité qui agira comme catalyseur pour assurer le succès des fonds d’investissements régionaux que le gouvernement al’ intention de mettre sur pied et, aussi, je suis particulièrement heureux de l’engagement du Fonds de solidarité de consacrer non seulement une partie importante de sa levée annuelle de fonds dans les régions, mais également de s’assurer qu’une partie de ce qui est levé dans une région donnée soit investie.
Je vais maintenant demander à M. Godbout de vous dire quelques mots.

M. Godbout (Clément): La FTQ et son Fonds de solidarité sont heureux, bien sûr, de la décision et de l’annonce d’aujourd’hui. Il s’agit, pour nous, d’une déclaration ou d’annonce qui invite au travail, à la confiance et qui appelle, en même temps, au sens des responsabilités.
Ça fait passablement différent et remarquable qu’un gouvernement demande à la FTQ et de son Fonds de s’autodiscipliner en termes de maximums au lieu de passer des lois. s’entendre lorsqu’on discute. La preuve est qu’on peut Le Fonds de solidarité, rappelons-le, c’est aujourd’hui 4000 responsables locaux et responsables locales qu’on retrouve un peu partout en territoire québécois. C’est 2500 employeurs qui ont négocié avec les syndicats affiliés à la FTQ des clauses de déduction à la source d’action du Fonds de solidarité. C’est à peu près 100000 adhérents, membres des syndicats affiliés à la FTQ et environ 100000 adhérents également du grand public. C’est à peu près 250000 personnes-heures que nous avons données en formation économique dispensées par le Fonds et son équipe. C’est aussi, après 10 ans, neuf sociétés régionales d’investissement, 16 fonds locaux dont 11 solides; nous en avons annoncé deux autres hier. C’est sept fonds spécialisés. C’est 254 interventions directes ou indirectes pour près, d’environ… d’intervenir ou de maintien de 30000 emplois. C’est tout ça le Fonds de solidarité avec 1000000000 $. La FTQ est donc interpellée par cette décision là. Tout le temps de la campagne électorale, je pense que le premier ministre et le chef de l’opposition dans le temps, les chefs de parti, si vous voulez, ont annoncé très clairement leurs couleurs. Nous l’avons compris, et nous avons décidé, avec le Fonds, d’embarquer, de consacrer des efforts importants au développement de l’emploi en intervenant au niveau régional et en appuyant les fonds régionaux. Le Fonds de la FTQ et la FTQ et ses syndicats sont désireux d’intervenir avec les gens du milieu pour, ensemble, développer tous les coins du pays. C’est donc la possibilité pour chaque milieu, maintenant, de se prendre en main aussi. Les gens du milieu, pour nous, c’est les MRC, c’est les CRD, c’est les gens d’affaires, c’est les syndicats, c’est les institutions financières, c’est des groupes populaires et communautaires, et ça exige aussi qU’on soit capable de comprendre leurs besoins et de répondre à leurs aspirations. Pour réussir, il faudra aussi soutenir les jeunes entrepreneurs et ceux qui se pointeront dans cette stratégie. Ça s’appelle de l’appui ou du soutien technique, de la formation et de l’information, de l’encadrement, et en ce sens, le Fonds de Solidarité offrira aussi et avec nos syndicats, à ceux qui le désirent, de la formation en gestion de capital, formation pour les gens qui siégeront au conseil d’administration de ces fonds régionaux, avec des visions et des suggestions d’analyse, d’orientation et de réflexion, dans le fond, des outils de soutien et d’aide donc, des ressources qui vont se retrouver mieux équipées en région. Pour la FTQ également, dans un autre temps, mais dans pas grand temps, nous sommes en train de travailler sur une stratégie de développement sectorielle. On ne règle pas le problème d’une industrie minière en réglant le problème d’une mine. On ne règle pas le problème des papetières en réglant le problème d’une papetière. C’est l’ensemble des secteurs qu’il faut regarder. Dans ce sens là, le Fonds de solidarité a déjà fait des études passablement poussées dans des dossiers comme le meuble, le récréo-touristique, le vêtement, le plastique, les logiciels et d’autres. Également, nous sommes en train de travailler un projet intéressant de formation dans le domaine de la formation de la main-d’oeuvre, surtout les travailleurs routiers. Donc, formation des travailleurs, également formation au niveau du développement sectoriel, implication des employeurs. Nous allons travailler très fort dans ce sens là. Le Fonds de solidarité salue cette décision du gouvernement de nous permettre, encore une fois, de continuer, ensemble, à bâtir une plus grande solidarité, faire bénéficier à l’ensemble de la société québécoise, dans tous les coins de pays, comme je le disais, de la solidarité syndicale. Nous croyons qu’il y a une réponse là et nous croyons que tous ensemble, nous sommes capables d’aider à ce développement là, et dans ce sens là, nous saluons cette décision là et nous sommes conscients de ce qu’on nous demande. Je disais tout à l’heure au premier ministre: écoutez, M. le premier ministre, l’annonce est plaisante, bien sûr, mais vous nous demandez beaucoup. Mais la FTQ n’a jamais eu peur, avec son Fonds, je pense, de prendre ses responsabilités. Nous allons les prendre dans ce sens là. Donc, nous intervenons avec force, intérêt et détermination dans les fonds régionaux, dans le développement régional.

M. Boivin (Gilles): Première question, Gilles Morin, ensuite,

Normand Girard. M. Morin (Gilles): Oui, M. Campeau, quand le Fonds était à 150000000 $, le gouvernement précédent avait dit: Bien, écoutez, ça nous a coûté 40000000 $. Et là, vous dites: Ça va représenter pour l’État un coût de 36000000 $, mais vous l’étendez en même temps, le Fonds, aux autres centrales syndicales qui voudront en établir un. Est-ce à dire que vous visez, pour, la prochaine année, à peu près 150000000 $ d’investissements dans les Fonds de solidarité quels qu’ils soient ou si vous envisagez davantage parce que c’est sûr que le 36…

M. Campeau: Le 36…

M. Morin (Gilles): Je ne sais pas à quoi il correspond.

M. Campeau: Le 36 s’applique à 1995-1996. Donc, les autres fonds, est-ce qu’ils vont être prêts à partir pour 1995-1996? Ça sera probablement 1996-1997. Ils vont être loin d’avoir l’ampleur du Fonds de solidarité qui a beaucoup d’avance. Maintenant, sur les chiffres, on verra. Et déjà, dans les autres… Les autres syndiqués, appartenant à d’autres centrales, il faut indiquer qu’ils investissent déjà dans le Fonds de solidarité des travailleurs. Alors, le fait de partir un autre fonds, que ce soit la CSN ou un autre, ne veut pas dire nécessairement que ça augmente les montants sur le total pour le Québec.

M. Morin (Gilles): Mais il y a Desjardins aussi qui va être dans le portrait éventuellement?

M. Campeau: Desjardins. Il va avoir d’autres outils. Desjardins, ce n’est pas exactement la même chose. Il s’agit de l’aider à sa capitalisation. Il s’agit de le soutenir s’il a des besoins de capitalisations.

Mme Langlois: Ça veut dire quoi, ça, l’aider à sa capitalisation? Quels moyens sont envisagés pour l’aider?

M. Campeau: Bien, il y a peut-être. .. Il Y a plusieurs moyens qui peuvent être pris.

M. Morin (Gilles): Est-ce qu’il serait possible de savoir qu’est ce que vous avez en tête avec Desjardins?

M. Campeau: Bien, Desjardins, à l’heure actuelle, écoutez, c’est tout à fait encore très vague, mais un genre REA, là, Desjardins ou un genre d’outil comme ça de véhicule qui peut nous aider a. le rejoindre. Maintenant, on n’a pas eu de réunion poussée là-dessus.

M. Boivin (Gilles): Normand Girard.

M. Girard (Normand): oui, c’est sur le même sujet. M. Campeau, les 36000000 $, là, c’est la somme qui est attachée aux déductions fiscales additionnelles que va engendrer le déplafonnement?

M. Campeau: C’est ça.

M. Girard (Normand): Bon, alors, qu’est-ce que ça a coûté jusqu’à maintenant?

M. Campeau: Bien…

M. Girard (Normand) : Je pense que ça avait été limité à 75000 pour l’année?

M. Campeau: A 100000000 $.

M Girard (Normand): A 100000000 $?

M. Campeau: On va ajouter 20000000 $.

M. Girard (Normand): Alors, ça veut dire 56000000 $ que ça coûte…

M. campeau: Oui.

M. Girard (Normand): Pour 1995-1996, pas 1994-1995.

M. Campeau: Non.

M. Girard (Normand): Pour l’année prochaine.

M. Campeau: Non.

M. Girard (Normand): Non, mais pour 1994-1995, c’est combien?

M. Campeau: 20000000 $.

M. Girard (Normand): 20000000 $. L’an prochain…

M. Campeau: 36000000 $ de plus, mais vous voyez où le 36000000 $ va aboutir. Dans le fond, c’est la part du gouvernement dans les régions.

M. Girard (Normand): C’est ça.

M. Campeau: Cet argent là, c’est fait réellement pour décentraliser et que les régions prennent leurs responsabilités et soient en mesure d’utiliser l’argent là où il doit être utilisé et de prendre les décisions chez eux.

M. Morin (Gilles): Le coût réel global pour le gouvernement va être de 56000000 $ et non 36000000 $ l’an prochain.

M. Campeau: Pour l’an prochain.

M. Gilles Boivin: M. Jean-Claude Ouellet.

M. Campeau: De l’autre côté, c’est évident que de l’autre côté il faut enlever des sommes qui se rapportent à l’impôt sur le revenu quand ça crée des emplois.

M. Morin (Gilles): Oui.

M. Campeau: Mais dans ce secteur là, le coût va être 36000000 $ plus 20000000 $.

M. Morin (Gilles): oui, d’accord.

M. Campeau: C’est évident qu’on ne donne rien pour rien.

M. Girard (Normand): Et ça ça peut générer combien d’investissements? Je ne sais pas si M. Blanchet ou M. Godbout…

M. Campeau: Là, je leur passe les questions.

M. Girard (Normand): oui. Je pense qu’ils sont peut-être en mesure de nous donner ça, là, combien ça peut générer d’investissements, ça, au Québec.

M. Godbout (Clément): Ça veut dire certainement, en tout cas, en partant du début, aussitôt que les fonds vont arriver, ça veut dire qu’on peut tout de suite injecter dans les régions quelques dizaines de millions de dollars, en partant.

M. Girard (Normand): Oui, mais vous aidez hein?

M. Godbout (Clément): Vous voyez, à date, nous sommes intervenus pour le maintien d’environ 30000 emplois.

M. Girard (Normand): Oui.

M. Godbout (Clément): Bon. Et des études qu’on a fait faire au fonds, qui ont été publiées récemment, nous démontrent qu’à peu près trois ans et demi, ça prend pour l’argent, que le dollar… Le dollar que le gouvernement investit à travers le fonds, il récupère son argent à peu près dans trois ans et demi, après ça, ce sont des surplus.

M. Girard (Normand): Oui, mais ma question, M. Godbout…

M. Godbout (Clément): Combien d’emplois…

M. Girard (Normand): Ma question, M. Godbout, ce n’est pas ça. Avec les investissements que vous vous faites à même le fonds, vous aidez des entreprises, mais vous ne les aidez pas tout seul, c’est-à dire que les entreprises doivent investir aussi, et ça c’est important ces investissements là. Ce que je voudrais savoir, c’est combien vous générez d’investissements de la part des entreprises en contribuant à leur maintien. Ça il me semble que c’est ça qui est primordial.

M. Godbout (Clément): À peu près 5 fois.

M. Girard (Normand): Quand vous mettez 10000000 $, ça génère 50000000 $.

M. Godbout (Clément): À peu près.

M. Boivin (Gilles): Hélène Baril.

Mme Baril (Hélène): Oui, M. Campeau. si je me souviens bien, M. Bourbeau avait imposé un plafond pour deux ans, pour 1993-1994, là ce que vous faites ce n’est pas de l’élever, c’est que vous ne le réimposez pas.

M. Campeau: Non, moi ma perception, c’est qu’il l’avait vraiment imposé pour…

Mme Baril (Hélène): C’était deux ans, à peu près.

M. Godbout (Clément): Cette année, il était bloqué…

M. Campeau: Par exemple, cette année, il était bloqué, puis on le lève…

M. Godbout (Clément): …puis on le lève pour cette année.

Mme Baril (Hélène): Est-ce que vous avez d’autres projets de fonds sur la table que vous êtes en train d’étudier actuellement ou si…

M. Campeau: On parle avec d’autres centrales. Il est trop tôt pour dévoiler exactement nos négociations, ou nos pourparlers, mais on avance.

Mme Baril (HAlène): Avec d’autres centrales, avec la CSD?

M. Campeau: D’autres centrales.

M. Boivin (Gilles): Claude Brunet et Michel Venne.

M. Brunet (Claude): Deux questions, M. Campeau. La première: il était question de fonds de solidarité régionaux, je crois, pendant la campagne électorale. Est-ce que vous avez toujours ce projet?

M. Campeau: Bien, je vais laisser répondre. Je ne pense pas qu’il était question…

M. Brunet (Claude): Enfin, de fonds régionaux équivalents à…

M.Campeau: Parlez-vous de fonds régionaux ou de fonds de solidarité régionaux?

M. Brunet (Claude): De fonds régionaux qui seraient l’équivalent du Fonds de solidarité.

Une voix: oui, c’est ça qu’on fait…

M. Campeau: oui, c’est ça qu’on fait à l’heure actuelle. C’est là qu’on veut aboutir.

M. Brunet (Claude): Bien, très bien. Deuxième question: je ne suis pas familier avec ces questions de fonds et de crédits d’impôts. Crédits d’im.pôts de 20 % au provincial, crédits d’impôts de 20 % également au fédéral?

M. Campeau: Bonne question, oui.

M. Brunet (Claude): Maintenant, est-ce que vous allez étendre ça à d’autres centrales syndicales? Est-ce que le fédéral va suivre avec ses crédits de 20 %?

M. Campeau: Le fédéral va suivre en autant que ça rencontre ses règles. Et à l’heure actuelle, dans le Fonds de solidarité, il est là, même nous nos règles sont plus sévères que celles du fédéral. Alors, le fédéral, si ça s’applique, va suivre lui. Aussi, parce que le fédéral ne fait pas juste ça pour le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec. Il fait ça aussi à travers le Canada pour d’autres fonds.

M. Godbout (Clément): Il y a, actuellement, si vous me permettez

M. le ministre…

M. Campeau: Allez-y.

M. Godbout (Clément): …il y a quatre provinces au moins qui ont un fonds, là. Il y a la Colombie-Britannique qui a environ 40000000 $ actuellement, le Manitoba environ 20000000 $, le Nouveau-Brunswick est à toutes fins pratiques fait, et la Fédération canadienne du travail qui a un fonds d’environ 300000000 $, et elle bénéficie des mêmes crédits, et ce qu’on appelle les fonds de travailleurs, bénéficient des mêmes crédits d’impôt que le fonds québécois, dans les autre provinces.

M. Brunet (Claude): si vous me permettez, je finirai là-dessus, est-ce que le fédéral impose des limites. Le provincial avait imposé une limite de 97000000 $, mais est-ce que le fédéral a ses…

M. Godbout (Clément): C’est la première fois qu’on avait un plafond à quelque part.

M. Boivin (Gilles): Michel Venne.

M. Venne (Michel): M. Campeau, ou M. Godbout, ou les deux, j’aimerais clarifier quel sera le rôle du Fonds dans la création des fonds régionaux, justement? Est-ce que quelqu’un qui, dans une région, veut créer un fonds régional, va s’adresser au Fonds de solidarité? Va-t-il s’adresser au gouvernement? Comment ça va se passer, et je me demandais si, dans la loi ou dans une loi ou dans une déclaration ministérielle, il Y aurait des règles précises qui seraient établies quant à ce à quoi vous faisiez allusion, M. Campeau, c’est-à-dire que les fonds puisés dans une région profiteront, en tout premier lieu à cette région là?

M. Campeau: Juste répondre à votre… C’est évident qu’on ne peut pas investir de fonds s’il n’y a pas de besoins dans une région ou s’il n’y a pas de projets concrets. Alors, ça, là, parce qU’on n’est pas pour lancer l’argent par les fenêtres et investir dans des entreprises trop risquées ou des sujets qui ne seraient pas bien encadrés, là. Alors, là, on va investir quand il va y avoir de bons projets.

M. Godbout (Clément): Il y aura, maintenant, des ressources financières pour les régions, et les régions auront à établir leur stratégie, auront, je suppose, à mettre sur pied leur conseil d’administration, leur structure régionale et décideront qui fera partie des discussions, des gens, des acteurs autour de la table. Et, le Fonds de solidarité aura des sommes disponibles pour les régions. Et, ces régions là vont partir et vont prendre les sommes dont ils ont besoin pour y aller, donc, les ressources disponibles pour les régions. Ça, c’est très important. Et dans ce sens là, ça va être géré par les régions et les régions vont avoir accès â du capital, pour développer leur main-d’oeuvre.

M. Venne (Michel) : Donc, l’avance de fonds dont parlait M. Parizeau pendant la campagne, l’avance qui sera accordée aux régions, c’est vous qui allez la verser?

M. Godbout (Clément): Eh bien, les crédits d’impôt du gouvernement, le gouvernement y participe un petit peu, n’est-ce pas? Alors, finalement, il Y a des démarrages, et aussi, après ça, un coup de main de départ, et la formation, le soutien technique. Il y a tout ça qui va être mis en place. Alors, on va essayer de trouver tous les éléments à ajouter, tous les éléments à mettre autour de la stratégie, tous les éléments qui vont faire en sorte que les départs des gens qui vont partir, ou des gens qui vont vouloir partir des projets, on va mettre toutes les chances de côté pour réussir. Des fois, il y a de l’argent disponible, mais, il n’y a pas la formation. D’autres fois, il n’y a pas la formation et il y a ces problèmes là qui arrivent et on s’aperçoit qu’on a besoin de faire une certaine synergie de stratégie. Et à partir de là, comme je disais à la FTQ, avec ces syndicats, également, nous allons étudier, nous allons approcher une approche sectorielle dans le domaine aussi. Donc, ça voudrai t dire une certaine coordination entre les régions également. Mais, ça, ça serait au niveau des stratégies plus globales.

M. Venne (Michel): Mais, c’est le fonds qui devient le guichet du gouvernement pour la création de fonds régionaux?

M. Godbout (Clément): Le Fonds investit dans le développement régional. Le Fonds reçoit… La mission du Fonds de solidarité, c’est la création et le maintien de l’emploi. On dit, en même temps, qu’il faut intervenir vite au niveau des régions. Les régions manquent d’oxygène un peu partout. Et un Québec fort passe par des régions économiquement fortes. Et, quand on comprend ça, ça veut dire qu’on est obligé, au niveau de notre stratégie, d’intervenir à ce niveau là également, pas parce que les grands centres n’ont pas de besoin, mais les régions ont un besoin urgent. Alors, le Fonds de solidarité intervient, mais je suis convaincu qu’il va y avoir un paquet d’intervenants aussi, qui existent. Et, le ministre, les ministères impliqués, les ministères à vocation économique seront interpelés par nous aussi, pour venir nous donner un coup de main dans tout ça, bien sQr. Mais, le Fonds de solidarité va jouer son rôle là-dessus.

M. Boivin (Gilles): Bernard Plante.

M. Plante (Bernard): Moi, je pense, qu’il y a quand même des modèles qu’il faut donner. Ces modèles d’intervention régionale et locale, ce n’est pas du nouveau pour nous, le Fonds de solidarité. On a entrepris une opération avec les MRC – je pense que tout le monde le sait – et on a commencé à créer des SOLID qui sont des sociétés d’investissement local où on investit entre 0 et 50000 $. Et ça, c’est un partenariat qu’on a institué avec les MRC. On a débuté cette opération là, il y a à peu près moins de 18 mois, et aujourd’hui, on en a 11 qui sont déjà en place. Il y en a déjà qui ont commencé à opérer. Par exemple, on prend celle de l’Abitibi que ça fait moins de six mois qu’elle est en opération et elle a déjà six investissements avec 25 emplois créés. C’est la prise en charge par les gens, par le milieu. Alors, le modèle qu’on va élaborer, qu’on est en train d’élaborer, c’est un modèle qui est à cette image là. Bon ! Sur le coût, je me permets, au gouvernement, d’un investissement dans le Fonds de solidarité, il m’apparaît un rendement assez intéressant. Le rapport Lamonde… On a fait une conférence de presse il y a à peu près une dizaine de jours sur le rapport Lamonde, et Lamonde, qui est un universitaire, ils ont fait des recherches approfondies. Ils sont allés même dans un certain nombre d’entreprises du Fonds de solidarité pour regarder la création d’emplois, le coût du gouvernement, etc., et après ça, ils ont. fait un modèle pour l’ensemble de nos interventions, et ils démontrent que le gouvernement récupère son argent à quelque part entre trois ans et demi dans l’ensemble de ses dossiers. Et si vous voulez avoir une image, ça représente un retour sur investissement, dans mon métier à moi, de 22,5 %, et je vous assure, M. Parizeau et M. Campeau, que vous faites une maudite bonne affaire, parce que les retours sur investissement de ce type là, je suis prêt à en faire !

M. Morin (Gilles): Bernard Plante.

M. Plante (Bernard): oui. D’abord, j’aimerais poser une question technique. Vous avez dit que vous aviez limité l’augmentation du fonds, là. On ne vendra pas plus dans le public que ce que les travailleurs achètent. Je comprends que ça peut évoluer dans le temps, mais ça représente quoi, là, cette année, pour avoir une idée du plafond?

M. Godbout (Clément): On a à peu près 120000000 $, à peu près 150000000 $ qu’on anticipe vendre aux travailleurs syndiqués, à peu près, et si vous voulez qu’on vous réponde d’une autre façon, c’est 65 % qui est des travailleurs syndiqués qui ont investi dans le Fonds de solidarité à date, à peu près 50 % FTQ, mais dans l’ensemble, c’est 65 % des travailleurs syndiqués qui investissent dans le Fonds.

M. Plante (Bernard): ça représente 150000000 $ par…

M. Godbout (Clément): Cette année, on…

M. Plante (Bernard): 75000000 $, vous voulez dire?

M. Godbout (Clément): Non, non, non. La déduction à la source, les conventions collectives, je vous ai dit tout à l’heure qu’il y avait 2400 entreprises qui avaient accepté de déduire des cotisations, c’est-à-dire des actions à la source, par voie de négociation avec leur syndicat, ça, ça rapporte, en gros, un 110000000 $, 115000000 $ par année, que ça va donner au fonds. Bon ! Asteure, il va y avoir un autre 40000000 $, 45000000 $ de syndiqués qui sont y aller sous forme forfaitaire. Donc, en gros, on prévoit, pour l’année 1994-1995, environ 150000000 $ des fonds qui vont provenir des travailleurs syndiqués.

Une voix: Il demande le plafond.
M. Godbout (Clément): Le plafond est de 300, à ce moment là. Si c’est 140000000 $, ça sera 280. Si c’est 302000000 $, ça sera 604, mais ça ne sera pas ça. Ça va être environ 300, d’après notre
expertise.

Une voix: Votre boule de cristal.

M. Godbout (Clément): Oui.

Une voix: Sur un autre sujet, à moins qu’on…
M. Boivin (Gilles): Bien, si tu veux, on va finir. Est-ce que c’est sur le même sujet, Sophie?

Mme Langlois (Sophie): Oui.

Une voix: O.K.

M. Boivin (Gilles): Alors, tu reviendras, puis, après ça, on va en arriver…

Mme Langlois (Gilles): Ceux qui investissent dans le Fonds ont eux-mêmes, les individus, un plafond. Est-ce que ce plafond là, qu’est-ce qui arrive avec lui?

M. Godbout (Clément): Il demeure le même.

M. Godbout (Clément): Il est à 5000 $.

Mme Langlois (Sophie): Il est de quoi, lui, 100 $?

M. Godbout (Clément): 5000 $.
Des voix: 5000 $.

Mme Langlois (Sophie): 5000 $?
M. Godbout (Clément): Vous avez les gens qui épargnent, en gros, la moyenne, la grande majorité des gens, c’est des gens qui investis sent environ de 5 $ à 20 $ par semaine. Ça, c’est une majorité importante. Vous devez l’avoir, je pense, sur l’état. Et ceux, les grands, les montants de 5000 $ et plus, ça, c’est les forfaitaires, c’est le grand public en gros. Alors, vous avez, bon, c’est ça, 20 % presque 21 %, moins de 5 $ par semaine, entre 5 $ et 10 $ par semaine, 18 %, entre 25 % et 100 % par semaine, 29 %, entre 10 $ et 25 $ par semaine, 28 % et entre 100 $ et 135 $, c’est 3,6 %. Alors, c’est vraiment un endroit pour les petits épargnants, les travailleurs, le monde ordinaire qui investit dans le Fonds. C’est là qu’on retrouve ça sous forme de déduction à la source, 5 $, 10 $ par semaine et c’est là qu’on retrouve à peu près 110000000 $, 115000000 $ qui sont négociés par la déduction à la source et d’autres 40000000 $ qui nous arrivent par forfaitaire comme je vous décris. Alors, ça fait à peu près 150000000 $ pour des syndiqués. Donc, le plafond qui nous est demandé, c’est la même partie du grand public, ça veut dire 300 si c’est 150000000 $.

M. Caron (Richard): Cette année, ça avait été prévu de plafonner à 100000000 $?

M. Godbout (Clément): 100000000 $.

Une voix: 97000000 $ au total, hein?

M. Godbout (Clément): 97000000 $ au total. Alors, le grand public n’avait presque pas eu d’accès.

M. Girard (Normand): Il n’y a pas eu accès cette année?

Une voix: Non, zéro.

Une voix: L’année passée non plus?

Une voix: Non, presque pas.

Mme Langlois (Sophie): M. Campeau, vous savez, les gens, les particuliers qui investissent dans le Fonds investissent pas ailleurs comme dans les REER des banques. On entend souvent les banques grogner par rapport à certains statuts privilégiés, là, accordés au Fonds. Vous attendez-vous à une réaction vive de la part des banquiers?
M. Campeau: Des banquiers, non. Des autres centrales syndicales. Mais on ouvre maintenant aux autres centrales syndicales. À part ça, il ne faut pas oublier que cet argent là, il retourne dans les régions, là et dans la petite et moyenne entreprise OÜ les banques ne sont pas toujours présentes.
M. Godbout (Clément): peut-être, si vous me permettez, l’histoire des banques, aussi, c’est important de noter que le Fonds exige, la loi exige au Fonds d’investir 60 % des argents qU’on reçoit â risque. Et, ça, c’est un grand risque qu’on prend. Les banques ne sont pas habituées de prendre ça de même tout à fait.

Une voix: Et la concertation.

M. Godbout (Clément): Et la concertation puis la présence syndicale et tout ça.

Une voix: La formation des travailleurs, je me permets d’insister, on a donné 250000000000 $ de formation économique.

Une voix: C’est ça.

Une voix: Et ce qu’on travaille à faire, quand le Fonds de solidarité investit dans l’entreprise, on amène le travailleur et la travailleuse avec nous autres, on fait de la formation économique et, donc, on change le climat des relations de travail de façon importante. Et il n’y a pas grand banque qui peut faire ça et les banques ne sont pas là, non plus, pour faire du capital de risque. Elles sont là en soutien pour faire une hypothèque, pour faire un crédit commercial, un crédit à terme, etc. Mais elles ne participent pas à l’équité et à l’avoir de l’entreprise qui permet de se développer. Alors, je pense que ces deux critères fondamentaux, l’investissement dans l’entreprise, la concertation, la formation économique des travailleurs. Il n’y a pas bien, bien du monde qui peut faire ce genre de choses là.

M. Godbout (Clément): Elle souhaiterait probablement avoir accès aux mêmes bénéfices mais pas aux mêmes risques.

M. Boivin (Gilles): Une dernière question en français et on passe à l’anglais.

K. Caron (Richard): J’aimerais avoir une réaction. Il y a la Canadian Bond Rating Service, soit M. Campeau, soit M. Parizeau, qui vient de mettre sous surveillance la cote de crédit. On a dit que tout déficit de plus de 5000000000 $ nécessite une révision importante de la situation financière de la province. J’aimerais avoir une réaction. Il y a, également, la Caisse de dépôt, on peut lire ce matin, dans le devoir, que M. Savard tiendrait mordicus à son contrat et que ça coQterait 1500000 $. Je voudrais savoir, M. Parizeau, si ça freine, finalement, votre volonté de transformer les législations en ce qui concerne cette question là?]

[M. Parizeau:] Allez [-] y sur la première, je vais prendre l’autre.

[M. Campeau: Bien, la première, d’abord, on appelle ça le Crédit (?), sous surveillance, bien c’est normal, CBRS c’est une des agences qui dit que le Québec va être sous surveillance. On lui avait promis un déficit de 4500000000 $ et on annonce qu’il a être beaucoup plus élevé. Alors, c’est une procédure normale. La cote de crédit n’est pas changée. Le CBRS dit simplement qu’il va surveiller. La réaction, aux États-Unis, a été bien, aucune surveillance. Mais c’est évident que chaque fois qu’un événement comme ça arrive, il nous faut communiquer avec les agences de crédit, et c’est le sous-ministre Alain Rhéaume, ici, qui est en relation avec les agences de crédit, chez nous.]
M. Parizeau: Et quant à la seconde question, je pense que la perception de ce que j’ai dit, manifestement, n’est pas tout à fait claire dans l’esprit de certains. J’ai dit que la protection de l’Assemblée nationale, qui a été consentie à deux personnes à la caisse, alors que depuis 1966 il n’y avait que le président qui l’avait, que cette protection de l’Assemblée nationale serait retirée, ainsi que je l’avais promis au moment du vote en troisième lecture, il n’y a pas de surprise, à celui qui occupe, à l’heure actuelle, le poste de chef de l’exploitation. Je ne sais pas quel rapport ça a avec son contrat, la protection de l’Assemblée nationale et un contrat, il n’y a pas beaucoup de rapport.
Quant à la structure de commandement, il y en a, par exemple, un rapport. Ça, deux personnes qui ne peuvent pas de donner des ordres mutuellement parce que tous les deux sont protégés par l’Assemblée nationale, ça n’avait pas de bon sens. Je l’ai dit au moment où on a passé la loi, je l’ai répété après, et là, maintenant, on va le réaliser, et on va remettre les choses en état. Maintenant, quant à son contrat, ça, écoutez, le conseil d’administration avisera, ce n’est pas. Il va peut-être décider qu’il est très bien ce contrat là, et qu’ils tiennent absolument à avoir l’intéressé. Ce n’est pas mes affaires, ça. Moi, j’en suis à la structure de commandement. Ça n’a pas de bon sens une affaire comme celle là, où aucun des deux ne peut donner un ordre à l’autre, parce que chacun peut dire: Ça ne te plaît pas ce que je fais? On s’en va devant l’Assemblée nationale et on va voir qui est-ce qui va voter. Ça n’a pas de bon sens.

M. Girard (Normand): Les membres du conseil d’administration sur la caisse sont nommés par le gouvernement?]

[M. Parizeau:] Oui. Je ne vois pas par qui ils pourraient être nommés, par l’archevêché ou quoi?

[M. Girard (Normand): Ou par le Kremlin. Mais, ce n’est pas là dessus que…]

[M. Parizeau:] Pour des moratoires de trois ans.

[M. Girard (Normand): Mais, M. le premier ministre et M. Campeau, l’objet de mon propos, ce n’est pas l’archevêché, ni le Kremlin, mais, c’est que l’article, ce matin, semble faire, ou fait, à toutes fins utiles, un procès d’intention direct au gouvernement, de vouloir se débarrasser de Savard. Mercredi, j’étais ici, M. Parizeau a déclaré que si le conseil d’administration décide qu’il y a lieu de garder un chef d’exploitation et que M. Savard est l’homme pour ce faire, il demeurera là. Bon. Alors, moi, j’avais de la misère à concilier les propos de mercredi avec ce que j’ai dans le journal, ce matin.
Je pose la question directement, si vous avez l’intention de vous débarrasser de Savard, oui ou non? Ou de donner instruction aux membres du conseil d’administration qui sont nommés par le gouvernement d’évincer Savard de là?]

[M. Parizeau:] Il n’y a pas d’intention là-dessus. Et quand vous dites, comment dire, vous avez de la difficulté à réconcilier ce qui a été dit mercredi avec ce qu’il y a dans Le Devoir ce matin. Moi aussi.

[M. Boivin (Gilles): On passe en anglais.]

[M. Parizeau:] Moi aussi j’ai de la misère à réconcilier ça. M. Campeau. . .

[M. Campeau: À M. Plante. Pour revenir à votre surveillance de crédits. C’est bien sûr, on leur a parlé à ces CBRS. Eux-autres, ils vont nous attendre, avant de faire quoi que ça, qu’on présente â la fin du mois la synthèse des opérations financières, où ça sera beaucoup plus chiffré et on pourra voir tous les, détails, d’une façon encore plus claire.

M. Boivin (Gilles): Richard Kalb.

M. Kalb (Richard): M. Godbout, lifting the ceiling on contribu tions to the Caisse, l would like to know – sorry, to your fund – l would like to know how much more money that will bring you in the next taxation year? And have you given an undertaking to the government on the percentage of that that will be invested in the regions?

M. Godbout (Clément): O.K. This year, the ceiling is 97000000 $. So, we expect, with this decision announced this morning by the minister of Finance, we expect to see the ceiling, at the maximum, around 300000000 $, for 1994. So, l mean, from February 1994 to March lst, 1995. O.K. So, it will be about 300000000 $, 150000000 $ from union members and 150000000 $ from the public in general. What we said during those discussions regarding our input in the regions, we have sa id that we were ready and anxious to look at the situation and to intervene seriously towards the orientation, and l am sure that we are talking about a few thousand, a few million dollars. What will be the percentage, we do not know, because we have to look at it. We have to discuss the details, you know. It has to be attached with the regions, first of all. We have to know what they need, what is their expectations, where they want to go. We do not want to decide that in our office. We have to understand what the y want and we have to establish with them a strategy, and we will see, at that time, the kind of…the money they need there, but the money will be there, available there, at their disposal. No doubt there. We have made that promise and it will be kept.

M. Ralb (Richard): l would like to ask Mr. Campeau a question. Can you tell me about your policy on interest rates and how they bear on government debt payments, because i t seems yesterday that the Treasury Board’s heir said those are things out of control of the government and which you will not take into account whey trying to trim the deficit, and it seems that if the rates were to spike, that if you just did not take any account of it, that the deficit itself would spike. Is that your policy?
M. campeau (Jean): Well, we have a pOlicy as far as interest rates are concerned. That goes with the market. If rates of interest are going up or if rates of interest are going down, you are forced to follow, but you have to manage your debt the best way possible to restrict the cost of your debt.

M. Kalb (Richard): But you are not going to take this latest rise in rates into account in trying to control the deficit? Because she sa id you were just going to let the 250000000 $ extra run on your deficit, then that will (?) back half of that.
M. Campeau (Jean): We have to take the deficit into account, the rate of interest which causes a bigger deficit or a larger deficit into account. That is all we have to do. But what is your question? You want to know if we will try to…

M. Kalb (Richard): To compensate for rising interest rates.

M. Campeau (Jean): We will do…

Une voix: …

M. Campeau (Jean): Yeso We will do the best we can.

M.Autbier (Philip): That is what Mme Marois said, monsieur.

M. Kalh (Richard): She said that you would not bother doing that. You would just…

M. campeau (Jean): Well, we will try to do it.

M. Kalh (Richard): …better run on the account, run the tab.

M. Campeau (Jean): This year, probably, yeso It depends on how we end up with the deficit. Because, as a matter of fact, a deficit is a whole… C’est l’addition de toutes les dépenses. Or, l’intérêt est une dépense. C’est une dépense qU’on a beaucoup de misère à contrôler parce que ce n’est pas nous qui fixons les taux d’intérêt.

M. Kalh (Richard): Yes, but that is the point that l am trying to get at. Are you going to do anything to compensate for rising interest rates in your control of the deficit? She said you were not, that you would just let that run as a tab.

M. Campeau (Jean): We will try to do the best we can on that

K. Boivin (Gilles): Rhéal séguin.

M. Séquin CRbéal): What i6 the difference between the regional solidarity fund that has been set up today and the regional develop ment fund that Mr. Parizeau talked about during the provincial election campaign and that will probably be set up next spring? l would like to know the difference between the two. And if there is one, what kind of money are we talking about here comparing the solidarity fund to the one that would be set up next Spring?

M. Parizeau: Maybe l should answer this one because l have raised that so often during the electoral campaign. There are already regional investment funds in some regions of Québec. l hope there will be more. And during the electoral campaign, l often said that we would take means adapted from the way the solidarity fund has been financed to induce that sort of thing. Today, the Ministry of Finance and the solidarity fund have come to a sort of broad agreement whereas the solidarity fund will put at the disposal of these regional development societies, those that exist today and others that will exist a very large amount of money for risk capital. Mr. Godbout was saying in French a few minutes ago: How much can that be? He said: Well, it will be several $10000000 to start with so that in fact these regional investment funds that have had so much difficulty in gathering speed the last few years because they were too small to start with are going to have access nearly right away to considerable funds taken out of that increase in contributions that will go to the solidarity funds. We are taking here of moving from a ceiling of $ 97000000 to a reasonable assumption that it could raise to $ 3000000 which is a great deal. And a good part of that will go into the regional funds. It will help to settle the sort of issues that are raised, l think, quite a bit, qui te a bit. It might not solve aIl, but it is going to solve a great deal.

M. Séquin (Rhéal): But is it different? Does it work in parallel with the regional funds that are presently in place now, or will they work together or how is it…?

M. Parizeau: Oh, it is not that they will work together, we will probably, l suppose some of the present regional funds will probably simply transform themselves. We will have to ask, there will not be necessarily just one pattern, but l suppose that some of the present funds that are struggling with, what, total assets of 4000000 $, will say: Wow ! WeIl, that is quite an offer that we get, we want to discuss with these people. Thank God if they… l mean, it will be useful that they do that. Others might say: No, we are not particularly interested and in some regions of Québec, where there is nothing of that king at the present time, some people will probably go to’the Fonds de solidarité and say: How about putting something together? AlI for the good. Remember that money is, as far, not only as the economy is concerned, but as far as the government is concerned, the public treasury is concerned, it is a worthwhile investment.

M. Boivin (Gilles): Mark Kelley.

M. Kelley (Mark): Mr. Campeau, I want to bring you back to the Canadian Bond Rating Service. You sa id in French that you found the fact that they have put us on a credit watch normal. l suppose, here in Québec, the one thing we never have seen is a 5000000000 $ deficit. It appears we are on the road to that. How serious is the situation, and how do you see it now. Canadian Bond Rating Service i8 watching us, as seeing what can be done, how serious is our situation right now, to bring it down even below 5000000000 $.

M. Campeau: First of aIl, it happens very often that a province, or a borrower, is on a credit watch, it depends on the status where he is. If he is quoted 3AA, you know, sometimes they want to go down the rating, so, it goes on the credit watch. So, you may have a very good credit, and you could go on a credit watch also, at the same time. It is a serious matter, you know. We announced, the government announced a deficit of 4400000000 $, and they it raised by roughly 1000000000 $. So, I am not blaming the rating agency for having the Province of Québec on a credit watch. But, we talked with them almost, not every day, but every week, so they want to have the answer. 50, they will probably be there when we present our figures at the end of the month, seeing what we are going to do to eompensate that 1000000000 $.

K. Kelley (Mark): Whieh brings me the question l will have to the Premier, as weIl. You spoke, M. Parizeau, about cracking down on smuggled alcohol or videopokers, but, will that be enough? l would imagine, it is going to take a lot more than that. Can you be any more specifie about how we can reine?) in the financial situation?

M. Campeau: We will be able to be more specifie at the end of this month.

M. Parizeau: Mrs Marois has already indieated that she is going to find in public expenditures, where it does not hurt too much, a reduetion of expenditures. M. Campeau is setting up ways to gather more revenue through three or four actions. AlI this is being put in place. As l stated before, l think we are hoping to cut in half the increased deficit. .. the projection of increased deficit, in half that 1000000000000 $. You know, as l said, this is the fifth year in a row where the deficit is higher by close to 1000000000000 $, than the one that was announced at budget time. There is nothing fundamentally new. This is a government that has used the same trick. The only difference is that now we are in power, in the middle of the year, and instead of telling the public, only at the end of this year: Sorry boys, we missed by 1000000000000 $, we say: Look, the projection is that it is going to be 1000000000000 $ above. And you know, we are going to try to do something about it. Not reduce the full 1000000000000 $. We cannot do that, not from the middle of a year. But we are going to try to do… Rather than have everybody wait until the end of the year and say: Ha, ha ! 1000000000000 $ as usual ! We say: We are going to try to… particularly by improving revenues, to reduee that by half. l think, it is a prudent thing to do. And l think, at the end, the rating(?) ageneies are going to like it.

M. Kelley (Mark): …a little, a few question. Do you fear that there is a strong chance that we ean be downgraded by the end of the year?

M. Parizeau: You are the expert.

M. Campeau: l do not think sa, but the answer eould be given at the end of this month, when we meet with the rating agencies. But, right now, they are not worried, but they feel eheated. How do you say that?

Des voix: Ha, ha, ha !

M. Noseworthy (Ralph): Mr. Parizeau, Sir, l would like to aSk you a question on another topie. It do es not come… You are the boss. (?) You. . .

M. Parizeau: Ah ! Ah ! No, you see, l was just here to introduce the subject, this subject. So, 1 will not… If you want, we will take… On another day, we will move to other topics, but this… Today, let us concentrate on what has just been said.

H. Noseworthy (Ralph): This is a compassionate problem, Sir, in Drummondville.

M. Parizeau: Well, let us talk about it later on. How’s that?

M. Noseworthy (Ralph): O.K. outside?

M. Parizeau: What do you mean, «outside»? You usually catch me with your microphone when I… You can do the same thing again. Ah ! Ah ! You are well known for these things.

M. Boivin (Gilles): Kevin et Philip, les deux dernières.

M. Douqherty (Kevin): Yes, sorry, it is rather late{?). Just a question (?) asked, but you are announcing a regional development fund. Guy Saint-Pierre in a recent L’actualité dealing with the direction that Québec should be going said specifically: This is not the time to have a regional job creation program. He said: This is the time to deal with (?) the deficit. Now, it is a preamble. l just want to back(?) my question. On one hand, your government says he wants to «faire bouger les choses», make things more, make things happen. On the other hand, you want to control the deficit. How are you going to do it? What is the magic… 1s there a magic solution, and is a regional development an appropriate way to spend money at this point?

M. Campeau (Jean): En fait, là, la création d’emplois, c’est de la préservation d’emplois qu’on fait, à ce moment là. Alors, ce n’est pas de l’argent jeté dans l’eau, notre 36000000 $ qu’on investit. C’est vraiment un investissement. C’est vrai que ça nous coûte 36000000 $, mais c’est un investissement pour la création de jobs. Sans ça, on ne le ferait pas.

M. Douqherty (Kevin): Mais il y a des gens comme M. Karps(?), par exemple, à CBRS qui dit que le fait que le déficit est tellement élevé, le fait que les taux d’intérêt sont élevés, elle est lié au fait qu’il y a beaucoup de chômage. On est dans la troisième année. On n’est pas en récession maintenant officiellement, mais…

M. Campeau (Jean): On n’est peut-être pas en récession…

M. Douqherty (Kevin): …on est dans la troisième année de crise, et on a un déficit très élevé et un chômage qui est très élevé.

M. Campeau (Jean): Aïe ! Dites-donc ! On n’est pas en récession. Ça se peut, mais votre voisin est en récession, lui. Quand vous avez 11 % de chômage et plus, là, c’est la même chose. On a tous de l’emploi aujourd’hui ici, nous autres. Donc, on est en prospérité économique, mais le voisin, le 11 %, au Québec, il est encore en récession, lui. Alors, il y a encore beaucoup de marge qu’il nous faut ramasser, là. Même si, pour le gouvernement, ça ne rapporte pas des revenus extraordinaires, mais ça rapporte quand même un certain revenu, mais ce qu’il y a de plus important, c’est le rôle social aussi. En même temps qu’on investit, en même temps, ça rapporte des revenus, et ces gens là vont avoir de l’ouvrage.

M. Boivin (Gilles): C’est Philip qui termine.

M. Authier (Philip): l am just wondering, Mr. Premier, regarding this decision of the Chamber of Commerce yesterday, if you are at ease with this housing arrangement.

M. Parizeau: l will not… As l said: No side-shows. If you want to talk to me, yes, l can spend a few minutes with you, but not within the wrong framework. Now, if you want me to be absolutely candid, l will say: Yes, l am at ease with that, and l am very glad. Ah ! Ah !

M. Boivin (Gilles): C’est fini.]

[QParizeau19941118cp]
[(Quatorze heures trente minutes)]

[M. Parizeau:] Je vous prie de m’excuser pour ces quelques minutes de retard. La question que je veux soulever devant vous s’est produite au cours des quelques dernières heures et j’ai dû ajuster mon programme en conséquence. Et quand on dit que le The Globe and Mail est envahissant ! Ha, ha, ha !
Je n’ai jamais vraiment pu, comme citoyen, m’habituer aux accusations de racisme. Je comprends que je suis mauvais juge mais, pour moi, ç’a toujours été une insulte, une injure, une insulte. Aujourd’hui, dans un colloque à Washington… Non, ce n’est pas seulement le citoyen Parizeau qu’on accuse de racisme, c’est le premier ministre du Québec, et à l’occasion d’un colloque où se trouve un ministre. Cela m’amène à déplorer vivement que M. Coon Come ait jugé ainsi utile de m’injurier, moi, sans doute, mais aussi, puisque j’essaie d’être le premier ministre de tous les Québécois, le Québec lui-même. J’ai demandé, d’autre part, dans ces conditions, à Mme Dionne Marsolais de présenter à cette rencontre, à ce colloque, vers 17 heures cet après-midi, c’est vers 17 heures qu’elle doit parler, je lui ai demandé ce matin de proposer à l’American Counsel for Québec Issues de constituer un groupe de quatre ou cinq personnes qui, aux frais du gouvernement du Québec, ira chez les Cris comme chez les Inuit voir les gens qui le désireront, aller où ça leur plaît, visiter ce qu’ils veulent visiter, s’adjoindre les conseillers qu’ils désigneront. Alors, je leur demande simplement, quand leur périple sera terminé, de faire rapport. Il faut que cesse cette campagne de dénigrement systématique du Québec qui est à la fois injuste la plupart du temps et, parfois, franchement injurieuse. La seule façon de faire ça, c’est de dire: venez voir. Venez voir. Allez où vous voulez. Rencontrez qui vous voulez, mais faites rapport. Dans le rapport avec les nations autochtones, le Québec n’a pas à avoir honte à l’égard de qui que ce soit de ce qu’il a fait. Des observateurs qui cherchent à être impartiaux constatent, au contraire, que dans un foule de dossiers au Québec, on a fait mieux qu’ailleurs. Eh bien, il faut que ça se voit pour que des gens viennent. Il faut que des gens témoignent de cela. Finalement, je voudrais dire quelques mots de l’acharnement de M. Coon Come à l’égard de projets hydroélectriques et, en particulier, à celui de Grande-Baleine. S’il est vrai que l’ancien gouvernement, pendant des années, a attaché sa stratégie énergétique à Grande Baleine et à la réalisation de Grande-Baleine, il est clair pour tout le monde, par nos déclarations passées comme par nos attitudes, que le gouvernement actuel du Québec n’accorde aucune espèce de priorité à Grande-Baleine. Nous n’avons pas besoin de Grande-Baleine. Et ce qui nous est révélé parfois, comme ce matin, par exemple, que 250000000000 $ consacrés aux études de Grande-Baleine est peut-être inutile et devrait être recommencé, vous comprenez, ne nous incite pas à mettre une priorité quelconque sur un projet de cet ordre. Cela, M. Coon Come le sait. Il est parfaitement inutile de flageller indéfiniment un projet qui, pour le gouvernement actuel du Québec, n’est vraiment pas dans ses projets dans un avenir prévisible. C’est important de le dire. À cet égard, nous essayons d’être guidés par l’intérêt public et nous serons guidés par l’intérêt public. Et cette espèce d’accent dogmatique sur ce grand projet hydro-électrique que le précédent gouvernement y mettait, pour nous, n’a vraiment pas de prolongement significatif. Alors, voilà ce que je voulais dire. Tout cela sera repris dans quelques instants à Washington, par Mme Dionne-Marsolais, à l’occasion de sa présentation à 5 heures.

[Une voix: Est-ce que le projet de Grande-Baleine est abandonné?]

[M. Parizeau:] Oh ! Abandonné, c’est un bien grand mot. Je ne sais pas. Ce n’est sûrement pas, à l’heure actuelle, comme j’ai dit, dans l’avenir prévisible. Et, le fait de savoir que 250000000 $ d’études ne servent à rien, vous comprenez, ne me motive pas beaucoup. Alors, dans la politique, comme dans bien d’autres domaines, on ne dit jamais «jamais», et jamais «toujours». Et là, dans ce cas là, écoutez, franchement, disons que ce projet, il est sur la glace pour un bon bout de temps.

[Une voix: Est-ce qu’il n’est pas un peu tard, selon vous?]

[M. Parizeau:] Nous arrivons, monsieur. Il était peut-être trop tard pour l’ancien gouvernement, mais sûrement pas pour nous. Et là, je pense qu’il faut simplement, clairement, de notre part, dire: Écoutez, que les masques tombent ! Il y a une façon de démontrer notre bonne foi. Venez voir ! Venez voir ! Vous verrez qui vous voudrez. Remarquez, je ne comprends pas pourquoi jusqu’à maintenant ce geste là n’a pas été posé. Non, non, il n’est jamais trop tard pour un gouvernement qui commence. Je pense qu’il est très important, dès le départ de ce gouvernement de dire à tous ceux qui, ailleurs dans le monde, sont troublés par cette situation et troublés par les déclarations et les accusations qui ont été faites: Venez voir.

[One voix: M. Parizeau, il y a quand même d’autres tribunes dont pourrait profiter M. Coon Come, par ailleurs, aux États-Unis, en Europe également. Est-ce que vous comptez, s’ii en profite, proposer
des visites et des rapports comme ça à d’autres?]

[M. Parizeau:] Non, je veux, dire on prend une chose à la fois, hein? Vous voyez, aujourd’hui, fondamentalement, je n’aime pas beaucoup que les injures que l’on se sent capable d’adresser à un citoyen soient tout à coup adressées au premier ministre, encore une fois, des Québécois. Ça ne se fait pas. On n’a pas idée de faire des choses comme ça. Pour les Québécois eux-mêmes, ce n’est pas une situation particulièrement agréable. Alors, je la prends comme ça, puis je dis: Bon bien, écoutez, je vous dis ce que je pense. J’ai l’habitude d’être franc, moi, sur mes réactions. D’autre part, cependant, je reconnais ce que l’un d’entre vous soulevait. C’est qu’à force de répéter des affaires pareilles un peu partout à l’étranger, il arrive, à un moment donné, où il faut mettre son poing sur la table en disant: Venez voir, c’est ça qu’on va faire. Venez voir. Je n’ai rien à cacher. On est trop conscients au Québec d’avoir, à l’égard de ces questions, une performance et des principes qui d’aucune façon ne nous font honte, d’aucune façon.
Dans ce domaine là, je vous assure, on peut toujours dire: Dans le passé, il s’est produit ceci ou ça ou d’autre chose. Et comme disait Daniel Johnson, le père, quand on se compare, on se console. Dans ce cas là, tout à fait.

[M. Girard (Normand): M. le premier ministre, est-ce qu’il ne faut pas être soi-même raciste pour traiter les autres de racistes?]

[M. Parizeau:] Je ne ferai aucun commentaire de cet ordre; ce n’est pas mon genre.

[Une voix: Ce n’est pas le temps, M. Parizeau. Vous êtes le ministre des Affaires autochtones aussi?]

[M. Parizeau:] Mais non seulement je dois le rencontrer. J’espère le rencontrer, comment dire, j’espérais le rencontrer. J’avais même monté un scénario où je le rencontrais, effectivement. Bon bien, il n’a pas voulu. Là, on a un texte à signer, vous savez, pour les services policiers, dans ce coin là. Bon, bien, là, il est en train de circuler le texte avec les blancs de signature en bas. On va tous signer ça. Moi, je suis tout à fait disposé à signer. D’ailleurs, le ministre de la Sécurité publique a déjà signé. J’attends les signatures de leur côté. Non, non, moi, je suis un bon gars.

[Une voix: M. Parizeau, avez-vous des nouvelles de Washington, également, l’ambassadeur du Canada hier à Washington (?) M. Chrétien qu’il fallait passer par (?) pour des rencontres. Il a été rencontré aujourd’hui par M. Ouellet qui étai t de passage à Québec. Les délégations du Québec se demandaient si (?) l’Office du tourisme.]

[M. Parizeau:] Je suis très heureux de voir que M. Chrétien, M. Ouellet saluent ma façon de procéder. Quand je passe à Washington, moi, je vais toujours voir l’ambassadeur et, puis, d’autre part, voyez, à ce dernier dîner, c’était quoi? il y a deux ans, ce dernier dîner à Washington qui a joué un rôle très, très important quant à l’appartenance du Québec, d’un Québec souverain à l’ALENA, j’avais invité l’ambassadeur du Canada, à ce dîner, c’est un dîner privé, hein? Mais comme je n’aime pas beaucoup, moi, ces histoires de diplomatie secrète, j’avais des gens du State Department, du Commerce Department, du National Security Council de la Maison Blanche, puis, le délégué du Québec à New York. Puis, là, j’avais demandé à l’ambassadeur, mais il ne pouvait pas être là. Il m’a nommé son numér deux à l’ambassade. Je vous assure: ça a été une discussion fascinante, extraordinaire ! Ah non, quand M. Chrétien dit: Je voudrais assister à ce qui se fait, bien, s’il ne le fait pas, c’est moi qui l’inviterait.

[Une voix: …déclaration antérieure. Vous dites que vous procédez toujours en passant …]

[M. Parizeau:] Bien, j’ai l’impression qu’il y a eu, comment dire, une sorte d’incompréhension. Mettons ça sur le dos de l’inexpérience. À Washington, devant les Américains, tout le monde doit s’entendre. Nous devons présenter l’image de, comment dire, l’harmonie, tout en présentant très clairement de quel côté notre pain est beurré. Chez nous, procéder comme ça, je trouve ça très bien. C’est très bien. Moi, ça ne me dérange pas. Il y a des choses qui ne dérangent pas. Ça ne sert â rien de faire des querelles, comment il appelle ça, le premier ministre du Canada, à un moment donné, dans son image, dans son langage tellement imagé? Il ne faut pas faire des guerres de(?) Je suis tout à fait d’accord avec ça. Mais je l’exprime dans des termes…

[Une voix: M. Parizeau… qui a signé une entente avec ses deux collègues de Kahnawake et d’Akwesasne. Je voudrais simplement vous demander, â la lumière ou du regard (?) comment voyez-vous l’attitude de (?) face aux Amérindiens? ]

[M. Parizeau:] J’aimerais qu’on accorde autant d’importance à cette réunion remarquable. C’est moins, d’ailleurs qu’on en a accordé, une certaine. .. Je serais injuste de le faire, à cette réunion tout à fait remarquable que j’ai eue avec les Montagnais et avec les Atikamekw, il n’y a pas si longtemps. Alors, on a l’habitude de dire [«Good news is no news»] . Comme j’ai dit, c’est injuste, parce que vous avez accordé quand même une importance, je pense, tout à fait nette à ça. Vous avez très bien saisi l’importance. Il y a 11 nations distinctes autochtones au Québec. Il y en a avec qui ça va merveilleusement. Non pas qu’on s’entend toujours, mais le dialogue est établi. Il est intéressant. Ce qui est en train de se produire avec les Inuit, à l’heure actuelle, est extraordinairement intéressant, très avancé, plus avancé, peut-être, qu’avec bien d’autres. D’autre part, il est clair, on le voit aujourd’hui, avec la déclaration de M. Coon Come, que ça ne va pas merveilleusement partout. Il est évident que Oka crée des problèmes. Oui. [«What else is new?»] Ça crée des problèmes. Et moi, je ne veux pas… Là, j’ai, à l’heure actuelle, un ministre de la Sécurité publique qui, sur le plan des dossiers difficiles, comme celui là, a toute ma confiance. Je le regarde aller et je le regarde attentivement, et je trouve que c’est très bien ce qu’il fait. Et je ne vais commencer à intervenir dans ses affaires. Laissons le procéder.

[Une voix: …]

[M. Parizeau:] [ Wait a minute. Ha, ha, ha ! One at the time.]

[Une voix: Maybe your initial reaction to the commentary. Do you think this is a personal…

M. Parizeau: I had had to see this or to hear of this as a private citizen or as a leader of the Opposition and come to these accusations of racism as a personnel insulte As far as I am concerned

this act is an insulte When it comes, however, that the same insults are applied to someone who tries to be the Premiers of aIl the Quebeckers, it becomes a different kind of insults. To me, it applies to not only the man, but the institution itself(?). That I found(?), l think it should never happen(?). And I have taken it as an insult in my name and in the name of an…

Secondly, I have asked the Minister of Tourism, Mrs. DionneMarsolais, who happens to be at the same meeting in Washington today and will speak at 5 o’clock this afternoon. I asked her to present to that society where Coon Come and herself are speaking today to the American Council on Québec issues. To choose a delegation of four or five people, we will, the government will pay the trip that they will define among the Cris and the Inuit the territories of the James Bay agreement, see whoever they want to see and go wherever they want to go with the advisors that they chose. And, please, report at the end of your trip what you see. This kind of description of Québec that is carried by some abroad and in the United states or abroad, in the last two or three years, has to stop. And the only way to stall this, is to say to all{?) who hear of these abominations about us: Will you please come and have a look? (?) the minister will also underline that the sort of obcession that M. Coon Come has about the consequences of the development of the Great-Whale was possibly quite understandable when the LiberaIs were in power, that was their project. It is not ours… Both when we were in the opposition and since, it has been quite clear that as far as we are concerned, it is not a priority that in the forseable future… There is nothing in the books, as far as we are concerned, that will go into that project. And the fact that it was revealed this morning that the expenditure, the studies of that project, have cost about $250000000, and should be started aIl over again, is not exactly an inducement, as far as we are concerned, to rush into the… There are aIl kinds of things that might be done, in public. There was a time where public interest was considered as linked to right{?), as far as we are concerned. It is note

Une voix: You said: Never say «never».

M. Parizeau: No, because, one has to be reasonable. l can not speak for my grandchildren.

Une voix: M. Parizeau. Can l ask you another question on the topic…

M. Parizeau: Yes.

Une voix: …this morning, said that is up to the operators that is. . .

M. Parizeau: The government’s paying, footing the bill. Maybe the government should have something to say about it?

Une voix: …

M. Parizeau: Ha ! Ha ! 50 therefore, you see, they are ready toC?) something. One has to be logical about this. It was clearly stated that there would be a new ferry. The Queen, the… that that ferry would be built for the river, here. And that is as should be. We are going to negotiate. We are going to do all kind of things. We will have innumerable press conferences on the subject that the objective is back: a ferry will be built. It will be built here and it will link the islands to the continent.

Une voix: Mais, M. Parizeau… Pas le même sujet, M. Ouellet…

M. Parizeau: We will leave in five minutes.]

[Une voix: M. Ouellet dit: Nous, on donne 30000000 $ pas plus et que le Québec fasse ce qu’il en veut. C’est à peu près ça qu’il dit: Qu’ils mettent l’argent qu’ils veulent dans ces projets. Qu’estce que vous dites à ça? Ce n’est pas là qu’on va un peu? Ce n’est pas…]

[M. Parizeau:] Ah, bien, ça, c’est la dernière déclaration de M. Ouellet. Regardez le Collège militaire de Saint-Jean. Il y a des déclarations tous les jours. Il a mis 30000000 $ sur la table? Très bien, on met ça dans nos poches, puis, on va en chercher d’autres, maintenant. Moi, je ne suis pas dogmatique là-dessus. Écoutez, là. Le financement introverti, ça n’a rien à voir avec l’Immaculée Conception, ça. Moi, je veux aller chercher autant de pognon qu’on veut. Je vous l’ai dit: l’objectif, il est clair. Bon, quel est l’intérêt du gouvernement du Québec? Aller chercher le maximum d’argent. Et ça ne veut pas nécessairement dire que ça sort du Trésor public. 30000000 $. C’est très bien. Ce n’est pas mal, ça. Ce n’est peut-être pas tout parce que, d’autre part, voyez, il y a des subventions de ces choses là, les subventions d’opération, le gouvernement fédéral paie chaque année pour le traversier, à l’heure actuelle. C’est pas mal plus compliqué.

[Une voix: …]

[M. Parizeau:] Ah ! Il n’y a jamais rien de clair dans ces choses là. On y va semaine après semaine parce que ça urge. Écoutez, il faut sauver ce chantier là, il ne faut pas le laisser fermer. Mais, à l’heure actuelle, dire: Le dossier à ottawa est fermé; il n’est pas fermé. Il y a morceau, là. Il a mis les choses sur la table. Puis, il y en a d’autres qui ne sont pas encore réglés, puis, qui vont être réglés. Puis, il y a toute la question de la formule que M. Johnson avait suggéré pendant la campagne électorale: un bail à long terme, un formule de «licing». Là, l’argent ne sort pas du Trésor fédéral ou du Trésor des gouvernements. C’est simplement sous forme de loyer annuel. Il y a des tas de choses encore à discuter, vous allez voir. Il y aura des rebondissements. La seule chose, c’est qu’à un moment donné, il faut que les rebondissements s’arrêtent, parce qu’il faut sauver le chantier.

[Une voix: One more question. Sorry.

M. Parizeau: Sorry. Bon. There was somebody who asked a question.

Une voix: …

M. Parizeau: Sorry.

Une voix: Given the referendum context, the whole sovereign context, l am just getting at your(?) M. Coon Come had(?) a definite sore point, or sensitive point… Given this entire project, how damaging you think his comments can be?

M. Parizeau: Some are pretty damaging, if the government moves quickly. ln other words, the preceding government has taken that kind of a(?) line down l will note l have(?) of the preceding government being slapped in the face, month after mon th, after mon th. l will note And the simplest thing to do here, is to say to those who listen to that sort of thing: (?), why do not you come in? Have a look ! Decide, yourself, who you want to meet(?) and(?). Come on in. That is why l have asked this to be done today. You see, it is not a sore point, it is a change of policy. You will not take that line down any more. We will not do anything drastic. We will just say: The power of information. Let information circulate.

Une voix: But in the case the Mohowks are already threatening toC?) force now, we are talking aboute?). How do you deal with aIl these native issues? 5pecially the Mohawks(?) .

M. Parizeau: No, not the native issues. Things are going(?) What has happened recently, is that the Montagnais and the Atikamekw is highly interesting. What is going on in the definition of self governmentwith the Inuit, is very interesting. We are having problems with the Mohawks. What else is new? The Cree are trying to show an image of us that is not particularly… ln some cases it is frankly insulting abroad. We are talking measures in that respect. There are 11 nations, of original distinct nations, as we calI them in Québec. Eleven. 50 at any point of time, our relationship with some will excellent. Our relationship with others will more tense. And the rest will be in between. Sure. That is life.

Une voix: One last question. You are going to going to Toronto to visit…

M. Parizeau: Yes.

Une voix: …the Canadian(?). l am just wonderinq: this is your first visit out of the province since you become a Premier. What is your message going to he? Because l know that Ontario is concerned that construction agreement signs(?) will meet(?) trade agreement. Their concern is you might want to back away from…

M. Parizeau: l think that the most potted(?) messages will be those that wille weIl explained rather than summarized in anutshell(?). So, aIl ahoard nutshells(?) !

Une voix: Any more question?

(Fin à 15 h 03)]

[QParizeau19941122]

Mesdames et Messieurs.

Je sais ce que vous pensez:

Il est revenu !

Eh bien ! Oui. Je suis revenu. Et Je voulais venir ici d’abord. Ici. dans la métropole du Canada, avant d’aller à New York ou à Paris.

Je suis revenu parce que nos passés et nos futurs sont interreliés. Parce que nous sommes l’un pour l’autre les meilleures relations d’affaires. Et de grands visiteurs: notre neige, vos chutes. Parce que nous sommes voisins somme toute, et ça, ça ne changera jamais. La dernière fois qu’il est venu au Québec, votre premier ministre a dit que les relations entre le Québec et l’Ontario n’étaient pas d’ordre seulement économique, mais social et personnel.

Il a raison. Je suis revenu aussi pour voir quelques vieux amis. Je travaille pour 1e gouvernement québécois depuis le début des années soixante et j’ai noué des amitiés avec certains des meilleurs et des plus brillants Ontariens… mais je ne voudrais pas ici briser des carrières en vous dévoilant leurs noms.

L’Ontario et le Québec sont des partenaires : parfois rivaux, parfois alliés, depuis très longtemps. L’histoire, la géographie, l’économie, tout nous dit que nous continuerons de l’être, quelle que soit la décision que les Québécois et Québécoises prendront au sujet de leur avenir.
Vous aimeriez bien, je le sais, que notre partenariat continue dans la structure actuelle du Canada. Je souhaite, pour ma part, qu’il se poursuive sur des bases nouvelles et différentes. Je n’ai pas grand espoir de vous convaincre aujourd’hui que ma proposition est meilleure que la vôtre.

Mais je suis revenu parce que je veux au moins que nous comprenions mieux nos positions réciproques. Et je suis désolé de devoir vous dire que nous avons un long chemin à parcourir. Essayons de faire quelques pas aujourd’hui.

La grande question reste toujours la même : pourquoi? Pourquoi y a [-t-] il deux fois plus de souverainistes aujourd’hui qu’il y a 15 ans? Pourquoi les Québécois sont [-] ils enclins à élire autant de souverainistes à Ottawa et à Québec? Pourquoi choisiront [-] ils l’an prochain, comme je le crois, de se donner un pays?

Les sondeurs d’opinion et les sociologues ont examiné le phénomène sous tous les angles. La réponse est: les souverainistes québécois sont souverainistes parce qu’ils sont… québécois.

Le Québec est notre communauté. Notre société. Notre identité. Quand nous nous situons, nous ne pensons pas en termes de Québec dans le Canada et dans le monde.

Non. Nous pensons, de plus en plus, en termes de Québec dans le monde. Et nous le pensons chaque fois que nous vendons un métro en Asie du Sud-Est, que nous bâtissons un pont en Afrique, que nous avons un film en compétition pour la Palme d’or à Cannes, que l’une de nos compagnies d’informatique crée les effets spéciaux de Jurassic Park. Nous sommes membres de la communauté internationale en qualité de Québécois.

Dans les années 60 et au début des années 70, ce n’était pas aussi clair. Pierre Trudeau et René Lévesque tenaient l’un l’autre un bout de notre fibre identitaire et tiraient fort, chacun de son côté. Au départ, Trudeau avait une bonne longueur d’avance. 70 % des francophones québécois se disaient « Canadiens» quand on les interrogeait sur leur identité. Un quart de siècle plus tard, les proportions sont exactement l’inverse. Cet automne, 70 % des francophones québécois affirment que leur identité est « québécoise» et non canadienne ». C’est l’aboutissement d’une longue et constante évolution. Et c’est ça, plus que tout, qui fait de la souveraineté du Québec une force irrésistible. Elle peut être combattue, écartée momentanément, retardée, mais, à un moment donné, tôt ou tard, l’identité québécoise se traduira en votes pour la souveraineté. Alors, pourquoi attendre?

Mais qu’est [-] ce que ça signifie au juste l’identité? C’est un sujet qui occupe et préoccupe une foule d’universitaires et d’écrivains canadiens: l’identité canadienne. Eh bien ! Prenons cet exemple justement. Pourquoi les Canadiens ne s’intégreraient [-] ils pas aux États-Unis? Je ne le propose pas. Je ne fais que poser l’hypothèse. Pourquoi pas? Vous parlez la même langue. Vos économies sont étroitement liées. Vous avez les mêmes débats au sujet du contrôle des armes à feu, de l’éducation, des minorités. Le chevauchement entre votre culture et la leur est probablement sans équivalent dans le monde, en ce qui concerne deux pays voisins. La pollution n’a pas de frontières. Alors pourquoi ne laisseriez [-] vous pas tout le dossier aux soins de l’ EPA?
Les détestez [-] vous? Non. Êtes [-] vous étroits d’esprit parce que vous ne voulez pas partager le pouvoir politique avec eux? Etes [-] vous pour autant intolérants? Xénophobes? Tribaux? Bien sûr que non. Ils ne font pas partie de votre communauté. Ils ne partagent pas votre identité. C’est tout. Je crois pour ma part qu’il y a de solides arguments à faire valoir en faveur de l’identité canadienne. Je crois qu’il devrait y avoir, que dis [-] je? qu’il doit y avoir, un État canadien distinct en Amérique du Nord. Mais alors ne pouvez [-] vous pas voir qu’il y a des raisons encore plus fortes pour l’existence d’un État québécois distinct en Amérique du Nord? Tocqueville disait que la langue est probablement le lien le plus fort et le plus durable qui unisse un peuple. Nous avons cette différence. Notre culture se nourrit quotidiennement d’un apport considérable d’autres pays francophones et présente une production tout à fait remarquable pour une petite nation. Le chevauchement de notre culture et de la vOtre est beaucoup moindre que celui que vous connaissez avec votre voisin américain.

Notre différence s’inscrit dans notre système juridique, dans la variété de nos influences intellectuelles, dans le développement de ce que nous appelons la « concertation ». Vous avez vos Credit Unions, je sais. Mais les nôtres sont le principal employeur privé. S’agit [-] il là d’un facteur déterminant? Je n’en suis pas sûr. Mais je sais qu’aucun n’est plus important que notre volonté, au Québec, d’agir comme une nation. Cette volonté existe aussi chez vous. Elle s’est manifestée très clairement durant le débat de Meech, dans vos prises de positions à Charlottetown et lors des dernières élections fédérales. Votre volonté nationale et la nôtre ne convergent plus. Elles nous dressent désormais l’un contre l’autre presque chaque jour. Il faut que ça cesse.

Vous allez me dire que mon argumentation est boiteuse; que l’histoire n’a pas placé le Canada dans les États-Unis, mais qu’elle a placé le Québec dans le Canada. C’est vrai. Mais pour vous montrer jusqu’où va ma culture, permettez [-] moi de vous citer le capitaine Kirk lui-même, qui dans The Undiscovered Country, dit fort à propos:
« Nous n’avons pas encore tout à fait épuisé l’histoire. »
Quelqu’un d’un peu plus intellectuel, Zbignew Brzezinsky, dans l’un de ses essais, a cité le Québec comme exemple d’une nation en quête d’autonomie. «Il ne s’agit pas, écrit [-] il, d’un retour aux émotions ou au style exalté du nationalisme du 19e siècle, mais d’un nationalisme moderne qui « accepte comme un idéal, continue-til, l’intégration fonctionnelle de régions et même de continents entiers. Bref, il en conclut que c’est là « un reflet de ce désir d’un sens plus défini de la personnalité dans un monde de plus en plus impersonnel ».
Au début du mois, le prix Nobel d’économie, l’Américain Gary Becker, s’est servi de l’exemple du Québec pour exprimer la même idée, disant que ce genre de nationalisme .émerge simplement au-dessus de la vague du conmerce mondial pour forger de nouvelles nations.
De fait, les Québécois sont, en Amérique du Nord, le groupe qui a défendu le plus activement le libre-échange.
Un grand nombre de mes concitoyennes et concitoyens québécois, une majorité, en fait, ont cru longtemps que notre volonté nationale pourrait trouver sa place dans l’État canadien. Ils ont demandé un statut spécial, qu’ils ont appelé «deux nations ». Plus récenment, on l’a appelé le fédéralisme assymétrique ». Pour maa part, j’ai toujours été d’accord avec Pierre Trudeau là dessus. Il pensait qu’un statut spécial pour le Québec n’était qu’une étape transitoire vers la souveraineté. D’autres, comme mon ancien patron, le premier ministre Jean Lesage, croyaient que seul un statut spécial pour le Québec pourrait sauver le Canada.
Nous ne le saurons jamais maintenant, n’est [-] ce pas? D’abord, le rapatriement de la constitution, puis les épisodes de Meech et de Charlottetown ont montré assez clairement que le Canada n’a aucune inclination pour des provinces inégales. M. Chrétien nous dit chaque semaine qu’il n’y a pas de réforme constitutionnelle en vue. Rien qui mijote, ni sur le rond avant, ni sur le rond arrière. Je pense même qu’il a jeté les chaudrons ! Le premier ministre du Canada exprime là un très large consensus canadien. Au sujet d’un traitement spécial pour le Québec, Roy Romanow disait l’autre jour et je le cite: que … c’est trop explosif. Ça risque d’entrainer une réaction, un choc en retour extrêmement négatif à l’extérieur du Québec. » Il a raison.
Nous sommes donc arrivés à ce tournant critique où le rêve d’un Québec plus autonome au sein du Canada est mort et enterré. Où le seul moyen qui reste aux Québécois d’assumer leur différence est de devenir pleinement souverains, indépendants.
Il est clair que vous souhaitez, pour la plupart, que ça n’arrive jamais, et certains parmi vous s’attendent à ce que les forces fédéralistes triomphent au référendum, l’an prochain. Et après, qu’arriverait [-t-] il?
L’autre jour, M. Chrétien affirmait devant l’aile ontarienne de son parti qu’un vote pour le Non l’an prochain, et je le cite, « réglerait le problème ». Il a dit aussi qu’on pourrait alors, je le cite encore, « oublier toute cette affaire ». N’est [-] ce pas 1à le rêve de tout le Canada anglais? Régler cette affaire une fois pour toutes.
Je me mets à votre place. Ce problème du Québec est comme une séance interminable chez le dentiste.
Québec veut plus de pouvoirs, plus d’autonomie: vous ne dites jamais oui et la fraise du dentiste continue de limer. Y mettrait [-] on fin avec un vote pour le Non l’an prochain, comme le promet M. Chrétien? Le Globe and Mail a publié, le printemps dernier, un sondage montrant que 70 % des Québécois et Québécoises veulent que la plupart des po1itiques soient décidées à Québec. Alors? En termes simples, ils veulent que toutes les lois soient votées à Québec, tous les impôts prélevés par Québec et tous les traités signés par le gouvernement du Québec. 70 %. C’est la définition de la souveraineté, ça ! Toutes les lois, tous les impôts, tous les traités. Et ma tâche, dans les mois qui viennent, est de le faire comprendre à une majorité de Québécois et de Québécoises. « Si vous voulez A et B et C, vous voulez la souveraineté. » C’est ce que je dis.
Pour les besoins de notre entretien aujourd’hui, disons que je ne réussisse pas tout à fait l’an prochain. Allons même plus loin, et entrevoyons la possibilité que je sois éventuellement remplacé par le chef libéral du Québec, M. Daniel Johnson. (Je vois déjà des sourires se dessiner ! ) Croyez [-] vous que M. Johnson dirait que tout va bien? Certainement pas. Il vient de promettre qu’après le référendum, il mettrait au point une nouvelle version des demandes traditionnelles du Québec. Son leader parlementaire parle même de redemander Meech. Vous vous souvenez de Meech? On y reviendrait.
Et cette fots, disons que 45 % à 48 % des Québécois auraient répondu oui à une question claire sur la souveraineté. Un résultat beaucoup plus fort qu’en 1980, où la question portait sur un « mandat de négocier ». Ne pensez [-] vous pas que M. Johnson claquerait les portes d’Ottawa en disant: « Le mandat donné par le Québec pour plus l’autonomie est parfaitement clair. Livrez la marchandise, sinon la prochaine fois vous risquez de ne pas être aussi chanceux» ?
Je ne vous raconte pas d’histoires. Il y a une dizaine de jours, au Québec, le chef conservateur Jean Charest a promis que si le Non l’emportait au référendum, il mettrait de l’avant un nouveau concept: la souveraineté partagée entre le Québec et 1e Canada. Quelques semaines auparavant à Laval, il avait trouvé une autre expression pour le dire: souveraineté-association. Une expression fort jolie !
Maintenant, rappelez [-] vous que c’est au cas où le Non l’emporte. Et que c’est un chef fédéraliste québécois qui parle.
Le président de la firme Environics, M. Michael Adams, qui a été un bon observateur de la société québécoise ces dernières années, tirait les conclusions suivantes cet automne dans le Toronto Star: « Mon interprétation du paysage social de la société distincte, écrivait [-] il, m’amène à faire mes propres pronostics et à dire qu’ils ne partiront jamais ni ne seront jamais vraiment satisfaits. » Il continuait ainsi: « Le souhait anglophone d’un vote final pour rester ou partir se trouvera frustré. »
Ce n’est pas ce que vous voulez. Et ce n’est pas ce que je veux, non plus.
Mais c’est 1à ce que M. Chrétien, Johnson et Charest offrent: une impasse perpétuelle.

Les Québécois eux-mêmes, qui n’ont pas encore pris de décision finale, songent à laisser Lucien Bouchard et ses députés à Ottawa, quelle que soit l’issue du référendum. Vous avez vu le sondage à cet effet dans le Globe? Je suis loin d’être certain que ça coïncide avec les projets d’avenir de M. Bouchard, mais ça montre qu’une victoire du Non ne pourra mettre fin à la question du Québec. Pensez [-] y: des séparatistes installés pour de bon à la Chambre des Communes.
Ce ne sont pas des anecdotes. Quand 70 % de votre population francophone sent, en on âme et conscience, qu’elle est québécoise avant tout; et quand elle veut que toutes les décisions soient prises à Québec, alors de deux choses l’une: ou cette population s’en va se donner un vrai pays; ou bien elle reste et vous offre une interminable séance chez le dentiste.
L’impossibilité d’aboutir à un consensus significatif d’un océan à l’autre.
L’impossibi1ié de réformer le Sénat. Ou de renverser la distribution des pouvoirs fiscaux au pays.
On ne peut fermer une base militaire, verser une subvention, remanier un cabinet sans buter sur le Québec.
Comment faire pour rétablir notre partenariat d’une façon qui permettrait de satisfaire l’urgent besoin d’autonomie du Québec, en même temps que la volonté de cohésion et de réforme du Canada?

D’abord, en reconnaissant quelque chose que nous avons vraiment en commun. Quelque chose que nous devrions grandement apprécier.

En septembre, un éditorial du Washington Post traitait du débat pour la souveraineté et de nous. On y disait que, parmi tous les grands réarrangements nationaux en cours dans le monde, le nôtre ressortait comme un exemplaire. Je cite: « Il s’agit d’un combat remarquablement civilisé, mené au moyen d’élections démocratiques. Des mots, des arguments et des votes, non des balles, sont les armes choisies. C’est là une réalisation dont l’importance ne devrait pas être sous-estimée. » Fin de la citation.

Au nom de tous les Québécois et Québécoises, je jure d’être fidèle à cette attitude vraiment canadienne.

La deuxième chose que nous devrions faire, quoi qu’il arrive, c’est de nous respecter mutuellement. Nos valeurs mutuelles, nos réalisations mutuelles.

Je le dis avec tristesse, le respect pour le Québec et la population du Québec est en voie de disparition au Canada depuis, disons, cinq ans. Il est devenu coutumier, au Canada anglais, de caricaturer le Québec comme une société repliée sur elle-même et intolérante. Les livres anti-Québec sont des best-sellers. En quelques années, les Québécois sont devenus la seule minorité nordaméricaine qu’on peut dénigrer ouvertement.

Au Québec, il y a beaucoup d’auteurs ou de journalistes qui critiquent le système fédéral. C’est vrai. Mais des éditoriaux désobligeants contre la société canadienne-anglaise? Je n’en ai point vu. Des best-sellers sur l’antisémitisme à Toronto dans les années trente? Il n’y en a pas.

Je ne soulèverais pas ici la question si un nombre substantiel de voix au Canada anglais s’opposait vigoureusement à cette nouvelle vision déformée du Québec. Mais personne ne s’y oppose. Ces faussetés sont en train d’éroder le fondement de confiance et de respect sur lequel nos relations doivent reposer. Et puisque je suis le premier représentant du peuple québécois, je défendrai ici la cause du Québec. Il est maintenant politiquement correct, au Canada anglais, de considérer le Québec comme une société fermée, rétrograde, ethnique. Cette perception est malsaine. Il ne sera pas dit que nous l’avons laissée se répandre sans réagir.
Je pense que l’accusation la plus répandue et la plus grotesque concerne la nature ethnique du Québec ou du nationalisme québécois. C’est devenu maintenant une idée reçue, qui circule de Saint-Jean, Terre-Neuve, à Victoria: « Là-bas, au Québec, si vos ancêtres ne viennent pas de France, vous êtes foutus »
Vous allez être frappés d’étonnement peut-être, mais la société québécoise est quasi-indifférente à l’ethnicité. D’accord, elle ne l’est pas pour la langue. Comme toute autre nation dans le monde, nous attendons des nouveaux arrivants qu’il s apprennent la langue de la majorité, comme vous d’ailleurs. Mais, une fois ce pas franchi, nous nous soucions seulement du mérite.
Écoutez, trois de nos six derniers premiers ministres venaient d’une famille irlandaise. L’arrière-grand-père de Daniel Johnson ne parlait pas couramment le français? Qui s’en soucie? Dans le gouvernement qui a adopté la loi controversée sur l’affichage en 1988, à un moment donné, tous les portefeuilles concernant la culture, la langue ou les affaires étrangères étaient détenus par des gens appelés Frulla, Cannon, Ciaccia et, oui, Claude Ryan, l’ancien directeur du Devoir. Aucun de leurs ancêtres ne venaient de Normandie. Ça n’a fait aucune différence pour les lecteurs ou les chroniqueurs. Ils étaient des ministres du Québec. Point.
Dans mon parti même, il y eut un moment où le président était un Johnson, la vice-présidente une Assimopoulos. Notre premier député é1u s’appelait Burns, et sur les quatre derniers chefs de notre section jeunesse, l’un était né en Uruguay et l’autre au Laos. Et après? Ils éta1ent québécois. Un point, c’est tout.
Nominations alibis? Alors que pensez [-] vous de ça: l’actrice choisie pour représenter la paysanne québécoise traditionnelle dans la série télévisée la plus regardée de 1’histoire du Québec s’appelle Marina Orsini. Depuis combien de générations sa famille est [-] elle installée au Québec? Je l’ignore. Personne n’a songé à poser la question.
Lorsque je préparais ce discours, on m’a appris qu’à un certain moment, à la fin des années 80, notre ministre de la Justice, le juge en chef de la Cour supérieure du Québec, le juge en chef de la cour d’appel du Québec et le Bâtonnier du Barreau étaient tous membres de la communauté juive du Québec. C’est le Congrès juif canadien qui a dressé cette liste. J’ai connu ces gens individuellement, des personnes d’un grand mérite. Il n’est jamais venu à l’esprit de quiconque de rassembler cette information et de s’écrier: hé ! toute une coïncidence pour une communauté qui fait moins de 1 % de la population ! Ces gens n’ont pas atteint de telles fonctions à cause ou en dépit de leur généalogie. Nous nous intéressons seulement, pour citer quelqu’un, à « la force de sa personnalité ».
L’antisémitisme. Bon an mal an, le B’nai Brith nous apprend qu’il y a deux à trois fois plus d’actes antisémites dans la seule ville de Toronto que dans tout le Québec. Un seul de ces actes est de trop. Mais pourquoi s’acharner sur notre cas?
Au moment où Mordecai Richler, grand auteur de fiction, vendait 85000 exemplaires de son livre qui dénonce le soi-disant tribalisme de la société québécoise, les trois figures les plus populaires de la télévision francophone au Québec à part Marina Orsini, se nommaient Norman Brathwaite, Julie Snyder et Sonia Benezra. Pour les francophones québécois aujourd’hui, ces trois personnes comptent parmi les meilleurs représentants du monde du divertissement au Québec.
Parmi nos chroniqueurs les plus populaires, on peut mentionner les noms de Pierre Foglia, Nathalie Petrowski et Franco Nuovo. Leurs ancêtres habitaient bien loin de la Nouvelle-France, mais ils n’en sont pas moins reconnus comme des voix du Québec moderne. Il n’y a pas à s’en étonner, quand on sait que le taux de mariage des Québécois francophones avec des non-francophones coïncide avec la proportion de ceux-ci dans la population; et que l’adoption internationale est si populaire que, l’an dernier, les Québécois ont adopté trois fois plus de bébés nés à l’étranger qu’au Québec.
Je dirais que ce n’est pas là l’attitude d’une population obsédée par l’ethnicité.
La seule fois que l’ethnicité est apparue sous les feux de la rampe au Québec, ce fut lorsque Ovide Mercredi est venu nous dire que nous ne pouvions devenir un pays souverain, pour la raison précise que les Québécois n’étaient pas assez purs ethniquement. Nous n’avons pas trouvé l’argument convaincant, mais nous l’avons pris comme un compliment.
Les accusations sans fondement au sujet du prétendu esprit paroissial du Québec ont aussi quelque chose d’étrange. Considérez cette réalité: notre taux de bilinguisme est trois fois plus élevé que le vôtre. Selon un instrument de mesure, un tiers des adultes québécois ne parlent que le français. Ne s’agit [-] il pas là d’un critère révélateur? La capacité d’accéder à une autre culture directement?
Permettez [-] moi de l’expliquer ainsi. Être québécois francophone, nationaliste, voire souverainiste ne signifie pas qu’on soit anglophobe. C’est un peu comme la nage. Nous savons que nous devons nager, nous sommes entourés d’eau. Et quand il le faut, nous aimons nager, car lorsque Clint Eastwood joue dans un western, on aimerait bien ne pas l’entendre parler en argot parisien. Nous voulons que tous nos enfants apprennent à nager. Mais nous n’aimons pas être poussés dans la piscine.
Nos minorités, maintenant? C’est sûr, il y a encore place pour l’amélioration.
Mais, en termes de respect pour leurs différences culturelles, nous ne faisons pas trop mauvaise figure. Les peuples autochtones dans le nord du Québec ont conservé leurs langues dans une très large proportion: 90 %. C’est presque deux fois le taux correspondant pour les autochtones du nord de l’Ontario.
Le chef cri Matthew Coon-Come reconnaît parfois le fait que les programmes du Québec reliés à la convention de la Baie James accroissent la proportion de son peuple qui peut assurer sa subsistance par la chasse et le trappage.
En interview, M. Coon-Come a déclaré que la politique québécoise de sécurité du revenu pour les chasseurs et les trappeurs est, et je le cite, « un succès qui nous est envié par tous les autochtones du Canada et d’ailleurs ». Nous sommes heureux d’avoir été utiles.
Dans les années 70, nous avons été les premiers au Canada à signer un traité moderne avec des groupes autochtones. Dans les années 80, nous avons été les premiers au Canada à reconna1tre l’existence des groupes autochtones comme nations distinctes. Dans les années 90, nous avons promis d’accorder aux nations autochtones du Québec un degré d’autonomie gouvernementale qui soit égal ou supérieur à tout ce qui peut exister sur le continent.
Ce1a signifie [-t-] il que nous sommes satisfaits et que notre tâche est accomplie en ce qui concerne les droits des minorités? Non, bien sûr. Entre autres choses, nous avons mis sur pied des programmes d’accès à l’égalité dans les instances gouvernementales et locales, comme vous l’avez fait. Dans l’ensemble, je m’associe à une évaluation de la situation faite il y a deux ans par l’un des critiques les plus durs de la société québécoise et du nationalisme québécois: le quotidien The Gazette. Dans un éditorial qui réfutait certains des préjugés que je tente de dissiper ici aujourd’hui, le journal déclarait: « Il y a du racisme au Québec, et de l’antisémitisme, comme il y en en Ontario, en Alberta et presque partout sur la planète. Mais de quelque façon qu’on l’envisage, le Québec est une société tolérante et accueillante. »

La même chose s’applique à notre minorité la plus importante, la communauté anglophone. On pourrait débattre sans fin des lois sur l’affichage et sur l’école, et comparer nos scores. L’Ontario, par exemple, a posé récemment un geste très important pour l’éducation post-secondaire en français. Par contre, pour prendre un autre exemple, nous ne sommes guère impressionnés par les services en français offerts aux militaires à Kingston, mais c’est une autre histoire.

À la fin, quel est le résultat qui compte? Je pense que c’est la possibilité pour une communauté minoritaire de maintenir son existence durant une longue période. Sa capacité de ne pas être assimilée par la culture majoritaire.
Eh bien ! 1e taux d’assimilation des Anglo-canadiens au Québec est de 0 %. Zéro.
Et à 1’extérieur du Québec, quel est le résultat correspondant? Selon les dernières statistiques fédérales, le Canada anglais assimile sa minorité francophone au taux de 33 % par génération. N’était du Nouveau-Brunswick, où Frank McKenna fait un effort extraordinaire, le taux serait de 42 %.
Nous avons beaucoup d’espoir concernant nos concitoyens et concitoyennes anglophones une fois que nous serons indépendants. Nous ne voulons perdre aucun d’entre eux. Ils font partie de ce que nous sommes. Il s ont aidé à bâtir nos villes et notre économie. Nous sommes fiers de Leonard Cohen comme de Félix Leclerc. Nous reconnaissons Norman Bethune comme l’un des nôtres, autant qu’Armand Bombardier. Et nous apprécions que McGill ait été reconnue comme la meilleure université au Canada anglais.
Pour que les choses soient bien comprises, nous avons promis, et je le répète ici, d’inscrire dans la constitution du Québec, en termes clairs, sans ambiguïté, le droit de nos concitoyens anglophones à 1’école en anglais, de la maternelle à l’université; 1e droit pour les communautés anglophones de contrôler ses écoles. Le droit d’avoir accès aux cours de justice et à l’Assemblée Nationale du Québec en anglais. Il nous para1t évident que la communauté anglophone doit participer à l’élaboration de la constitution d’un Québec souverain. Et il faut trouver une formule pour faire en sorte que, par 1a suite, aucun changement constitutionnel les concernant ne soit effectué sans leur consentement. Nous entendons aussi maintenir dans 1a 1oi 1e droit d’obtenir des soins médicaux en anglais. Quand nous rapatrierons notre part de Radio-Canada, nous maintiendrons un service public de radio et de télévision en anglais.
La souveraineté du Québec ne signifie pas que nous nous désintéressons du sort de nos voisins francophones du Canada. Notre accession au statut d’État souverain nous imposera au contraire des responsabilités particulières envers eux. La ministre responsable de ce dossier, madame Louise Beaudoin, qui est avec moi aujourd’hui, et qui rencontrait ce matin des représentants de la francophonie ontarienne, est en train d’élaborer une politique nouvelle, plus généreuse, du Québec envers ses voisins francophones. Elle nous en fera part d’ici quelques mois.
Je peux cependant vous indiquer les avenues dans lesquelles nous voulons nous engager. Nous entendons favoriser la multiplication de partenariats de nature économique entre les francophones du Québec et d’ailleurs au Canada. Nous aimerions pouvoir ouvrir les portes de certaines de nos institutions d’enseignement supérieur aux francophones qui n’y ont pas accès, chez eux. Nous examinons la possibilité d’ouvrir plusieurs programmes gouvernementaux québécois, notamment culturels, aux autres francophones.
J’ai parlé tout à l’heure de notre attachement commun au règlement démocratique de nos différences. J’ai fait appel au respect mutuel pour chacune de nos sociétés. Mais je n’ai encore rien dit au sujet de notre future relation. Comment y arriver?
D’abord, bien sûr, un débat ouvert. Si les politiciens ontariens veulent venir défendre la cause de l’unité au Québec au cours de la campagne référendaire, aucun problème… M. Chrétien, un bon Québécois de Shawinigan, n’a pas besoin d’invitation. Il est des nôtres, et puis nous sommes en désaccord depuis si longtemps… Et si M. Preston Manning, M. Rae et M. Harris veulent venir, nous serons amicaux et polis. Mais il se peut bien que nous les contredisions. Et que nous gagnions.
Envisageons donc cette possibilité. Nous gagnons. Nous devenons un pays. À l’extérieur du Québec, vous devriez vous préparer à cette possibilité. Par simple prudence.
Après des années de vie commune, nous sommes comme des conjoints avec deux enfants dont nous aurons la garde partagée.
Le plus jeune n’est pas celui dont nous sommes le plus fiers. Il prend un peu trop de poids et il est presque incontrôlable : j’ai nommé la dette fédérale.
Il n’y a pas moyen de s’en sortir: cette dette existe. Elle est énorme. Et nous, Québécois, en partageons la responsabilité. Ainsi donc, pour la première fois dans l’histoire du Canada, le Québec ne recevra pas de chèques d’Ottawa, mais lui en enverra. L’endettement est un lien solide.
L’aîné de ces enfants est bien différent. Il n’est pas toujours ce qu’il devrait être, mais nous le trouvons plus qu’approprié: le dollar canadien.
Certaines personnes croient que les Québécois sont au Canada des sortes de touristes qui utilisent la devise locale. Dans les faits, les premiers dollars émis en ce pays ont été imprimés par la Banque de Montréal. Quand le gouvernement s’en est chargé, les Québécois composaient la majorité de la population du Canada, et six autres provinces devaient encore s’y joindre. Alors, vous voyez, nous sommes pour beaucoup les cofondateurs et les copropriétaires de cette devise. Avec vous, nous en avons fait ce qu’elle vaut.
Au moment où je vous parle, les Québécois détiennent 110000000000 $. C’est tout un actif. Nous ne pourrions imaginer le remettre à la Banque du Canada. Que nous donneriez [-] vous en retour? Je ne vois rien. Nous devrons donc conserver la garde partagée de cet enfant aussi.

Beaucoup de Canadiens pensent que le Québec veut être souverain, mais garder la clé du garde-manger canadien. Un rapporteur d’un groupe de discussion ontarien de la Commission Spicer a résumé le sentiment des Ontariens de cette façon, et je cite: « On perçoit le Québec comme un adolescent qui veut sa propre chambre, son téléphone, et ainsi de suite, mais qui s’attend encore à recevoir de l’argent de papa ».
Je veux que ce soit bien clair: le but de la souveraineté est de devenir pleinement responsables de nos succès et de nos échecs. Ce qui veut dire que nous sortons de la cagnotte commune. Complètement.
Imaginez: les animateurs de lignes ouvertes en Ontario, en Alberta, en Colombie-Britannique ne pourront plus déblatérer contre un Québec qui prend plus que sa part du gâteau. Les niveaux de stress baisseront énormément.
I1 faudra encore départager la dette et les actifs. Le Québec peut devenir souverain, et le deviendra probablement, avant que cette négociation soit terminée. Mais ni le Canada ni le Québec ne profiteraient de l’incertitude qui pourrait régner sur les marchés financiers. Avant qu’on en arrive à un accord final, i1 faudra donc s’entendre sur des mesures provisoires.
Je m’attends à ce que vous trouviez vos négociateurs les plus compétents, les plus durs, les plus coriaces, se battant fort pour les intérêts du Canada anglais et rien d’autre.
De notre côté, nous trouverons aussi quelques personnes de grand calibre. Et quand tout le monde sortira de la salle, nous devrions avoir l’accord post-nuptial le plus inattaquable qu’aucun couple n’ait jamais eu. Les Canadiens et les Québécois doivent pouvoir dire: « C’est net, c’est juste, c’est dans notre intérêt. »
Et le fait de savoir que personne n’a été floué dans cette affaire sera le fondement de nos rapports futurs.
Après, les intérêts économiques prennent le dessus. Nous sommes dans une zone de libre échange. Au Québec, nous appelons cela une association économique. La souveraineté, avec une association économique avec le Canada. Ça veut dire que les entreprises ontariennes vendront encore à leurs clients du Québec. Ça signifie que les banques ontariennes feront encore des affaires dans les villes québécoises; que les entreprises de ventes en gros et de services commerciaux de l’Ontario conserveront le marché lucratif qu’ils ont actuellement au Québec.
Ça signifie également que des sociétés québécoises viennent parfois investir à Toronto, comme Bombardier l’a fait avec de Havilland et UTDC. Pour préserver et créer des emplois.
Rien de cela n’exige qu’on négocie des arrangements complexes. Nous pouvons simplement nous entendre pour ne pas dresser de nouvelles barrières où il n’en existe pas actuellement. Nous venons tout juste d’ouvrir les soumissions publiques au Québec beaucoup plus largement aux entreprises de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick. Nous n’avons aucune intention de revenir en arrière.
De la même façon que le Canada fait partie de la zone de libre-échange nord-américaine, tout en percevant tous ses impôts au Canada, nous voulons maintenir notre association économique avec le Canada, tout en percevant tous nos impôts au Québec. Les Européens le font. Les Nord-Américains le font. Pourquoi pas nous?
Certains points sont plus complexes, bien sûr. La question de l’union douanière, par exemple. À la fin de la journée, nous pourrons évaluer que cela en vaut la peine. Alors, il faudra trouver une place au Québec dans la définition d’une politique commerciale conjointe. Sinon, nous nous en passerons. Les derniers accords du GATT rendent les tarifs qui restent une espèce en voie de disparition de toute façon.
Une autre question plutôt simple, quoique je n’aie pas encore rencontré un seul Canadien qui ne soit confondu par la désinformation qui l’entoure. Je parle de la citoyenneté dans un Québec souverain. Qu’en sera [-t-]il? La citoyenneté québécoise, bien sûr.
Eh bien, elle sera accordée à chaque résident du Québec à tous ceux et celles qui sont nés au Québec ou nés à l’étranger de parents québécois. Nous délivrerons des passeports québécois.
Et comme le Canada et de nombreux autres pays, nous admettrons librement la double citoyenneté. Moi-même, je garderai probablement mon dernier passeport canadien Comme le souvenir d’un vieil ami. D’autres au Québec voudront garder leur citoyenneté canadienne. Ce n’est pas nous qui en déciderons, ce sera eux.
Quand on 1it la loi du Canada à ce sujet, il est tout à fait clair que les citoyens canadiens vivant dans d’autres pays ne peuvent être dépossédés de leur citoyenneté.
Certains disent que le Canada pourrait adopter une loi qui crée deux classes de Canadiens vivant à l’étranger: ceux qui habitent dans le pays étranger nommé Québec, et ceux vivant dans tous les autres pays étrangers. Cela passerait [-] il le test de la Charte des droits? J’en doute fort. De plus, cela voudrait dire qu’on punirait les gens mêmes qui auraient voté en faveur du Canada.
Il y en a au Québec qui pensent que cette association avec le futur Canada devrait être beaucoup plus développée. Atteindre un niveau politique, comme la communauté européenne. Je ne suis pas très chaud pour ces idées, quoique je les respecte. Et puis, qui sait ce que l’avenir nous réserve. M. Lucien Bouchard a déjà fait une remarque très pertinente à ce sujet, quand il a dit: « Si cela advient, les propositions devront venir du Canada anglais. » Je pense que ce serait sage.
Je ne veux pas abuser davantage de votre patience, je vais donc terminer sur une réflexion.
D’abord à propos de ce que nous, souverainistes, nous promettons aux Québécois et aux Québécoises. Nous ne disons pas que l’indépendance est une mine d’or. Nous ne disons pas qu’il y aura des emplois pour tout le monde. En fait, la brochure qui est notre moyen d’information le plus diffusé, « La souveraineté, pourquoi? Comment? », commence par le paragraphe suivant:
« Le Parti québécois a comme objectif fondamental de réaliser démocratiquement la souveraineté du Québec. La souveraineté ne réglera pas tous nos problèmes d’un coup de baguette magique. Mais elle seule nous permettra de formuler nous-mêmes les choix qui façonneront notre avenir comme peuple, de façon autonome et responsable. »
Fin de la citation.
C’est là tout notre credo: la démocratie, l’autonomie, 1a responsabilité.
Je le dis parce que je sais qu’il y a une forte tentation de dépeindre les gens avec lesquels nous sommes en désaccord comme des démagogues, des idiots et des méchants.
Le débat sur l’avenir du Québec sera rude et oui parfois pas mal émotif. Mais laissez [-] moi vous donner un bon conseil. Quand vous entendrez des déclarations déraisonnables à notre sujet, qui nous caricaturent comme des faibles d’esprit, des minables, montrez un sain scepticisme. Ce n’est à l’avantage ni des Canadiens ni des Québécois de se traiter autrement qu’avec courtoisie et respect.
Parce que, après tout, nous serons voisins pour toujours.
Merci.

[QParizeau19941125cf]
[(Quinze heures sept minutes)]

[Le modérateur: M. Parizeau.]

[M. Parizeau:] Alors, d’abord, je voudrais m’excuser d’être en retard, mais je ne me suis pas encore habitué à être dans le «bunker» plutôt que dans les bureaux du chef de l’opposition, ça me prend plus de temps pour venir ici. Mes excuses, ça ne se reproduira pas. Nous avons terminé une journée de caucus, deux jours de Conseil des ministres pour préparer la prochaine session, mais vous comprendrez que, d’abord, je veux dire quelques mots de la démission de Mme Malavoy. C’est un épisode qui m’a beaucoup secoué. J’ai appris tout ça samedi dernier, de Mme Malavoy elle-même qui, entendant des rumeurs circuler, voyant l’accent qU’on mettait de plus en plus sur une loi de la réforme, c’est-à-dire oui, une loi de la réforme électorale, est venue me présenter sa démission, évoquant ce lien de confiance que nous cherchons, dont j’ai si souvent parlé, et que nous cherchons à rétablir, et disant: Écoutez, je ne veux pas remettre ça en péril. Pendant deux jours, j’ai fait travailler un avocat dans les lois électorales, pour voir s’il n’y avait pas un moyen quelconque de ne pas, comment dire, d’éviter ce que Mme Malavoy me présentait. Mais, invariablement, je me trouvais placé devant le problème de, comment dire, de la rupture du lien de confiance et donc, finalement, hier, je me suis rangé à accepter sa démission. Ça me trouble profondément. Moi, comme tous ses collègues, on a beaucoup aimé travailler avec Mme Malavoy au Conseil des ministres. Elle faisait du bon travail, et je souhaite vivement que ce qui vient de se produire soit un accident dans une carrière qui s’annonçait brillante et que, au bout d’un certain temps, Mme Malavoy pourra revenir au conseil des ministres. Je ne sais pas si ce sera possible, je ne sais pas comment la situation se présentera, je dis simplement que je le souhaite vivement, compte tenu de la personnalité et des convictions de cette femme qui, jusqu’à hier, était une collègue. Voilà ce que je voulais dire à ce sujet. Deuxième chose, alors, la préparation de la session qui commence. Nous avons passé beaucoup de temps à préparer les grandes lignes du discours inaugural et à préparer les deux faces de nos préoccupations fondamentales. C’est, d’une part, faire débloquer un certain nombre de choses, mettre en place des politiques économiques, en particulier, un petit peu plus articulées que ce nous avons connu pendant des années, faire débloquer un certain nombre de dossiers qui sont accrochés et, d’autre part, introduire à l’Assemblée nationale le référendum sur la souveraineté. Il y a tout un cheminement à prévoir. Et là, je pense qu’on peut dire que c’est à peu près… Entre nous, comme procédure, c’est à peu près ficelé depuis ce midi, depuis le début de l’après-midi. Alors, je pense que nous savons là, à cet égard, aussi bien pour ce qui a trait au premier volet qu’au second, nous nous sommes fait une sorte de feuille de route pour la prochaine session. Alors, pour être un peu plus précis, je vais laisser M. Chevrette dire quelques mots sur la façon dont il envisage cette session qui commence. Et ensuite, on pourra passer aux questions.

[M. Chevrette: Comme vous le savez tous, il y aura le scénario d’ouverture, c’est à 14 heures, mardi, tel que le décret le stipulait, pour l’élection du président et des vice-présidents, et qu’il y aura ajournement jusqu’à 16 h 45, où il y aura discours inaugural à16 h 45. Plus précisément, je crois que c’est 17 heures, mais on convoque pour 16 h 45, pour s’assurer qU’on pourra commencer à l’heure précise. Et, comme je l’ai dit… Attendez un peu, c’est aujourd’hui vendredi, donc, comme je l’ ai dit mercredi, il y aura, les jours suivants, des avis au feuilleton pour inscrire diverses législations dont on a parlé au caucus des députés, dont je vous ai fait part mercredi. Mais, comme vous le savez également, tout est objet de consentement avant Noël, puisqu’on est dépassé le 15 novembre, et que seules les lois qui reçoivent le consentement de l’opposition peuvent franchir les trois étapes avant Noël. Et une seule loi a déjà reçu le consentement, c’est celle du colistier montréalais, la loi que nous allons amender de façon générale, cependant, pour l’avenir de cette charte et de ce processus électoral sur les élections municipales. Dans le reste, il n’y a pas de surprise dans les législations. On vous en a parlé. On vous a donné en grande ligne quelle était la réforme électorale, les lois budgétaires découlant du dernier budget, les amendements à la loi 142, pour réaliser les grands engagements électoraux que l’on a pris. Ces législations là seront déposées au fur et à mesure qu’elles auront passé le cap du comité de législation, après avoir reçu l’aval du comité des priorités et du Conseil des ministres, de sorte que nous sommes relativement bien prêts pour la session qui débute, qui durera le temps que l’opposition désirera bien qu’elle dure ou se prolongera ultérieurement, si c’est leur désir.]

[Une voix: Première question, Paul Larocque.

M. Larocque (Paul): M. Parizeau, concernant Mme Malavoy, j’ai deux petites questions rapides, parce que ce n’est pas tout à fait clair. Est [-] ce que, selon ce que vous comprenez, Mme Malavoy était au courant qu’elle n’avait pas le droit de voter au moment où elle l’a fait dans les années quatre-vingt? Et, deuxièmement, qu’est-ce qui arrive maintenant, qui sera son successeur ou sa…]

[M. Parizeau:] Je pense que la réponse à la première question est dans la lettre de Mme Malavoy où elle indique, comment dire, que son attachement à la cause de l’indépendance du Québec l’avait amenée à retarder pendant des années sa citoyenneté, l’obtention de sa citoyenneté canadienne, puisqu’elle est née à l’étranger. Alors, vous trouverez dans sa lettre quelque chose d’assez précis là-dessus. Moi, je pense qu’il n’y a pas lieu d’aller au-delà de ça, ça me parait tout à fait clair. Quant à savoir qui va la remplacer, ça sera déterminé d’ici quelques heures. J’ai encore deux ou trois conversations à avoir sur ce sujet.

[Le modérateur: Étric Tétreault.

M. Tétreault (Éric): Toujours au sujet de Mme Malavoy, M. Parizeau, vous évoquez un retour. .. vous le souhaitez. Il Y a quelques années, le ministre conservateur, Jean Charest, avait démissionné pour avoir soi-disant, à l’époque, tenté d’influencer un magistrat. Il était revenu au cabinet. Mme Malavoy quitte pour des raisons qui apparaissent moins graves. Vous voyez un retour possible, donc, mais comment allez-vous vous assurer que le lien de confiance n’a pas été brisé, pour reprendre votre expression?]

[M. Parizeau:] Écoutez, qu’il y ait eu faute, c’est évident. C’est évident. Bon. Alors, combien de temps faut [-] il pour expier? Bon. Je ne sais pas, je ne sais pas quoi vous dire là-dessus. Tout ce que je dis, c’est qu’il doit y avoir quand même moyen, à un moment donné, de se faire pardonner une faute. Alors, aujourd’hui, je ne peux pas en dire plus, qu’est [-] ce que vous voulez?

[Une voix: M. Jean Bédard. M. Bédard (Jean): Toujours à propos de Mme Malavoy, est-ce que les raisons qui ont amené sa démission comme ministre ne devraient pas justifier aussi une démission comme députée?]

[M. Parizeau:] Non. Moi, ce qu’on me dit, là, c’est… Alors là, on rentre dans des considérations juridiques d’éligibilité, des choses comme celles là. On me dit que là-dessus c’est correct. Il n’y a pas de faute, mais la punition est suffisante. N’exagérons pas, quand même. Mais, sur le plan juridique, ça me paraît tout à fait…

[Le modérateur: M. Venne.

M. Venne (Michel): Je suis dans la même lignée, mais vous dites qu’au plan juridique il n’y a pas de difficulté pour qu’elle reste députée, mais, au plan du plan de confiance, justement, donc, que vous évoquez et que Mme Malavoy évoque, est-ce que la question ne se pose pas également à titre de députée? Et j’aurais une deuxième question dans le même sens.]

[M. Parizeau:] Ah ! Pas dans la façon dont elle a présenté ça. Je pense que… Vous voyez, elle se retourne vers ses électeurs et puis leur dit: Bien, voilà. Mais, moi, je n’ai pas de doute. On vient de me faire un rapport sur la réunion qu’elle vient de tenir Sherbrooke. Je n’ai pas de doute sur l’appui qu’elle va trouver chez ses concitoyens. Comme l’appui qu’elle a trouvé chez ses collègues et chez moi aujourd’hui. Mais c’est clair, il y a faute. Bon. Alors. Qu’est [-] ce que vous voulez? À un moment donné, ce sera pardonné, ça.

[M. Venne (Michel): Mon autre question, c’était de savoir est-ce que vous savez si Mme Malavoy avait eu vent de la possibilité que cette information là soit divulguée par quelqu’un d’autre prochainement et que la connaissance de cette information là ait pu être utilisée à des fins de pression, de chantage, de menace ou autre?]

[M. Parizeau:] Moi, j’ai entendu parler de quelque chose de très précis, mais pas par elle, il y a trois jours. On m’a dit, il y a trois jours, et je pense qu’il y a un journaliste qui est sur le coup… Deux jours ou trois jours, je ne me souviens plus. Mercredi ou jeudi?

[Une voix: Je crois que c’est mercredi.]

[M. Parizeau:] Mercredi. Oui. Pas plus. Mais c’est tout. Avant ça, Mme Malavoy m’avait dit, elle m’avait fait, comme je l’ai dit tout à l’heure, état de rumeurs, mais, enfin, il n’y avait rien de précis… Moi, j’ai commencé à avoir des précisions là-dessus mercredi. Mais là, on était déjà placés dans… J’étais dans la situation où je me débattais en disant: Sur le plan juridique c’est correct, mais, sur le plan politique, ce n’est pas acceptable. De toute façon, c’était… Puis, voilà. Il a bien fallu accepter cette démission.

[Mme Oue11et (suzanne): M. Parizeau, toujours sur la même question. Lorsque Mme Malavoy est arrivée au conseil des ministres, c’est aussi parce qu’elle était une des seules élues de la région de l’Estrie. Alors, est-ce que l’Estrie n’est pas orpheline, maintenant, au Conseil des ministres? Et est-ce que j’ai bien compris tout à l’heure que vous alliez nous annoncer qui la remplacera dans quelques heures, vous allez décider dans quelques heures, dans quelles heures?]

[M. Parizeau:] oui, oui. Ah ! bien, non. Moi, je pense que, oui, ça devrait être annoncé ce soir.

[Mme Ouellet (Suzanne): O.K.]

[M. Parizeau:] Oui, oui, il ne faut pas laisser ça… Normalement, ce sera fait par communiqué. Écoutez, on est vendredi soir, vous comprenez, alors… Je comprends que les heures de tombée de certains d’entre vous seront peut-être passées, mais j’ai quand même quelques conversations à avoir à ce sujet là encore. C’est quand même un sujet sérieux.

[Mme Ouellet (Suzanne): Quant à la représentation de l’Estrie au conseil des ministres?]

[M. Parizeau:] Bien, la représentation de l’Estrie, là, vous me comprenez, je ne peux pas facilement augmenter la représentation de l’Estrie. Elle est ce qu’elle est, la représentation de l’Estrie. Je comprends qu’ils sont deux députés du Parti québécois dans ce coin là: l’un était ministre, puis l’autre délégué régional. On ne pourra pas… Alors, évidemment, ça pose un problème. Ce sont des choses qui arrivent.

[Le modérateur: Christine Saint-Pierre.

Mme saint-pierre (Christine): J’aurais une question sur Mme Malavoy et ensuite sur le menu législatif. Au sujet de Mme Malavoy, M. Parizeau, lorsqu’elle est devenue citoyenne canadienne, est-ce que c’est parce qu’elle voulait, à ce moment là, faire une carrière politique et que le parti lui a dit: Ce serait important que tu deviennes citoyenne canadienne?]

[M. Parizeau:] À ma connaissance, mais, là, je ne peux pas, mais à ma connaissance, là, personne dans le parti ne savait ça. Moi, je ne le savais pas, puis je ne suis pas habituellement, vous savez, je ne suis pas le plus mal renseigné. Je n’ai jamais entendu parler de ça. Écoutez, je vous assure que je suis tombé de haut. Puis, entre nous, ça fait quand même quelques années que je suis en politique, je n’avais jamais entendu parler d’un cas comme ça.

[Mme Saint-pierre (Christine): Mais pourquoi, dans son esprit, ses convictions ont changé à ce point là? Si elle hésitait à devenir citoyenne canadienne parce qU’elle croyait à l’avenir d’un Québec souverain, il a fallu qU’elle le fasse par opportunisme. C’est à peu près la conclusion à laquelle on en vient.]

[M. Parizeau:] Bien, madame, je ne sais pas, moi. Là, vous me demandez de… Écoutez, je ne l’ai pas confessée, hein, à présenter un certain nombre d’explications. On ne va pas rentrer maintenant dans le confessionnal. C’est une punition déjà très forte.

[Le modérateur: pierre April. Mme saint-pierre (Christine): C’est parce que j’avais une deuxième question sur le menu législatif.

Le modérateur: Est-ce que c’est sur le même sujet, Pierre?

M. April (pierre): Oui, c’est sur le même sujet.

Mme Saint-Pierre (Christine): O.K. Je reviendrai.

M. April (Pierre): Ça pose la question, je pense, M. le premier ministre, et M. Chevrette aussi qui est â la réforme électorale, de l’enregistrement des voteurs, des électeurs au moment de l’énumération. Je pense que la vérification de la citoyenneté – on sait que Mme Malavoy n’est sûrement pas la seule, au Québec, qui vote même si elle n’est pas citoyenne canadienne. Dans la région de Montréal, semble-t-il, c’est fréquent, très fréquent même… Est-ce que ça ne pose pas la question de vérifier à chaque élection ou, si on a une liste électorale permanente, de vérifier la citoyenneté des gens qui sont immigrants.]

[M. Chevrette: C’est d’ailleurs dans la réforme électorale ou dans le projet de loi qui sera déposé à l’Assemblée nationale, l’ établissement de la liste permanente informatisée, précisément, dans cette loi là, vous allez retrouver des moyens de confection de liste. Et un des moyens de confectionner la liste, c’est d’avoir recours au fichier de la RAMQ et au fichier de la SAQ. Et, au fichier de la RAMQ, nous dit on, un immigrant non reçu a une identification au dossier comme étant une carte provisoire, et non pas permanente, de sorte qu’on peut la découvrir par là dans la confection de la liste électorale permanente informatisée.

M. April (Pierre): La question de la citoyenneté me…

M. Chevrette: Écoutez, ça dépend. Ce que vous me posez comme question, «c’est-tu» pour l’élaboration de la liste ou pour le droit de vote comme tel, là? C’est deux choses.

M. April (Pierre): Bon, moi, ma mère est Italienne. Elle est arrivée d’Italie. Elle avait l’âge de 12 ans. Je me la pose, la question aujourd’hui: Est-ce qu’elle est vraiment citoyenne? Est-ce qu’elle a déjà eu la citoyenneté? C’est ça qui est le problème. Les gens, quelqu’un qui arrive ici à trois ans, est-ce qu’il se pose plus la question à quatre ans et demi ou à 22 ans s’il est citoyen?

M. Chevrette: Mais c’est ce que je vous dis. Dans l’élaboration de la liste permanente informatisée, on devrait, par les moyens qU’on va utiliser, savoir pour déterminer précisément la qualité d’électeurs. C’est une autre chose, cependant, la journée du vote. La journée du vote, on a le droit, par des déclarations solennelles ou un serment, de demander l’identification et sa qualité d’électeurs. Mais c’est deux choses distinctes, ça. Nous, on prétend qU’on va aller chercher passablement les renseignements d’environ 99 % corrects, y compris la qualité d’électeurs et l’adresse personnel du domicile et non pas de la résidence secondaire, on se comprend bien.]

Le modérateur: Philip Authier.

M. Authier (Philip): Sur un autre sujet. Je ne sais pas, M. le premier ministre, si vous pouvez nous indiquer, vous avez parlé beaucoup du référendum, votre stratégie pendant… Est-ce qu’il y a des grandes lignes, des directions que vous pouvez nous indiquer aujourd’hui de ce que vous prévoyez, votre plan d’action sur ça?]

[M. Parizeau:] Oui, je préférerais attendre au discours inaugural. Ce que je peux vous dire, cependant, c’est que ça n’est pas une opération simpliste que je vais présenter. Il y a des documents qui seront présentés dans le cours normal des travaux de l’Assemblée nationale. Il y aura des formes de consultation très élaborées qui se dérouleront séparément ou en parallèle. Et tout ça, n’est [-] ce pas, va, d’ici quelques jours, être déposé, réexpliqué, décrit. Et je préfère attendre le discours inaugural pour me livrer à cet exercice plutôt que de lâcher ça par bribes maintenant. Mais vous allez voir, c’est assez imaginatif. C’est pas mal du tout, c’est pas mal du tout.

[M. Authier (Philip): Est-ce qu’il y aura une structure spécifique, par exemple, pour des gens non alignés ou des gens des syndicats? Est-ce que vous allez présenter un plan sur ce point là aussi?]

[M. Parizeau:] Ah non ! Ça, ce sont des questions d’organisation. Ça fait déjà longtemps qu’on en discute. Là, vous voyez, ce n’est pas des choses qui se font spécifiquement à l’Assemblée nationale, ce à quoi vous faites allusion, là, l’organisation. Quand on dit que les gens du «non» sont déjà en train de s’organiser, bien les gens du «oui» , oui, ils ont une certaine longueur d’avance. Bien sûr qu’à l’heure actuelle nous avons… Vous en avez d’ailleurs des échos dans les journaux de temps à autre. Quand les partenaires du Parti québécois et du Bloc québécois disent: Voici comment on va s’organiser, nous. Et puis, il y a des déclarations qui se font. Le travail est très avancé sur ce plan là. Mais, ce n’est pas ça dont je parlais, moi. Je parle de l’introduction du référendum dans le processus parlementaire et qui commence avec la nouvelle session.

[M. Larocque (Paul): M. Parizeau, est-ce à dire que vous irez de l’avant avec la déclaration solennelle telle que prévue dans votre programme?]

[M. Parizeau:] Bien, vous allez voir. Je pense que vous allez trouver ça astucieux.

[Des voix: Ha, ha, ha !

M. Larocque (Paul): Mais encore ! ]

[M. Parizeau:] Mais encore ! Bien, je garde le suspense. Ha, ha, ha ! Vous verrez. Vous verrez dans quelques jours.

[Le modérateur: Christine Saint-Pierre.

Mme Saint-Pierre (Christine): M. Chevrette, au sujet du menu législatif, les libéraux disaient ce matin que c’était un menu minceur, que la seule certitude qu’ils avaient comme projet de loi c’était l’histoire du… La 142, on disait que vous aviez promis pendant la campagne électorale de la «scraper», et ça ne semble pas être vers ça que vous allez.]

[M. Chevrette: Bien, les libéraux parlent à travers leur chapeau et je vais vous dire pourquoi. D’abord, il est normal qu’on attende le discours inaugural pour donner des suites aux volontés politiques. C’est l’ouverture d’une nouvelle session. Les libéraux doivent savoir ça.

Mme saint-pierre (Christine): oui. Mais, M. Paradis dit qu’il vous a rencontré la semaine dernière.

M. Chevrette: M. Paradis, je lui ai parlé qu’avant Noël, que ça me prendrait des consensus. Et je lui ai parlé de la loi 142, donc je suis surpris qu’il dise qu’il n’y a pas de loi 142. Je lui ai dit que je lui enverrais le projet de loi sur la réforme électorale dès qu’il serait ficelé un peu, et il n’a pas semblé surpris. Je lui ai parlé des mesures fiscales découlant du budget. Je lui ai parlé de la loi 198, éventuellement, qui serait touchée. Je lui ai parlé éventuellement de la loi 102 qui serait touchée. Je lui ai parlé également des pensions alimentaires qui seraient probablement déposées. Mais, je suis assez réaliste pour vous dire que, moi, je ne peux pas faire de législation avant le 7 ou le 8 décembre et que le règlement sessionnel se termine le 21 et que j’ai besoin de consentement sur tout. Vous comprendrez que si M. Paradis en veut, du menu, ça peut lui passer chaque bord des oreilles.]

[M. Parizeau:] Mais, c’est surtout que s’il parle de menu minceur, c’est qu’il a décidé de la minceur.

[M. Chevrette: Oui, qu’il ne veut pas nous en donner.]

[M. Parizeau:] Parce que les choses avec lesquelles il peut procéder, il Y en aura beaucoup, beaucoup. S’il veut avoir, au contraire, un menu engraissant, il peut l’avoir aussi. Il suffit, simplement, qu’il ne se mette pas en travers.

[M. Chevrette: Y compris un calendrier plus engraissé.]

[Le modérateur Bob MacKenzie.

M. MacKenzie (Robert): C’est à propos du sondage qui a paru dans les journaux, aujourd’hui. Je me demande si vous avez des données internes au Parti québécois qui confirmeraient la même tendance et si, aussi, on peut avoir la même confiance dans les maisons de sondage, qu’on avait avant l’élection du 12 septembre?]

[M. Parizeau:] Ça, vous comprendrez que jamais je n’oserai répondre à la deuxième question…

[Des voix: Ha, ha, ha ! ]

[M. Parizeau:] …par mesure d’autoprotection. Mais, effectivement, le renversement de tendance que vous avez eu ce matin, dans Léger & Léger, on le constate, depuis, moi, je dirais, j’ai vu trois sondages internes, coup sur coup, â une semaine d’intervalle l’un de l’autre, et puis c’était très net. Alors, peut-être qU’on ne peut pas toujours se fier à un, mais, quand vous en avez trois en ligne, qui vous indiquent le renversement de tendance, ça… Alors, à la réponse à votre question: Est-ce que vous le saviez déjà? Oui, depuis quelque temps.

[Le modérateur: Rhéal Séguin.

M. Séguin (Rhéal): M. Parizeau, le Bloc québécois se réunit en fin de semaine et on a vu le travail, la collaboration qui a lieu entre le Bloc et votre parti, lorsque vous étiez dans l’opposition, qu’est-ce qui va changer, maintenant, sur le plan stratégique, dans la relation entre le gouvernement et l’opposition officielle à Ottawa?]

[M. Parizeau:] Les possibilités d’ajustement au titre des politiques de ce qu’on fait… N’oubliez pas que, pendant un bon bout de temps, on a été face à face, un peu, dans ce que j’ai appelé la vie contemplative. À certains moments, M. Bouchard déplorait ce qui se faisait â Ottawa, et moi, je déplorais ce qui se passait à Québec. Alors, on peut faire un bout de chemin à déplorer les choses, mais là, ce qu’il y a de beaucoup plus intéressant, c’est que puisque le Parti québécois est au pouvoir à Québec, à certains moments, on peut faire des choses et on peut collaborer avec le Bloc pour dégager des orientations, pour dégager des stratégies, pour dégager des politiques qui aboutissent à des choses de l’Assemblée nationale. Et ça, c’est très intéressant. Inutile de vous dire, par exemple, que, par rapport aux réformes Axworthy, nous pouvons nous positionner maintenant à Québec, par rapport à ça. Et alors que M. Bouchard et le Bloc ont commencé et vont mener un combat à l’égard des mesures Axworthy de tous les instants, on le voit à l’heure actuelle, c’est loin d’être fini les discussions autour d’Axworthy. À Québec, on peut modifier des choses, changer des choses, se positionner par rapport à ça, ça ne réduit d’aucune façon la collaboration entre les deux partis, ça l’accentue et ça fait déboucher cette collaboration sur des choses plus concrètes. Au fond, c’est une sorte de nouveau chapitre, de nouvel épisode qui va s’ouvrir pour deux: pour le Bloc et pour nous. Il faut bien comprendre que, sur le plan intellectuel, sur le plan des idées, sur le plan des objectifs, nous sommes vraiment deux partis frères et, maintenant, on n’a vraiment plus besoin de se faire des dessins, les choses tombent en place. Si on se donne un coup de téléphone de trois, quatre minutes et puis voilà, on fonctionne ensemble là-dessus pendant une semaine ou 10 jours. C’est tout à fait nouveau, c’est inédit en politique. On ne voit pas ça normalement, puis on aurait pu imaginer toute espèce d’occasion de frottements, de tensions, mais pas du tout. Au fond, plus le temps passe, mieux ça va. Mieux ça va.

[Une voix: Deux dernières questions. .. Robert Houle, Michel David et Suzanne Ouellet.

M. Boule (Robert): Concernant le sondage, on a vu que Mario Dumont, si on se fie à ce sondage, fait bonne figure, il obtiendrait 15 %. Donc, il pourrait jouer un rôle important, selon M. Brassard, qu’on a interviewé ce matin. Il pourrait jouer un rôle important lors du référendum. J’aimerais avoir votre position là-dessus, et, deuxièmement, je voudrais savoir quel statut, à votre point de vue, devrait avoir Mario Dumont à l’Assemblée nationale? Est-ce qu’il devrait bénéficier d’un statut privilégié par rapport au fait que même s’il est seul a l’Assemblée nationale…]

[M. Parizeau:] Commençons par la fin. Oui, il a un statut, ça va être que le Parti égalité est disparu, puis le seul troisième parti a un représentant. Bien sûr, j’ai dit: Il va falloir lui organiser, je ne sais pas, moi, quelque chose, un statut un peu particulier.

[M. Boule (Robert): Un service de recherche?]

[M.Parizeau:] On va voir ça avec les gens de l’Assemblée nationale. Ça se joue à deux. D’ailleurs, il faut discuter ça. Oui, moi je pense que, raisonnablement, il vaut mieux attendre. Toutes ces choses doivent se régler au Bureau de l’Assemblée nationale. Il vaut mieux attendre qu’il y ait un nouveau président, que le président soit élu, puis là on commence à discuter de ça. Mais, je vous assure qU’à l’égard de M. Dumont, bien sQr on va faire quelque chose. D’ailleurs, chaque fois que ça s’est présenté à l’Assemblée nationale, des situations comme celle là, moi je ne me souviens pas d’avoir jamais vu l’Assemblée nationale, parce que c’est un geste de l’Assemblée nationale, être, si vous me passez l’expression, «cheap» là-dessus, et que ça a été dans le temps, M. Roy et M. Samson, si vous vous souvenez, qui étaient deux cas uniques… Il Y a toujours eu une sorte de statut particulier dans des cas comme ça. Le Parti Égalité lui-même. Alors, je suis convaincu qu’il va y avoir quelque chose de correct. Non, mais il y avait une première question, là, oui… Je pense qu’il est probablement un peu tôt pour amorcer ces choses là. À un moment donné, évidemment, je vais amorcer cette question avec M. Dumont. Ça, c’est une question simplement de temps. Je pense qu’il y a tout intérêt à ce qu’il s’installe ici. La session démarre. On se voit, on se rencontre, on se fréquente un peu plus. Laissons les choses évoluer normalement et correctement. Moi, je ne verrais rien de bien utile à chercher à brusquer quoi que ce soit. Après tout, le référendum n’est pas demain matin.

[M. Boule (Robert): Mais vous voulez l’avoir dans votre camp, c’est sûr.]

[M. Parizeau:] Eh ! Évidemment. Vous n’avez pas le moindre doute, j’espère. Quand même.

[Le modérateur: Michel David.

M. David (Michel): Oui. M. Parizeau, ma question est peut-être un peu naïve, mais, dans le discours inaugural, est-ce qu’on aura quelque indication, implicite ou explicite, de la saison référendaire?]

[M. Parizeau:] Euh ! Réponse: Non. Et puis, vous allez voir, c’est très clair. Ça a été fait, justement, pour qu’il n’y ait pas de, comment dire, de date tout de suite et, vous voyez, mon langage ne change pas quand je parle de l’horizon 95. C’est toujours l’horizon 95. Je ne peux tout de même pas mettre ça dans un texte. Bon. Je peux le dire ou je peux l’écrire dans un… Alors, la réponse est non. Mais, vous allez voir le nombre de précisions sur ce qu’il peut y avoir sur bien d’autres choses.

[Le modérateur: M. Venne.

M. Venne (Michel): si je comprends bien, vous allez présenter dans votre discours d’ouverture le cheminement préréférendaire.]

[M. Parizeau:] C’est ça.

[M. Venne (Michel): Mais, est-ce que vous pouvez nous dire à quel moment vous pensez le mettre en branle, ce cheminement? Est-ce que ce sera avant Noël, par exemple?]

[M. Parizeau:] certainement.

[M. Venne (Michel): Rapidement. Très rapidement.]

[M. Parizeau:] Très.

[M. Venne (Michel): Y a-t-il une raison à ça?]

[M. Parizeau:] Il faut commencer. Je n’ai jamais laissé le moindre doute sur le fait que, dès qu’on sera élus, on commencera ça. Il faut me croire. Habituellement, ce que je pense, je le dis. Ha, ha, ha ! Puis, ce que je dis, je le pense. Ha, ha, ha ! Évidemment qu’on a commencé tôt.

[M. Girard (Normand): Puis c’est dans le programme en plus.]

[M. Parizeau:] Comment?

[M. Girard (Normand): C’est dans le programme en plus.]

[M. Parizeau:] Non, non, attention, là. Il y a des choses dans le programme comme, je ne sais pas, moi, «dans les plus brefs délais», vous savez.

[M. Girard (Normand): Oui, puis ça…]

[M. Parizeau:] Oui, oui, mais, moi, habituellement, je ne dis pas ça «dans les plus brefs délais». Je suis plus précis que ça. Bien sûr qu’on commence rapidement, rapidement.

[Le Modérateur: On passe en anglais. Patricia Enborg.

Mme Enborq (patricia): Mr. Parizeau, l am just trying to follow what you are saying in French. Are we to understand that Mme Malavoy was worried about the up coming reform of the Electoral law and that is why she decided to resign before that got under way?

M. Parizeau: That was a consideration, l gather. The second one was that she had heard rumours that some people had some knowledge about this, about her own situation. You see, l did not go… l mean, it was not my role to confess her and, therefore, aIl l could do when I learned of this, by her, when she came to say last Saturday: l think l will have to resign, was to try to frankly define a way out. For two days, I have just consulted… l liked to work with that woman, you know. She was an excellent colleague. For two days, l have put the most brilliant lawyer l know on that thing: Can you find a way out? And he said: WeIl… For two days, he said: Sure. Legally speaking, the situation is much better and neater than l expected to start with, but you are still faced with the political problem, of that link of confidence that you have tried to establish, that you have talked about it so long. You mean it. She understands the importance that you give for that link of confidence. You have got a political problem. Well, yesterday, l accepted her resignation. l think l had to, l had to, and l regret it immensely.

Mme Enborq (patricia): Is it a blow to your government, Sir?

M. Parizeau: Pardon me?

Mme Enborq (Patricia): Is this episode a blow to your government?

M. Parizeau: l do not think i t is a blow to the government because it is… Let me choose the appropriate word. It is a sad human story. . .

Le modérateur: Richard Kalb.

M. Kalb (Richard): M. Parizeau, two questions. The first ones are clarification. l would like to know who the lawyer was that you consulted and why you did not ask the chief electoral officer for an opinion.

M. Parizeau: WeIl, maybe l can ask a lawyer, consult an lawyer on my own. What do you think? Over a weekend, can l do that? Am l entitled to do it? Frankly ! Ha, ha, ha !

H. Kalb (Richard): Why did not you consult the chief electoral officer? He is the one that is given to determine his cases, is he not?

M. Parizeau: No, no, no, no. He does not determine whether somebody can be a member of the cabinet or note Of course, not.

H. Kalb (Richard): But as for holding a seat.

M. Parizeau: Fore?) something else, yes, l am sure that that was not the problem l had to solve. My problem was: can she remain in the cabinet?
M. Kalb (Richard): So it does not matter to you whether or not she is leaving(?) her seat now.

M. Parizeau: No, l think she is, l think she is. But if someone wants to go to the chief electoral officer or to verify this, they can but it is, as l say, the problem l had to solve was belonging to the cabinet.

M. Kalb (Riohard): Mme Malavoy, in her news conference today, as I understand it, I was not there, but as I understand it, she said that this was an active civil disobedience. ln saying that she can come back into the cabinet later on, does that mean that you condone civil disobedience for political beliefs?

M. Parizeau: You know that is a pretty mean question.

M. Kalb (Richard): lt was not, Sir.

M. Parizeau: She committed a fault. AlI right. A fault can be redeemed. She does not have to have this held against her until her last days of her life. 50, when l say l hope she can come back to the cabinet, l do not know when. l do not know how. l just say l wish it. You know, to any fault, there should be redemption.

Le modérateur: Mark Kelley.

M. Kelley (Kark): But, Sir, to continue on this – and l am sure you do not want to – do not you…

M.Parizeau: No, on the contrary. l am not trying to hide anything on this. As l say, it is…

K. Eelley (Kark): That is a very good point, then. She did not bring this to your attention until, admittedly, there was a journalist on her trail. She has put out in her let ter , here, about: l wanted to have a question of «transparence». You, yourself, admit you did not know this. When she was admitted into the Cabinet, she never told you this. And it was only until the heat started to mou nt that she came forward wi th this. 1s this «transparence»?

M. Parizeau: 1t is because it is not «transparence» that she resigned from the Cabinet.

M. Kelley (Mark): But, should you not have known this before you named her to the Cabinet? Should you not require someone to be named to the Cabinet to be up (?) and frank with you?

M. Parizeau: That is why she had to resign, and she did. And that is specifically what she invokes in her letter. And that corresponds to what l write in my letter. When l say there is a sort of break of trust, here, that is what she means and what l mean. l am not trying to paper that over. As l say, it is a very sad story on a human level. And that is how l want to look at it and say that l am losing a remarkable colleaque. And that is inevitable.

Une voix: 50, the first time you learned it was last Saturday when she…

M. Parizeau: When she came, she asked for a meeting with me and came to my house.

Une voix: l am wondering how… l mean, there seems to be an interesting paraI leI with federal (?), with Michel Dupuis and the actions that the Chrétien government did not take. To what extent would you make a comparison to how you have dealt with that, to how Chrétien dealt with Dupuis?

M. Parizeau: It is a very difficult question because, weIl, most people here do not know that, but Michel Dupuis is a friend from way backi we grew up together. And, therefore, l do not know if l am too good a judge. But, certainly, Mr. Chrétien did not particularly face up to the problem he had. That much l can say. Beside that, l do not think it wou Id be -,shall we say – in any good taste on my part to start commenting on some other incident. l try to solve the problems l have with the means l have, and let others exercise their judgement, whatever it is.

Une voix: Ralph Noseworthy.

K. Noseworthy (Ralph): J’ai une autre question sur un autre sujet. Next tuesday, we are not going to get the election date, we are not going to get an idea of the question, we are not going to get a solemn declaration? What are you going to tell us?

M. Parizeau: Well, well, well ! You do extrapolate ! Do not you? Why do not you wait till next tuesday?

M. Noseworthy (Ralph): We have no choice, sir, but we are going to get some sort of a guideline, a direction, a rule map?

M. Parizeau: Look, there is nothing that justifies that question, except that one of your colleagues said: Will there be a date implicitly or explicitly? And l said: No. There will be a hell of a number of other things.

M. Nosewortby (Ralpb): Including a solemn declaration, sir?

M. Parizeau: WeIl, you will see, l think you will find the proposaI that we will make rather clever, clever, and respectful of commitments. You will see.

Une voix: …

Une voix: M. Parizeau, you indicated that the Léger & Léger poIl is consistent with several internal poIls that the party has taken. It puts support for sovereignty around the same level as support for the PQ. Is this an indication that you have not, obviously, so far, been able to, sort of, breech party lines with the project?

M. Parizeau: l do not know. There is a limit to what one can see in a polI. We should know. What is clear, and l will not go beyond that, is that over the last several weeks, the tendency has reversed itself. Support for sovereignty had dropped rather quickly and then more slowly, the recovery is quite marked, and not on one polI, on several. Not several polIs were made public, but our internaI polIs show that, the last three. And, l did not make any mention(?) in public about this. It is much easier to comment on this once one public polI has been published, as it was this morning. But, the reversal of tendency is clear.

Une voix: Just a second question, if l may, on Mme Malavoy. Did she offer you any explanation or did you, in fact, ask for one as to exactly why she did not bring up this matter with you prior to her nomination of the cabinet?

H. Parizeau: No. You see, it is obvious from her letter. She regretted very much that she had not mentioned it. And, what el se can l say? She did the wrong thing and said so. And, she said: Because l did that, l am resigning. It was l who said: For God sake, maybe there is a way out, something can be done, and, after a while, l had to recognize l had to accept this resignation. That is it.

Une voix: M. Authier.

M. Authier (Philip): Just to follow Mr. …(?), do you think the population is now getting into the mood for a referendum?

M. Parizeau: Ho ! ho ! ho ! shall we say: it is thawing. Some areas of public opinion were pretty frozen up after the elections, the thaw is setting in(?). And that is the reversaI of a tendency. Well, other groups are just as favourable as they were, just as supportable as they have always been. In-between the federalist and the solid sovereignist, obviously there are some movements in-between now. L cannot say more on that because it is not over what happened over a month and a half that you can draw too specifie conclusions. But the tendency has reserved itself.

M. séguin (Rhéal): ln what degree, Sir, the fact that the tendency has reserved itself influenced your referendum’s strategy?

M. Parizeau: No, not really. That strategy has been worked upon by a small group of people for several months long before the election and, now, l am discussing it to the … and it would be the… of regional delegates and, over the last two days, with the ministers, but, it has been long in planning and, in that sense, there is no specifie event as influence the …(?). And the secret has been weIl kept, hein? Remarkable.

K. Séquin (Rhéal): Not even the September 12th vote? Not even the September 12th vote made it1 Had you …(1) considered that strategy1

M. parizeau: No, not really, because of… You will see. It is a bit difficult for me to be explicite today, but, l mean, it is a way, that strategy, to … (1) what must be … (1) , so whas this support, was dropping before the election. It was only, should we say, an additional reason to keep up that stategy. You will see. You will see much better in the next week or so. Oh ! we are starting. Things will start in the National Assembly to unfold as they should, or maybe l should not say that, but… Ha, ha, ha ! as we … (1) they would.
Voilà. Merci.

(Fin à 15 h 54)]

[QParizeau19950203]
Mesdames messieurs les présidentes et présidents,
Mesdames messieurs les vice-présidentes et vice-présidents,

Mesdames messieurs les commissaires,

Surtout, chères Québécoises, chers Québécois,
Je dis « surtout », parce que vous êtes, ici, les représentants du Québec. Du Québec de toutes les régions, bien sûr, mais aussi du Québec de toutes les vocations, de toutes les professions. Il y a parmi vous une infirmière et un ingénieur. Un sociologue et un producteur laitier. Une conductrice d’autobus et un recteur d’université. Des gens d’affaires et des militants syndicaux.
Certains d’entre vous travaillent dans des mairies, d’autres dans des églises. Dans des prisons, et dans des écoles. Dans des Caisses pop, et dans des organismes communautaires. Je ne saurais les mentionner tous: vous représentez au-delà de 70 activités, et un nombre encore plus grand de villes, de villages et de quartiers.
Il y a parmi vous des citoyens qui n’ont jamais connu l’action politique. D’autres qui s’y sont engagés depuis des décennies. Il y a parmi vous un ancien député de l’Union nationale, je vous laisse deviner lequel. Il y a aussi d’anciens militants et d’anciens députés et ministres du Parti libéral du Québec, du Parti libéral du Canada, du Parti conservateur. Ils travailleront côte-à-côte avec des représentants du Parti québécois, des représentants de l’Action démocratique et de son chef, M. Mario Dumont dont je salue la présence avec nous ce soir, et des représentants du Bloc québécois de M. Lucien Bouchard, qui nous écoute sans doute en ce moment, et auquel je transmets nos meilleurs voeux. Vous représentez donc la plus diverse et la plus formidable conjonction d’énergies et de bonne volonté que le Québec ait jamais réuni en un même moment. Et vous avez accepté la plus formidable tâche qui pouvait être confiée à un groupe de femmes et d’hommes. Il s’agit de la vie et de l’avenir de tout un peuple. Il s’agit de faire en sorte que tout le monde ait son mot à dire sur la définition de ce que serait le pays du Québec. Votre première tâche sera d’écouter ce que nos concitoyens ont à dire. Les Québécois ont des espoirs, et ils ont des craintes. Ils ont des questions à poser, et ils ont des solutions à proposer. Et lorsque je dis « les Québécois », je ne veux pas dire seulement les grandes organisations qui se présenteront avec des mémoires bien structurés. Non. Je parle en particulier des Québécoises et des Québécois qui travaillent ou veulent travailler, qui étudient ou veulent étudier, qui sont retraités ou chefs de famille, et qui veulent, à titre individuel, venir devant vous vous faire part d’une suggestion, exprimer une inquiétude, formuler un voeu. Les commissions seront des lieux de parole, accessibles et amicaux, et je sais que vous avez beaucoup oeuvré pour que vos réunions soient ouvertes à la participation spontanée la plus large possible. Un citoyen pourra venir parler au micro, présenter son point de vue sans autre forme d’introduction. Car vous avez voulu que personne ne soit exclu, que personne ne se sente de trop. L’avenir du Québec n’appartient pas qu’aux spécialistes du droit ou de l’économie. Il appartient à ceux qui vivent le Québec au quotidien, à l’usine, à la maison, au bureau, sur le chantier et à la ferme. Le décret que je viens de vous remettre est d’ailleurs limpide. Vous devez entendre les citoyens ou les groupes qui voudront s’exprimer sur l’avant-projet de loi sur la souveraineté du Québec, sur l’opportunité de réaliser la souveraineté ou sur toute autre façon de concevoir l’avenir du Québec proposé par un des partis officiellement représentés au sein des commissions.
Chaque article de l’avant-projet de loi sur la souveraineté, en particulier, est une porte ouverte sur un grand débat. Vous devrez pousser cette porte, et discuter, au-delà, les choix qui s’offriront aux Québécois s’ils décident de prendre en main toutes leurs décisions. Car voilà le grand avantage de la souveraineté: enfin sorti de l’actuel cadre figé et inflexible, toutes sortes d’avenues s’ouvriront enfin sur des sujets qui nous étaient jusqu’à maintenant interdits. En un sens, vous êtes des explorateurs. Vous allez explorer l’avenir
du Québec. Votre seconde tâche sera de favoriser les consensus à travers les milliers de propositions qui vous seront faites. Puis de faire rapport, dans vos régions, sur chacun des éléments de votre mandat, et au premier chef sur les modifications que vous proposez aux articles de l’avant-projet de loi. Vous allez aussi faire la synthèse des principes et des thèmes que les Québécois voudront inscrire dans la déclaration de souveraineté. Vous allez aussi relayer la richesse des témoignages entendus et de vos débats sur des questions aussi importantes que la décentralisation des pouvoirs et des ressources dans un Québec souverain, ou encore ce que vous retenez et ce que vous pensez des débats sur le libellé de la question référendaire.

Je vous l’ai dit tout à l’heure et c’est un grand défi que vous relevez à compter d’aujourd’hui. En même temps, c’est un grand message que vous envoyez. Par votre présence ici, vous portez un dur coup au cynisme ambiant. Ce n’est pas vrai, que le civisme a disparu. Ce n’est pas vrai, que les citoyens ne s’intéressent plus à l’engagement social et politique. Ce n’est pas vrai que tout est pourri et qu’il n’y a rien à faire.
C’est à la mode, ces temps-ci d’être ironique et blasé. Pourtant vous êtes là, vous tous, ni ironiques, ni blasés. Bénévoles, plutôt, prêts à consacrer un mois de votre temps à sacrifier une partie de vos revenus et de votre vie familial et presque tous vos loisirs, à un enjeu qui en vaut la peine. Dois [-] je vous dire que j’ai de l’admiration pour ce que vous faites? Et il me fait d’autant plus plaisir de vous recevoir au Salon rouge de l’Assemblée nationale, dans ce lieu de la démocratie québécoise. Car c’est bien de démocratie qu’il s’agit. Vous le savez comme moi, ces dernières années, le lien de confiance entre le gouvernement et les citoyens a été malmené. Et mon gouvernement a promis de lui redonner sa solidité. Les commissions sur l’avenir du Québec sont notre contribution à l’approfondissement de la vie démocratique au Québec. Avec vous à compter d’aujourd’hui, nous inventons quelque chose. Nous donnons vie à une expérience de démocratie directe dont, bien humblement, nous ne connaissons aucun équivalent. Et si nous voulons que les Québécoises et les Québécois fassent à nouveau confiance à leur gouvernement, il nous faut d’abord prouver que nous faisons confiance aux citoyens. le «lien de confiance» n’est pas un sens unique. Or jamais, avant aujourd’hui, un gouvernement n’a mis le sort de son principal projet, de sa raison d’être, entre les mains des citoyens que vous êtes.
Jamais, avant aujourd’hui, un gouvernement n’a placé ses représentants élus en position minoritaire dans des commissions comme les vôtres. Tout est nouveau dans ce que nous entreprenons aujourd’hui. Des dizaines de milliers de Québécois seront appelés, grâce à vous, à être leurs propres députés, car ils pourront proposer des amendements à un avant-projet de loi. Leurs propositions reviendront ici, à l’Assemblée nationale, avant que le texte modifié soit soumis à nouveau à leur verdict, lors du référendum. Nous effectuons donc un mariage entre le parlementarisme et la participation populaire, nous voulons ouvrir les canaux du dialogue entre les électeurs et leurs élus, sur le sujet le plus important qui soit.

Ce soir, mesdames et messieurs, vous ouvrez un nouveau chapitre de l’histoire du Québec. Vous faites honneur au Québec d’aujourd’hui et vous ouvrez la voie au Québec de demain.

Je vous en remercie.

[QParizeau19950308]
Mesdames et messieurs,
C’est la première fois depuis que la population nous a confié la direction des affaires de l’État que j’ai le plaisir de m’adresser directement aux femmes et aux hommes qui font carrière dans la fonction publique québécoise. Je voudrais donc profiter de l’occasion, d’abord, pour rappeler les grands axes de l’action gouvernementale et, ensuite, pour préciser les attentes de mon gouvernement à l’égard de sa fonction publique.
Cela ne surprendra personne que je souligne, au départ, le rôle indispensable que joue la fonction publique dans la conduite des affaires d’un État moderne. Au Québec, comme dans les autres sociétés développées, le gouvernement tient une place centrale non seulement dans le maintien de l’ordre public, mais également dans la production et la distribution d’un très grand nombre de services, dont plusieurs sont essentiels au bien-être de la population. À cette fin, le secteur public québécois mobilise l’énergie d’environ un demi million d’employés, dont quelque 60000 dans la fonction publique proprement dite. En réalité, le gouvernement du Québec constitue, et de loin, la plus grande de nos entreprises québécoises.
C’est donc dire l’importance de la bonne gestion dans une entreprise d’une telle dimension. Heureusement, le Québec peut compter sur une fonction publique de grande qualité. Compétente, intègre et loyale, notre fonction publique peut se comparer à celle de n’importe quel autre pays. L’ayant fréquentée de près à divers titres depuis plus de trente ans, je puis personnellement en témoigner en connaissance de cause.

Les grands axes de l’action gouvernementale

Lors de la présentation publique du Conseil des ministres, j’ai insisté sur un certain nombre de lignes directrices qui devaient orienter l’action du nouveau gouvernement. Vous me permettrez de les reprendre ici ce soir afin d’en préciser les principales répercussions sur l’action quotidienne de l’Administration.

L’importance des régions
Le premier de ces grands axes, c’est l’importance accrue que nous voulons accorder aux régions et aux réalités régionales. Cette volonté s’est manifestée notamment par la création des délégués régionaux et la nomination d’un ministre d’État au développement des régions. Je suis sûr que vous avez déjà pu constater que ces nouveaux arrivés ne passent pas inaperçus et que leur présence se fait partout sentir. Cela peut déranger des façons de faire traditionnelles et bouleverser des habitudes bien établies; mais cela est voulu et il faudra s’en accommoder.

Les travaux des commissions régionales sur l’avenir du Québec ont démontré de façon éclatante la volonté des régions d’acquérir plus d’influence sur la conduite de leurs propres affaires. Le thème de la décentralisation, en effet, est celui qui, de tous les sujets, est revenu le plus souvent devant les commissaires. C’est avec grand intérêt qu’on envisage un Québec souverain dans lequel les instances locales et régionales ont la possibilité d’exercer des pouvoirs réels sur un grand nombre de sujets qui les concernent mais qui relèvent présentement des gouvernements supérieurs. Jusqu’à maintenant, on avait assez peu insisté sur cette conséquence heureuse du projet souverainiste, et nous aurons certainement l’occasion d’en parler abondamment au cours des mois qui viennent. Mais même dans le cadre constitutionnel actuel, il y a place pour une présence accrue des régions dans la prise de décision gouvernementale.

À cet égard, j’aimerais vous inciter à vous montrer accueillants envers cette nouvelle réalité. Je sais que, depuis quelques années, la plupart des ministères ont mis sur pied des bureaux régionaux, s’ouvrant ainsi à la réalité des régions. Mais je sais aussi que la centralisation n’en est pas morte pour autant, et que la tentation reste forte de tout décider du centre et dans une perspective « nationale ». Je vous exhorte donc à faire l’effort nécessaire pour intégrer dans vos schèmes de décision les volontés exprimées des’ régions. Vous devez vous assurer, d’abord, que vous avez une connaissance précise de ces volontés: elles existent, et elles s’expriment de plus en plus clairement par l’intermédiaire des structures régionales et des délégués régionaux. Vous devez donc les connaître. Vous devez ensuite faire le nécessaire pour en tenir compte dans vos processus de décision. Cela ne se fait pas automatiquement: vous devez vous assurer que, lorsqu’il y a des arbitrages à faire, on privilégie le point de vue de la région plutôt que celui de l’appareil central.

La flexibilité des politiques
L’importance de bien refléter dans nos politiques la diversité des régions m’amène à vous parler du deuxième grand axe de l’action gouvernementale, qui vient compléter le premier: la fin du mur-à-mur.
Je n’ai pas à vous rappeler la préférence que les gouvernements issus de la Révolution tranquille ont toujours eue pour des normes nationales et uniformes. À plusieurs égards, cette uniformisation constituait d’ailleurs un progrès puisqu’elle permettait aux régions défavorisées de recevoir les mêmes services publics que les régions les plus riches. C’est ainsi que nous avons eu, à l’échelle du Québec, les mêmes taux d’électricité, les mêmes salaires pour les professeurs ou les infirmières ou les autres employés du secteur public, les mêmes normes pour l’aide sociale et les autres politiques d’aide gouvernementale. C’est un acquis que, pour l’essentiel, nous ne voulons certainement pas remettre en question. Mais il n’est pas nécessaire pour cela que tous les programmes s’appliquent partout de la même façon. Il est possible d’adapter les politiques aux besoins différents des régions et, dans certains cas, des groupes d’individus. Lorsque la chose est souhaitable, elle doit pouvoir se faire.
Je suis parfaitement conscient du fait que la fin du mur-à-mur peut poser des problèmes délicats à ceux qui administrent les programmes gouvernementaux.
Il y a un danger en effet que la flexibilité puisse verser dans l’arbitraire. Je suis cependant convaincu que nos gestionnaires ont la compétence et l’intégrité voulues pour administrer des programmes qui ne sont pas nécessairement exactement les mêmes d’une région à l’autre.

La capacité de bouger
La troisième directive que j’ai donnée, c’est celle de bouger et de régler rapidement les problèmes. Le sentiment que tout est bloqué, que tout est lourd, que tout est compliqué et que, par conséquent, rien ne peut se régler rapidement est un sentiment hélas ! trop répandu dans l’administration publique. Personnellement, je crois qu’au contraire il est possible de bouger rapidement, si seulement on est capable d’en reprendre le goût ! .

J’avoue que, quelques fois, il m’arrive à cet égard non pas de perdre confiance, mais de perdre patience. Je ne suis pas complètement satisfait des progrès que nous avons faits à ce chapitre depuis septembre dernier. Les choses sont encore beaucoup trop lentes à mon goût et je suis certain qu’ n y a possibilité de faire mieux.
Je vous demande donc à tous de faire un effort spécial pour accélérer de façon notable la marche des choses et le règlement des questions en suspens. Nos processus pourraient facilement être accélérés si chacun se faisait un devoir d’abréger au maximum les délais inévitables.
Trop souvent, on dirait que, dans le secteur public, le temps n’a pas d’importance. Or ce n’est pas vrai. Pour l’entreprise qui fait une demande ou pour le citoyen qui s’adresse à l’État, le temps de réponse a souvent une importance primordiale. Il faut en être conscient et agir en conséquence.
Même s’il est souvent plus facile de faire traîner les choses, ou de se relancer la balle entre services ou ministères, je vous demande donc de vous faire un devoir de régler les problèmes dans les plus courts délais possibles. Ayez à coeur d’agir avec célérité et de voir à ce que chaque dossier chemine rapidement. Ayez le résultat en tête. Soyez efficaces.
À ce propos, j’aimerais que vous portiez une attention toute spéciale à l’organisation du travail des fonctionnaires de premières lignes. Trop souvent, les responsabilités attribuées à chaque fonctionnaire sont tellement fractionnées que, pour répondre à une demande, il faut que le dossier passe, plusieurs fois, d’un fonctionnaire à l’autre. Chacun fait son petit bout de travail, mais aucun n’a l’autorité nécessaire pour régler directement le problème. Il en résulte des délais considérables.
Ce phénomène n’est pas propre à la fonction publique, et on le retrouve dans plusieurs grandes entreprises. Mais il y a un moyen d’en minimiser les conséquences par une réorganisation judicieuse de l’organisation du travail. Par la « ré-ingénierie des processus » comme on dit dans la littérature administrative. Je vous demande donc de revoir vos procédures de façon à ce que la plus grande proportion possible de demandes en provenance des citoyens puissent être traitées directement par une seule instance ayant tous les pouvoirs nécessaires pour y donner une réponse immédiate. De cette façon, on pourrait réduire dramatiquement les délais de réponse, tout en valorisant le travail de nos fonctionnaires de premières lignes. Un tel changement ne peut se faire en un jour, et pourrait requérir la collaboration des syndicats mais je souhaite qu’il puisse s’effectuer aussi rapidement que possible.

Le service aux citoyens
De cette façon, vous fournirez à vos concitoyens le service de qualité qu’ils sont en droit d’attendre de leur fonction publique. Car le citoyen, c’est votre client. Et vous devez bien le servir.
Récemment, on a porté à ma connaissance le dernier Rapport annuel du Protecteur du citoyen qui met particulièrement l’accent sur les règles à suivre pour améliorer la qualité du service aux citoyens. J’ai trouvé qu’il y avait là d’excellentes suggestions que je vous invite à suivre. En cette période de restrictions budgétaires, il faut porter une attention particulière à cet aspect de la gestion publique, afin que le citoyen ne soit pas le premier visé par les coupures de services, ou par une dégradation de la qualité des services reçus. J’ai confiance que vous saurez vous montrer capable de concilier la rationalisation des programmes avec le maintien de la qualité du service aux citoyens.

La responsabilisation des gestionnaires
Évidemment, ça ne sera pas facile. Aucune des tâches auxquelles j’ai fait allusion jusqu’ici ne sera facile. Mais je n’ai aucun doute que vous êtes capables de re1ever avec succès chacun de ces défis. Pourvu, me direz [-] vous, que l’on vous en donne les moyens….
Et c’est précisément ce que nous avons l’intention de faire, ce que nous avons, d’ailleurs, déjà commencé à faire. Nous voulons responsabiliser chacun de nos gestionnaires, nous voulons les « habiliter », dans le sens du mot anglais « impowerment », leur donner les moyens d’agir.
Déjà, ma collègue la Présidente du Conseil du trésor, madame Pauline Marois, a annoncé un certain nombre de mesures concrètes qui vont toutes dans ce sens et qui, à terme, auront une grande portée. Permettez [-] moi d’un faire ici une brève revue.

L’allégement des contrôles
À peine un mois après notre arrivée au pouvoir nous avions adopté toute une série de modifications aux règlements du Conseil du trésor pour alléger substantiellement les contrôles que celui-ci exerçait sur les ministères. On en était rendu, vous vous en souviendrez, à contrôler les mallettes et les agendas ! Même s’ils ont été adoptés rapidement, ces changements ont quand même été substantiels (la preuve qu’on peut agir à la fois vite et bien) puisqu’il en est résulté une baisse de 25% des demandes hebdomadaires au Conseil du trésor. Ceux d’entre vous qui sont familiers avec cet aspect des choses pourront témoigner de la baisse de frustration et de la hausse de productivité qui ont été générées par ce premier changement.
Mais ce n’est qu’un début. Des travaux sont en cours, qui devront aboutir d’ici le premier avril, afin de poursuivre cet allégement des contrôles, notamment en ce qui concerne les ressources informatiques, la gestion des occasionnels, la location des espaces et la gestion des ressources humaines. À la suite de quoi, le Conseil du trésor pourra revenir à ses fonctions essentielles de gestion générale des grands systèmes administratifs.

Un cadre budgétaire stable

La deuxième grande innovation que nous avons mise en place, c’est l’instauration d’un cadre budgétaire stable. Par la mise en place de ce qu’on a appelé les « budgets fermés », nous avons garanti aux ministères qu’en échange d’un engagement de leur part à respecter leur budget et à autofinancer leurs nouveaux développements, ils auront l’assurance de pouvoir dépenser tous les crédits qui leur auront été attribués en début d’année. Finies donc les péremptions arbitraires de crédits décrétées en cours d’exercice !
Cette stabilité du cadre budgétaire, si elle réussit à s’implanter dans les moeurs, aura des répercussions révolutionnaires sur la manière de gérer des ministères, Car elle s’accompagne d’une plus grande latitude donnée aux ministères quant à l’utilisation de leur enveloppe budgétaire. Ainsi, chaque gestionnaire deviendra véritablement responsable de la bonne utilisation des fonds publics qui lui sont confiés. S’il peut générer des économies grâce à des gains de productivité, il pourra les réutiliser pour améliorer les services dont il est responsable.
Évidemment, il ne sera pas facile d’assurer la stabilité complète du cadre budgétaire. Des événements imprévus peuvent survenir, et à cet égard, la volonté du gouvernement fédéral de régler son problème financier en diminuant ses transferts aux provinces compliquera d’autant notre tâche. Mais nous sommes déterminés à faire tout en notre possible pour faire un succès de cette nouvelle façon de procéder.

Le dialogue avec les employés
Les budgets fermés imposent naturellement des contraintes importantes et ne sont possibles que si l’on réussit à faire des économies pour compenser ce qu’on appelle « les coûts de système ». Inévitablement, les employés de l’État seront touchés, dans la fonction publique comme dans les réseaux. C’est pourquoi nous avons résolu de les mettre dans le coup. Sous l’impulsion de madame Marois, bon nombre d’ententes cadres ont été signées avec nos syndicats afin de permettre un dialogue fructueux non seulement à des tables centrales ou sectorielles, mais surtout au niveau de chaque ministère ou de chaque institution afin de régler les problèmes au niveau même où ils se posent. Ces ententes cadres sont symboliques de l’esprit de dialogue qui anime le gouvernement dans les relations avec ses employés. Elles reflètent également le changement qui est intervenu dans la conduite de nos relations de travail: si l’on veut fa ire du progrès, c’est au niveau 1ocal qu’il faut renforcer le dialogue car, au niveau central, il n’y a plus de gâteau à se partager.

Par ailleurs, l a mise en oeuvre de ces ententes cadres internpellera plusieurs d’entre vous. Car c’est désormais à votre niveau qu’il faudra en arriver aux arrangements qui vous permettront d’atteindre vos objectifs. La négociation et les relations de travail, ce n’est plus l’apanage exclusif du Conseil du trésor, c’est maintenant la responsabilité première de chaque ministère. Ce n’est pas un petit changement.

Un nouveau cadre de gestion
Pour couronner le tout, le gouvernement envisage la mise en place, progressivement, d’un nouveau cadre de gestion axé non pas sur le contrôle des facteurs de production (des « inputs ») mais sur l’évaluation des résultats (des outputs »).
Ça fait des années Qu’on parle des déficiences de notre cadre actuel axé sur les contrôles a priori et des avantages qu’il y aurait à adopter une façon de gérer qui accorderait davantage d’importance aux résultats. En réalité, tout le monde s’entend sur l’objectif. Mais sur les moyens, les choses se compliquent, car il n’est pas facile, dans le secteur public, de bien mesurer les résultats. Personne n’a encore trouvé la recette magique pour y parvenir rapidement.
C’est pourquoi nous avons décidé de procéder de façon progressive, en commençant par des secteurs qui semblaient mieux s’y prêter. Nous avons également décidé de nous inspirer, comme point de départ, de l’expérience anglaise des « executive units » Qui semble avoir rencontré un certain succès dans un pays qui a des structures politiques semblables aux nôtres.
Cette référence à l’expérience anglaise qui a vu le jour sous le régime de madame Thatcher a pu créer certaines appréhensions. Certains ont craint d’y voir des velléités de privatisation. Laissez [-] moi vous rassurer. Nous ne retiendrons de l’expérience anglaise que ce qui nous aidera à responsabiliser nos gestionnaires. Nous développerons notre propre modèle québécois, en fonction de nos propres besoins et de nos propres mentalités.
Cela étant dit, j’espère que tous voudront coopérer à la mise en place progressive de ce nouveau cadre de gestion. Nous sommes présentement à déterminer quelles seront les premières unités administratives qui pourraient lancer l’opération. Il y en aura, au départ, un petit nombre de trois ou quatre. Il ne s’agira cependant pas « d’agences » comme on s’est plu à les appeler jusqu’ici puisque cette appellation reflète mal la réalité que nous voulons créer. Nous n’avons pas encore de nom pour désigner ces unités, nous sommes ouverts aux suggestions. Dans un premier temps, chacune de ces unités définira un certain nombre d’objectifs quantifiables qui seront inscrit dans un contrat de gestion qui sera public. Ce contrat de gestion deviendra donc sa feuille de route pour l’année qui vient; ce contrat définira également la marge de manoeuvre élargie sur laquelle elle pourra compter au plan administratif pour atteindre ses objectifs. Tous seront donc en mesure d’évaluer les progrès accomplis et de juger de l’utilité de cette nouvelle façon de procéder. Par la suite, d’autres unités de gestion autonomes seront mises sur pied à la lumière de l’expérience acquise.

L’imputabilité
On voit tout de suite que ce nouveau cadre de gestion favorise énormément l’imputabilité des gestionnaires. Dans la mesure où les objectifs sont définis à l’avance et, par la suite, que les résultats sont mesurés, il est beaucoup plus facile d’organiser un système d’imputabilité formelle des gestionnaires.
Cela permet également de séparer convenablement la sphère administrative de la sphère proprement politique et de répondre aux difficultés générées par notre système de responsabilité ministérielle. Puisque le gestionnaire sera responsable de son contrat de gestion, il sera plus facile de délimiter le champ de son imputabilité. Cela pourra diminuer les craintes de certains d’entre vous d’être pris entre l’écorce de vos fonctions et l’arbre de la politique. Et cela pourra encadrer convenablement le travail des commissions parlementaires dans leur rôle de surveillance de l’administration des fonds publics.
Conclusion
Voilà donc le message que je voulais vous livrer aujourd’hui. Vous et moi sommes ensemble dans le même bateau. Nous sommes des partenaires dans l’accomplissement d’une tâche qui devient de plus en plus difficile à mesure que notre société s’ouvre à la mondialisation et que les ressources financières se raréfient. Nous devons donc travailler ensemble, dans la confiance mutuelle, pour relever ce défi avec succès.

Je ne vous ai pratiquement pas parlé, jusqu’ici, de cet autre défi qui se présentera à nous tous lorsque le peuple du Québec aura décidé de nous confier l’ensemble de ses affaires publiques. Je m’en voudrais de profiter de l’occasion pour dénigrer la fonction publique fédérale, mais je la connais assez bien pour vous dire que je n’ai aucun doute que vous pouvez faire aussi bien qu’elle, et à bien meilleur coût. Quand nous aurons éliminé les dédoublements et les doubles emplois qui caractérisent la situation actuelle, nous serons en mesure de mieux contrôler nos finances publiques et de fournir à notre population des programmes et des services mieux adaptés à ses besoins. Je sais que vous avez la capacité de relever cet autre défi que je vous souhaite de tout coeur.

[QParizeau 1995 0321]
Monsieur le Secrétaire généra1,
Madame et Messieurs les Ambassadeurs, Monsieur le Secrétaire général Honoraire, Mesdames et Messieurs,

Nous sommes réunis aujourd’hui pour célébrer une importante étape: celle des 25 ans de l’Agence de coopération culturelle et technique, cet outil essentiel que nous avons forgé ensemble pour affirmer la place de la francophonie dans le monde.

Défendre, promouvoir l’usage de la langue française dans le monde, l’adapter aux réalités changeantes des époques, est une tâche plus actuelle aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a un quart de siècle. L’instantanéité de la communication, la globalisation de la culture présentent à la francophonie une opportunité, et un danger. L’opportunité des échanges nombreux qui nourrissent et enrichissent les cultures. Le danger de l’uniformisation, du plus petit dénominateur commun.

La culture francophone, nous avons le devoir de la faire grandir pour le bien de nos populations, bien sûr. Mais nous en avons aussi la garde, pour l’humanité entière. Le patrimoine culturel est un bien collectif, et nous devons léguer aux prochaines générations la diversité culturelle dont nous avons nous même héritée.
La situation géographique unique du Québec nous rend particulièrement sensible à ce défi. Nos voisins constituent la puissance culturelle la plus formidable du monde contemporain. Nous entretenons avec eux une conversation culturelle incessante dont nous tirons profit et nous contribuons, sur plusieurs plans, à leur propre vie culturelle. Mais du même coup, nous savons que le poids du nombre et le pouvoir d’attraction de la culture américaine justifient la prudence et la vigilance. Et dans ce jeu d’équilibre culturel, la francophonie, que vous représentez ici ce soir, est notre indispensable contrepoids.
Vous comprendrez donc aisément que je ressens un plaisir très particulier de vous recevoir dans l’enceinte de l’Assemblée Nationale et dans la maison qui a abrité le deuxième Sommet de la Francophonie. Nous sommes ici ce soir pour marquer les 25 ans de l’Agence de Coopération Culturelle et Technique et célébrer la journée internationale de la Francophonie. La présence avec nous des représentants officiels des États et gouvernements membres de la grande famille francophone est un événement en soi. Mais cette présence nous permet aussi de nous rappeler qui nous sommes et les raisons de notre nécessaire solidarité.
La Francophonie multilatérale est pour le Québec un lieu d’expression privilégié sur la scène internationale. Au début des années 1960, lorsque j’étais conseiller du premier ministre Jean Lesage, j’ai pu observer l’oeuvre des défricheurs. Le Québec s’est d’abord trouvé une place dans quelques organismes existants, comme la CONFEMEN ou la CONFEJES. Et quand ces regroupements n’existaient pas, des Québécois comme Jean-Marc Léger les créaient avec d’autres, des Européens, des Africains, des Maghrébins. M. Léger s’est fait la main avec les journalistes de langue française ou avec les universitaires qu’il a regroupés au sein de l’AUPELF. En 1970, il a réussi, avec l’engagement des présidents
Senghor du Sénégal, Diori du Niger et Bourguiba de Tunisie, à faire naître la première et 1a seule organisation intergouvernementale de la Francophonie, 1’Agence da Coopération culturelle et Technique.
Membre depuis l’origine de cette famille francophone, le Québec est conscient que, pour l’instant, il s’agit pour lui de la seule table où il est présent d’égal à égal avec plus de 45 pays et gouvernements. Lorsque les pays et gouvernements se réunissent, à l’appel de l’ONU ou de l’UNESCO, à Rio pour l’Environnement, à Vienne pour les Droits de la personne, au Caire pour la Population et le développement, à Copenhague pour le Développement social ou à Pékin pour la Conférence mondiale sur les femmes, le Québec n’est pas toujours certain de pouvoir y dépêcher un observateur, même lorsque des questions culturelles majeures y sont débattues. Ce fut le cas récemment lors de la rencontre du G-7 sur l’autoroute de l’information. La plupart des compagnies canadiennes présentes étaient québécoises, le contenu culturel était au centre des débats, mais le gouvernement canadien a refusé de nous permettre d’y envoyer un observateur.
Cependant, lorsque la Francophonie se réunit sous l’égide de l’ACCT à Tunis pour l’Environnement, au Caire pour les Communications hier et la Justice demain, à Liège pour la Culture, le Québec y participe de plein droit. Il le fait aussi chaque année à la Conférence Ministérielle comme à la dernière de Ouagadougou en décembre et à celle de Paris à la fin du mois. Comprenez [-] vous, M. Léger, que de temps à autre on ait le goût de vous dire merci?
Le chemin parcouru depuis 25 ans est impressionnant. À la suite des Dan Dicko, Owono N’Guema et Okumba D’Okwatsegue, l’actuel Secrétaire général, Jean-Louis Roy, est le responsable de la mise en oeuvre des décisions politiques que nous prenons au sein des Instances de la Francophonie. Cette tâche, nous en connaissons la complexité. M. Roy, je suppose qu’à Bamako en 1993, lorsque tous les pays vous ont renouvelé leur confiance, vous avez compris que personne ne vous a promis un jardin de roses. Mais vous savez aussi le soutien que vous apportent la communauté francophone et son membre québécois.

Madame et Messieurs les Ambassadeurs, il y a quelques décennies, le Québec s’ouvrait au monde et il lui semblait normal de s’ouvrir d’ abord au monde francophone. Vous connaissez tous le projet de mon gouvernement: proposer aux Québécois qu’ils se donnent cette année un pays. C’est un débat que les Québécois sont en train d’avoir entre eux. Et sur ce point nous voulons être très clairs. Nous voulons la souveraineté pour les Québécois, nous ne la voulons contre personne. Vos pays ont d’excellentes relations avec le gouvernement canadien. C’est très bien. Rien de ce que nous faisons ne doit entacher ces rapports. D’ailleurs, le Québec souverain a bien l’intention, lui aussi, d’avoir d’excellentes relations avec le gouvernement canadien.
J’ai eu l’occasion de le dire à vos collègues en poste à Paris à l’occasion de ma rencontre avec les membres du Conseil Permanent de la Francophonie et il me semble important de vous le dire également. Vous qui vivez si près du Québec. La souveraineté, telle que nous la concevons, est le contraire du repli sur soi. La démarche que nous entreprenons est le prolongement de notre volonté d’ouverture, l’expression de notre détermination à participer au concert des nations.
Sans animosité, sans exclusion de personne, par 1a voie la plus démocratique qui existe, 1es Québécoises et les Québécois sont arrivés à un moment crucial de leur histoire où ils auront à se prononcer sur leur destin comme plusieurs d’entre vous ont eu à le faire depuis quarante ans. Vous êtes bien placés pour en juger: dans cette quête d’indépendance, nous n’arrivons pas prématurément. Voilà le défi que les Québécoises et les Québécois ont à relever. Je sais que vous n’y êtes pas indifférents.
Excellences, vous me permettrez de vous soumettre, en cette journée d’anniversaire de notre organisation, la perception québécoise des grands travaux auxquels notre communauté francophone ne peut se soustraire.

En tout premier lieu, il nous faut affirmer la langue qui constitue le fondement de notre appartenance à la Francophonie. Affirmer la langue française aujourd’hui, cela signifie lui donner les moyens de décrire la réalité alors même que cette réalité change. Lui permettre d’anticiper, même, sur les prochains virages technologiques et scientifiques. L’ordinateur a des yeux, il a des bras, il commence même à parler. Il nous incombe de faire en sorte qu’il parle français, aussi bien que l’anglais et le japonais.
Notre deuxième défi est celui du développement, entendu comme un concept global qui inclut l’instauration de l’état de droit et de la démocratie, la priorité donnée à l’humain et l’amélioration des conditions économiques. La tâche est lourde car le développement ne peut se faire dans un seul domaine à la fois. C’est pourquoi nos efforts pour assurer l’évolution politique de nos États sont si importants. C’est pourquoi il importe de développer des partenariats économiques entre nous pour assurer le mieux-être de nos populations. C’est pourquoi, enfin, l’éducation pour tous doit constituer notre priorité absolue. Qu’il s’agisse de l’alphabétisation, de l’enseignement technique et professionnel, de la formation supérieure des chercheurs, l’éducation est, pour la Francophonie, le nerf de la guerre.
Le troisième défi est, en un sens, plus aisé, mais il faut y faire preuve de détermination et de f1exibilité: je veux parler de notre présence en communications.
Dans TV5, d’abord. C’est une des plus belles réalisations de la Francophonie. Son signal s’étend maintenant à tout l’espace francophone d’Europe, d’Afrique, du Sud-Est asiatique, du Canada et du Québec. Je souhaite que TV5 soit un témoin de plus en plus présent chez les non francophones. Et la nouvelle frontière de TV5 doit être la frontière américaine. C’est un sujet qui me tient à coeur et que j’ai maintes fois abordé lors de mon voyage à Paris: TV5 doit prendre sa place, d’ici quelques années, sur le marché américain de la culture. Je n’aurai de cesse de faire avancer ce projet. Et je sais que TV5 pourra faire preuve de la souplesse nécessaire pour aborder différemment, en Europe et en Amérique du Nord, des problèmes dissemblables.
Les dirigeants de TV5-Québec, dont je salue la présence ici ce soir, ont d’ailleurs une précieuse connaissance de la réalité télévisuelle des États-Unis. Je compte sur eux pour trouver les voies, difficiles certes, liais spécifiques aux États-Unis. Il faut du français dans l’air, là aussi. Car 8000000 d’Américains parlent le français et 12000 professeurs l’enseignent tous les jours. Il est grand temps que nous leur donnions un coup de main. À TV5, comme d’ailleurs n’importe où, il n’est pas nécessaire que tout le monde fasse la même chose partout en même temps.
En communications, il y a aussi les autoroutes informatiques, où il nous faut, ensemble, assurer la présence des contenus francophones, tout en multipliant les expérimentations communes pour la livraison de ces nouveaux services et pour la production d’équipements qui, demain, seront dans tous les foyers.

D’autres défis existent sans doute, mais dans cette période de rareté des ressources, il nous faut concentrer nos efforts dans des secteurs prioritaires et mobilisateurs.
Excellences, j’ai rappelé plus haut que nous cé1ébrons à la fois la Journée internationale de la Francophonie et le 25e anniversaire de la création de l’Agence de Coopération Culturelle et Technique.
Pour nous, Québécois et Québécoises, c’est l’occasion de redire notre attachement à notre organisation intergouvernementale qui a été fondée en terre africaine et qui demeure le meilleur point de rassemblement de nos États et gouvernements.
C’est l’occasion de louer tous ceux qui font de la Francophonie une communauté vivante. Sur le plan international, je pense particulièrement à l’AUPELF-UREF qui, aux côtés de TV5, est un opérateur spécialisé des Sommets pour l’enseignement supérieur et la recherche, dont la fondation est québécoise et dont le siège est à Montréal. Sur le plan national, je ne peux qu’évoquer nos institutions et les multiples associations qui rassemblent tant de gens vouées à la cause francophone dans un secteur ou dans l’autre.
Je veux penser enfin à tous nos peuples qui ont le français en partage et qui se retrouveront dans quelques mois à Cotonou pour le sixième Sommet. Je n’ignore pas non plus que certains de nos peuples vivent des drames insupportables et je souhaite ardemment que nous continuions d’unir nos énergies pour éviter la répétition de telles situations.
Excellences, Monsieur le Secrétaire général et chers amis, je suis heureux de vous recevoir dans l’enceinte de notre parlement, qui est un des lieux de la démocratie les plus chargés d’histoire en Amérique, et au monde. Bientôt, je le crois, les Québécois feront encore 1’histoire, et ils donneront à la francophonie un nouvel atout: un pays francophone en Amérique.

Merci.

[QParizeau19950322]
Madame la présidente,
Messieurs les vice-présidents,
Mesdames et messieurs les commissaires,
Je serai bref, car la parole, aujourd’hui, vous appartient. Vous qui avez su mobiliser les Québécois, susciter leur participation, alimenter leur réflexion, avez aujourd’hui la tâche de faire rapport, à toute la nation, des résultats de vos travaux. Et nous allons entendre cet après-midi, j’en suis convaincu, la belle diversité de la réalité québécoise. Ce n’est pas pour rien que nous avons voulu donner dans un premier temps et distinctement la parole aux régions, à la capitale et à la métropole. C’est qu’il est illusoire de vouloir aborder d’un seul tenant la réalité de tout un peuple. Les Québécois sont passés maîtres dans l’art du consensus et de la solidarité. Mais pour y arriver, il faut un préalable écouter et respecter ses différences. Si la diversité est parfois source de contradictions, elle est surtout l’expression de la créativité et de la richesse. Nous avons voulu tremper le projet de souveraineté dans cette créativité et cette richesse de toutes les régions, pour qu’il en ressorte modifié et enrichi. Pour qu’il soit, à l’heure du consensus national qui sera la prochaine étape, un instrument rassembleur, taillé à notre image.
Je suis donc impatient de vous écouter, et je vous cède la parole.

Chères présidentes, chers présidents, Mesdames, messieurs
Il n’est pas souvent donné, dans la vie d’un premier ministre, d’assister à un événement comme celui-ci. Il n’est pas souvent donné d’entendre la voix d’un peuple, région par région, résumée ainsi par des gens qui ont consacré les dernières six semaines de leur existence à se mettre à l’écoute de leurs concitoyens. Il n’est pas souvent donné d’observer le civisme, l’altruisme dont chacun d’entre vous a fait preuve depuis le début de l’année, avec les 280 commissaires qui ont participé à cet exercice.

Les Commissions sur l’avenir du Québec resteront une étape charnière de notre histoire contemporaine. Il faudra des mois, sans doute des années, avant de comprendre complètement ce qui s’est produit pendant ces six semaines, et d’en décoder toutes les conséquences. Nous savons cependant déjà que vous avez animé le plus grand brassage d’idées de notre histoire. La commission de Laval a inventé une expression pour décrire ce qui s’est produit: « l’hiver de la parole ». Plus de 53000 Québécois ont répondu à votre appel pendant le mois le plus froid de l’année. Ce qui fait de vos travaux une expérience proprement québécoise. On a parlé d’un pays, en hiver.
J’ai été frappé surtout par les milliers de contributions individuelles. Ces salariés et artisans, fermiers, retraités et étudiants qui ont préparé, sur la table de leurs cuisines, des mémoires de cinq ou six pages, et qui ont attendu votre venue dans leur patelin. Ils sont allés à votre micro, devant la caméra de la télévision communautaire, et vous ont livré le fruit de leur expérience et de leurs convictions. Il fallait du cran et du sérieux. Il fallait de la volonté, surtout: la volonté de contribuer à l’avenir du Québec.
Ces milliers de Québécois sont venus, souvent, offrir des suggestions. Exprimer des questions, et des inquiétudes, aussi. Parfois, ils avaient annoté leur projet de loi, article par article, soulevant ici une interrogation, proposant là un amendement. D’autres ont rempli la page blanche, la déclaration de souveraineté, au grand complet. Avec ces commissions, les Québécois ont démontré, une fois de plus, la qualité de leur engagement démocratique. Ils ne se contentent pas d’être des électeurs, une foi s tous l es quatre ans. Il s veulent être des participants, des acteurs. Et un des grands messages que vos rapports régionaux nous lancent, c’est qu’ils en redemandent. Pour l’élaboration de la future constitution du Québec, en particulier, ils réclament d’être mis dans le coup du début à la fin, et c’est très bien comme ça.
Car s’il est vrai que la souveraineté sera l’occasion pour les Québécois de se réinventer, il faut comprendre aussi que nos actions d’aujourd’hui préfigurent le pays que nous construisons. Pour mon gouvernement, pour tous les souverainistes qui y ont participé, les commissions régionales sont une façon de dire comment se portera, demain, la démocratie dans un Québec souverain. À voir ce que vous avez réalisé, on peut conclure qu’elle se portera fort bien.
Je dis les souverainistes, car ils ont été les initiateurs de cette démarche. Mais cet exercice de dialogue a aussi permis de démontrer aux fédéralistes de tous les horizons que notre volonté de dialogue était bien réelle. Individuellement et en groupe, des milliers de fédéralistes sont venus participer à vos travaux. Dans un cas, ils vous ont même chanté le 0 Canada. Des
membres des communautés culturelles, très nombreux, à Montréal et à Québec, se sont fait entendre, d’une voix beaucoup moins monolithique qu’il y a quelques années. C’est un progrès qu’il me fait plaisir d’applaudir. Cela signifie que les ponts que nous avons construits depuis quelques années gagnent en solidité. À Montréal, en Estrie, en Outaouais et sur la Côte-Nord, en particulier, les populations anglophones ont répondu, sont venus vous rencontrer en très grand nombre. En général, on ne les compte pas parmi les plus ardents partisans de la souveraineté. Mais tout au moins, ils savent maintenant qu’entre Québécois, on peut discuter. Il s savent que nous avons, tous, la démocratie en partage, aujourd’hui comme demain. Cela vaut aussi pour les autochtones, individuels ou membres d’associations, qui sont venus discuter, malgré des consignes données par certains chefs.

L’automne dernier j’émettais un souhait en disant: « au Québec, on est sept millions, et on va se parler ». Aujourd’hui je peux affirmer une » certitude: « Au Québec, on est sept millions, et on sait se parler ». Cette expérience commune de dialogue, sur un sujet controversé entre tous, est un investissement précieux.
Et ceux qui trouvent que le débat actuel manque d’intensité devaient avoir la tête ailleurs, ces dernières semaines. Qu’on me désigne un autre pays où 1% de l’électorat fait ainsi acte de présence à une démarche démocratique visant à définir son avenir. Dans certains villages, c’est 20% de la population locale qui s’était déplacée pour venir discuter avec vous. Et on ne peut chiffrer les centaines de milliers de Québécois qui ont suivi ces débats sur leurs petits écrans.

Et ceux qui trouvent que le débat actuel manque d’émotion auraient dû assister aux débats sur la question référendaire, sur la place de la langue et de la culture dans un Québec souverain, sur la recherche d’équité et d’égalité pour le pays à faire.
Je ne veux pas présumer des résultats de la phase finale de vos travaux, mais ils ont déjà confirmé aux Québécois deux ou trois vérités sur eux-mêmes. D’abord, par leur simple existence, les commissions ont déjà établi que « Québec sait faire ». Le six décembre dernier, j’annonçais que ces commissions allaient être mises sur pied. Le six janvier, donc un mois plus tard, elles débutaient leurs travaux. Pensez à l’extraordinaire défi politique, mais surtout logistique imposé par l’irruption de 18 commissions itinérantes en moins d’un mois, et en pleine période des fêtes de fin d’année. Or le tout s’est déroulé avec précision et élégance. Nous le devons à vous et à tous les commissaires, et nous le devons beaucoup à l’extraordinaire équipe réunie et dirigée brillamment par le secrétaire général de la commission: M. Gilles Châtillon.
Personnellement, l’expérience des commissions, la participation massive des Québécois, le sérieux de leurs contributions, m’ont rappelé une fois de plus pourquoi j’aime ce peuple engagé et têtu. Les Québécois ont répondu à notre appel, se sont attelés à la tâche, ont mis sur la table leurs états d’âmes, leurs griefs et leurs espoirs. Et s’il nous arrive de rager parfois contre ce que Gaston Miron appelait « ce pays qui n’en finit pas de ne pas naître », l’expérience des dernières semaines nous rappelle combien le peuple québécois mérite sa souveraineté; combien, par ses hésitations même, il s’en montre digne; combien, par son comportement dans ces grandes occasions, il la porte en lui.
Car qu’est [-] ce que le peuple québécois a fait depuis le six décembre: il a su inventer puis organiser ces commissions, ce qui est une preuve de créativité et d’engagement social; il a tenu des audiences en suscitant une participation record, ce qui est une preuve de santé démocratique et de maturité; il a suscité le dialogue entre des forces opposées, sur des sujets complexes, ce qui est un signe d’ouverture et de tolérance; il a produit des rapports de qualité, divers et représentatifs de la parole entendue, ce qui est un signe de compétence autant que de respect.

Et si on additionne ces réalisations, qu’obtient [-] on? Un peuple équipé pour la souveraineté, comme peu d’autres l’ont été avant lui. Un peuple qui possède les qualités, le talent, et la solidarité requise pour se hisser à la table des nations.

Lorsque je vous ai vus, en janvier, à la veille du début de vos travaux, je vous ai dit que vous étiez en quelque sorte des explorateurs. Que vous alliez explorer l’avenir du Québec. Vous ramenez une riche moisson. Et vous n’avez pas tout à fait terminé votre récolte. Après avoir entendu les groupes nationaux, vous aurez le difficile défi de concentrer en un seul rapport l’explosion de créativité des dernières semaines.

Mais dans cette exploration des idées et des structures du Québec de demain, vous avez rencontré la principale richesse du Québec: les Québécois eux-mêmes. Vous avez servi de révélateurs.
L’Académie des lettres du Québec, dans un manifeste publié récemment, décrivait la volonté souverainiste comme « le goût des commencements, l’intuition de la beauté, l’enthousiasme d’appartenir et le sens d’exister ».
Je sais que vous avez tous, vous les membres de la Commission nationale, le goût des commencements. Vous avez voulu participer à amé1iorer l’acte fondateur du Québec souverain: l’avant-projet de loi et le préambule. Vous avez, comme beaucoup de Québécois qui sont venus vous présenter des formules en tous genres, surtout pour le préambule, l’intuition de la beauté. Plusieurs groupes d’artistes viendront vous en parler, à leur manière, pendant les prochains jours. Le cadre de vos travaux, au bord du Saint-Laurent, devrait aussi nourrir cette aptitude. L’enthousiasme d’appartenir, c’est ce qui nous définit, nous Québécois, et ce qui nous distingue. Sans lui, nous ne serions pas dans cette salle.
Quant au sens d’exister, il sous-tend toute notre action. Il est le ressort de vos travaux. Politiquement, juridiquement, dans le système fédéral dans lequel nous sommes « encarcanés », le peuple Québécois n’existe pas. Nous savons tous qu’il s’agit là d’un insupportable affront. Le peuple Québécois, vous pouvez en témoigner, existe. Par vos travaux, présidentes et présidents, vous allez nous dire comment il entend se le déclarer à lui-même et le proclamer au monde.
Merci

[QParizeau19950405]

Votre président, monsieur Boucher, nous a indiqué que le dîner de ce soir est l’occasion d’une première. C’est la première fois qu’un premier ministre du Québec vient rencontrer les membres de cette Chambre de commerce: vous m’en voyez ravi. C’est une première à laquelle j’espère bien qu’il y aura des suites.
Lorsque, il y a six mois à peu près, ce gouvernement a été constitué, il s’est engagé à faire deux choses. D’une part, faire débloquer un certain nombre de dossiers, bouger, faire en sorte que les choses aboutissent et, d’autre part, tenir un référendum sur la souveraineté. Je veux vous parler brièvement de ces deux objectifs du gouvernement. Faire bouger les choses, relancer à la fois l’économie et, au fond, le fonctionnement de la société: il était temps. Ce qui m’a peut-être le plus surpris en revenant aux affaires a été de constater à quel point tout effort était devenu extraordinairement difficile et compliqué. Que de déplacer de cinq degrés vers la gauche ou de cinq degrés vers la droite quelques programmes, c’était comme déplacer une montagne. On ne cherchait plus, comme à l’époque où la Révolution tranquille avait cours, les dix ou douze raisons de faire quelque chose, mais les quarante raisons de ne pas la faire.
Néanmoins, nous avons commencé à débloquer un certain nombre de choses. Sur les 125 engagements que nous avons pris pendant la campagne électorale, nous en avons réalisé 51. À l’heure actuelle, il y en a une quarantaine d’autres qui sont en cours de réalisation. Les réalisations comprennent, par exemple, un plan pour assurer que toutes les personnes qui voulaient lancer des entreprises sans avoir beaucoup d’argent puissent obtenir un prêt bancaire, peut-être pas un montant considérable mais suffisant pour leur permettre de démarrer avec la garantie du gouvernement.
Cela a l’air de rien mais, en l’espace de quelques mois, il y a maintenant à peu près 14000 emplois qui ont été créés par plus de 2500 petites entreprises. On parle de petites entreprises, de toutes petites entreprises et c’est singulièrement significatif pour les jeunes. Beaucoup de jeunes qui n’avaient pas le sou pour démarrer une entreprise ont pu de cette façon donner suite à un rêve qu’ils caressaient depuis longtemps. Je pourrais aussi faire état d’autres interventions du gouvernement qui ont favorisé des investissements plus considérables, plus lourds. Je rappelle que nous avons levé le plafond qui avait été imposé au Fonds de solidarité de la FTQ. Nous avons obtenu une garantie qu’une bonne partie des investissements de ce fonds irait en région. C’est en train de se faire.

Dans un autre domaine, nous avons fait redémarrer la construction de logements sociaux. C’était arrêté, il n’yen avait plus. On dit: « Vous devez n’en faire que 1500 cette année ». Soit, mais on partait de zéro. Il y a des années que la perception automatique des pensions alimentaires se généralise à travers toute l’Amérique du Nord. Nous avions d’ailleurs une loi qui allait du moins partiellement en se sens depuis 1988, mais elle n’avait pas été promulguée; c’est maintenant lancé. Qu’on en sorte, qu’on cesse de discuter, qu’on agisse. Un peu partout à travers le Québec, on investit, on développe des choses.

Chez vous, c’est MIL. MIL: comment se présentait le dossier quand nous sommes arrivés au pouvoir? Une perspective de 200 emplois à la fin de l’année 94 dans le chantier. Nous nous étions engagés à régler la question du traversier des Iles-de-la-Madeleine de façon à donner du travail ici. Nous l’avons réglée. Cela n’a pas été facile, c’est sûr. Le gouvernement fédéral ne nous a pas fait de cadeau, c’est clair. Nous avons eu de sacrés problèmes pour passer au travers de ces obstacles. Mais nous avons passé au travers. À l’heure actuelle, il faut moderniser ce chantier là. Nous pensions que la parole du fédéral valait quelque chose, mais on vient de nous dire que le fédéral ne mettra pas un sou là-dedans. Est [-] ce que cela veut dire qu’on arrête?
Non, nous n’arrêtons pas la modernisation, nous cherchons un partenaire pour MIL, nous allons en trouver un. Nous le moderniserons ce chantier là. J’en profite pour dire à tous les syndiqués qui ont accepté des sacrifices très importants: vous n’avez pas accepté ces sacrifices en vain. Nous n’allons pas vous laisser tomber. De votre côté, vous voudrez bien, s’il vous plaît, vous souvenir du rôle que le gouvernement aura joué. N’oubliez donc pas cela. Parce que nous, nous tenons nos engagements. Nous avons dit que MIL, le seul grand chantier naval qu’il y a au Québec, va rester ouvert. Non seulement il va rester ouvert mais nous allons essayer de lui assurer un avenir. Le fédéral n’a pas aidé parce qu’il avait décidé exactement l’inverse: le dernier chantier naval au Québec, qui n’est pas le dernier chantier naval au Canada, fermerait. Il resterait des chantiers navals sur la côte du Pacifique et sur la côte de l’Atlantique. S’il vous plaît, souvenez [-] vous de cela quand j’aborderai mon deuxième point tout à l’heure.

Une université, une université à Lévis. Pour régler cette question qui est discutée depuis longtemps, je ne pouvais pas faire plus que de nommer le député de Lévis comme ministre de l’éducation. J’ai eu des discussions sur ce sujet avec lui. C’est extrêmement intéressant effectivement, il s’agirait d’une université d’un genre nouveau.
Il y a des expériences à faire ici, d’autant plus intéressantes que la région elle-même est assez particulière. À l’heure actuelle, la reprise économique commence à se manifester un peu partout au Québec, mais vous avez ici, dans Chaudière-Appalaches, le plus bas taux de chômage de toutes les régions du Québec. Il commence à y avoir des pénuries de main-d’oeuvre importantes. Il vaut la peine de penser à ce que une université pourrait faire dans une région industrielle assez avancée, une région où les services financiers, on le sait, se sont développés considérablement. Nous avons sur ces divers points des discussions intéressantes, le ministre de l’éducation et moi.
À propos de la commission de la Capitale nationale, il ne faut pas qu’il y ait d’ambiguïté. Il faut que l’on tienne compte de deux réalités complémentaires. La première c’est la conurbation ou la zone urbaine de Québec. Il va falloir que l’on se construise une Capitale. C’est ainsi Que Ottawa s’est construite, que Washington s’est construite. À un moment donné dans le temps, il faut se décider et faire d’une ville une vraie capitale. Et, par ailleurs, il faut une région de la commission de la capitale nationale Qui soit pas mal plus étendue et qui doit évidemment inclure la Rive-Sud, c’est tout simplement normal.
Le projet de loi instituant la Commission nationale sera déposé bientôt. Je tiens à ce que cela soit clair pour tout le monde. la capitale nationale est la capitale du Québec et la capitale de tous les Québécois. Nous allons construire une capitale du Québec. Comme Québécois, nous allons nous construire une capitale, de la même façon Que comme Québécois, nous cherchons à nous construire un pays. C’est important de comprendre cette perspective.

Il reste encore bien des choses à faire. À peu près 40% de nos engagements sont réalisés. Il y en a environ 40% qui sont en voie de réalisation. Je pense, par exemple, à la question de la formation professionnelle. La formation professionnelle des jeunes au Québec, ce n’est pas un problème, c’est un drame. Nous avons complètement écrasé ce secteur. Il y a environ une dizaine d’années, sur les 500000 jeunes inscrits à l’école secondaire au Québec, il y en avait à peu près 60000 en formation professionnelle. L’année dernière, il en restait moins de 7000. En même temps, on était tout à fait étonné de voir que, durant la même période, le taux de décrochage remontait à presque 40%. Comme les gars décrochent beaucoup plus que les filles, vous savez ce que cela veut dire: c’est près de la moitié de nos gars qui décrochent. C’est proprement intolérable. Nous allons bientôt assister, grâce à l’action de notre ministre de l’Éducation, qui est ici ce soir parmi nous, à une relance, à une transformation profonde du système de formation professionnelle des jeunes au secondaire. Je suis convaincu Que la normalité des choses passe par là. Par l’arrêt du décrochage. Par une réforme profonde du système de formation professionnelle pour les jeunes. Ce mouvement va s’étendre d’ailleurs à l’ensemble de la formation professionnelle pour tout le Québec et pour toutes les classes de la société. Nous commençons par les jeunes et c’est normal. Mais nous entendons aller plus loin, comme le montre le débat en cours autour de l’obligation pour les entreprises de contribuer à la formation professionnelle.
Lorsque le projet de loi instituant cette obligation sera déposé, on verra que ce n’est pas méchant, qu’il s’agira surtout d’une incitation pour les entreprises à consacrer 1% de leur masse salariale à la formation professionnelle de leurs employés. L’objectif n’est pas ramasser de l’argent; l’idéal selon ce programme, c’est qu’on ne prélève pas un sou, que toutes les entreprises consacrent chez elles au moins 1% de leur masse salariale à la formation professionnelle.

La formation professionnelle et la recherche et le développement sont les deux grands axes de notre prospérité pour l’avenir. Ce n’est pas de donner des subventions à toutes espèces de canards boiteux pour essayer de les tenir au-dessus des flots quelques années de plus. La fonction des gouvernements à notre époque, c’est d’assurer la formation professionnelle, la meilleure possible de favoriser par tous les moyens la recherche et le développement. Et avant tout, ne jamais laisser tomber ses enfants. C’est impardonnable, c’est absolument impardonnable.
Voilà certaines des choses que nous faisons ou que nous cherchons à faire. Nous avons rempli nos engagements et quand on nous demande si nous allons faire ceci ou cela, tout ce que je peux répondre spécifiquement, je pense ici au projet de l’université dont parlait votre président, c’est: préparez des projets, ayez des idées, le gouvernement n’est pas là pour vous empêcher de progresser et d’avancer, le gouvernement est là pour faciliter les choses. N’ayez jamais peur de développer des projets.

Le ministre Chevrette vient d’annoncer 2000000 $ pour le parc technologique de Saint-Romuald. On me dit qu’à U1tramar, des investissements seront annoncés bientôt. Notre tâche, c’est de faciliter les choses, ce n’est pas de tout arrêter.

Et je ne veux d’aucune espèce de façon donner à imaginer que sur le plan des dépenses courantes du gouvernement, des dépenses de fonctionnement, on va les faire baisser; non, on ne va pas les faire baisser. J’ai dit que l’on cesserait d’emprunter pour payer l’épicerie. Et on va cesser d’emprunter pour payer l’épicerie et attendez de voir le budget qui va être rendu public bientôt. Vous allez voir que nous sommes sérieux dans la façon de gérer nos affaires. Oui, nous allons cesser d’emprunter pour payer l’épicerie mais nous n’allons pas cesser d’emprunter pour faire des investissements. Vous le faites tous dans vos secteurs. Je ne vois pas pourquoi le gouvernement tout à coup déciderait de tout bloquer. Ne l’oubliez pas, c’est fondamental: nous ne sommes pas là pour arrêter les bons projets; au contraire, nous sommes là pour les faciliter.
Alors que nous cherchons à faire en sorte que l’économie du Québec se développe et que la société québécoise soit un peu mieux équilibrée, nous devons constater périodiquement que nous sommes en butte à des gens qui ont une philosophie tout à fait différente, qui appartiennent à un régime complètement différent. Et qui, au fond, ne sont pas d’accord pour reconnaître que ce sont les Québécois qui veulent prendre en main leurs propres affaires.

Le dernier budget Martin, il est dans un certain sens trop facile. Ce budget qui consiste à dire: « En 1995-1996, on ne sera pas trop méchant pour le Québec parce qu’il y a un référendum, mais en 1996-1997 vous allez y goûter et en 1997-1998 vous allez y goûter bien davantage »; 1000000000 $ en 1996-1997, 2500000000 $ en 1997-1998. En 1964, Jean Lesage avait dit que cela n’avait pas de bon sens que le gouvernement fédéral partage moitié-moitié avec nous autres, et qu’il nous empêche d’aboutir. D’un seul coup, il avait retiré le Québec de 29 programmes à frais partagés avec le fédéral: « Il crée la Régie des rentes ».
A l’époque, on savait comment bouger. Lesage avait un culot absolument prodigieux, il est sorti en claquant la porte d’une conférence fédérale-provinciale qu’il présidait lui-même dans notre Assemblée nationale. Il a provoqué une crise telle que, finalement, il a obtenu gain de cause. C’était l’époque où on se tenait debout. Comme Duplessis s’est tenu debout quand il a affirmé que cela n’avait pas de bon sens que le gouvernement fédéral parte avec tout l’impôt sur le revenu. Il a créé le ministère du revenu et un impôt sur le revenu, ici à Québec. Il faut que l’on retrouve ce genre d’esprit, à parce qu’autrement nous sommes en train de nous perdre. Nous sommes en train, comme
disait un ancien ministre de l’Union nationale, de nous faire « accumuler » au pied du mur. On nous dit à Ottawa: « Nous contrôlons une partie de vos impôts au Québec; nous vous en retournons sous forme de transferts en dollars mais ces transferts vont diminuer d’année en année. Contentez [-] vous de cela ».
Je vous demande un peu ce que vous préférez pour le gouvernement du Québec, pour l’équilibre de son budget. Que nos impôts nous servent ou bien que nos impôts soient envoyés à d’autres qui nous annoncent qu’ils vont réduire les montants des transferts? Fondamentalement, il n’y a rien là de nouveau. Et, au bout du compte, c’est dans la façon dont nous nous identifions comme Québécois et comme peuple que nous pouvons réagir. À un moment donné, il faut nous dire que nos impôts, nous allons nous les payer à nous-mêmes et que nous déterminerons nos propres dépenses. C’est là la deuxième grande orientation fondamentale de ce gouvernement.

Nous nous sommes engagés, vous le savez, à donner enfin aux Québécois l’occasion de se prononcer sur leur avenir et de choisir la souveraineté. Nous nous sommes engagés à ce que ce choix leur soit présenté en 1995 et, comme pour le reste, nous tiendrons parole.
Nous nous étions engagés aussi à tenir une consultation sur le projet de souveraineté. Nous avons procédé, cet hiver, à la plus grande consultation de notre histoire. Plus de 50000, presque 55000 Québécois ont fait acte de présence aux commissions sur l’avenir du Québec. On a pu dire, et l’expression est très belle, c’est « l’hiver de la parole ».

La qualité de la participation populaire, la richesse des rapports des commissions régionales ont dépassé toutes nos espérances en tout cas toutes les miennes. Je ne pensais jamais que l’on arriverait à quelque chose d’aussi riche. Et j’attends beaucoup du rapport de la Commission nationale qui sera déposé la semaine prochaine.
Les Québécois ont été à la hauteur de la grande tâche démocratique qui se présente à eux cette année. Devant les commissions, i1s ont dit vouloir être mieux informés de plusieurs aspects importants de l’accession à la souveraineté. Ils ont raison, et j’ai bien l’intention de prendre le temps requis pour leur fournir les informations nécessaires. Nous avons déjà répondu à un certain nombre de questions, mais il y a encore des attentes et il nous faut les satisfaire.

Les Québécois nous invitent aussi à donner un contenu un peu plus précis à la souveraineté. C’est intéressant. Le Québec profond est venu nous dire que notre projet de société, c’est important. C’est important au niveau du Québec tout entier et c’est important au niveau de ma municipalité et de ma localité, de ma MRC, de mon quartier en ville. Je veux savoir où je m’en vais. Je veux savoir exactement pourquoi. C’est bien, mes amis et c’est l’expression propre de la démocratie. Quand les gens réagissent de cette façon, tous les espoirs sont permis.
Lorsqu’il recevra le rapport de la Commission nationale et la synthèse de ses travaux, le gouvernement va se donner le temps de bien les intégrer, de répondre aux espoirs qui sont exprimés. Cela ne peut pas se faire en quelques semaines. Mais cela peut se faire en quelques mois, dans le respect de notre engagement de tenir un référendum cette année.
Je n’avais jamais fixé de date, ou bien de saison, pour la tenue de cette consultation. Mais, à plusieurs reprises cependant, j’ai indiqué que nous attendrions la fin du processus des commissions pour nous pencher, de façon aussi informée que possible, sur la meilleure démarche à suivre.
Fort des renseignements de ces commissions, et pouvant évaluer le travail que les Québécois nous demandent, nous avons discuté, ces derniers jours de notre ca1endrier. Le comité de stratégie conjoint du Bloc Québécois et du Parti Québécois s’est réuni vendredi dernier en présence de monsieur Lucien Bouchard et de moi-même. Ces derniers jours, j’ai écouté les avis de membres du caucus des députés et des délégués régionaux. Finalement, ce matin, en conseil des ministres, nous avons fait le tour de la question.
Entre nous, le consensus est clairement apparu: compte tenu de l’importance de l’enjeu, et de la soif d’information des Québécois, il serait hâtif de tenir un référendum dans quelques semaines. À moins d’un événement imprévu ou exceptionnel qui justifierait de nous rendre aux urnes avant l’été, il nous semble indiqué de convier les Québécois à ce moment de vérité à l’automne.

D’ici là, toute l’information demandée sera disponible, toute la réflexion suggérée pourra être faite, toutes les explications souhaitées pourront être offertes.

La souveraineté, c’est le projet de notre vie. C’est aussi l’aboutissement d’une longue quête d’autonomie des Québécois. Depuis notre élection, nous avons tout mis en oeuvre pour bien préparer cet événement. Les Québécois ont répondu à notre appel et nous encouragent malgré les admonestations de nos adversaires, à ne rien brusquer.
D’ici l’automne, le gouvernement va continuer à se consacrer à sa double tâche: d’une part, poursuivre son travail de réforme, de relance, d’aboutissement des dossiers; d’autre part, préparer le grand rendez-vous référendaire. D’ici l’automne, tous les souverainistes de tous les horizons seront à pied d’oeuvre pour informer, expliquer, mobiliser. Ce que j’annonce aujourd’hui, c’est le début du dernier droit et le ralliement de nos forces.
Les Québécois sont ambitieux: ils veulent l’indépendance économique grâce à l’emploi, à l’entrepreneurship et à la décentralisation et ils veulent l’indépendance politique, en sortant une fois pour toutes de l’impasse qu’est le statu quo. Cette année, ils auront l’occasion d’atteindre ces objectifs.

[QParizeau19950410]
Monsieur le Président de la Chambre de commerce de Laval,
Mesdames, Messieurs,
« Faire bouger les choses», tel est le leitmotiv du gouvernement depuis déjà près de sept mois, depuis que les Québécoises et les Québécois nous ont confié les affaires de l’État, exprimant ainsi un désir de changement. Nous avons pris acte de ce signal d’un nouveau départ.
«Faire bouger les choses», c’est par ailleurs ce que vous, membres de la Chambre de commerce de Laval, faites depuis bien avant le 12 septembre 1994. L’essor que connaît Laval, la deuxième ville du Québec, n’est certes pas attribuable aux seules politiques d’un gouvernement central, peu s’en faut. Il est plutôt tributaire des efforts que vous y consentez, de l’acharnement que vous manifestez à assurer le développement de votre région, de la connaissance quasi intime que vous avez de votre milieu.
À l’occasion de la présentation des délégués régionaux et des membres du Conseil des ministres, le 26 septembre dernier, j’avais d’ailleurs souligné que «l’autre façon de gouverner» se manifestait, entre autres, autrement qu’en gardant jalousement tous les leviers de décision dans la capitale, au moment où les intervenants locaux et régionaux apparaissent souvent mieux à même de juger et de décider.
À la même occasion, j’avais aussi énoncé deux principes de gouvernement, à savoir, d’une part, ne jamais faire compliqué quand on peut faire simplement, éviter de tomber dans le travers de tenter de réinventer la roue, pour plutôt faire place aux compétences et aux volontés présentes à l’extérieur de l’État. .
Le second principe quant à lui se résumait en quelques mots fort simples mais combien significatifs: la fin du mur à mur. Ce qui est nécessaire ici à Laval l’est [-] il à Sept-îles ? Ce qui est utile ici à Laval l’est [-] il tout autant à Sherbrooke? On parle souvent de communication nonverbale et je crois, à vous regarder, avoir «vu» votre réponse, et même celle, là-bas, du délégué régional.

Et bien, nous avons tenu parole.

Les membres de l’équipe gouvernementale ont manifesté une confiance dans la capacité des Québécoises et des Québécois à trouver des solutions originales à leurs propres problèmes et dans leur désir de prendre leurs responsabilités. L’immobilisme qui sévissait depuis trop longtemps au Québec et la morosité qui s’y était insidieusement installée apparaissent déjà comme de mauvais souvenirs.

Le gouvernement que je dirige a témoigné qu’il entend écouter, proposer, mobiliser, accompagner et décider. Les machines sont en marche et la vitesse de croisière dépasse de plusieurs noeuds la limite à laquelle nous avons déjà été astreint.

Aujourd’hui, sur les 125 engagements que nous avons formulés lors de la dernière campagne électorale, plus de 51 sont réalisés et 50 autres sont en voie de l’être, ce qui donne un taux de réussite de 80 % seuil minimal provisoire eu égard à notre intention de réaliser un score parfait, ou presque…

Je débute par la Culture et les Communications? Non, j’y reviendrai plus tard si le temps m’y autorise.

Je ne suis plus ministre des Finances et ne porte pas aujourd’hui de chaussures neuves. Toutefois, il n’est difficile, sinon impossible, à défaut de pouvoir vous parler spécifiquement des mesures contenues au budget, de ne pas vous en livrer les objectifs.

À l’heure actuelle, l’objectif fondamental du gouvernement consiste à réduire le déficit des opérations courantes et à cesser d’emprunter pour payer l’épicerie. C’était un engagement électoral et nous le réaliserons. La situation intolérable dans laquelle baignent les finances publiques ne peut plus perdurer. Elle limite l’État dans les actions qu’il se doit d’assumer, entre autres au titre de la création d’emplois.

Nous allons certes cesser d’emprunter pour payer l’épicerie mais nous ne cesserons pas, par ailleurs, de réaliser des investissements. Vous comprenez très bien, comme femmes et hommes d’affaires, ce que cela signifie. Le gouvernement n’entend d’aucune manière se faire l’empêcheur de la réalisation de bons projets. Au contraire, il souhaite détenir les moyens de les faciliter.

L’exercice, je le reconnais, ne sera pas facile puisque nous sommes périodiquement en butte, sinon régulièrement en butte, à un régime politique qui de toute évidence ne sert pas les intérêts du Québec. Ainsi, si en 1995-1996 le dernier budget Martin ne se veut «pas trop méchant» pour le Québec, en raison de la tenue d’un référendum, il réplique de manière particulièrement sévère pour les deux exercices financiers suivants, alors que le manque à gagner dans les transferts fédéraux coûtera au total 3500000000 $ au Québec.

Bon, voilà pour le premier engagement électoral. Qu’en est [-] il maintenant des 124 autres ! N’ayez crainte, je n’entends pas vous en dresser ici la liste exhaustive. Mais à l’aube du budget du gouvernement, faisons le point de nos réalisations.

Les finances publiques demandent à ce que l’on sache innover. La présidente du Conseil du trésor a instauré ce que j’oserais qualifier de véritable révolution dans la façon de gérer l’État. Chaque ministère a désormais ainsi droit à une enveloppe fermée, à l’égard de laquelle il dispose d’une totale liberté de gestion. La responsabilité s’allie ici à la flexibilité. De plus, les efforts d’augmentation de la productivité ne feront plus l’objet de «confiscation» de la part du Trésor.

Les finances publiques en appellent de plus à la responsabilité de l’État qui n’a nulle autorisation à abdiquer devant l’évasion fiscale, qui a le devoir de percevoir de chacun ce qui est dû à la bourse collective, des multinationales comme des dépanneurs, des riches héritiers comme des salariés.

À défaut, nous sommes tous perdants, puisque nous aurons moins d’argent pour la santé, pour l’éducation, pour les jeunes, pour les régions, pour l’emploi. À défaut, aussi, ne pourra être rétabli le lien de confiance nécessaire entre le citoyen et l’État.
Nous nous étions engagés à lutter contre la contrebande, les activités de loterie illégales et le travail au noir. En décembre dernier, le ministre de la Sécurité publique, et aussi député de la région, déposait un projet de loi modifiant la Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils d’amusement ainsi que la Loi sur les permis d’alcool, projet de loi adopté en janvier et qui permet la révocation de permis lors de la constatation d’activités illégales dans ces domaines. Tous les contrôles ont été renforcés à cet égard. Le gouvernement ne peut plus tolérer des pertes de revenu de plusieurs centaines de millions de dollars par an.

D’autre part, avec l’adoption de la loi 46 en février dernier et, partant, l’abrogation de la loi 142, tel que nous nous y étions engagé, la construction dans le secteur résidentiel est à nouveau régie par la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’oeuvre dans l’industrie de la construction. Cette loi comporte désormais des mesures efficaces pour contrer le travail au noir, autorisant même la suspension des travaux en cas d’infraction.

Tel n’était pas par ailleurs le seul objectif de la loi 46 puisqu’elle favorise de plus maintenant les négociations dans le secteur de la construction, puisqu’elle rétablit les droits des travailleurs et des travailleuses, puisqu’elle facilite aussi l’accès des jeunes et des femmes à l’industrie de la construction.

D’ailleurs, ce rétablissement de relations de travail harmonieuses, nous nous le sommes imposé pour nous aussi, au gouvernement. En lieu et place de la loi 198, par laquelle la précédente administration a procédé à des coupures aveugles et, partant, contreproductives, dans la fonction publique, la présidente du Conseil du trésor a réussi à conclure rien de moins que douze ententes-cadres, avec autant de syndicat des secteurs public et parapublic, afin de définir une nouvelle organisation du travail et des services.

Avec les ressources dont il dispose, le gouvernement s’est appuyé sur la volonté de changement exprimée par les membres de la fonction publique et par leurs organisations syndicales afin de remotiver ses employés, d’accélérer le rythme des changements nécessaires, d’améliorer la qualité des services et, aussi sinon surtout, d’instaurer un respect renouvelé à l’égard du citoyen.

Si vous me permettez, déjà avec ces quelques exemples d’engagements électoraux réalisés, je crois que l’on peut parler, sans crainte de trop se tromper, d’une «autre façon de gouverner» !
Je disais plus tôt que le contrôle des finances publiques n’impliquait nullement que l’État allait limiter la possibilité de réalisation de bons projets. Vous voulez un exemple?
À peine arrivé aux affaires, le ministre des Finances annonçait le 4 novembre dernier l’élimination du plafond de 100000000 $ qui s’appliquait à l’émission d’actions du Fonds de solidarité des travailleurs de la FTQ, lequel, au fil des ans, est devenu un intervenant majeur dans le développement économique du Québec en créant ou en maintenant plus de 6000 emplois par année. Nous avons de plus obtenu la garantie, en levant ce seuil, qu’une bonne partie des investissements du Fonds ira en région.
La reprise économique semble vouloir s’installer et le gouvernement n’a pas l’intention d’agir en observateur passif. Nous vous en avions prévenu l’été dernier, au cours de la campagne électorale. Voilà, c’est fait. Le ministre de l’Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie rendait public en novembre dernier son programme de démarrage d’entreprises. Vous le connaissez désormais, le Plan Paillé.

Plus de 300000000 $ en garanties gouvernementales, permettent maintenant de transformer une idée en entreprise, en petite entreprise, sinon en toute petite entreprise, mais qui demeure singulièrement significative pour de nombreux jeunes. Vous connaissez par ailleurs l’histoire de cette petite entreprise qui a démarré dans une cuisine à Lévis, et de l’autre dans un garage en Estrie.

Quelques brefs chiffres sur la performance du Plan Paillé: 3600 entreprises et près de 20000 emplois créés; 140000000 $ de garanties de prêt générant 335000000 $ d’investissement. En quatre mois ! Quel démarrage !

Pour la seule région de Laval, à la fin de février, le programme avait déjà contribué à la mise sur pied de 85 nouvelles entreprises qui créeront quelque 550 emplois d’ici trois ans.

On comprend ici toute la pertinence du choix de confier aux institutions financières locales l’administration de ce programme. C’est cela, entre autres, la fin du mur à mur. C’est cela, aussi, la fin de l’État jouant au banquier, la fin des pertes de 1000000000 $ à la SDI.

Par ailleurs, dans le but d’assurer la promotion et le soutien à des initiatives propres à relever la capacité d’innovation technologique et dans le but, conséquemment, d:améliorer la compétitivité et la croissance économique du Québec, le gouvernement a institué, et c’était un engagement électoral, une troisième société Innovatech, dotée d’un budget de 40000000 $ sur cinq ans, pour le Sud du Québec, et a autorisé concurremment l’élargissement des territoires des deux autres sociétés existantes, celle du Grand Montréal et celle de Québec-Chaudière-Appalaches.

Le gouvernement du Québec investit aussi dans des infrastructures publiques, mécaniques qui permet à la fois de stimuler l’activité économique et d’améliorer les services à la population. Ainsi, longtemps ralenti, le programme d’assainissement des eaux du Québec fait maintenant l’objet d’une relance majeure.

Annoncée par le ministre des Affaires municipales le 2 mars dernier, .cette relance signifie que le gouvernement injectera dans ce programme 500000000 $ d’ici décembre 1999, au moment où 98 % de la population desservie par un réseau d’égout verra ses eaux usées traitées. Nous nous y étions engagé.

19 projets, regroupant 41 municipalités, ont été identifiés comme prioritaires et devront se doter d’équipements d’assainissement opérationnels d’ici 1999. Le gouvernement y investira 380000000 $ alors que 120000000 $ sont réservés à des projets de nature régionale.

Et puisque nous parlons d’environnement, je vous rappelle que le gouvernement, tel que promis, l’a trouvé le « bidule», le bidule pour détruire des millions de BPC, trop dangereusement mal entreposés depuis longtemps. Le ministre de l’Environnement a annoncé en février que le Conseil des ministres donnait le feu vert à une stratégie de destruction de ces produits et que 30500000 $ y seront consentis.

Les investissements publics concernent aussi, et je crois savoir que vous y êtes particulièrement sensibles, les transports. Le ministre des Transports du Québec conviait ainsi tout récemment, le 30 mars, près de 300 décideurs du secteur pour leur présenter le Plan de transport de la région métropolitaine de Montréal.

Je n’entends pas ici reprendre chacun des éléments de ce vaste plan, si ce n’est que je vous invite à participer aux travaux de la nouvelle Table métropolitaine des transports, laquelle a pour objet de définir, en concertation avec tous les partenaires, une vision d’avenir commune en matière de transport dans la région de Montréal de même que des stratégies d’action concertées.

Je souligne que lors de cette rencontre du 30 mars, le ministre a fait part de trois projets qui retenaient particulièrement son attention et qui en étaient rendus à la dernière étape préalable aux décisions, et, le cas échéant, à la mise en oeuvre. Il s’agit en l’occurrence de l’utilisation de l’estacade près du pont Champlain, du réseau de trains de banlieue et du prolongement du métro jusqu’à Laval.

Je m’étais personnellement engagé, en cours de campagne électorale, à ce que ce dernier projet connaisse un dénouement.
Je n’ignore pas que des centaines de milliers de gens attendent que ce débat trouve sa conclusion. Le transport en commun à Laval et à Montréal est loin d’être une seule question de tunnels, de rails et de routes. C’est aussi et sinon surtout une affaire de qualité de vie.

C’est incidemment à cette même qualité de vie que s’est intéressé le ministre des Affaires municipales et aussi responsable de l’Habitation lorsqu’il a réussi à élaborer en moins de trois mois, et conformément à nos engagements, deux programmes majeurs relatifs à l’habitation.

Le 13 décembre, il annonçait que le gouvernement allait consacrer 35000000 $ à un programme d’achat rénovation de logements sociaux et coopératifs. Dans un secteur abandonné par Ottawa, Québec entend permettre, à chaque année, la réalisation de 1500 logements destinés à des clientèles à revenu faible et modeste.

Une semaine plus tard, le même ministre, en compagnie cette fois de son collègue aux Finances, rendait publique la nouvelle mesure fiscale relative à l’achat d’une première résidence neuve ou d’une propriété qui nécessite des travaux majeurs de rénovation: le crédit d’impôt « premier toit».

Un coup de pouce aux jeunes familles: plus de 29000 ménages auront un accès plus facile à la propriété. Lorsque le bâtiment va …: des investissements de l’ordre de 1800000000 $ de la part des acheteurs et la création de 3500 emplois-années additionnels.

Le gouvernement du Québec a fait en sorte de remettre les machines en marche dans tous les secteurs et il entend y associer tous ses partenaires. Le Forum québécois sur les pêches maritimes a eu lieu en février dernier, le premier depuis 1978. La consultation régionale préparatoire au Sommet sur la forêt privée, qui sera tenu le mois prochain, est lancée depuis deux mois. Le débat public sur l’énergie est lui aussi en cours depuis février.

Relancer l’économie, certes. Créer des emplois, certes. Mais encore faut [-] il que les Québécoises et les Québécois, et les jeunes surtout, soient en mesure d’occuper ces emplois.

Or, la formation professionnelle des jeunes au secondaire n’est pas chez nous un problème, c’est un véritable drame. De 1985 à aujourd’hui, les effectifs y ont chuté de 53000 à 6560, un plongeon de 87 % De plus, le taux de décrochage chez les jeunes au secondaire a atteint aujourd’hui 36 % et cela est une moyenne puisque dans certains quartiers urbains défavorisés, le seuil de 50 % a déjà été franchi.

Vous conviendrez avec moi que cette situation est intolérable, qu’elle bloque l’avenir de notre jeunesse, qu’elle mine le développement de notre société. Nous avions pris les engagements d’élever l’accès à la formation professionnelle au rang d’un droit aussi fondamental que l’est l’accès à l’éducation et à la formation générale, de revaloriser l’enseignement professionnel au niveau secondaire et d’intégrer un programme d’apprentissage en entreprise au système d’enseignement.

Ici encore, nous avons tenu parole. Pas plus tard que jeudi dernier, le ministre de l’Éducation annonçait un programme de diversification des voies offertes aux jeunes en formation professionnelle, programme en cinq volets qui aura un caractère expérimental ap cours des deux prochaines années.

Le ministre de l’Éducation a décrit cette nécessaire initiative comme un «trousseau de clefs» offert aux jeunes ayant réussi leur 3e année du secondaire, des clefs qui leur ouvriront la porte de la préparation au marché du travail grâce à des formules de travail-études et d’apprentissage en entreprise, lesquelles maintiennent de plus la possibilité de poursuivre la formation jusqu’aux diplômes d’études professionnelles ou collégiales. Peut [-] on enfin demander mieux? Fini le spectre du cul-de-sac trop longtemps associé aux anciens programmes du professionnel court. Le ministre de l’Agriculture avait quant à lui déjà fait sa part en réinstaurant et en augmentant le budget du Plan de soutien à la formation agricole.

Nous commençons ainsi par les jeunes, mais la formation professionnelle s’adresse aussi à tous les travailleurs. Nous entendons de cette manière aller plus loin, comme en fait foi le débat en cours sur l’invitation qui sera lancée aux entreprises de participer à un effort général en faveur de la formation professionnelle, en affectant progressivement, selon leur taille et leur activité, l’équivalent de 1 % de leur masse salariale à la formation, soit directement pour leur propre main-d’oeuvre, soit au bénéfice de tous les Québécoises et Québécois en contribuant à un fonds national de la formation professionnelle.

Voici un autre engagement majeur que nous entendons réaliser prochainement et vous pouvez ici croire à la volonté de la ministre de l’Emploi et ministre d’État à la Concertation. L’objectif ne consiste pas à ramasser des sous. Au contraire, l’idéal serait en sorte que la caisse du fonds demeure vide, ce qui serait une indication à l’effet que toutes les entreprises contribuent à la formation de la main-d’oeuvre.

Toutes ces mesures annoncent la fin de l’immobilisme en formation professionnelle. Je souhaite aussi qu’elles fassent renaître l’espoir chez beaucoup de jeunes et chez beaucoup de chÔmeurs. Toutes ces mesures, du même coup, font apparaître avec davantage d’acuité la nécessité que le Québec soit le seul maître d’oeuvre dans ce secteur. Les organisations patronales et syndicales affichent à ce titre au Québec un imperméable consensus.
J’avais par ailleurs demandé au ministre de l’Éducation, en septembre dernier, de ne taxer ni le savoir, ni l’échec. D’exiger des jeunes Québécois un effort cérébral et non financier. De ne pas associer les réductions budgétaires à l’asphyxie d’un quartier ou d’un village.

Il a, conformément à ces demandes et en respect des engagements électoraux, maintenu les droits de scolarité à leur niveau actuel, aboli la taxe à l’échec de 50 $ au niveau collégial, institué un comité de travail sur l’aide financière aux étudiants et procédé à la réouverture des écoles de quartier de Batiscan, de Jonquière et de Lefebvre.

Bon. Non satisfait, il procédait hier au lancement des États généraux de l’éducation. Je le sais, j’y étais !

La relance de tous les secteurs de l’activité économique, de l’habitation sociale, de la formation professionnelle ou de l’éducation ne peut à elle seule suffire à briser l’inacceptable situation d’un Québec cassé en deux, situation que déplorait le Conseil des affaires sociales et de la famille il a déjà trop longtemps.

Il s’agit, en bref, d’un Québec où une partie de la population profite de l’enrichissement de l’économie alors qu’une autre, malheureusement de plus en plus importante, est contrainte à l’inactivité et à la pauvreté.

Encore le 6 avril dernier, le Conseil national du bien-être social publiait son «Profil de la pauvreté» dans lequel il est établi que le Québec bat toutes les provinces canadiennes au malheureux championnat de la pauvreté. Qu’il s’agisse du taux de pauvreté des familles ou de celui des personnes seules, le Québec est inscrit en tête.

Cette cassure est tout sauf une société équitable. Nous entendons renverser la vapeur pour gagner le pari de l’équité.

Il y a déjà plus de 25 ans que le Québec s’est doté d’un système de santé et de services sociaux qui fait l’envie de nombreux pays. Les Québécois sont attachés aux protections qu’il assure. Ce système a favorisé une réduction significative des écarts entre les individus et entre les familles en matière de bien-être. Il est, à ce titre, l’expression d’une solidarité collective.
Vous le savez tous, la problématique des soins de santé et des services sociaux est fortement liée au contexte des finances publiques. Rien n’autorise toutefois à ce titre à remettre en cause les acquis et à refuser de trouver réponse aux nouveaux problèmes.

Nous nous y étions engagé et le ministre de la Santé et des Services sociaux répond présent: retrait définitif du ticket modérateur pour les traitements de chimiothérapie; désignation d’omnipraticiens supplémentaires pour répondre à la situation de crise en Abitibi-Témiscamingue; restructuration de l’enseignement et de la recherche en milieu hospitalier; élaboration d’un plan d’action sur la rationalisation du réseau et la gestion des ressources humaines.

De plus, dans le but d’accroître l’accessibilité des services de chirurgie, le ministre a mis en vigueur, il y a à peine trois semaines, un important plan visant à réduire de 50 % le délai d’attente pour une intervention chirurgicale. Bientôt, le gouvernement fera part d’un vaste mais combien nécessaire programme de création de places en centre d’hébergement pour personnes âgées.

Faire en sorte que de nos concitoyens puissent émerger de la trappe de la pauvreté, c’est quoi? C’est le ministre responsable de l’Habitation qui assortit le programme d’achat-rénovation de logements sociaux d’une allocation de logement pour des familles à très faible revenu, qui maintient à son niveau actuel, malgré les demandes d’Ottawa, l’échelle de loyer des logements sociaux, qui diminue l’âge d’admissibilité au programme Logirente de 58 à 57 ans.

C’est aussi la ministre de la Sécurité du revenu qui dépose à l’Assemblée nationale un projet de loi visant à établir un régime universel de perception automatique des pensions alimentaires, ou visant, pour dire les choses, à ce qu’un certain nombre de pères ne puissent refuser de prendre leurs responsabilités, ne puissent refuser de verser la pension à laquelle leurs enfants ont droit.

C’est aussi la ministre responsable de la Famille qui a déjà injecté plus de 16000000 $ au budget de l’Office des services de garde afin de maintenir et d’augmenter par la suite le salaire horaire des employés de garderies, depuis trop longtemps dénoncé. C’est cette même ministre, cette fois présidente du Conseil du trésor, qui signe une entente avec le Syndicat des fonctionnaires de la fonction publique afin d’établir l’équité salariale, d’apporter des redressements à des postes souvent occupés par des femmes.

Cette société solidaire que nous voulons ériger, des femmes et des hommes y travaillent déjà depuis longtemps. Ils ont fait de cet objectif leur labeur quotidien. On les retrouve dans le large éventail des organismes communautaires et charitables, qui trop souvent, beaucoup trop souvent, vivotent péniblement et doivent constamment quêter de petites sommes.

Certains ministres, trop impatients ma foi, n’ont pu attendre. Celui de la Santé et des Services sociaux a établi une accréditation et assuré un financement triennal pour les très nombreux organismes communautaires autonomes oeuvrant dans ces secteurs. Celui de l’Éducation a fait de même à l’égard des organismes d’éducation populaire et d’alphabétisation. II a même augmenté leur budget de 8600000 à 14000000 $.

Celui de la Culture et des Communications, enfin son tour…, a augmenté de 1200000 $ les subventions aux médias communautaires en majorant l’aide aux radios et en rétablissant celle destinée aux journaux et aux télévisions. Il a aussi, le même…, fait adopter une politique en vertu de laquelle 4 % des dépenses de publicité gouvernementale seront destinées à ces médias.

Tous trois n’ont ainsi rien fait d’autre que de… respecter les engagements électoraux du gouvernement.

Non, ils ont fait beaucoup plus. Ils ont reconnu que l’État ne peut plus prétendre détenir le monopole de l’offre des services publics. Ils ont reconnu concurremment que l’État doit soutenir le bénévolat, encourager l’initiative et permettre que des solutions aux problèmes émergent de là où on ne les attendait pas.

Le Québec sait aussi manifester une solidarité internationale, soucieux en cela de lutter contre la pauvreté et d’améliorer les conditions de vie dans les pays en voie de développement. Dans cette perspective, le ministre des Affaires internationales, de l’Immigration et des Communautés culturelles annonçait en octobre dernier la nomination du docteur Réjean Thomas à titre de conseiller spécial à l’action humanitaire internationale, responsable de coordonner l’action du Québec en faveur de l’aide humanitaire à l’étranger.

Et quoi encore? Ah oui, j’oubliais… Nous avons institué 18 Commissions régionales sur l’avenir politique du Québec, lesquelles ont permis à près de 55000 Québécoises et Québécois de participer à la définition du Québec dans lequel ils entendent vivre et se développer.

Les membres de mon gouvernement ont confiance dans la capacité des Québécoises et des Québécois à trouver des solutions originales à leurs problèmes. Ils ont aussi une telle foi dans leur ambition sereine qu’ils veulent leur rendre la plénitude de leurs choix et le contrôle sur leur avenir. Pour cela, au préalable, doit être rétabli le lien de confiance entre l’État et le citoyen. Après sept mois à peine de gouvernement, nous y sommes presque. Imaginez si nous avions tous les pouvoirs !

Merci

[QParizeau19950419]
Madame la présidente,
Messieurs les vice-présidents,
Mesdames messieurs les commissaires,
Chères Québécoises et chers Québécois
Trois mois et demi se sont écoulés depuis que nous donnions, ensemble, dans cette salle, le coup d’envoi aux travaux des Commissions sur l’avenir du Québec. Et on a peine à mesurer l’ampleur du travail réalisé dans l’intervalle.

Les centaines d’audiences, les milliers de mémoires, la participation de dizaines de milliers de participants témoignent de la richesse et de la qualité de notre vie démocratique.
Vous me permettrez d’abord, Madame la présidente, de remercier officiellement aujourd’hui tous les Québécois qui ont participé à cet exercice. Les individus et les groupes, de tous horizons, les souverainistes et les fédéralistes, qui ont répondu à l’appel.
Vous me permettrez ensuite d’exprimer ma reconnaissance envers les 288 commissaires qui, après avoir entendu tant de témoignages, participé à tant de réunions publiques, ont produit ensuite des rapports de grande qualité.
Car au bout du compte, la démocratie, c’est ça: la volonté individuelle de participer à l’effort collectif; l’addition des espoirs et des efforts; la conviction que la prise de parole a un sens; que d’audiences en réunions, de rapport régional en rapport synthèse, l’apport de chacun, si modeste soit [-] il, a un impact sur l’avenir collectif.
Le jour où il ne sera plus possible, au Québec, de réunir des citoyens pour discuter de leur avenir, la démocratie sera gravement malade. Or, à voir ce que vous avez réalisé ces derniers mois, il faut conclure au contraire que la volonté de participer, de façonner l’avenir, est plus forte que jamais.
Et je tiens donc à dire aux Québécois et à tous les commissaires ayant participé à l’exercice, que le Québec leur doit une fière chandelle. Le Québec leur doit d’avoir donné une nouvelle dose d’adrénaline à notre capacité de penser ensemble, et d’agir ensemble.
Encore faut [-] il que ce nouvel investissement des Québécois dans leur vie démocratique ne soit pas déçu. On se souvient tous de la dernière consultation populaire sur l’avenir du Québec: celle de Bélanger-Campeau. L’enthousiasme qu’elle avait suscité, le travail qu’elle avait engendré, et la conclusion à laquelle elle avait inexorablement abouti. Les commissaires, y compris les neuf signataires libéraux, y compris le premier ministre de l’époque avaient conclu, et je cite: « deux voies seulement s’offrent au Québec: d’une part, une nouvelle et ultime tentative de redéfinir son statut au sein du régime fédéral et, d’autre part, l’accession à la souveraineté. » Cette tentative ultime, vous le savez, ce fut l’entente de Charlottetown, mise en échec par une majorité de Québécois et par une majorité de Canadiens. Ayant en un sens prévu cette éventualité, le rapport Bélanger-Campeau ajoutait je cite toujours: « en cas d’échec d’une dernière tentative de renouvellement du fédéralisme, il ne reste plus qu’une seule voie, celle de la souveraineté ». Fin de la citation.

Vous vous souvenez aussi que près d’un million de Québécois avaient signé une pétition réclamant du gouvernement libéral qu’il tienne parole, qu’il respecte cet engagement. Sans succès. Au contraire, il fut incapable de livrer une réforme en profondeur du fédéralisme et n’avait jamais eu l’intention de proposer la souveraineté aux Québécois.

C’est très grave, en démocratie, de conduire ainsi une si vaste consultation populaire dans un cul-de-sac. C’est très grave, de démobiliser les citoyens, de les détourner de leurs institutions, de les inviter en fait à démissionner de la politique.
C’est pourquoi les 18 Commissions sur l’avenir du Québec constituaient un pari. Après l’expérience déçue de Bélanger-Campeau, les citoyens allaient [-] ils répondre « présent » ? La question était ouverte. Surtout que ceux là même qui avaient détourné la consultation précédente lançaient un mouvement de boycott de ces nouvelles commissions qui témoignait d’une continuité certaine dans leur mépris de la parole populaire.
Aux audiences des 18 Commissions, cette année, les Québécois, y compris des milliers de fédéralistes, ont opposé un double refus aux agents de la démobilisation et du boycott. Les Québécois sont venus, plus nombreux que jamais dans leur histoire, à l’exercice de participation que nous leur proposions. Plus de 53000. Ce que les Québécois sont venus nous dire c’est qu’ils tenaient, eux, au lien de confiance entre le citoyen et le gouvernement. Qu’ils ne seraient pas responsables, eux, de la rupture de ce lien.
Je vous disais il y a trois mois que « si nous voulons que les Québécoises et les Québécois fassent à nouveau confiance à leur gouvernement, il nous faut d’abord prouver que nous faisons confiance aux citoyens ».
C’est ce que nous avons fait, en remettant à des commissions composées en majorité de personnalités locales, indépendantes du pouvoir, la tâche de mettre notre avant-projet de loi sur la souveraineté au contact de la discussion publique.

Nous avons associé à cette démarche d’anciens cadres, députés et ministres du Parti libéral du Québec, du Parti conservateur du Canada, et d’anciens militants du Parti libéral du Canada qui ont en commun de rejeter, dorénavant, le statu quo. Nous avons aussi été heureux de nous entendre avec une autre formation politique qui cherche, à sa manière, une voie de sortie de l’impasse canadienne actuelle, l’Action démocratique de M. Mario Dumont. Nous avons surtout bénéficié de la participation active des députés du Bloc Québécois qui ont su conjuguer leur action parlementaire à leur participation aux commissions et qui, comme leur chef, M. Lucien Bouchard, ont le don d’enrichir nos débats et de leur donner parfois un certain piquant.
Ceux qui, ayant boudé puis boycotté les audiences, s’époumonnaient à qualifier cette consultation « d’exercice de propagande » sont restés sur leur faim lorsque, le mois dernier, les commissions régionales ont déposé des recommandations très pluralistes, très diverses, très fidèles à la parole entendue.
Plusieurs régions ont recommandé l’adoption de l’article un de l’avant-projet de loi, d’autres se sont abstenues. Certaines ont insisté lourdement sur la décentralisation, d’autres sur l’éducation. Les commissions des jeunes et des aînés ont reflété, chacune à leur manière, les espoirs et les préoccupations de leurs générations.
Nous n’avons pas été surpris, car nous savons que la démocratie n’est pas une science exacte. Qu’on ne peut pas prévoir, sur la foi d’un sondage ou d’un projet, ce qui ressortira au bout de la consultation populaire. C’est pourquoi nous avons été surpris et ravis d’entendre les commissions nous dire avec force
Qu’il fallait donner un contenu plus vigoureux à la souveraineté. Qu’il fallait mieux esquisser comment le Québec souverain serait plus humain, plus solidaire, plus efficace, plus moderne. Ce qu’elles ont appelé, le projet de société.

Nous avons entendu, aussi, en région, chez les jeunes et chez les aînés, un appel pressant en faveur d’une charte des droits, bien sûr, mais aussi des responsabilités. Il y a au Québec un refus du laisser-aller, un refus de l’irresponsabilité, qui dénote à la fois lucidité et maturité.
Bref, nous avons mis notre projet entre les mains des Québécois. Nous leur avons fait confiance. Nous voulions qu’ils l’améliorent et le transforment et, qu’en ce faisant, ils se l’approprient. Ils l’ont fait.
Et maintenant les Québécois veulent en retour que nous soyons à la hauteur de la confiance qu’ils mettent en nous. Car le test du succès de cet exercice réside dans notre volonté, au gouvernement, chez les souverainistes et ceux qui refusent le statu quo, d’intégrer dans notre démarche et dans notre projet les recommandations populaires issues des Commissions.
Madame la présidente, votre rapport est imposant et il mérite réflexion. Je n’entends pas, aujourd’hui, y réagir de façon détaillée. Je le ferai lorsque j’aurai eu l’occasion, avec mes collègues et les autres membres de la famille souverainiste, d’en peser toutes les conséquences.

Vous nous ouvrez cependant des pistes sur lesquelles nous sommes fort tentés de vous suivre. Qu’il s’agisse du projet de société, dont j’ai parlé tout à l’heure, de la décentralisation, qui nous tient à coeur, et de cette idée des droits et des responsabilités. Vous nous faites des recommandations sur le processus qui doit conduire à l’élaboration d’une constitution d’un Québec souverain. Nous allons les étudier sérieusement.

Votre proposition d’une grande réflexion qu’il faudrait lancer dès la première année d’un Québec souverain au sujet du français et de l’intégration des immigrants me semble pleine de bon sens. Et vous nous rappelez, très justement, que la bataille du français sur l’île de Montréal est loin d’être gagnée. Que la souveraineté, donc, nous donnera des outils pour mieux assurer que Montréal soit une ville où la langue d’usage de la majorité de la population, reste le français.
Sur la question centrale qui nous préoccupe tous, celui de notre avenir collectif, vous notez que le Québec est, dans le Canada, « un peuple piégé sur le plan constitutionnel et politique ». Vous avez étudié les diverses propositions de sortie de ce piège, et vous en concluez que « la souveraineté est la seule option apte à répondre aux aspirations collectives des Québécoises et des Québécois ». Je n’ai pas à vous dire que nous nous rejoignons sur ce point. Et les Québécois ont beau chercher d’autres moyens d’affirmer leur autonomie, leur dignité, de proclamer leur condition de peuple, leur existence en tant que nation; le fait est que le cadre canadien, le piège, comme vous l’appelez, le leur interdit.

La souveraineté est donc le seul outil à notre disposition pour exister en tant que peuple, pour consolider la place du français dans notre société, pour sortir de notre condition de minorité au Canada, pour canaliser à bon escient les énergies aujourd’hui gaspillées dans des querelles interminables et stériles. C’est la seule façon aussi d’éviter à nos enfants et à nos petits enfants de vivre, encore et encore, ce débat qui nous anime, mais qui parfois nous épuise un peu. Le Québec a besoin d’un nouveau départ, pas d’un éternel recommencement. Et puisqu’une majorité de Québécois pensent que la souveraineté du Québec est inéluctable, n’est [-] il pas de notre responsabilité collective de sortir, maintenant, du piège tissé au cours des dernières décennies?
Dans vos recommandations, vous nous parlez aussi des rapports que devrait entretenir le Québec souverain avec son voisin le Canada. C’est un sujet qui préoccupe beaucoup les Québécois, comme vos audiences l’ont démontré. Vous me semblez faire une heureuse distinction entre trois paliers distincts d’association. Vous nous dites d’abord que les Québécois doivent prendre conscience de l’extraordinaire rapport de force qu’ils détiennent et qui fera en sorte que, quoiqu’il arrive, l’association économique s’imposera d’elle-même au lendemain de la souveraineté.

Vous nous relayez ensuite le désir des Québécois de mieux définir quelles propositions d’institutions communes le Québec pourrait faire au Canada afin de mieux encadrer, gérer, approfondir au besoin, cette incontournable association. Vous faites bien ressortir que, pour devenir réalité, ces propositions d’institutions communes devront obtenir l’aval de nos partenaires canadiens, et que c’est là une variable qui nous échappe. Cependant, elle ne doit pas nous empêcher de tendre la main, de bonne foi et de façon constructive.
Vous soulignez finalement que la souveraineté du Québec n’est pas le point d’arrivée du partenariat entre nos deux sociétés, mais un nouveau départ. Et vous nous demandez d’indiquer clairement que l’accession à la souveraineté n’exclut pas des formes d’union politique, mutuellement avantageuses, entre le Québec et le Canada.

Je vous le dit franchement: le rapport de la Commission nationale nous donne un fier coup de main en établissant cette gradation entre l’association incontournable, l’association souhaitable et l’association envisageable. À première vue, il me semble que cette approche offre un terrain d’entente commun à plusieurs des forces du camp du changement au Québec.
Pour ma part, j’y retrouve mes convictions et mon combat. Il me semble aussi y entendre des échos de propositions faites il y a peu par M. Lucien Bouchard. J’y sens aussi une ouverture sur les visions avancées par M. Mario Dumont et M. Jean Allaire et celles d’autres membres de la société québécoise des penseurs, des anciens élus, des plumes insistantes. Et si nous retrouvons tout cela dans votre texte, c’est sans doute parce que ces approches étaient présentes dans le peuple québécois Que vous avez écouté pendant ce qu’on a appelé « l’hiver de la parole ».
Maintenant, au printemps de cette année décisive, vous nous rendez la parole des Québécois sous une forme qui peut nous rassembler, et nous faire avancer.

Vous nous donnez le contour de ce qu’il nous faudra écrire, dans notre projet de loi transformé. Vous avez cependant pris soin de ne pas mettre en forme légale les propositions que vous faites. Il incombe maintenant aux responsables politiques d’en définir plus précisément l’articulation politique et légale.

J’entends réunir des instances de mon gouvernement et de mon parti pour que nous examinions ensemble les axes que vous nous proposez. Nous écouterons aussi avec attention quelles réactions vos propositions suscitent chez nos partenaires et chez tous les agents du changement.
Nous avons entamé ce processus dans un esprit d’ouverture et de rassemblement. Ce n’est pas maintenant, à cette étape finale, que nous allons changer d’attitude, au contraire.
Vous pouvez être assurés d’une chose, madame la présidente, mesdames et messieurs les commissaires, chères Québécoises et chers Québécois: ce rapport que vous me remettez aujourd’hui ne restera pas lettre morte. Nous avons fait confiance aux Québécois en leur redonnant la parole. En retour, les Québécois peuvent nous faire confiance: ils seront écoutés.

Je vous remercie.

[QParizeau19950518]

Mes chers amis,

Je suis très heureux d’être parmi vous aujourd’hui et je voudrais prendre quelques instants, en commençant, pour souligner un événement qui nous attriste tous: le décès de Madame Marie Pinsonneau1t. Elle fut, comme vous le savez, une grande militante, responsable de la syndicalisation dans un de vos secteurs, celui de la téléphonie. Elle fut la première femme vice-présidente de la FTQ et à ce titre elle a participé à faire avancer une cause qui nous préoccupe tous, celle de l’accès des Québécoises à l’égalité. Je vous prie d’accepter, en mon nom et en celui de mon gouvernement, mes plus sincères condoléances.

Vous m’avez invité aujourd’hui pour vous parler d’un grand projet: la souveraineté.
C’est un projet qui revêt maintenant un caractère d’urgence. À mesure que les mois et les années passent, le statu quo canadien se referme sur le Québec et le choix qui nous est présenté est de plus en plus net.

Dans un cas on peut choisir de rester dans le Canada. Ça signifierait qu’on accepte d’être considéré comme de simples individus, dont un certain nombre parlent le français, dans une province comme les autres. Ça signifierait qu’on accepte d’être à jamais une minorité, qui n’a pas plus droit au chapitre qu’une autre. Ça signifierait qu’on accepte que les grandes décisions soient prises par d’autres, parfois sans nous consulter, souvent en passant outre à nos souhaits et nos intérêts. Ça signifierait accepter la grande homogénéisation canadienne qui se produit depuis 1982.
La notion de dualité canadienne, dualité entre francophones et anglophones, est en train de disparaître. Ottawa affirme maintenant qu’il n’y a qu’une seule culture au Canada, qu’une seule histoire, qu’une seule identité. Et puisqu’il n’y a qu’une seule nation, Ottawa veut multiplier les « normes nationales », comme il vient de le faire dans’ un projet de loi sur les services sociaux, le projet C-76. Dans le domaine du commerce interprovincial, Ottawa veut se donner un pouvoir sans précédent pour pénal 1ser les provinces, dans ce que j’appelle la loi des « mesures de guerre » en matière commerciales, la loi C-88. Je vous en cite un morceau choisi: le gouvernement fédéral peut .par décret », prendre « toute mesure qu’il estime nécessaire ». Vous conviendrez que c’est assez large ! On ne fait pas dans la nuance.
Un de mes prédécesseurs appelait ça du « fédéralisme dominateur ». On va se battre contre cette loi là et je suis certain qu’on va gagner. Mais ce qui est révélateur c’est l’esprit: la machine fédérale produit constamment des textes et des politiques qui prennent pour acquis que les provinces sont des exécutants sans importance, qui ne savent pas ce qu’elles font, qu’il faut prendre par 1a main, et corriger de temps à autre. Les provinces qui se reconnaissent dans le gouvernement d’Ottawa peuvent trouver ça très bien. Mais c’est plutôt rare en ce qui nous concerne.
En fait, la capacité du Québec de jouer pleinement son rôle dans des industries d’avenir est sérieusement limitée par le régime fédéral. Plusieurs d’entre vous oeuvrez dans le secteur des communications, alors je vais utiliser cet exemple pour illustrer mon propos.
Vous le savez, le Québec est un des pôles canadiens, nord-américains, et même mondiaux de la téléphonie et des té1éconrnunications. Nous avons développé ici une compétence tant au niveau de la création que de la fabrication et de l’exportation.

Les industries de la communication sont une porte sur l’avenir: l’avenir de l’emploi, bien sûr. L’avenir de la création sous toutes ses formes, aussi. C’est aussi celle de l’avenir de la culture.
Je n’ai pas besoin de vous dire que nous avons aussi développé au Québec une culture francophone d’Amérique, originale et remarquablement florissante. Le mariage de ces deux talents: la communication et la culture québécoise, devrait nous permettre de faire des pas de géants.
Mais c’est interdit. Oui, c’est interdit. La Cour suprême du Canada a décidé l’an dernier que le Québec n’avait pas un mot à dire en télécommunications. Pas un. Et le ministre du patrimoine, M. Michel Dupuy, a déclaré qu’en matière de télécommunications, le Québec serait consulté au même titre que les églises et les municipalités.
Récemment, le gouvernement canadien est allé à Bruxelles dans une grande réunion du G-7 sur l’autoroute de l’information. Il a invité 18 compagnies canadiennes de pointe sur le secteur. Huit de ces compagnies étaient québécoises. C’est pas mal. On est le quart de la population, mais on représente la moitié de l’excellence en télécommunications. Mais Ottawa a même refusé que le Québec ait un observateur à la rencontre.

Alors moi, en tant que ministre de la culture et des communications, je peux vous dire que je ne resterai pas les bras croisés. Le Québec sera un carrefour important de l’autoroute de l’information. C’est vital pour notre avenir technologique et culturel.
Mais je vous avoue que sans la souveraineté, le Québec est forcé de se battre avec une main dans le dos, et un boulet aux pieds. Et ce serait vrai même si le ministre fédéral n’était pas Michel Dupuy. Vous noterez avec moi que le nouveau président de Radio-Canada, l’ancien ministre conservateur Perrin Beatty, est un des plus grands défenseurs du pancanadianisme qu’on n’ait jamais connu. Quand il était ministre de la culture, il était tellement insensible aux revendications québécoises qu’il donnait de l’urticaire à Liza Fru11a.
Alors moi j’ai très peur pour l’autonomie de Radio-Canada par rapport à la CBC. Les décisions qui sont prises à Ottawa et à Toronto en ce qui concerne la production de Radio-Canada vont être prises en fonction d’une vision nationale qui nie l’existence d’une culture et d’un peuple québécois.
Il faudra être très vigilants.
Je vous parle du danger que pose le Canada aux communications et à la culture, mais c’est vrai pour presque tous les secteurs. Nous avons la chance d’avoir développé entre nous Québécois une capacité de forger rapidement des consensus, et de prendre au bon moment les virages qui se présentent. C’est l’atout d’une société de taille moyenne, éduquée et solidaire. Cependant il arrive de plus en plus souvent que le Québec ne puisse passer aux actes, ne puisse traduire son consensus en décision, parce que les leviers nous échappent. Parce qu’il nous faut attendre qu’un consensus pancanadien se développe sur la question à l’ordre du jour, avec des populations qui ont d’autres priorités, d’autres façons d’aborder les problèmes ou de concevoir les solutions.

Je ne dis pas que les solutions des Québécois sont meilleures ou pires que celles de nos voisins. Je dis cependant que l’agilité que nous pourrions mettre au service des Québécois est constamment gaspillée dans des débats incessants et stériles de répartition de compétence avec le Canada. Je dis que notre volonté d’agir vite et bien est souvent perdue dans l’immobilisme et la lourdeur d’un cadre politique qui nous dessert. C’est notamment vrai en matière de main d’oeuvre, où nous avons ici des consensus depuis plusieurs années, mais des consensus qu’Ottawa refuse de reconnaître.
Rester dans le Canada dans ces conditions, c’est accepter que le Québec, comme communauté nationale, comme peuple, meure à petit feu. C’est grave ce que je vous dis et pourtant c’est vrai.

Bien sûr, je suis certain que si le Québec restait au sein du Canada on assisterait encore à de grandes réussites individuelles de Québécois. Et on continuerait sans doute à fournir au Canada, comme on le fait depuis un siècle, certains de leurs meilleurs politiciens. Et, je ne peux résister
à la tentation de le dire, certain de leur pires.
Mais le Québec, c’est plus que des réalisations individuelles. C’est une volonté de réaliser des choses en tant que peuple. C’est un vouloir-vivre collectif, une identité que l’on construit ensemble, et qui nous porte tous. Le Canada nous a dit, au moment de la nuit des longs couteaux en 1981, au moment de Meech et au moment de Charlottetown, que jamais cette identité collective ne nous serait reconnue dans la fédération. Que si nous étions différents des autres canadiens, il ne fallait en aucun cas que cette différence soit inscrite dans les lois, et il ne fallait surtout pas qu’elle ait des conséquences en termes d’autonomie pour les Québécois.

Comprenez [-] moi bien: les Canadiens aiment le Québec, oui. Mais comme une carte postale. Ils nous disent: sois beau et tait toi. Et l’invitation que nous lance le Canada anglais aujourd’hui, c’est une invitation à la folklorisation. Accepter cette invitation serait terrible. À l’heure où le Québec est plus que jamais présent au monde, par ses exportations, ses ingénieurs, ses films, son cirque, ses avions, ses wagons de métro, ses athlètes, alors qu’il est prêt à déployer ses ailes et à devenir un membre de la famille des nations, les Québécois accepteraient de renoncer à leur pleine capacité d’initiative, et se contenteraient de jouer les seconds rôles. Je ne peux imaginer la quantité d’énergie qui serait sapée par une telle décision.
Vous savez, nos opposants parlent parfois des gens qui quitteraient le Québec en cas de souveraineté. Moi je me préoccupe du signal d’échec collectif, de renoncement et de démission que nous lancerions à nos jeunes et à tous les Québécois si on devait dire cette année qu’on abandonne les combats des Jean Lesage, de Daniel Johnson père et de René Lévesque.

Dans deux jours, nous serons le 20 mai. C’est un anniversaire important. Il y a quinze ans ce jour là, les Québécois étaient appelés à se prononcer sur 1eur avenir. Beaucoup d’entre vous étiez au rendez-vous, et moi aussi. Mais nous n’étions pas tout à fait assez nombreux. Et ce soir là, rappelez-vous, René Lévesque nous avait dit: À la prochaine fois ».

« La prochaine fois », mes amis, c’est maintenant. Cet automne, les Québécois seront invités une nouvelle fois à prendre en main leur destin. Et je puis vous dire avec une grande sérénité que cette fois-ci, ils seront -nous serons suffisamment nombreux au rendez-vous.

La victoire nous appelle, et nous sommes en train de nous y rendre. J’aimerais partager avec vous quelques-unes des raisons de mon optimisme. D’abord, il faut prendre un peu de recul, et constater combien la situation a complètement changé depuis 15 ans.
Jamais, de son vivant, René Lévesque n’a connu les niveaux d’appui à la souveraineté que nous connaissons aujourd’hui chez les Québécois. Les deux derniers sondages publies nous ont donné plus de 50%.

Jamais, de son vivant, René Lévesque n’a pu compter sur le soutien d’un parti souverainiste à Ottawa. Jamais il n’aurait rêvé qu’un souverainiste soit leader de l’opposition en Chambre et que, sur le terrain, 53 députés fédéraux fédéralistes soient remplacés par 53 députés fédéraux souverainistes.

Surtout jamais, de son vivant, René Lévesque n’a pu constater le verrouillage complet, répété et assumé du système fédéral canadien, comme nous pouvons le faire aujourd’hui.
Cette donnée est essentielle: en 1980, les fédéralistes se permettaient encore de promettre quelque chose. Le Parti libéral québécois promettait de renforcer la dualité du Canada. Ils avaient produit un long document très sérieux à ce sujet, appelé le livre beige. Daniel Johnson faisait alors le tour du Québec en promettant qu’un vote pour le Non, ce serait un vote pour la reconnaissance de deux nations au Canada. Il était sincère: deux nations.

Aujourd’hui, M. Johnson est incapable de faire produire par son parti le moindre document crédible. Lorsqu’il en laisse tomber un, comme il y a deux semaines, il l’enterre immédiatement, tellement il n’est pas montrable.
M. Johnson ne le dit pas trop fort ces temps-ci, mais on sait qu’il se décrit toujours comme un « nationaliste québécois », qu’il trouve inacceptable la constitution de 1982, indéfendable les intrusions fédérales dans les affaires québécoises et détestable le pouvoir de dépenser d’Ottawa.

Pourtant, cette année, M. Johnson a fait des visites dans les capitales canadiennes, et nulle part il n’a demandé de faire reconnaître les deux nations. Nulle part il n’a même demandé de reconnaître la société distincte.
M. Johnson a maintenant des revendications tellement modestes qu’il refuse même de les mettre sur papier. Il préfère en dégager l’esprit. Comme à Toronto, devant les membres du Canadian Club, où il a déclaré qu’un vote pour le Non allait générer, et je cite, « une bonne dose de pensée positive ».

Je savais que l’ésotérisme faisait des progrès au Québec, mais je constate qu’il tient maintenant lieu de programme constitutionnel aux libéraux.

Le vrai chef du camp du Non, le premier ministre Jean Chrétien, ne fait pas dans le détail. La semaine dernière à Montréal, il a donné son programme pour le Canada de l’après Non. Il faudra, a [-t-] il dit, « tourner la page » et « mettre, enfin, toutes nos énergies au service d’une cause commune: bâtir la belle province de Québec et notre pays, le Canada. »
« La belle province de Québec ! « , c’est pas beau ça ! Ça a des odeurs d’années 50, vous ne trouvez pas? Voter non, c’est acheter un billet pour le passé, pour le grand retour du paternalisme.

La nouvelle vedette du camp du Non, Lucienne Robillard, a eu aussi des choses importantes à dire, lundi dernier, à Montréal. Cette ancienne libérale québécoise, ex-signataire du Rapport A1laire, a vécu une grande transformation dans sa vision du pays. Sans rire, elle a décrit le Canada comme, et je cite: « une association souple et dynamique de provinces et de territoires, tous différents les uns des autres, mais unis pour mieux prospérer. »
C’est une déclaration qui vaut son pesant d’or. Donc, le Canada n’est pas formé de deux nations, de deux peuples ou de deux sociétés distinctes ou même de deux cultures. Pour le nouveau fédéralisme de Mme Robil1ard, il est formé de dix provinces, toutes différentes. En fait, elle met sur le même pied les Territoires du Nord Ouest et le Québec. Euh, pardon, je veux dire « la belle province de Québec ».

Ce que les leaders du Non sont en train de faire, c’est de renoncer totalement à l’espoir de rendre le Québec plus autonome au sein du Canada. De renoncer complètement à réparer l’outrage commis en 1982, quand le Canada a modifié, contre la volonté du Québec, sa loi fondamentale. De renoncer complètement à ce que le Québec soit autre chose qu’une « belle province ». C’est pourquoi le combat référendaire de l’automne se présente de façon complètement différente de celui de mai 1980. Car les Québécois ne sont pas des provinciaux. Ils veulent se prendre en mains. Ils veulent être maîtres chez eux. Les Québécois n’ont pas renoncé, eux, au combat pour leur identité.
Mon optimisme face au rendez-vous de cet automne n’est pas seulement fondé sur la mollesse et la déroute de nos adversaires. Il est fondé aussi sur une convergence nouvelle entre beaucoup de Québécois qui rejettent le statu quo: je veux parler, au delà du Parti québécois et du Bloc québécois, des groupes réunis au sein des Partenaires pour la souveraineté: mouvements syndicaux, groupes populaires, organisations étudiantes, écrivains et artistes.

C’est une conjonction bien plus vivante et bien plus large que celle dont nous pouvions disposer en 1980. Je veux parler aussi des individus éminents, de plusieurs milieux, qui ont adhéré au Conseil de la souveraineté dirigé par M. Yves Duhaime. Des gens qui ont le courage de leurs convictions et qui mettent leur crédibilité au service d’une cause qui leur est chère.
J’observe aussi que d’anciens élus libéraux, comme Guy Bélanger, et d’anciens ministres conservateurs, comme Marcel Masse et Monique Vézina, ont ouvertement pris parti, ces derniers mois, pour la souveraineté.

Ces derniers ont pris part au grand exercice démocratique que nous avons engagé en décembre et dont nous sommes en train de tirer des conclusions. Vous le savez, nous avons entrepris de faire en sorte que la souveraineté ne soit pas l’affaire d’un parti ou d’un gouvernement, mais la grande affaire de tout un peuple.
C’est pourquoi nous avons soumis à la discussion populaire notre projet de souveraineté, incarné dans l’avant-projet de loi. Plus de 53000 personnes ont répondu à l’appel, et sont venues nous donner des conseils, ont proposé des changements, des améliorations. Les 16 commissions régionales, celle des jeunes et des aînés ont soumis leur rapport, puis la commission nationale en a fait une synthèse brillante et fructueuse.

Nos adversaires, ces grands démocrates qui pratiquent le boycott comme si c’était leur sport national, nous implorent de ne pas tenir compte des recommandations des commissions, et de ne rien changer à notre projet. Ils tremblent à l’idée que nous puissions faire une jonction saine et solide avec les espoirs d’une majorité de Québécois. Ils nous voudraient cassant et dogmatiques. Il s sont mal tombés car l’objectif de toute cette démarche était justement de tenir compte des voeux des Québécois et d’améliorer le projet qu’on leur soumettra.
Nous travaillons en ce moment sur plusieurs des recommandations issues des commissions. Les Québécois, vous le savez, nous ont demandé de leur donner des réponses à un certain nombre de questions qu’ils se posent sur la souveraineté. M. le Hir a publié cette semaine une troisième étude sur les conséquences de la souveraineté et il est loin d’avoir terminé. Nous travaillons sur d’autres moyens de répondre aux interrogations des citoyens.
Les Québécois nous ont demandé aussi de mieux définir en quoi les choses seraient différentes dans un Québec souverain. Ils ont passé une grosse commande: celle d’un projet de société ou du moins d’une esquisse de ce que sera le Québec de demain. Nous y réfléchissons.

Ils nous ont suggéré bon nombre de modifications aux articles de l’avant-projet de loi, dont certains ajouts importants. Lorsque nous déposerons le projet de loi sur la souveraineté à l’Assemblée nationale à la rentrée d’automne, les Québécois pourront constater que leurs avis ont été entendus et respectés.
Une des grandes préoccupations des Québécois a porté sur le type d’association qu’un Québec souverain pourrait développer avec le Canada. Vous le savez, la Commission nationale sur l’avenir du Québec a constaté comme nous que le maintien de l’espace économique canadien actuel est incontournable, qu’il s’imposera de lui-même, à cause de l’importance des échanges entre nous. Songez qu’à chaque quinze minutes, le Québec achète pour un million de dollars de produits canadiens.

La commission nous a cependant dit aussi de mieux définir comment un Québec souverain instituerait cette association économique et d’indiquer, dans le projet de loi, quelles formules nous pourrions proposer. Je peux vous dire tout de suite que nous allons proposer la constitution d’un tribunal conjoint de règlement des conflits commerciaux. La mise en place de ce genre de tribunal est plus avancée entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, qu’entre les provinces canadiennes.
La commission nationale nous a demandé aussi d’envisager d’autres formes de partenariat, plus politiques avec notre futur voisin canadien. On peut songer à une proposition d’instance commune de gestion des éléments de l’association, une instance qui regrouperait des résponsab1es politiques du Québec et du Canada. Actuellement, il n’y a pas moins de 802 instances fédérales-provinciales au Canada. 802 ! Je pense qu’un Québec souverain se libérerait avantageusement de cet incroyable magma bureaucratique en instituant à la place des réunions régulières de ministres du Québec et du Canada, chargés de gérer des matières que nous aurons, souverainement, décidé de mettre en commun.

Certains parlent de l’exemple européen, d’autres envisagent plus simplement la création d’un forum entre députés québécois et députés canadiens, qui échangeraient sur des questions d’intérêt commun. Nous prenons le temps d’examiner ces hypothèses et d’en élaborer.
Ce que les Québécois et les Commissions nous ont dit, à travers ces formules, c’est qu’un Québec souverain ne doit pas claquer la porte derrière lui. Qu’il doit au contraire préparer le meilleur voisinage possible avec le Canada pour les années à venir. Les Québécois savent bien, et jamais nous ne prétendrons le contraire, que ces institutions communes ne pourront exister si le Canada s’y refuse. Je l’ai dit et je le répète: c’est une variable qui nous échappe.
Nous sommes également tous d’accord pour dire que la souveraineté se fera avec ou sans l’existence de ces organismes communs. Mais les Québécois nous ont dit que nous ne devions pas être passifs dans cette architecture de l’après souveraineté. Qu’il nous incombait, en un sens, de faire un pas de plus, et de montrer que, pour ce qui nous concerne, nous ne ferons preuve ni de rancune, ni d’esprit revanchard. Les Québécois veulent une souveraineté à leur image: ouverte, hospitalière, amicale.
Sur cette question, les Commissions ont été bénéfiques à d’autres acteurs de la vie politique québécoise. Je constate notamment une évolution intéressante des positions de l’Action démocratique de M. Mario Dumont. Il admet depuis quelques semaines que la souveraineté du Québec est un ingrédient essentiel, sans lequel aucun changement n’est possible. Les institutions qu’il propose pour ce qu’il appelle une future union politique » entre le Québec souverain et le Canada me semblent exagérément lourdes. Mais je dois noter que nous sommes sur des voies convergentes qui, je l’espère, pourront éventuellement conduire à une campagne commune.
Une chose est certaine: à l’automne, les Québécois voudront dire Ouià un projet qui leur ressemble. Et il leur ressemblera puisque c’est avec leurs voeux que nous l’aurons adapté.
Ce projet comportera l’accession du Québec à la souveraineté: toutes les lois, tous les impôts, tous les traités. Il comportera aussi l’offre que le Québec fera au Canada pour la création d’institutions conjointes de gestion de notre association.
La question, courte et claire, qui sera posée aux Québécois incarnera ces deux éléments: la souveraineté comme un aboutissement certain, et le partenariat comme une main tendue.

Et, pour une fois, résolus et responsables, souverains et amicaux, les Québécois pourront, enfin, se dire Oui.

[QParizeau19950529]

Monsieur le président, Monsieur le maire,

C’est bizarre, j’ai eu l’impression ces derniers jours que vous vouliez m’entendre dire une chose: j’aime Montréal ».
Je dis « c’est bizarre », parce que pour moi, ça va sans dire. En un sens j’ai grandi avec Montréal et j’ai passé une bonne partie de ma vie professionnelle à faire des choses qui contribuent à son développement, de la Caisse de dépôt jusqu’aux REA.
Mais ces dernières années, il faut bien le dire, nous, les Montréa1ais, avons encaissé une récession corrosive pour l’emploi et pour le tissu social de la métropole. En quatre ans, de 1988 à 1992, l’île de Montréal a perdu 90000 emplois et l’investissement a chuté de 33%. Vous le savez comme moi, c’est dévastateur.

J’étais dans l’opposition pendant cette période et je rageais de voir que le gouvernement n’avait rien prévu pour compenser au moins partiellement ce ralentissement économique par le lancement de travaux par ailleurs essentiels. Ça ne se reproduira pas. Mon gouvernement s’affaire à constituer une banque de projets. Lorsque la prochaine phase de ralentissement économique sera aux portes de Montréal, nous disposerons en quelque sorte d’un filet de sûreté.
Mais entre temps, nous avons toute une côte à remonter. Même si la récession est terminée, ça ne va pas bien, dans la Métropole. Ça ne va pas bien, mais au moins ça va un peu mieux. On assiste sur le territoire de la CUM à la plus forte poussée d’emploi depuis 1987. Vous me direz: la barre n’était pas haute. C’est vrai. Notons quand même qu’au dernier semestre de 1994, il Y avait 20000 emplois de plus que l’année précédente. Et il faut se réjouir du fait que les premiers mois de 1995 confirment cette tendance.
L’emploi va mieux, les entreprises aussi, dont les profits ont grimpé de 70% au cours du dernier semestre de 1994 ce qui relance, enfin, les investissements. Le tourisme est en nette croissance. Depuis septembre dernier, une vingtaine d’entreprises étrangères se sont implantées à Montréal, dont Kehpri, Sura1, Raychem, Micro Craft, et Tosaf Compounds, pour n’en nommer que quelques unes.
Je cite ces exemples pour dire qu’il y a comme un décalage entre la réalité de l’économie montréalaise, qui se remet en marche et le climat de l’économie montréalaise qui souffre d’un genre de sinistrose peut-être compréhensible mais qui n’est pas de nature à entretenir la petite flamme de la relance.

Moi je la trouve précieuse, cette petite flamme, et je vais m’employer à ce qu’elle se propage. Ce léger mieux doit nous permettre de faire beaucoup mieux.
Quel est le rôle du gouvernement du Québec face à la relance de la métropole? Il est double: général et particulier. Vous le savez, 45% de la population du Québec réside dans un rayon de 45 km du coin Peel et Ste-Catherine. Alors c’est bien simple: si nous ne réussissons pas à faire redécoller l’économie de Montréal, nous ne réussirons pas à faire redécoller l’économie du Québec. C’est une tautologie.
Donc tout ce qu’on fait, pour créer une véritable culture de la formation de la main-d’oeuvre, pour lutter contre le décrochage en revalorisant l’apprentissage professionnel à l’école, doit aider Montréal. Nos programmes de relance de la construction résidentielle, d’aide à l’achat d’un premier logement, doivent aider Montréal, de même que la vigueur nouvelle que nous mettons dans la construction de logements sociaux. C’est ici qu’on trouve la plus grande concentration de pauvreté au Québec. Notre effort pour les groupes communautaires, plus important que celui de tous les gouvernements précédents, aura son impact le plus grand ici. C’est vrai aussi de la perception automatique des pensions alimentaires, qui permettra à des dizaines de milliers de familles monoparentales de la métropole de vivre dans la dignité.

Pour l’emploi, le programme de démarrage de petites entreprises, le Plan Paillé, qui est le meilleur programme de création d’emploi toutes catégories, a créé sur l’î1e de Montréal 1 175 entreprises, généré plus de 100000000 d’investissement et procurera de l’emploi à 7 300 montréalaises et montréalais. 7000, pour un seul programme, c’est pas mal.
Je pourrais continuer cette liste: nous avions pris 125 engagements électoraux pour l’ensemble du Québec et, après huit mois, nous en avons déjà réalisé la moitié.
Laissez [-] moi donner un seul autre exemple: la principale campagne publicitaire ponctuelle du gouvernement du Québec actuellement, c’est la campagne de rapprochement interculturel. Vous avez vu: « les yeux en amande, le coeur québécois »… Est [-] ce que la population de Montréal se sent particulièrement concernée par cette campagne? J’espère bien !
Il y a ensuite les initiatives que nous concevons pour qu’elles s’adaptent à chaque coin du Québec.

On a par exemple un peu de mal à estimer le nombre d’emplois qui seront générés par l’ensemble des investissements du ministère des transports dans la région métropolitaine d’ici deux ans: près de 1000000000 $.
Vous savez aussi que M. Chevrette est en train de négocier un nouveau pacte fiscal avec les municipalités du Québec, pour enfin se sortir du guêpier de la réforme Ryan, qui a plongé Montréal dans une crise fiscale sans précédent.

Or, il se trouve que la situation que vit Montréal, sa problématique de ville centre face à 1a couronne, constitue, de loin, l’équation la plus difficile et la plus importante au Québec, en matière de fisca1ité municipale. C’est celle qu’il nous faut résoudre, C’est la clé de tout le reste. M. Chevrette oriente donc toute la discussion du pacte fisca1 autour de ce concept éminemment montréalais.
En attendant ce nouveau pacte, il faut constater que nulle part la réforme Ryan ne fut plus néfaste qu’à Montréal. C’est pourquoi nous avons dégagé pour Montréal 50000000 $ cette année. Nous ne l’avons fait pour aucune autre ville.
Tout cela étant dit, la région métropolitaine de Montréal est à plusieurs égards inclassable. la concentration de sa population, la richesse de ses champs d’intérêt, la multiplicité de ses structures et de ses élus, la complexité des rapports entre eux, l’histoire de la métropole et sa vocation, ou plutôt ses vocations, la mette dans une classe à part. la métropole n’est ni une ville, ni une région québécoise comme les autres.

Vous le savez, ce n’est pas le gouvernement du Québec qui s’oppose aux concepts de statut particulier ou de société distincte. Je pense qu’à plusieurs égards nous devons concrétiser, ensemble, la spécificité montréalaise. Et ce doit être vrai aussi dans l’organisation du pouvoir public, dans le traitement accordé à Montréal par le gouvernement québécois.
La situation du transport en commun doit nous servir d’exemple. Depuis 1992, vous, de la Chambre de Commerce, réclamez avec raison la création d’un organisme régional de transport doté d’un cadre institutionnel et financier taillé sur mesure pour la métropole. Un organisme apte à assurer un financement stable et à long terme, grâce à des sources de financement spécifiques perçues dans la région.

Nous allons créer cet instrument au cours des mois qui viennent. Notre premier choix, toujours, serait d’entériner une formule venant des élus de la région métropolitaine. Si une telle formule voyait le jour, ces élus devraient non seulement recevoir le fruit de certains leviers fiscaux spécifiques, comme c’est le cas actuellement pour l’immatriculation, mais être en mesure d’en faire varier le niveau. Ce pas n’a Jamais été franchi jusqu’à maintenant. Nous ne craindrions pas de le franchir.
L’absence actuelle d’une entente entre les élus ne doit cependant pas priver les citoyens de la métropole d’un organisme de coordination des transports. D’ici peu, le ministre des Transports, M. Jacques léonard, déposera à l’Assemblée nationale un projet de loi créant une Agence de transport, dont le conseil d’administration sera formé de représentants de la région.

Cet te notion d’autonomie, en certains cas de la métropole, en d’autres cas de la ville de Montréal, doit s’étendre à d’autres secteurs. Par exemple, la Société d’habitation du Québec fera parvenir à la Ville de Montréal, d’ici un mois, un projet d’entente désignant la Ville comme mandataire de la SHQ sur son territoire, pour le programme achat rénovation.
En matière économique, la métropole est à nulle autre pareille et mon gouvernement entend agir en conséquence. Pour l’aider à préparer son budget, votre Chambre de commerce a présenté au ministre Campeau, il y a deux mois, un mémoire intitulé: Un choix stratégique: Investir dans la recherche et le développement industriel. Vous y faisiez un certain nombre de recommandations.
Aider la recherche et le développement, c’est une bonne idée en principe. C’est une bonne idée aussi en pratique, parce que vous et moi savons que la métropole, et c’est tout à son honneur, concentre sur son territoire une extraordinaire proportion de la recherche et du développement au Québec. Presque les deux tiers des publications scientifiques se font à Montréal. Et laissez [-] moi vous donner la proportion des dépenses en recherche et développement québécoises faites ici, dans la métropole, par les bureaux d’ingénieurs: 93 %. Par les services publics, notamment grâce à Hydro Québec: 93 %. Par les fabricants de matériel électronique? 95% De transport? 96% Par l’industrie pharmaceutique? 99 %.
Nous sommes pleinement conscients que chaque dollar investi dans la recherche et le développement, est un dollar investi principalement dans la métropole. Et c’est pour nous une puissante incitation à bouger en cette direction.

Vous nous avez demandé de confirmer les crédits d’impôts, l’action d’Innovatech Montréal, et le Fonds de l’autoroute de l’information. Nous l’avons fait. Vous nous avez dit, et je vous cite: « Le niveau actuel d’investissement public dans la recherche-développement industrielle doit être au moins maintenu, et préférablement augmenté judicieusement. »
Augmenté judicieusement, bien sûr, mais la timidité ne paie pas en ces matières. Nous avons donc investi 80000000 $ supplémentaires sur cinq ans dans deux nouvelles initiatives: un Programme de soutien des transferts de technologie vers les petites et moyennes entreprises, et un Fonds des priorités gouvernementales en science et technologie. Qu’on se le tienne pour dit: les cerveaux des Montréalaises et des Montréalais constituent probablement la ressource naturelle la plus importante au Québec. Nous allons tout mettre en oeuvre pour qu’ils fonctionnent à plein régime.

C’est pourquoi j’ai créé un Centre de gestion des projets, au conseil exécutif, qui agit un peu comme un serrurier qui ouvre les dernières portes closes. Il s’agit d’une équipe très légère. Mais, c’est étrange, lorsque les dernières commandes viennent du bureau du premier ministre, il y a des verrous qui sautent plus facilement… Allez savoir pourquoi…
Grâce, notamment, à l’action de ce Centre de gestion, les projets de Falconbridge et de Troilus, en Abitibi et dans le Grand Nord, comme celui de la réouverture de l’usine Donohue, à Matane, et plusieurs autres, ont pu aboutir.

Ce Centre de gestion travaille aussi sur une série de dossiers montréalais, mais il me semble que la problématique de la métropole exige, là aussi, un statut particulier.
Je viens donc de demander que soit créée, ici à Montréal, une antenne de ce Centre de projet, dans les locaux et sous la direction politique de mon délégué régional, M. Camille Laurin. Le Centre devra recenser, prioriser et assurer le suivi des dossiers d’investissements publics majeurs pour la grande région métropolitaine ainsi que poursuivre le suivi des projets privés répertoriés. Ce sera en quelque sorte le prolongement de mon bureau, en permanence à Montréal, et en lien constant avec les directeurs de cabinet des ministres de l’industrie, de la culture, de la santé, de l’éducation, des transports et des affaires municipales.

Les intervenants montréalais pourront donc avoir immédiatement accès, sur place, aux autorités politiques et gouvernementales susceptibles de faire avancer leurs dossiers. Nous établissons cette cellule en collaboration avec les autorités municipales de l’île de Montréal. Elle sera en opération avant le défilé de la Saint-Jean. Et comme je viendrai marcher avec vous, ce sera une bonne occasion de s’en reparler.
La métropole est aussi, de très loin, notre principale porte sur le monde, et nous devons faire en sorte que cette porte soit toujours plus grande, et toujours plus ouverte.

C’est vrai en économie, bien sûr, et je vous ai cité tout à l’heure des exemples de compagnies étrangères installées dans la région depuis quelques mois. Plusieurs nouvelles organisations internationales ont aussi pris racine à Montréal ces derniers mois: le Centre international pour la prévention de la criminalité, l’Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires, le Conseil francophone de la chanson, et plusieurs autres.
Mon gouvernement compte reconnaître d’ici, par accord, cinq autres organisations internationales non-gouvernementales. La métropole est l’interface principale du Québec avec le reste de la planète. Nous comptons constamment, avec vous, l’améliorer.

Montréal est aussi notre principal lieu de création et de consommation culturelles et notre principale base d’exportation. Nombre de créateurs montréalais marquent les courants culturels internationaux. À l’étranger, on s’inspire désormais de Gilles Maheu et de la compagnie Carbone 14, du chorégraphe Edouard Lock et de ses danseurs, sans compter les innombrables succès remportés par le Théâtre des Deux-Mondes, qui coproduit avec l’Afrique, et les ambassadeurs montréalais par excellence que sont les musiciens de l’Orchestre symphonique de Montréal, les danseurs des Grands Ballets, et les artistes du Cirque du Soleil.
En un mot, c’est beaucoup Montréal qui fait l’image du Québec à l’étranger.

C’est pourquoi le gros de l’investissement privé et public en culture et communication est à Montréal, et c’est bien ainsi. En crédits d’impôt seulement, l’an dernier, les maisons de production de cinéma et de télévision, presque toutes montréalaises, ont touché 40000000 $. C’est pourquoi aussi la majorité des organismes et sociétés d’État québécois relevant de la Culture et des Communications ont pignon sur rue à Montréal, et c’est bien ainsi.
Ces derniers mois, nous avons tout mis en oeuvre pour régler des dossiers montréalais qui traînaient depuis trop longtemps: l’Institut de l’image et du son, la Cinémathèque québécoise, le Théâtre du Nouveau Monde. En quelques mois, sur ces seuls dossiers, 25000000 $ ont été débloqués. Et nous travaillons activement sur plusieurs autres dossiers culturels majeurs pour la métropole dont j’espère l’aboutissement sous peu.

Je vous fais remarquer au passage que nous faisons ces investissements tout en suivant votre conseil pressant de « réduire de façon drastique le déficit ». Pour la première fois en 25 ans, nous avons gelé les dépenses de programmes, et d’un coup, à notre premier budget, nous réduisons d’un tiers le déficit québécois.
Le temps passe et j’aimerais vous parler aussi du Cégep francophone dans l’Ouest de l’île, des projets du ministre des transports pour les grands équipements à Montréal. M. Léonard en est à la dernière étape préalable à la prise de décision en ce qui concerne le réseau des trains de banlieue, le prolongement du métro, l’utilisation de l’estacade du pont Champlain.

Je m’en voudrais de ne pas vous parler aussi du grand redéploiement qui est en cours dans le domaine de la santé, à Montréal et ailleurs. Des rééquilibrages sont nécessaires, vous le savez, et ils sont faits sous l’égide des Régies régionales de la santé et dans le respect de leurs choix. Des fermetures d’hôpitaux, oui, il en faudra. Mais du même coup, on pourra ouvrir 2000 places dans le réseau de soins de longue durée à Montréal, ce qui répondra aux besoins du nombre croissant de nos aînés.
Dans l’ensemble, Montréal est certes appelée à fournir un effort important, mais cet effort demeure équitable en regard de l’ampleur, de la nature et de la variété des ressources qui s’y trouvent. Je ne citerai qu’un chiffre: près de 40% de la masse salariale des médecins est concentrée sur l’île de Montréal même, alors qu’elle ne compte que 26% de la population québécoise.

Ce décalage est très largement justifié, car il traduit la présence, à Montréal, de 70% de la recherche universitaire en santé. Il traduit aussi le fait que Montréal est et doit rester le coeur de la recherche biomédicale, des soins ultraspécialisés, avec au moins 60% de tous les services de santé tertiaires au Québec et de la formation professionnelle en santé. L’annonce récente de la création de véritables centres hospitaliers universitaires à Montréal va d’ailleurs mieux structurer l’action dans ce secteur.
J’aimerais encore vous parler de l’investissement supplémentaire de 15000000 $ dont nous discutons pour la poursuite de la revalorisation du Vieux-Montréal, et de bien d’autres choses encore, mais il me faut maintenant conclure, sur un sujet important et, disons [-] le tout net, un peu empoisonnant.

Je veux parler de la rivalité entre Montréal et Québec. Elle est séculaire, bien sûr. Elle a même des relents de péché originel. Elle connaît des périodes feutrées, puis des périodes plus vives, plus agressives, comme celle qu’on vit en ce moment.

En ma double qualité de citoyen montréa1ais mais temporairement installé, de par mes fonctions de premier ministre, à Québec, je me trouve en quelque sorte sur la ligne de front.
Je vous avoue qu’il ne m’est jamais venu à l’esprit de comparer Montréal avec Québec. Ces deux villes, ces deux vocations, ces deux tempéraments, ces deux façons d’être, ne sont pas de même nature.

Toronto ne se compare pas avec Ottawa, mais avec Chicago. New York n’a pas de rivalité avec Washington, mais se mesure à Londres ou à Paris.
Quand Montréal se compare, elle doit se comparer, elle aussi, aux grandes villes internationales. C’est ici qu’a eu lieu, il y a quatre ans, le sommet des grandes villes du monde. Montréal est la seule ville d’Amérique, avec New York, à héberger un organisme de l’ONU, l’OACI, dont nous sommes en train de reconstruire le siège. Et vous collaborez avec Shangai, Lyon, Boston, Moscou, pas avec Brasilia ou Bonn.

Pourtant il y a depuis quelque temps, dans certains quartiers, des réflexes, je vous le dis franchement, de chiffonniers, en réaction à l’action du gouvernement envers la ville et la région de Québec. Des réflexes sans commune mesure avec l’importance des actions ou des sommes en cause.
Montréal est la métropole de tous les Québécois, et chacun a intérêt à ce qu’elle soit dynamique et prospère. Québec est la capitale nationale de tous les Québécois, et chacun devrait se réjouir qu’elle ait, enfin, les moyens de sa vocation. Si au référendum les Québécois, comme ils nous le disent dans des sondages récents, appuient majoritairement le projet souverainiste, Québec sera la capitale de notre nouveau pays, avec les attributs normaux qui en découlent. En quoi la métropole souffrira [-t-] elle que des ambassades s’installent dans telle ou telle rue de Québec? En quoi est [-] ce que ça se ferait « au détriment » de Montréal? Je ne vois pas.

Les leviers fiscaux, les pouvoirs et les actifs comme le Port de Montréal que le Québec souverain pourra récupérer nous permettront de décentraliser bien plus, et d’agir bien mieux, pour la métropole. Au détriment de Québec? Je ne vois pas.
Et si nous avions pu, avec des sommes modestes, semblables à celles que nous accordons aux Expos de Montréal, maintenir à Québec son club de hockey, en quoi la qualité de vie des Montréalais en aurait [-] elle été affectée? Je vais vous le dire: elle l’aurait été positivement, car il y avait peu de soirées plus palpitantes, au Forum de Montréal, que celles où les Nordiques venaient y jouer. Cette perte, imposée par la réalité économique, est une perte pour tous les Québécois, y compris pour le grand supporter des Canadiens de Montréal qui vous parle.

Et s’il est vrai que la Chambre de commerce de Québec est mon propriétaire, rue des Braves, je me rends compte que c’est la deuxième fois que je viens vous adresser la parole à vous, alors que je ne suis pas encore allé chez eux… Je sens que la diplomatie m’appellera bientôt à le faire.
Je ne sais pas si je réussirai dans cette tâche mais je veux vous dire qu’un de mes voeux les plus chers est de susciter, dans mes fonctions, une dynamique et une complémentarité plus fructueuses entre la métropole, la capitale et les régions du Québec.

J’aimerais qu’on se réjouisse plus souvent, ensemble, des réussites des uns et des autres, et qu’on compatisse plus, aussi, aux chagrins qui nous frappent ici ou là.

[QParizeau19950621]

Mesdames, Messieurs,

C’est avec plaisir que j’ai accepté l’invitation de la Coalition des associations économiques de l’Outaouais de venir discuter avec vous aujourd’hui de l’avenir de votre région.

Cette vaste coalition, dont l’existence témoigne à la fois du dynamisme de l’Outaouais et de la solidarité de ses citoyens, faisait, en début d’année, le point sur la situation économique de la région et interpellait les gouvernements, celui de Québec comme celui d’Ottawa.

Vous avez été entendus sur une des rives de la rivière: celle du côté québécois. De l’autre, la réponse qui vous est parvenue se traduit brutalement par la suppression de 3250 postes de fonctionnaires fédéraux travaillant dans votre région. . Ottawa n’a pas ainsi pris la peine de vous formuler une réponse, trop habitué qu’il est à prendre votre région pour acquise.

Nous n’entendons pas procéder de la sorte avec la population qui habite la région du Québec la plus interpellée entre, d’une part, le désir de mettre au monde un pays et d’en faire partie à part entière et, d’autre part, la réalité quotidienne qui est la sienne en raison de sa localisation et de l’omniprésence du gouvernement fédéral.

L’année 1995 sera déterminante pour votre région. La population du Québec sera alors invitée à se prononcer sur l’avenir politique et constitutionnel du Québec et cette décision sera importante pour l’Outaouais, au moment où elle pose les questions:
premièrement, de l’intégration des fonctionnaires fédéraux résidant au Québec;
deuxièmement, de la nécessité de compléter la mise en place d’infrastructures permettant à la région de disposer des instruments nécessaires à son développement;
troisièmement, de la dépendance économique de la région à l’égard de la fonction publique fédérale.

La nouvelle fonction publique

Depuis plus de 20 ans, le Parti québécois a convenu, dans son programme, d’orientations qui assurent l’organisation administrative d’un Québec souverain. Je vous en rappelle quelques-unes:
la souveraineté signifie que le Québec assumera l’ensemble des pouvoirs dévolus à un État;
la nouvelle fonction publique québécoise sera issue de la fusion de l’actuel contingent des fonctionnaires québécois et des employés fédéraux résidant au Québec qui accepteront de s’y joindre; chaque Québécois et Québécoise membre de la fonction publique fédérale se verra offrir un poste dans la nouvelle fonction publique québécoise à des conditions équivalentes à celles de son emploi actuel; les structures de représentation syndicale des fonctionnaires fédéraux seront reconnues et le gouvernement du Québec négociera avec elles les modalités d’accès à la nouvelle fonction publique.

Plus spécifiquement pour l’Outaouais, l’effet, entre autres: nos orientations sont à de faire de l’Outaouais un des trois centres de l’administration publique québécoise; d’accroître le niveau d’autosuffisance en matière de services publics; de mettre en place un plan de diversification économique.

Ces orientations sont désormais devenues des engagements du gouvernement du Québec. Il nous appartient maintenant de les concrétiser.

Parce que la souveraineté signifie ainsi que le Québec assumera tous les pouvoirs dévolus à un État, il devra compter sur un appareil gouvernemental capable d’offrir aux citoyens les services de qualité auxquels ils ont droit.
La création de cette nouvelle fonction publique comporte d’importants enjeux. Outre la continuité et la fourniture des services, il convient, au niveau régional, d’assurer le maintien du niveau d’emploi de même que l’activité économique qui en découle. Par ailleurs, au plan individuel, les fonctionnaires fédéraux québécois demeurent préoccupés par l’existence même de leur emploi et par les conséquences découlant d’un changement d’employeur.

À cet égard, l’étude du professeur Maurice Saint-Germain, intitulée «La souveraineté du Québec et l’économie outaouaise », que le ministre délégué à la Restructuration a rendu publique mercredi dernier, indique que le Québec souverain aura besoin de l’ensemble des employés fédéraux d’administration générale et des employés d’entreprises publiques fédérales qui résident au Québec. Ils remplissent des fonctions dont un État souverain ne pourrait se passer.
Le Québec a la capacité financière de payer l’ensemble de ces fonctionnaires fédéraux et de garantir le maintien de leurs avantages sociaux. Sa contribution de 23% aux recettes fiscales du gouvernement fédéral est supérieure à la part de l’effectif total de fonctionnaires fédéraux travaillant au Québec, autant dans l’administration générale que dans les entreprises publiques fédérales, à savoir 20%, ou 111511 fonctionnaires en 1993, comptant pour 19,5% de la masse salariale totale de l’administration fédérale.

Il y a une forte activité fédérale dans la région, au moment où 25825 fonctionnaires québécois de l’outaouais travaillent pour le gouvernement fédéral, dont 7940 sur la rive québécoise, 17285 sur la rive ontarienne et près de 600 ailleurs au Canada ou à l’étranger.
Selon le professeur Saint-Germain, une politique de décentralisation administrative permettrait à un Québec souverain, dans le cadre de l’intégration des fonctionnaires fédéraux à l’administration publique québécoise, de maintenir 22500 de ces emplois en Outaouais, à savoir en y gardant, dans le même type d’emploi, 16000 employés fédéraux et en y maintenant 6500 postes qui auraient été susceptibles d’être plutôt localisés ailleurs au Québec.

Nous convenons de la faisabilité de l’opération. De plus, le gouvernement du Québec possède à la fois la capacité et la volonté de le faire.

Il y a d’ailleurs un important précédent, celui du transfert, en vue de l’administration de la TPS, de 400 fonctionnaires fédéraux à la fonction publique québécoise. Les employés transférés sur une base volontaire ont cessé, au moment du transfert, d’être à l’emploi du gouvernement du Canada et sont devenus des employés réguliers du gouvernement du Québec, avec sécurité d’emploi. Chaque employé s’est vu attribuer un échelon correspondant au taux de traitement égal ou immédiatement supérieur à celui qu’il avait au moment du transfert.

Toutes les données du professeur Saint-Germain sont antérieures aux coupures des 3250 emplois fédéraux en Outaouais attribuables aux compressions budgétaires fédérales de 1995. Mais je veux être tout à fait clair. Le gouvernement assurera le même niveau d’emploi que celui au moment de l’accession à la souveraineté.

Des avenues garantissent l’atteinte d’un tel objectif. Ces avenues, elles ne vous seront pas imposées de force, puisqu’elles proviennent des conclusions du Comité Outaouais en 1992, de la Coalition des associations économiques de l’Outaouais et, aussi, de la commission régionale sur l’avenir du Québec. Je vous dirai cependant que nous n’attendrons pas un résultat positif au référendum pour agir. En effet, certaines des mesures qui pourraient être mises en place ont trait à la fourniture de services essentiels à la population. Nous pouvons donc les instaurer dès maintenant. J’y reviendrai un peu plus loin.

L’Outaouais ne sera pas vaguement considérée comme l’un des lieux d’intervention urbaine de l’Outaouais de la nouvelle fonction publique. La communauté sera plutôt formellement reconnue comme un des trois centres de la fonction publique québécoise, à titre de pôle administratif opérationnel, avec Montréal, la métropole, comme pôle économique et Québec, la capitale, comme pôle stratégique.
Certains emplois de la fonction publique ont un caractère de siège social, parce que reliés à des fonctions centrales et stratégiques de l’État. Pour l’essentiel, ils seront établis dans la capitale. Par ailleurs, de nombreux emplois liés aux services à la clientèle et à l’administration générale sont et peuvent être localisés en région.
L’Outaouais bénéficiera de ce redéploiement de la fonction publique québécoise. Elle en bénéficiera aussi par l’établissement chez elle d’organisations répondant aux nouvelles responsabilités d’un Québec souverain.

De plus, comme vous le savez, nous avons signé avec le Bloc Québécois et l’Action démocratique du Québec, la semaine dernière, une entente qui dote le camp du changement d’un projet commun pour l’avenir du Québec. Nous appellerons les Québécois, cet automne, à se prononcer en faveur de la réalisation de la souveraineté et d’une offre de nouveau Partenariat économique et politique avec le Canada.

Comme nous l’envisageons, ce Partenariat serait doté d’institutions légères mais efficaces, qui se réuniraient pour assurer le maintien de l’espace économique commun. Il s’agirait d’un Conseil du Partenariat, formé de ministres des deux pays, d’un tribunal de résolution des différends, d’un secrétariat permanent et d’une Assemblée interparlementaire.

Il me semble qu’il n’y aurait pas de meilleur endroit que votre région pour implanter ces institutions. On trouve ici le talent et l’expérience et, bien sûr, la proximité avec nos futurs partenaires canadiens.

Plusieurs travaux sont en chantier en vue d’assurer une utilisation optimale et une intégration harmonieuse des fonctionnaires fédéraux résidant au Québec avec ceux actuellement à l’emploi de la fonction publique québécoise.

Le secrétariat à la Restructuration, sous la responsabilité de monsieur Richard Le Hir, prépare, pour chacun des ministères et organismes gouvernementaux, un plan d’intégration des responsabilités et des effectifs fédéraux.

D’autre part, à ma demande, la présidente du Conseil du trésor et ministre déléguée à l’Administration et à la Fonction publique, madame Pauline Marois, a exploré avec la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et l’Alliance de la fonction publique du Canada, les éléments d’une entente sur les principes qui devront guider la mise en place de la nouvelle fonction publique.

Forts des travaux réalisés, les parties ont convenu d’une entente de principe qu’ils entendent signer dans les meilleurs délais. Le gouvernement reconnaîtra formellement que tous les employés fédéraux qui résident au Québec seront intégrés à la nouvelle fonction publique québécoise avec tous leurs droits et privilèges.

Toujours en vertu de cette entente de principe, le gouvernement reconnaîtra, à la demande des représentants syndicaux, que les accréditations accordées et les conventions conclues sous les législations fédérales, à l’égard des employés fédéraux du Québec, demeureront en vigueur jusqu’à ce que l’Assemblée nationale modifie les lois fédérales en cause.

Les parties s’engageront à collaborer dans le transfert des activités et s’accorderont, à compter de la reconnaissance de la souveraineté du Québec, une période deux ans pour convenir des conditions d’intégration définitive de ces fonctionnaires à la fonction publique du Québec. Il a été convenu qu’entre temps, les conventions collectives et tous les droits autrement rattachés comme conditions de travail en vigueur, au moment des transferts d’activités, seront respectées.

Sur la base de ce précédent, des négociations pourront aussi être entreprises avec les autres représentants des employés fédéraux afin d’élaborer une entente de nature similaire.

Par ailleurs, le secrétariat du Conseil du trésor et l’Office des ressources humaines sont à mettre la dernière main, pour fins de discussion avec nos partenaires syndicaux, au plan d’intégration à la nouvelle fonction publique québécoise portant sur les conditions de travail de même que sur la gestion des personnes et des organisations.

Nous serons prêts prochainement à aborder les questions liées non seulement aux régimes de conditions de travail mais aussi à toutes les actions susceptibles de faciliter la réalisation de ce changement majeur au sein de l’administration publique québécoise.
Madame Marois a été mandatée pour faire en sorte qu’avant la tenue du référendum, nous disposions d’une stratégie globale de changement et d’un plan d’ensemble visant à opérationnaliser notre volonté de créer une nouvelle fonction publique, de prendre en considération les enjeux liés à l’intégration de cultures organisationnelles différentes, d’assurer l’accueil et l’information des nouveaux employés, de mettre au point les programmes de formation nécessaires ainsi que les outils et les services de support à prévoir à l’intention des personnes. Ces travaux se font, croyez [-] moi, dans le plus profond respect des individus et de chacune des régions. De plus, le fait que cette opération soit menée par madame Pauline Marois en garantit à la fois le sérieux et la réussite.

Je vous souligne enfin que la décentralisation administrative fait partie tout autant des préoccupations des régions, qui en ont témoigné lors des travaux de la Commission Bélanger-Campeau et des Commissions régionales sur l’avenir du Québec, que de celles du gouvernement. Le ministre d’État au Développement des régions, monsieur Guy Chevrette, entend soumettre bientôt une proposition à ses partenaires.

Dans le cadre de cette réflexion, monsieur Chevrette travaillera en étroite collaboration avec madame Marois pour tenir compte de la problématique particulière de l’intégration des fonctionnaires fédéraux de l’Outaouais. Je leur en ai donné le mandat et ils se sont déjà rencontrés à cet égard.

Le développement des infrastructures publiques

La déficience de certaines infrastructures publiques en Outaouais n’apparaît certes pas comme une problématique susceptible de favoriser son développement et son épanouissement. Le gouvernement reconnaît qu’il y a un sérieux rattrapage à effectuer et entend y concourir dès maintenant.

Nous faisons ainsi nôtres les recommandations du Comité Outaouais, qui proposait en 1992 que le gouvernement considère comme une priorité le renforcement des infrastructures régionales en matière d’éducation, de santé, de culture et de transport. Le Comité soulignait que de nouveaux équipements et de nouveaux programmes étaient requis pour répondre aux besoins de la population régionale et créer des emplois.

Vous comprendrez qu’avant de procéder dans le premier secteur, nous souhaiterions que soient complétés les États généraux sur l’éducation. Une audience publique a d’ailleurs été tenue ici même à Hull pas plus tard qu’avant-hier et hier et des assises régionales s’y dérouleront en janvier prochain. Ces exercices offrent à la population de l’Outaouais une occasion de faire valoir ses besoins les plus pressants en matière d’éducation et de formation professionnelle et de faire connaître ses attentes face à l’école, au collège et à l’université.

Par ailleurs, en santé, en culture et en transport (vous devinez sûrement ici l’autoroute 50) nous allons immédiatement de l’avant.

La santé: La Phase II du rapatriement de la clientèle

Dans le domaine de la santé et des services sociaux, le ministre Jean Rochon, lors de sa première visite dans l’Outaouais, en novembre dernier, a pu constater le dynamisme de la région et sa volonté profonde de se doter des services auxquels elle a droit, compte tenu des ressources disponibles et des nouvelles approches dans ce domaine.

L’Outaouais consomme actuellement pour près de 50000000 $ de services en ontario. Permettez [-] moi de vous rappeler qu’une hospitalisation à Ottawa coûte plus de 850 $ par jour en moyenne, comparativement à moins de 450 $ dans l’Outaouais. Cette problématique a un impact considérable sur les finances de l’État québécois et sur la dispensation de services dans votre région.
Bien sûr, nous sommes d’avis qu’il est légitime que les résidents de l’Outaouais aient accès aux services d’Ottawa dans des situations d’urgence ou lorsque les services ne sont pas disponibles dans leur région.

Mais les lacunes liées à la disponibilité des services dans votre région font que cette consommation coûte très cher. Il est certain que les « honoraires » versés en Ontario pourraient servir à développer les services en Outaouais. Un plan de rapatriement a déjà été amorcé et les résultats de la première phase sont d’ailleurs probants. Ainsi, les hospitalisations des résidents de l’Outaouais en Ontario sont passées de 40% en 1982 à 18,5% en 1994. Des études indépendantes ont confirmé les retombées économiques’ importantes de cette opération, tant pour la région que pour le gouvernement du Québec.

Il y a encore du rapatriement à faire, et, par conséquent, le gouvernement se doit d’appuyer la région de l’Outaouais dans sa volonté de se prendre en main en s’associant à une deuxième phase importante de rapatriement, que le Conseil des ministres a approuvée et que j’ai le plaisir d’annoncer ce soir à la population de la région.
La Régie régionale et le ministère de la Santé et des Services sociaux ont fait preuve de réalisme en proposant une variété de solutions qui visent à maximiser la consommation des soins de santé sur le territoire du Québec, en matière de santé physique, de santé mentale et de réadaptation physique. Il n’est évidemment pas question de couper tous les ponts avec l’Ontario. L’Outaouais devra encore compter sur un certain nombre de services ultraspécialisés à Ottawa.
La phase II du Plan de rapatriement implique des dépenses d’opération de 6300000 $ dès cette année et de 21700000 $, par année, à compter de 1997-1998. Elles permettront de créer 450 emplois stables et directs dans la région de l’Outaouais. Les dépenses d’immobilisations et d’équipements seront de 1,5 million $ cette année. Trois autres projets d’immobilisation, totalisant 27000000 $, font partie des priorités de 1995 en vue de leur réalisation. Il s’agit de la construction d’un centre de réadaptation de 75 lits, de la construction, sur le territoire de Gatineau, d’un centre hospitalier de soins de longue durée de 96 lits et du développement de lits de longue durée psychiatrique à l’hôpital Pierre-Janet.

La culture: la Maison de la culture de Gatineau et les bibliothèques publiques de Fort-Coulonge, de Cantley et de Val-des-Monts

Les infrastructures en matière culturelle doivent aussi être renforcées. Le gouvernement croit que le développement culturel du Québec tout entier repose sur la population des régions et sur le dynamisme créatif du monde de la culture. Voilà pourquoi il importe de doter les régions des infrastructures nécessaires à leur développement culturel. C’est là le rôle, entre autres, des maisons de la culture et des bibliothèques publiques.

Je m’adresse d’abord aux gens de Gatineau. Vous avez un excellent projet de centre intégré des services culturels, complémentaire à votre maison de la culture. Je vous annonce que le ministère de la Culture et des Communications a donné son accord à sa réalisation. Il sera appelé à verser, dès l’an prochain, quelque 4500000 $, soit 75 % de ce projet évalué à 6000000 $.

La construction de nouveaux espaces permettra donc de regrouper des services comme le Centre d’archives privées, une salle d’exposition sur l’histoire de Gatineau ainsi que des locaux répondant aux besoins des organismes culturels de la région. On y logera assurément l’école de musique, l’Académie de danse et la Société d’histoire. Cette construction intégrera également une salle de spectacle à vocation régionale de 850 sièges.
Je félicite le Conseil municipal de Gatineau qui travaille activement à développer le secteur culturel dans sa municipalité. D’ailleurs, dans sa politique culturelle, la Ville confirme clairement la place privilégiée qu’elle entend donner à la culture,
ce qui contribue à faire de ce secteur une vraie fenêtre pour la culture francophone à proximité du milieu anglophone ontarien. L’Outaouais tout entier peut être fier des initiatives de Gatineau sur le plan culturel.
Lorsque l’on parle de développement culturel, et particulièrement de bibliothèques publiques, on parle aussi de partenariat avec les municipalités. Or, ce partenariat fait en sorte qu’un nouvel accès au monde de la culture sera bientôt une réalité pour la population de Fort-Coulonge. J’ai le plaisir, en effet, de vous annoncer que le ministère de la Culture et des Communications versera 111000 $ pour la construction de la bibliothèque. Je suis heureux de vous confirmer notre engagement dans ce projet et ce, d’autant que dans la région de Pontiac, il y avait un rattrapage à effectuer.

Dans le cas de la municipalité de Cantley, le ministère a décidé de contribuer pour 75 % au financement de la bibliothèque, soit une somme de 421000 $. Ce projet de construction se réalisera parallèlement à celui du nouvel hôtel de ville. Cela permettra d’en réduire les coûts dans la mesure ou les deux établissements seront intégrés dans un même concept architectural.

Par ailleurs, pour répondre aux besoins particuliers de Val-desMonts, issue de la fusion de Perkins, de Saint-Pierre et de Po1timore, nous appuyons la municipalité dans son projet de bibliothèque. Une somme de 589400 $ sera consentie par le ministère de la Culture et des Communications pour la construction d’une nouvelle bibliothèque dans l’ancienne municipalité de Perkins et pour la rénovation des points de services dans les deux autres, soit Poltimore et Saint-Pierre. Le gouvernement se réjouit de l’engagement des élus municipaux dans ce type de projet.

Je tiens à vous souligner qu’un défi stimulant se pose aux bibliothèques en raison des nouvelles technologies de l’information. Elles sont appelées à devenir des centres d’accès privilégié à l’autoroute de l’information, â ce réseau de services interconnectés, capables de transmettre des voix, des textes, des données, des graphiques et des images vidéo. Je souhaite que vos bibliothèques puissent explorer ces nouvelles avenues.

Les transports: la réalisation de l’autoroute 50

La réalisation de l’autoroute 50 est une intervention majeure du ministère des Transports qui vise à appuyer l’action gouvernementale en matière de diversification de votre économie régionale. Elle est donc pour nous une priorité sur le plan économique.
Dans un premier temps, il est urgent de mieux relier l’agglomération de Hull à sa périphérie, et particulièrement au secteur qui s’étend à l’est de Masson. Un lien routier efficace contribuera à revitaliser une région qui a besoin d’accès rapides à l’ensemble des services regroupés dans le pôle urbain de l’Outaouais québécois.

La suite du projet consistera à poursuivre la réalisation de l’autoroute 50, de façon à relier l’Outaouais à la région de Montréal: nous procéderons un peu comme lorsque l’on construit un tunnel, en faisant converger l’un vers l’autre deux groupes de travailleurs. À la différence, cependant, qu’avant de se rejoindre, les deux tronçons, qui s’allongent régulièrement, contribuent au développement des secteurs qu’ils traversent en les raccrochant plus efficacement à leurs pôles urbains respectifs.
Vous le savez, la 50, ce n’est pas un projet nouveau… Ça fait plus de 30 ans qu’on parle de construire une autoroute qui relierait l’Outaouais à la région de Montréal… en passant par le Québec plutôt que par l’Ontario. Tous les intervenants économiques régionaux ont poussé cette idée de rattacher l’Outaouais au reste du Québec grâce à un lien autoroutier.

Nous aurions souhaité procéder dans les plus brefs délais, mais nos prédécesseurs ont considérablement ralenti le dossier. Tout avait été fait pour embourber le dossier. En 1982, alors que nous étions au pouvoir, nous avions entrepris deux études environnementales couvrant la distance entre Masson et Montebello, d’une part, et entre Montebello et Lachute, d’autre part. Ça, c’est presque tout ce qui restait à construire de la future autoroute 50.
À la fin de 1985, quand nous avons quitté le gouvernement, ces études environnementales étaient pratiquement complétées. De 1985 à 1992, le gouvernement précédent a tout fait pour ralentir le cheminement du dossier, si bien que c’est seulement à l’automne de 1992 que les études ont été déposées au ministère de l’Environnement.

De l’automne de 1992 à septembre 1994, il s’est écoulé deux années durant lesquelles le gouvernement n’a voulu rendre publiques les études environnementales. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le projet n’était pas appuyé par une très grande volonté politique.

Tout au plus a [-t-] on amorcé la construction d’un tronçon de route à l’est, entre Mirabel et Lachute. Une section de 11,0 km est en cours de construction, au coût global de 16200000 $. Ce tronçon sera terminé cet automne. La construction d’une autre section de 11 km commencera cet été, pour un investissement total de 26200000 $.

Nous réaliserons ensuite le tronçon Masson-Angers-Thurso, tout en ouvrant la voie â la construction du reste de l’autoroute.

Je l’ai dit, le projet était presque inactif. Nous avons revu le dossier et développé une stratégie d’intervention permettant d’en accélérer le cheminement dès maintenant.

Le premier élément de notre stratégie a été le regroupement des deux études qui ont été déposées au ministère de l’Environnement. Résultat: une seule consultation publique sera nécessaire, laquelle est prévue pour cet automne.
Cette façon de faire permettra d’obtenir le Certificat d’autorisation de réalisation plus rapidement, soit au début de l’an prochain et ce, pour la totalité du projet. Cette étape est incontournable et permettra de débloquer le dossier.

En parallèle, nous commencerons dès cet été, les étapes techniques visant le début des travaux entre Masson et Thurso. Ce qui inclut la préparation des plans et devis et les démarches visant l’expropriation des terrains.

Ainsi, si nous mettons cela en termes d’échéanciers, il faut retenir:
Premièrement, que tout a été mis en branle pour que le processus environnemental soit complété au plus tard au printemps prochain pour l’ensemble du projet;
Deuxièmement, qu’en parallèle, la confection des plans et devis sera entreprise et complétée pour le tronçon Masson-Angers-Thurso;

Troisièmement, que des travaux de 16000000 $ seront complétés dès cet automne entre Mirabel et Lachute alors que débuteront cet été, dans le même secteur, des travaux additionnels de 26 million$;

Quatrièmement, que les expropriations nécessaires seront conduites dès l’obtention du certificat d’autorisation de réalisation, ici encore pour l’ensemble du projet;

Cinquièmement, que les travaux du tronçon Masson-Angers / Thurso débuteront à l’automne 1997. L’état dans lequel nous avons trouvé le dossier ne permet pas de procéder plus rapidement;

Sixièmement, qu’une fois levés les obstacles liés à l’inertie de nos prédécesseurs, nous entendons mener, phase par phase, la suite des travaux. Compte tenu de l’état des finances publiques, je ne peux pas vous dire : Cela prendra tant d’années ». Ce ne serait pas responsable et vous ne me croiriez pas. Ce que je vous dis, c’est que le dossier est débloqué, que les travaux reprennent et qu’ils se poursuivront pour que la saga de la 50 se termine le plus rapidement possible.

La diversification économique de l’Outaouais

Alors que l’économie de l’Outaouais était dominée avant la Seconde Guerre mondiale par l’industrie, et plus particulièrement par l’industrie forestière, le gouvernement fédéral devait, entre 1945 et 1982, devenir la principale source de croissance économique de la région.
Aujourd’hui, alors que 21,6 % de la main-d’oeuvre de l’Outaouais se trouve concentrée dans la fonction publique fédérale, un important besoin de diversification économique se fait ainsi sentir, comme le soulignait d’ailleurs en avril 1992 le rapport du Comité outaouais.

Pour atteindre des objectifs de développement dans sept secteurs, à savoir la haute technologie, le tourisme, les produits forestiers, le commerce de détail, le commerce de gros, les services et le secteur manufacturier, le Comité avait alors élaboré deux scénarios de diversification économique.

En vertu du premier, dit de diversification « minimale », l’objectif visé était à l’effet de combler, en 10 ans, 50 % de l’écart entre l’importance actuelle de ces secteurs et le poids démographique de l’Outaouais dans le territoire de la région de Hull-Ottawa. Ce sont alors 5000 emplois qui seraient créés, selon les évaluations du Comité Outaouais.
Le second scénario, pour sa part, dit de diversification « maximale », visait à combler la totalité du même écart, ce qui aurait pour résultat de doubler le nombre de nouveaux emplois créés.

Pour réaliser ces objectifs, le comité Outaouais souhaitait que la région soit dotée de moyens susceptibles d’assurer sa diversification économique. Or, ces moyens, vous en détenez désormais.

Depuis décembre dernier, l’Outaouais peut bénéficier du programme de démarrage d’entreprises, mieux connu sous le nom de Plan Paillé. Pour la seule région de l’Outaouais, en date du 15 juin dernier, à peine six mois après sa mise en vigueur, le programme avait déjà contribué à la mise sur pied de 219 nouvelles entreprises qui créeront quelque 1030 emplois d’ici trois ans. Les garanties de prêt accordées totalisaient alors 8000000 $ et généreront des investissements de 21000000 $.

On comprend ici toute la pertinence des choix de confier aux institutions financières locales l’administration de ce programme. C’est cela, entre autres, la fin du mur à mur et l’adaptation aux besoins des régions.
Notez ici que le nombre d’emplois créés, en six mois, compte déjà pour le dixième du plan de dix ans de diversification économique «maximale», tel que proposé par le Comité Outaouais, en particulier dans la perspective d’un Québec souverain.

Aussi, dans le cadre du Discours sur le budget du 9 mai dernier, le gouvernement annonçait son association avec le Fonds de solidarité de la FTQ pour créer 16 fonds régionaux de capital de risque. L’Outaouais sera ainsi dotée au départ d’un capital de 6000000 $. C’est à vous d’en faire le meilleur usage.

La région de l’Outaouais nourrit la légitime ambition de devenir l’une des technopoles du Québec. Des industries de technologie de pointe se sont progressivement installées ici et les décideurs de la région font en sorte que cette tendance non seulement se maintienne, mais aussi se renforce.

L’avenir économique de la région réside en bonne partie du côté des centres de recherche et développement, des entreprises spécialisées en ingénierie des communications, en micro-électronique, en conception des logiciels. Vous avez déjà su attirer ici des entreprises telles Intergraph, Digital, Oracle et combien d’autres. Je vous invite à poursuivre.

Je vous informe par ailleurs que le Comité d’évaluation du Fonds de l’autoroute de l’information a accepté hier de soutenir le projet Hiérapolis et que la convention entre les promoteurs et le gouvernement sera bientôt conclue. Il s’agit d’un projet de 8000000 $ qui sera financé conjointement par les cinq municipalités de la Société de diversification économique de l’Outaouais, le secteur privé, le Conseil régional de développement et le Fonds de l’autoroute, dans ce dernier cas à hauteur de 1,5 million $.

Cet ambitieux projet a pour objet de donner accès à l’autoroute de l’information à la population de l’Outaouais. Il reliera entre eux les citoyens, les organismes publics et les entreprises de la région et établira des passerelles permettant d’accéder aux autres réseaux publics, tels le Réseau interordinateur scientifique québécois, le RISQ, et Internet.

Je ne pourrais vous parler de diversification économique en Outaouais sans faire référence à la Société de diversification économique de l’Outaouais (SDÉO), dont la création était recommandée par le Comité Outaouais et qui fut instituée en 1983 à la suite de la dissolution de la Société d’aménagement de l’Outaouais (SAO).

Le Comité recommandait que la Société soit dotée d’un budget annuel de 5000000 $, dont 3000000 $ proviendraient du gouvernement, 1000000 $ de la communauté urbaine de l’Outaouais et autant du conseil régional de développement. Nous ferons en sorte que ce financement soit assuré.

D’autre part, il y a quelques jours à peine, j’ai été saisi d’une résolution du Comité régional de création d’emplois de l’Outaouais quant à la réaffectation des sommes prévues au Fonds décentralisé de création d’emplois. Pas plus tard qu’avant-hier, le Conseil régional de développement de l’Outaouais adoptait une résolution en ce sens. Ce que vous demandez, c’est de pouvoir compter sur des instruments permanents de développement, des formes d’aide à l’emploi qui ne soient pas que conjoncturelles.

Premièrement, vous proposez ainsi la constitution de quatre petits fonds d’investissements, gérés par le milieu, cela pour les MRC de Pontiac, de Papineau, de La Vallée-de-la-Gatineau et Des Collines. Ainsi, 2000000 $ pourraient être disponibles pour investir dans les MRC.

Deuxièmement, vous souhaitez doter la Société de diversification économique de l’Outaouais d’une somme pouvant atteindre 2500000 $, pour des investissements dans les villes de Aylmer, Buckingham, Gatineau, Hull et Masson-Angers.

Enfin, troisièmement, vous entendez aussi pouvoir compter sur un Fonds d’expansion mixte qui réaliserait des prêts à taux préférentiel.

Vous comprendrez que vos décisions sont trop récentes pour que je puisse vous donner une réponse définitive aujourd’hui. Il m’apparaît toutefois que devant une volonté régionale aussi manifeste, devant cette vision à moyen et à long terme du développement économique de la région, tant sur le plan de son expansion que de sa diversification, je ne peux qu’ acceuillir favorablement votre demande.

Je donne donc mandat au ministre de l’Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, monsieur Daniel Paillé, au ministre d’ttat au Développement des régions, monsieur Guy Chevrette, de même qu’au délégué régional de l’Outaouais, monsieur Yves BIais,
d’amorcer immédiatement, avec les instances concernées, les discussions qui permettront, d’une part, d’assurer le financement de la Société de diversification économique et, d’autre part, de répondre à la demande du Comité régional de création d’emploi et du Conseil régional de développement. Nos décisions seront arrêtées dans les meilleurs délais.

Merci.

[QParizeau19950726]
Mesdames messieurs, Chers amis,
Le discours que je veux vous présenter aujourd’hui revêt pour moi un caractère assez particulier. En effet, c’est mon dernier discours à titre de ministre de la Culture. D’ici quelques jours, un nouveau titulaire prendra à sa charge les affaires culturelles, et j’espère qu’il, ou elle, trouvera des dossiers en ordre et des chantiers en train.

Je dois vous avouer tout de suite que ces quelques mois passés au ministère de la Culture ont été parmi les plus intéressants de ma vie politique. Vous le savez j’ai beaucoup oeuvré, ces dernières années, pour contribuer à construire l’économie québécoise, y compris dans ce qu’elle a de distinct, d’original. Mais on revient toujours à une réalité de base: c’est notre culture commune qui fait de nous un peuple. C’est le travail de nos créateurs qui nourrit et recrée, chaque année, l’âme québécoise. Sans eux, le Québec serait, vraiment, une province comme les autres.
Il y eut un temps où le premier ministre du Québec cumulait la fonction de ministre des Finances. C’était presque une tradition. Maintenant que j’ai pu me plonger quelques mois dans les affaires culturelles, je n’irai pas jusqu’à dire que chaque premier ministre devrait en faire autant… mais c’est une idée qui ne déplaît pas à l’esprit.

Je n’ai pas l’intention de faire ici le bilan détaillé des actions que nous avons engagées depuis le début de l’année. Je voudrais vous parler surtout du rapport du Comité consultatif sur l’autoroute de l’information et des perspectives qu’il nous ouvre pour l’avenir. Mais auparavant j’aimerais faire ressortir brièvement quelques éléments importants quant au rôle des pouvoirs publics face à la culture.

Il me semble évident qu’il revient aux pouvoirs publics de doter sa population des infrastructures culturelles: réseau de bibliothèques, grandes salles de spectacles, musées. Depuis six mois, nous avons pu faire déboucher un certain nombre de ces dossiers et il n’est pas normal que des projets importants traînent pendant de longues années dans les officines gouvernementales.
L’aide de l’État à la diffusion et à l’exportation de notre culture est également cardinale. De grands progrès ont été accomplis sur ce plan depuis quelques années, y compris sous le gouvernement précédent.
Les pouvoirs publics doivent aussi aider directement les créateurs, comme on le fait notamment via le Conseil des arts et des lettres du Québec. Le milieu culturel québécois, reconnu pour la qualité de son expression artistique et son audace de création, évolue dans un marché exigu et vit par conséquent une situation empreinte de fragilité.
Mais la question qui se pose est celle de l’ampleur de l’effort à consentir. Cette question se posera toujours, quelle que soit la santé des finances publiques. Jusqu’où l’État doit [-] il aller dans l’aide aux créateurs? Aux États-Unis, on vous dira: le moins loin possible. Mais les Américains ont une richesse qui nous fait défaut: un grand marché intérieur. D’autres sociétés, comme la France, investissent des sommes plus importantes. Où doit se situer l’effort québécois? Il y a un niveau où il n’y a pas assez de fonds investis. Quel que soit l’effort, les créateurs et leurs organismes diront toujours qu’il est insuffisant, c’est normal. Mais quel est le bon point d’équilibre? C’est une question que je me suis posée depuis six mois et je dois vous avouer que la réponse m’échappe encore. J’espère que mon successeur pourra m’éclairer un peu sur ce point.
J’observe par ailleurs qu’une scission est en train de se faire entre les arts d’une part et la culture médiatisée de l’autre. Le discours artistique plus traditionnel est marginalisé et l’école joue de moins en moins son rôle d’initiation aux arts. Il faut rectifier le tir.
Au cours des prochains mois, nous aurons à préciser la place que la culture doit tenir dans les actions gouvernementales. Nombreux sont les acteurs qui disent avoir un rôle à jouer dans cette grande dramaturgie. On pourrait parler longtemps des interventions du gouvernement fédéral, en ce domaine lié pourtant comme nul autre à notre spécificité, je ne m’étendrai pas plus sur ce sujet aujourd’hui, sauf pour dire que l’accession du Québec à la souveraineté permettra enfin de mieux gérer les ressources, cibler les besoins, éviter les gaspillages. La place grandissante que doivent tenir les municipalités en matière culturelle commande une nouvelle définition du partage des responsabilités et des règles du jeu. C’est le sens des ententes de développement culturel et de certains programmes d’actions concertées déjà mises en oeuvre.

Au sein même du gouvernement québécois, nombreux sont les acteurs du développement culturel: depuis le ministère de l’Éducation, en passant par le ministère des Affaires internationales et des Communautés culturelles et nombre d’autres, dont le ministère de l’Industrie, du Commerce, des Sciences et de la Technologie. Enfin les loisirs culturels relèvent du ministère des Affaires municipales. Et j’en passe… De toute évidence, et c’est le moins qu’on puisse dire, l’harmonisation, l’action structurante, la concertation trouvent ici un vaste champ qui, sans être totalement en friche, y gagnerait à subir d’énergiques sarclages ! Il nous faudra repenser la manière dont l’État organise son action.
Un rôle d’harmonisation et d’orientation de l’action culturelle au sein des sociétés d’État et du gouvernement est plus que jamais nécessaire, dans un contexte de veille technologique, de transfert des connaissances et de collaboration efficace avec les municipalités et les milieux régionaux.

Voilà donc la tâche qui s’ouvre devant nous. Le travail de l’État québécois pour épauler nos créateurs et leurs institutions ne sera jamais terminé. La mission culturelle est au coeur de l’existence même de notre État, et de notre avenir.
Cette mission n’est pas neuve, mais elle doit relever aujourd’hui un nouveau défi. Elle doit connaître une nouvelle révolution: celle de l’autoroute de l’information. Le développement des inforoutes représente un espoir fabuleux. Chacun doit veiller à ce qu’elles soient utilisées de façon optimale. Les enjeux industriels, économiques et de société liés à cette évolution sont considérables. À nous de faire en sorte que les inforoutes catalysent ce qu’il y a de meilleur dans l’individu: créativité, curiosité intellectuelle, capacité à communiquer, enrichissement au contact d’autres humains.
Nous abordons un tournant crucial dans l’organisation de nos sociétés. Partout, la mise en oeuvre des autoroutes de l’information engendre une révolution qui apparaît aussi importante et radicale que celles qui l’ont précédée. Cette révolution est basée sur l’information, elle-même expression du savoir humain. Elle modifiera notre manière de vivre, de communiquer et de travailler ensemble. Elle nous libérera des contraintes d’espace et de temps. Exaltante perspective.

Cette révolution du savoir, à la différence des précédentes, s’opère de façon quasi-invisible. Elle n’amène pas nécessairement de nouveaux objets dans le paysage, tout au plus modifie [-t-] e1le l’aspect de ceux qui nous sont familiers. En fait, l’autoroute de l’information tisse un lien entre l’audiovisuel, l’informatique et les télécommunications. Il y a peu, ces domaines étaient autonomes. Aujourd’hui, ils opèrent une fusion.
Toutes les révolutions engendrent des incertitudes, des ruptures, mais surtout des occasions à saisir. Celle-ci ne fait pas exception. Le Québec doit savoir réagir en misant sur ses forces et en maîtrisant les risques.

Or, l’avenir de notre langue, de notre culture et de nos communications est lié à la maîtrise qu’il nous faut acquérir des outils et des contenus de ce formidable appareil de liaison, d’apprentissage et de développement.
Que nous le voulions ou non, le maintien de notre identité, l’affirmation responsable de notre spécificité culturelle, l’excellence de notre contribution à l’essor de la Francophonie passent par l’inforoute. Et on ne peut plus parler aujourd’hui de langue sans parler d’industries de la langue. On ne peut plus parler de création, de production et de diffusion culturelles sans intégrer les nouvelles technologies de l’information et, en particulier, les systèmes multimédias.

Le Québec est à cet égard dans une situation paradoxale. D’une part, les Québécoises et les Québécois ont créé, ici, ces dernières décennies, certaines des entreprises de communications les plus audacieuses et les plus innovatrices au monde. De telle sorte que les produits de télécommunications figurent dorénavant parmi nos principales exportations. D’autre part, le gouvernement québécois a beaucoup tardé à s’impliquer concrètement dans le dossier de l’autoroute de l’information, alors même que ses voisins, notamment le Nouveau-Brunswick, s’y lançaient avec fougue, et alors que d’autres États, comme les États-Unis, le Japon et plusieurs pays européens, y investissaient des sommes et une énergie considérables.
Il faut, là-dessus, être bien clair: loin d’être un phénomène spontané, le déploiement des inforoutes est le fruit d’une réflexion, d’un calcul et d’une volonté politique et économique. La mobilisation de tous les pays autour des nouvelles technologies de l’information ne laisse pas de doutes sur l’ampleur des bouleversements en cours. Le défi est universel. Tous les grands acteurs internationaux élaborent leurs stratégies et leurs choix, enclenchent de grandes manoeuvres et établissent des alliances. Tout en participant activement aux grands mouvements internationaux, le Québec doit, lui aussi, définir sa propre démarche, rattraper le temps perdu, et prendre la place qui doit être la sienne: à l’avant-garde.
C’est pourquoi, en janvier dernier, le gouvernement du Québec a formé un Comité consultatif sur l’autoroute de l’information. Ce comité avait pour mandat de travailler vite et bien pour élaborer une stratégie d’implantation, proposer un plan d’action et des modalités de financement pour le développement de l’autoroute de l’information au Québec.
Nous avons réuni dans ce comité des gens qu’on ne présente plus, tant leur compétence et leurs réalisations sont connues et respectées. Je tiens à remercier vivement le président, monsieur Louis Berlinguet, et les membres du Comité: monsieur Claude Béland, monsieur Jacques Bilodeau, monsieur André Chagnon, madame Monique Charbonneau, madame Monique Lefebvre, monsieur Patrick O’Hara, monsieur Gilbert paquette, monsieur Charles Sirois et monsieur Louis Tanguay.
Le Comité a concentré son travail sur six aspects majeurs, où l’État peut exercer un effet de levier pour propager l’utilisation de l’autoroute de l’information aux autres secteurs socio-économiques du Québec. Ces thèmes sont les suivants: le leadership du gouvernement; l’éducation comme levier de développement de toute société; la santé et les services sociaux, la langue française et la culture québécoise; l’accès pour tous et partout; et, finalement, le financement de l’autoroute de l’information.

Nous comptons répondre d’ici peu en détails aux recommandations du comité, mais je dois vous dire personnellement que la qualité des analyses et la précision des recommandations font de ce rapport un des meilleurs outils qu’un premier ministre puisse recevoir. Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, vous nous avez donné en quelque sorte le mode d’emploi de l’autoroute de l’information. Les Québécois attendent maintenant un signal sans équivoque de leur gouvernement. Nous entendons donner ce signal.
Le Secrétariat de l’Autoroute de l’information

La première recommandation du Comité stipule » que le gouvernement du Québec, par la voix de son premier ministre, prenne publiquement un engagement politique ferme de développer l’autoroute de l’information au Québec et de la mettre au service de l’ensemble de la population québécoise « .
Pour démontrer sans équivoque l’aspect prioritaire de ce dossier pour notre gouvernement et la volonté déterminée qui en découle, j’entends donner suite à cette recommandation en annonçant la création d’un Secrétariat de l’Autoroute de l’information, rattaché au Conseil exécutif et relevant directement de l’autorité du premier ministre. Et si je puis résumer dans une formule un peu lapidaire le message que nous voulons lancer, je dirais simplement: « on est sept millions, faut se brancher ». C’est une formule qui a le mérite de la clarté: les Québécoises et les Québécois, de toutes les régions, classes ou origines, doivent pouvoir se brancher entre eux, et se brancher sur le monde. Elle indique aussi une certaine urgence: il « faut » se brancher, pour construire, et non pour subir, la révolution de savoir.
Le Secrétariat qui sera chargé de mettre ce slogan en pratique sera doté d’une structure organisationnelle légère et efficace. Dans l’exercice de son mandat, il verra à : dégager les problématiques inhérentes aux différents champs d’activité concernés par les nouvelles technologies d’information et de communication; cerner les enjeux stratégiques internationaux pour le Québec assurer la mise en oeuvre d’un plan d’action en vue de concrétiser la stratégie gouvernementale visant l’implantation des inforoutes au Québec, favoriser la concertation entre les principaux intervenants des milieux en cause; mettre en place des mécanismes efficaces de coordination de nos actions dans ce domaine; assumer la responsabilité de la supervision et de la gestion du Fonds de l’Autoroute de l’information, et, enfin; veiller à ce que le secteur public agisse en tant qu’usager modèle de l’inforoute.

Je l’ai dit, le Québec est reconnu pour ses capacités technologiques importantes, ses riches ressources créatives et le dynamisme de ses entreprises. L’implantation des inforoutes au Québec permettra alors: pour les individus, une meilleure qualité de vie, grâce à un accès plus facile à la connaissance et à un choix plus large de services et de divertissements; pour les créateurs, de nouvelles formes d’expression artistique; pour les régions, de nouvelles possibilités d’exprimer leur identité et de minimiser des inconvénients liés à la distance; pour le gouvernement, des services publics plus efficaces, plus proches des citoyens et moins onéreux; pour les entreprises, une organisation et une gestion plus serrées, un accès à des possibilités de formation et à d’autres services, des moyens d’échange de données avec les clients et les fournisseurs engendrant une plus grande compétitivité; pour les fournisseurs d’équipements et de contenu, de nouveaux marchés en forte croissance pour leurs produits tant sur le plan intérieur que pour l’exportation.

Pour y arriver, le gouvernement du Québec a le devoir de favoriser en quelque sorte le décollage de l’autoroute de l’information au Québec, de lui donner son élan.
Il faut donc favoriser un accès le plus large possible des Québécois à l’inforoute, donc pas seulement aux Québécois qui ont les moyens de s’équiper à la maison. Ainsi, nous ferons en sorte que, d’ici un an, les 965 bib1iothèques publiques du Québec soient reliées à l’Internet. Le Comité consultatif propose que les écoles du Québec soient, aussi, des lieux d’accès à l’autoroute de l’information.

Il faut que les citoyens trouvent sur l’autoroute de l’information des renseignements concrets, 1rranédiatement utilisables. C’est ce que le Comité consultatif propose lorsqu’ il veut que l’État québécois offre un maximum de services et d’informations aux citoyens sur l’autoroute de l’information. Les entreprises régionales pourraient aussi aborder l’inforoute via les « liberte1s », des sortes de babillards régionaux où les entreprises peuvent échanger des informations utiles.

Une fois entrés sur l’inforoute, les citoyens comme les entreprises pourront en démultiplier les possibilités, profiter pleinement de ses avantages.
Les inforoutes auront un effet multiplicateur qui dynamisera tous les secteurs économiques et permettra la création d’un grand nombre de nouveaux emplois, particulièrement chez les jeunes, là où le taux de chômage est le plus préoccupant. Mais rien ne se produira si nous n’agissons pas. Et, pour agir, il faut agir ensemble: secteur privé et public, éducation et entreprises, villes et régions.

La dimension culturelle
J’ai parlé tout à l’heure de l’importance de l’inforoute pour notre avenir culturel. On ne peut pas trop insister. Le Québec peut et doit contribuer à ce que le français soit une des langues d’usage sur l’inforoute. Cette nouvelle technologie doit servir à l’ouverture sur le monde, pas à l’uniformisation des cultures.

Voici d’ailleurs un domaine où nos efforts en Francophonie prendront tous leurs sens. Devant ce gigantesque défi, les pays membres de la Francophonie devront s’appuyer les uns sur les autres pour assurer le foisonnement du français sur les réseaux informatiques. Le Québec est bien placé pour jouer un rôle phare dans ce nouvel espace culturel. La relance de la coopération franco-québécoise, opérée depuis quelques mois, fait d’ailleurs une large part à ces activités. Je pense d’ailleurs que l’inforoute aura pour effet de redynamiser les rapports au sein de la Francophonie, entre les États, les entreprises et les citoyens.
Notre action sur l’inforoute n’est cependant pas défensive. Au contraire, le temps est révolu où notre culture survivait parce qu’on la protégeait. L’inforoute est un exemple où notre culture survivra parce qu’elle s’affirmera, dynamique et ambitieuse, sur les plus grands réseaux du monde. En effet l’inforoute permet d’aller cueillir le consommateur de culture francophone individuellement, là où il se trouve: à Denver ou à Bali, à Clermont-Ferrand ou à Bangkok.

Il faut donc faire en sorte que le Québec soit un carrefour très achalandé, sur l’autoroute de l’information. Un carrefour où nos créations culturelles sont disponibles. Celles qui furent créées avant cette révolution technologique, puis celles qui seront créées grâce à ce nouvel outil: le mu1ti-média, la réalité virtuelle, ou encore des oeuvres entièrement nouvelles dont on ne peut, aujourd’hui, imaginer la facture.
Dans cet esprit, trois de nos plus grands musées québécois, le Musée d’Art contemporain, le Musée du Québec et le Musée des Beaux-Arts de Montréal, ont soumis conjointement un projet au Fonds de l’autoroute de l’information dans le but de concevoir un système qui permettra la diffusion et l’interprétation des oeuvres de leur collection au moyen des nouvelles technologies multimédias et, aussi, la réalisation de visites guidées virtuelles. Une fois réglés quelques mandats administratifs, nous serons très heureux de soutenir cette initiative qui rend davantage accessible le patrimoine culturel dont les Musées ont la garde.

Vous le voyez, de nouveaux champs vont devoir s’ouvrir amenant de nouveaux modes d’intervention, misant plus que Jamais sur le partenariat, la mise en commun, le décloisonnement et l’ouverture sur le monde. .

Les principaux partenaires culturels du gouvernement, notamment nos grandes institutions muséa1es, la SODEC, le Conseil des Arts et des lettres, le réseau des bibliothèques, de même que le ministère de la Culture et des Communications, ont déjà amorcé le virage. J’ai tenté, au cours des derniers mois, d’accélérer ce mouvement en posant toute une série de gestes dont la portée se voulait structurante et clairement branchée sur une vision d’avenir.

A cette intersection entre la culture et la science, il me semble qu’il nous manque encore un grand équipement, au Québec. Depuis quinze ans, on parle en vain d’un grand Musée de la science et de la technologie. Ne pourrait [-] on pas faire de ce projet une de nos voies d’accès sur l’autoroute de l’information, un de nos champs d’expérimentation et d’exploration?
C’est donc dire, mesdames et messieurs, que mon bref passage au ministère de la Culture et des Communications m’aura fourni l’occasion de dépasser l’indispensable gestion politique et administrative des dossiers et m’aura amené, au cours de diverses rencontres avec des gens du milieu et des séances de travail et de discussion avec mes collaborateurs, à réfléchir sur l’action culturelle du Gouvernement et de son ministère. Je tiens à dire quelques mots, avant de terminer, pour remercier très chaleureusement un grand Québécois qui a bien voulu être mon conseiller et mon guide pendant ces quelques mois: Monsieur Roland Arpin. Voilà un homme qui, directeur de musée ou sous-ministre, sait marier la civilisation et l’administration.

Au cours de l’automne, tous les Québécois seront invités à se prononcer sur l’avenir et la sorte de pays qu’ils veulent se donner. Avant d’être de nature économique ou politique, ce geste sera avant tout culturel. Jamais il n’a été aussi opportun d’investir des énergies dans les outils et les moyens qui nous permettront de gérer notre destin.
Le temps est venu de prendre action en élargissant l’intervention de l’État si nécessaire mais surtout en prenant des initiatives marquées au coin du partenariat, de la mise en commun, de la volonté de tous ceux qui croient en l’avenir. Il s’agit d’ouvrir de nouveaux champs de la culture et non pas d’abandonner ceux dans lesquels nous travaillons déjà. Il s’agit de faire comprendre, de démystifier et de faire aimer des domaines de la connaissance qui contribuent à nous rendre plus libres.

[QParizeau 19950815]
M. Bouchard, M. Dumont, chers amis,
Ce n’est pas une tâche simple de définir l’événement qui nous réunit ici ce soir. C’est à la fois un aboutissement et un commencement. C’est à la fois la réponse que nous formulons, ensemble, au vœu des Québécois, et l’appel que nous leur lançons en retour. C’est à la fois un moment de joyeuse célébration et un moment de studieuse préparation.
Cette soirée et la présence sur cette même tribune des chefs de trois partis politiques du Québec est surtout un signe de responsabilité. C’est la motivation qui nous unit aujourd’hui, nous qui venons de divers horizons et qui convergeons vers un même but.
Nous avons la responsabilité de faire du rendez-vous référendaire de l’automne le « début d’un temps nouveau », plutôt qu’une autre borne sur la route de l’éternel recommencement. Nous avons la responsabilité d’offrir aux Québécois un projet qui les appelle et qui les porte, et non une vaine promesse qui les ramènerait sur les sentiers de l’échec.
Pour être responsable, il faut voir clair. Or, que voit [-] on? D’une part, le Canada est bloqué. Jamais le refus des Canadiens de reconnaître la différence québécoise n’a été aussi ferme, aussi assumé. C’est devenu au fil des ans, une sorte de refus tranquille, définitif, sans appel.
Il y a une ou deux décennies, le Canada regardait le Québec et lui disait, vous vous souvenez : « What does Québec want? » Autrement dit, qu’est ce que vous voulez au juste?
On leur a dit ce qu’on voulait. Jean Lesage leur a dit. Daniel Johnson père leur a dit. René Lévesque leur a dit.
Le Canada a répondu : « ah bon, c’est ça? C’est non. »
Et aujourd’hui, à ceux qui veulent encore changer le fédéralisme, le Canada ne répond plus : « Qu’est ce que vous voulez?»
Il répond : « Quoi, encore vous? »
Il répond : « Pour qui vous prenez [-] vous? »
Il répond surtout : « Vous êtes qui, vous? »
Car la triste réalité aujourd’hui, c’est que les deux-tiers des Canadiens croient que les Québécois ne forment pas un peuple distinct. Pour eux, nous n’existons pas. Comment est ce qu’un peuple inexistant pourrait avoir des revendications légitimes?
C’est pourquoi il faut d’abord dire qu’on existe, pour engager avec nos voisins un dialogue sur des bases nouvelles.
Parmi les options qui s’offrent aux Québécois, il y a pourtant celle là. Celle de revenir à des demandes anciennes. Celle de vivre dans le passé. Le chef du parti libéral du Québec, Daniel Johnson, nous a donné un mode d’emploi dimanche dernier. Il propose que le Québec demande au Canada un droit de veto sur les changements constitutionnels et la reconnaissance de son existence comme société distincte.
La « nouvelle proposition » de M. Jonhson me fait penser à une histoire de chasse que certains d’entre vous connaissez peut-être.
Trois chasseurs ont abattu chacun un orignal près d’un lac. Mauvaise nouvelle : le pilote de l’hydravion qui vient les chercher à la fin de leur séjour leur dit que son engin n’est pas assez puissant pour porter le poids de trois orignaux. Mais les chasseurs sont têtus et ils rappellent au pilote que l’année précédente, il leur avait dit la même chose mais que moyennant un léger supplément, il avait accepté de transporter les trois bêtes dans son avion. Alors le pilote accepte comme l’année précédente. L’Hydravion prend difficilement son envol, rase la cime des arbres puis… s’écrase dans la forêt. Un des chasseurs un peu assommé par l’impact dit : « où sommes [-] nous? » Le pilote répond : « nous sommes à environ un kilomètre de l’endroit où nous nous sommes écrasés l’an dernier… »
Vous ne trouvez pas que ça ressemble au plan de vol de Daniel Johnson et de ses libéraux? Ça n’a pas marché en 70, ça n’a pas marché en 1982, ça n’a pas marché en 1990, ça n’a pas marché en 1992. Pour eux la conclusion coule de source : recommençons la même chose.
En fait M Johnson voudrait qu’au référendum, les Québécois se disent Non. Qu’ensuite, les Canadiens disent encore Non au Québec. Et qu’on s’écrase encore un peu plus.
Finalement, si on comprend bien avec le camp du Non tout le monde est malheureux tout le temps.
Voilà pour l’option de l’échec.
D’autres options s’ouvraient à nous et, l’hiver dernier, plusieurs sirènes ont voulu nous attirer dans ces directions.
Par exemple, pourquoi ne pas demander simplement aux Québécois : êtes [-] vous favorables au statu quo? » Facile : 70% des Québécois auraient dit Non. Nous aurions eu une belle vitoire. Mais avec quel résultat concret? Rien n’aurait changé.
Nous aurions pu demander aux Québécois : « voulez [-] vous plus d’autonomie pour le Québec? » 70% auraient dit Oui. Nous aurions eu une belle victoire. Mais avec quel résultat concret? Rien n’aurait changé.
Nous aurions pu suivre les recommandations de MM. Chrétien et Johnson, emprunter la voie du radicalisme et demander aux Québécois : « êtes [-] vous pour la séparation? » Il est probable que les Québécois nous auraient dit : « Ça ne suffit pas. Il manque quelque chose. »
Et s’ils avaient alors répondu Non, est [-] ce qu’on aurait fait avancer le Québec? Est [-] ce que le Canada serait devenu plus flexible envers nos demandes d’autonomie? Est [-] ce que ça nous aurait même ramené Meech? Évidemment, Non.
Aucune de ces options, il me semble, ne satisfait à notre devoir, notre responsabilité, de faire sortir le Québec de l’impasse.
Alors, qu’avons [-] nous fait? Nous avons soumis notre projet, à nous souverainistes, à la plus vaste consultation populaire de notre histoire. Nous avons invité nos amis du Bloc et de l’ADQ ainsi que plusieurs anciens libéraux et conservateurs, à venir discuter avec nous, et avec les 53000 Québécois et Québécoises qui ont participé à l’exercice.
Nous avons dit que nous les écouterions. Et c’est ce que nous avons fait. Un des grands messages des Québécois qui ont participé aux commissions fut celui-ci : il faut former le plus vaste rassemblement possible derrière un projet commun, celui de la responsabilité de nous-mêmes, celui de la souveraineté du Québec.
L’autre grand message a porté sur nos rapports avec notre voisin canadien. Les Québécois nous ont dit d’aller plus loin que ce que nous envisagions. Ils nous ont dit d’ajouter une proposition ferme, claire, de relations économiques mais aussi politiques avec nos futurs voisins canadiens.
Les Québécois et les Québécoises nous ont dit : vous avez raison, il ne sert à rien de donner une autre dernière chance au fédéralisme. Vous avez raison, il faut créer une situation nouvelle, en réalisant la souveraineté. Cependant, il ne faut pas tourner le dos au Canada. Il ne faut pas tourner le dos aux liens que nous avons tissés. Aux parentés, aux amitiés dont nous avons hérité. Aux projets que nous pouvons encore avoir ensemble.
Bref, les Québécois nous ont dit : servez vous de la souveraineté pour enlever de la relation avec le Canada tout ce qui nous divise et ce qui nous oppose. Tout ce qui crée la tension et la chicane. Tout ce qui nous retient dans le passé. Tout ce qui bloque l’avenir. Mais tentez de préserver ce qui reste : tentez de préserver des relations de bon voisinage avec le Canada.
Tentez de renforcer la coopération économique. Ouvrez des perspectives d’action commune, sur des champs où nous nous entendons vraiment. Parce qu’après tout, nous serons des voisins pour toujours.
Nous voulions faire une souveraineté ouverte, mais tranquille. Nous avions la tentation d’attendre, après la souveraineté, que des propositions d’institutions communes viennent du Canada.
Les Québécois nous ont dit : faites plus et mieux. Jouez un rôle actif, constructif, pour offrir à nos voisins un nouveau mode de relation qui préserve nos intérêts communs tout en satisfaisant notre désir d’autonomie.
Faites une souveraineté qui n’a rien à voir avec la « séparation ».
Notre responsabilité, en tant que gouvernement québécois et en tant que leaders politiques du Québec, fut de traduire cette volonté dans une proposition claire et réaliste.
Avec le Bloc québécois de M. Lucien Bouchard, et avec l’Action démocratique du Québec de M. Mario Dumont, nous avons inventé une formule. Une formule qui emprunte aux réflexions des uns et des autres, et qui respecte les convictions des uns et des autres.
Une formule qui surtout incarne la volonté des Québécois. Devenir « maître chez nous », oui tout en tendant la main à nos voisins. Cette formule, c’est la souveraineté et une offre de partenariat économique et politique avec le Canada.
L’entente du 12 juin, c’est la combinaison gagnante. Combinaison des partis et des chefs, sans doute. Combinaison surtout du projet politique et de la volonté profonde des Québécois. Cette combinaison est gagnante parce qu’elle fait gagner le Québec.
Elle permet aux Québécois et aux Québécoises de se reconnaître dans ce projet positif et constructif. Elle leur permet, donc, enfin de dire Oui. Elle permet aussi aux Canadiens de dire Oui à une nouvelle forme de relation avec le Québec, ou de proposer une autre formule, plus ou moins ambitieuse, selon leur intérêt et leur volonté. Car cette formule, plutôt que de jeter des ultimatums et d’imposer des conditions, ouvre une porte, lance un dialogue nouveau et prometteur.
La souveraineté, d’une part, est l’ingrédient essentiel, la pierre d’assise, le point de passage obligé de tout le reste. C’est à la fois un objectif remarquable, et un moyen indispensable.
La souveraineté, pas question de la mettre sous le boisseau, sur le rond arrière, en veilleuse ou toutes ces expressions qui m’ont toujours donné de l’urticaire.
Le Partenariat n’est pas possible sans la souveraineté. Le projet de société n’est pas possible sans la souveraineté. La reconnaissance de notre existence et de notre caractère comme peuple n’est pas possible sans la souveraineté. Notre présence au monde, le ménage de nos finances publiques, notre régionalisation, nécessitent, tous, la souveraineté.
En fait, nos adversaires souhaitent qu’on se mette à vaciller et à escamoter la souveraineté. Ils voudraient pouvoir dire qu’on trompe le public, qu’on noie le poisson, qu’on veut leur passer la souveraineté, mais en catimini, en cachette, comme si on en avait honte.
Il n’y a qu’une façon de leur répondre : c’est de faire en sorte qu’ils défoncent des portes ouvertes.
Vont [-] ils nous accuser d’être souverainistes? Nous allons dire : « quoi, vous ne vous en étiez pas rendu compte? » Bien sûr que nous le sommes. Souverainistes, avant, pendant et après le référendum.
L’entente qui réunit nos trois partis est notre marque de respect pour la volonté des Québécois et des Québécoises, et ce qu’ils nous ont dit dans les Commissions régionales. C’est la preuve de notre capacité d’évoluer et de s’adapter. C’est un gage de notre engagement démocratique.
C’est notre façon de tendre la main, non seulement au Canada, mais d’abord à tous les déçus du fédéralisme, qui ont toujours voulu d’une relation égalitaire avec le Canada, mais n’ont pu l’obtenir au sein du fédéralisme.
Pendant la discussion publique qui s’ouvre, les citoyens vont donner une prime à l’honnêteté et à la clarté. C’est bon signe car, de notre, côté, nous mettons cartes sur table.
Nous admettons sans détour que le Partenariat est une proposition, que nous trouvons raisonnable, mais pas une garantie. Nous pensons que l’intérêt des Canadiens les incitera à y répondre positivement. Et les sondages nous disent qu’une forte majorité de Canadiens pensent que l’association avec le Québec souverain est inévitable. Nous espérons donc que cette formule emportera aussi l’adhésion des Canadiens.
Mais nous ne pouvons parler pour eux. Et eux ne parleront qu’une fois que les Québécois auront dit Oui.
Il faut que les Québécois sachent exactement à quoi s’en tenir. La clarté, la transparence sont nos alliés.
De l’autre côté cependant, le camp du Non, du statu quo, refusera de nous dire ce qui se passera après un Non. Ceux qui le constituent sont surtout incapables de signer entre eux une entente comme nous l’avons fait. Jean Chrétien pourrait [-] il signer un même projet avec Daniel Johnson? Laissez [-] moi sourire ! Et les premiers ministres des provinces, sont [-] ils prêts à donner au Québec ce que leurs électeurs ont rejeté en 1992? Bien sûr que non.
De la part du camp du Non, nous allons entendre un flot de belles paroles, de promesses vagues, d’engagements en trompe-l’œil. Ils voudront nous faire croire que le Canada va devenir flexible, positif, ouvert ux revendications québécoises. Ils n’en croient pas un mot. Ils voudront nous faire croire qu’un vote pour le Non est un vote pour le Oui : on la connaît, cette chanson là.
Par notre sens des responsabilités, nous allons appeler chaque Québécois et chaque Québécoise à poser un geste responsable pour l’avenir du Québec, pour nos jeunes et pour la prochaine génération. En se disant Oui à nous-mêmes, nous pouvons sortir du cycle de la morosité, du pessimisme et des éternels recommencements.
Nous pouvons nous offrir, à nous et à tous les jeunes qui nous regardent, un nouveau départ.

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[QParizeau19950906]

Bonjour,

Il y a aujourd’hui dans cette salle et à l’écoute dans des milliers de foyers, des maires et des ministres, des travailleurs sociaux et des chefs d’entreprises, des présidents d’association, des députés, des secrétaires, des agriculteurs et des infirmières et la plupart des commissaires ayant participé aux Commissions sur l’avenir du Québec. Mais aujourd’hui, il n’y a pas de protocole qui tienne. Aujourd’hui, nous sommes tous, d’abord et surtout, des citoyennes et des citoyens du Québec. C’est en cette qualité que nous sommes réunis.

Oui, car c’est à la parole des citoyens et citoyennes du Québec, de toutes origines et de toutes situations sociales, que nous devons la cérémonie d’aujourd’hui. Cette déclaration de souveraineté que nous entendrons dans quelques minutes, c’est un des fruits de la grande consultation qu’ont menée l’hiver dernier les Commissions sur l’avenir du Québec.

Et si, dans quelques semaines, une majorité de Québécois disent Oui au changement lors du référendum, c’est parce que nous aurons réussi le mariage entre la volonté populaire et la promesse d’un Québec souverain.
Nous avons voulu que notre projet soit trempé dans le feu du débat public. Nous avons demandé aux Québécois de le critiquer, de l’amender, de l’améliorer, de se l’approprier. Nous avons promis de tenir compte de leurs voeux. Et nous nous rendons compte, depuis quelques mois, qu’à chaque fois que nous intégrons les souhaits des Québécois à notre démarche, l’adhésion populaire qu’elle recueille augmente. Et puisque nous n’avons pas encore terminé cette intégration, nous voyons l’avenir avec un optimisme serein.

Les 53000 citoyens qui ont participé à ce qu’on a appelé « l’hiver de la parole », nous ont transmis trois grands messages. D’abord, ils ont voulu que le projet de souveraineté ne tourne pas le dos au passé du Québec. Qu’il s’inscrive plutôt dans la continuité, et qu’il fasse une place de choix à nos rapports avec nos voisins canadiens. Que le Québec s’affirme, oui; qu’il mette fin aux chicanes inutiles, oui; mais en offrant aussi de conserver avec le Canada un bon voisinage et une coopération fructueuse, chaque fois que c’est dans notre intérêt mutuel. Les Québécois nous ont aussi demandé de rassembler le plus grand nombre de forces possible derrière le projet de changement. Ils nous ont demandé de faire en sorte que le Oui soit l’affaire d’une grande coalition, et pas seulement l’affaire du gouvernement.
Nous avons entendu ces deux premiers messages, et nous avons agi en conséquence. Avec le Bloc québécois et l’Action démocratique du Québec, nous avons conçu un projet commun, qui fera en sorte que le Québec réalise la souveraineté, et offre au Canada un nouveau Partenariat économique et politique. Nous avons signé une entente à cet effet le 12 juin dernier, consacrant l’alliance de nos trois partis. Cet événement, sans précédent dans notre histoire contemporaine, a rallié les 15 organisations des Partenaires pour la souveraineté, et fut applaudie par les 18 présidents des Commissions sur l’avenir du Québec.

Dans les jours qui viennent, le nouveau Projet de 101 et la Question référendaire refléteront dans des termes clairs et réalistes, cet apport des citoyens. Le Projet de loi intégrera aussi bon nombre de modifications suggérées par les commissions.

Un troisième grand message de la participation populaire de l’hiver portait sur la sorte de société dont le Québec voudra se doter après un Oui. Les femmes et les hommes du Québec jugent qu’il faut profiter de ce changement pour faire les choses autrement, pour améliorer nos vies et celles de nos enfants.

Ce voeu d’obtenir une esquisse de ce qui sera possible après un Oui, nous comptons le réaliser de deux façons. Un document, concret et accessible, est en voie de préparation et sera disponible dans les semaines qui viennent.
Mais les grands principes qui guideront le Québec de demain, les valeurs et les devoirs que nous voulons adopter pour notre vie en société, personne ne peut les inventer, sauf les Québécoises et les Québécois eux-mêmes.

Et c’est pourquoi nous sommes ici aujourd’hui. Nous avions demandé aux Québécois de remplir la « page blanche » de l’avant-projet de loi, et d’y inscrire leurs expériences et leurs espoirs, leurs volontés et leurs défis.

C’était un gros contrat. Vous devrez juger, dans quelques minutes, du résultat. Et je voudrais inviter la présidente de la Commission nationale sur l’avenir du Québec, Mme Monique Vézina, à venir nous expliquer comment s’est agencée cette vaste création collective.

[QParizeau19950911]

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale française, Monsieur le Président de l’Assemblée nationale du Québec, Monsieur le Consul général de France à Québec,
Monsieur le Délégué général du Québec à Paris, Messieurs les membres du Corps consulaire,
Monsieur le Vice-premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres et Députés, Messieurs les Maires,
Distingués invités,
Mesdames, Messieurs
Quel plaisir, Monsieur le Président, de vous recevoir ici ce soir. Quel plaisir, quelle joie d’accueillir en nos murs un ami, « un frère », pour reprendre le mot particulièrement touchant que vous avez utilisé lors de mon passage à l’Assemblée nationale française en janvier dernier.
Et pour bien exprimer notre bonheur, nous avons réuni ce soir dans ce lieu historique de fervents artisans des rapports franco-québécois.
Vous savez, Monsieur le Président, l’attachement des Québécoises et des Québécois à la France. Vous savez les liens de toutes sortes qui unissent nos deux peuples. Des liens qui, il faut s’en réjouir, débordent largement le cadre institutionnel pour s’inscrire dans les dizaines de milliers de relations d’amitié. La langue et les racines culturelles que nous partageons, la différence que nous construisons à chaque génération, favorisent un rapprochement toujours nouveau, toujours changeant. On peut le constater bien sûr dans nos rapports bilatéraux, dans nos échanges, j’allais dire dans notre complicité, en francophonie.

Mais il y a plus. Les Québécoises et les Québécois se sentent directement concernés par ce qui se passe et se dit en France. Ainsi, à l’heure actuelle, ils sont touchés par la série d’attentats dont des Français sont victimes depuis quelques semaines. À cet égard, ils souhaitent par ma personne, vous exprimer, Monsieur le Président, leur plus sincère sympathie.
Les échanges franco-québécois sont «dans la nature des choses» pour reprendre l’expression du Général de Gaulle. Il y a consensus au Québec et en France, me semble [-t-] i1, pour les enrichir, les développer, les actualiser sans cesse. Il s’agit en fait de créer les conditions qui permettent à nos deux communautés de relever ensemble les défis que l’histoire et l’économie mettent à notre porte.

À ce propos, je me réjouis qu’à votre initiative et à celle du président de l’Assemblée nationale du Québec, M. Roger Bertrand, le thème des autoroutes de l’information ait été retenu pour la rencontre annuelle de la Commission interparlementaire franco-québécoise. Je crois sincèrement qu’il va de l’intérêt de la France et du Québec que des partenariats nombreux apparaissent dans ce domaine. La place du français dans les nouvelles technologies de l’information ne peut être assurée que si les deux piliers de la francophonie mondiale travaillent main dans la main. Je suis heureux de constater que la France partage ce point de vue.
La France peut compter sur la collaboration du Québec pour le développement de nos relations bilatérales. Nous avons besoin de nos rapports avec la France pour assurer notre épanouissement. Nous entendons les favoriser.

Nous vous reconnaissons, Monsieur le Président, comme un des plus ardents promoteurs des relations franco-québécoises en France. Les Québécoises et les Québécois vous en sont reconnaissants. D’abord, en tant que président de l’Assemblée nationale. J’ai été à même de constater, si besoin était, l’intérêt que vous portez à nos rapports lors de ma visite officielle en France au début de l’année. L’accueil que vous m’avez réservé à l’Hôtel de Lassay témoigne éloquemment de votre engagement. Votre présence à la Xe session de la Commission interpar1ementaire franco-québécoise qui se tient présentement à Québec constitue une autre preuve.
Lorsque vous nous avez reçus, en janvier à Paris, vous avez prononcé des phrases lourdes de sens sur les liens qui unissent nos deux peuples. « La France, avez [-] vous dit, a besoin du Québec pour bien des raisons, connues ou pas, conscientes ou pas, claires ou plus mystérieuses. » Je crois fermement, Monsieur le Président, que vous avez dit là une grande vérité. Et que nous pouvons aussi dire le vrai en reversant la proposition le Québec a besoin de la France pour plusieurs raisons qui s’imposent d’évidence. Mais elle en a besoin aussi pour bien des motifs qui ne tiennent ni de l’économie, ni de la géopolitique. Il y a une part de mystère dans nos rapports, personnels et collectifs, avec la France et ses habitants. Dans la vie de chaque Québécoise et de chaque Québécois, il y a un moment où nous voulons élucider cette part de mystère. Et une des beautés de nos relations, c’est que nous n’y parvenons jamais tout à fait.

En tant que maire d’Épinal, je sais que vous voulez encourager les rapprochements entre jeunes Français et Québécois, notamment par le biais du jumelage d’écoles d’Épinal et de Saint-Hyacinthe au Québec. Un groupe de jeunes élèves d’une institution scolaire de votre commune était d’ailleurs au Québec le printemps dernier. Et je ne parle pas de l’intérêt que vous portez au sport national des Québécois qui a amené l’embauche d’un ancien capitaine des Canadiens de Montréal comme instructeur de l’équipe de hockey d’Épinal.
Vous venez au Québec, Monsieur le Président, à une période importante de notre histoire. Dans quelques semaines, les Québécoises et les Québécois seront appelés à se prononcer sur leur avenir.

Cette consultation populaire constitue l’aboutissement d’une vaste démarche au caractère démocratique et novateur. Je suis convaincu que cette démarche n’a pas échappé au défenseur des droits démocratiques que vous êtes et à l’artisan des grandes réformes de la Constitution française entérinées à Versailles en juillet dernier.

Nous avons tenu à ce que dès le départ les Québécoises et les Québécois soient impliqués et mis à contribution. Voilà pourquoi au début de l’année, après le dépôt d’un avant-projet de loi sur la souveraineté, nous avons mené, de l’Abitibi aux Îles-de-la-Madeleine, de l’Ungava aux frontières américaines, une vaste consultation présidée par des hommes et des femmes dont la compétence est reconnue dans leur milieu. Plus de 50000 personnes y ont participé et des milliers de mémoires ont été déposés. Les avis, suggestions et opinions ont été colligés et soumis au gouvernement pour prise en considération.
Fort de cette contribution populaire exceptionnelle, le gouvernement a refait ses devoirs. Il y a quelques jours, un projet de loi a été déposé à l’Assemblée nationale en même temps que la question référendaire. Ce projet de loi constitue une version modifiée de l’avant-projet de loi du début de l’année. Il intègre 1 es suggestions et recommandations émises lors des commissions régionales et nationales.

Les Québécoises et les Québécois avaient exprimé leur volonté que le gouvernement leur propose un projet de société afin de se prononcer de façon plus éclairée sur leur avenir. Nous avons répondu à leur demande en déposant la semaine dernière une déclaration de souveraineté qui résume en quelque sorte les grandes valeurs sur lesquelles s’appuie la société québécoise.
Cette démarche correspond à la nature même de la société québécoise qui a été une des premières dans le monde occidental à se doter d’un régime parlementaire et à définir des paramètres rigoureux pour l’exercice démocratique, notamment en ce qui a trait au financement des partis politiques et à la tenue des référendums.

Monsieur le Président, j’ai pris note avec plaisir de la volonté des autorités françaises de ne pas prendre parti dans le débat référendaire. La politique de « non ingérence et de non indifférence» nous convient parfaitement. Il appartient aux Québécoises et aux Québécois seuls de décider de leur avenir. Cependant, une fois connus les résultats du référendum, nous souhaitons que la France soit à nos côtés pour que ce choix soit reconnu. Nous savons que nous pourrons compter sur vous, M. Séguin, pour nous accueillir lorsque nous nous présenterons à la table des nations.
Avant de terminer, Monsieur le Président, je voudrais vous demander de transmettre nos meilleurs voeux au Président de la République, M. Jacques Chirac. Nous connaissons la longue, fidèle et indéfectible amitié du Président français pour le Québec; nous la savons porteuse d’avenir. Je vous saurais gré également de lui indiquer que nous serions heureux de l’accueillir au Québec au moment qui lui conviendra.

Veuillez transmettre aussi nos meilleurs voeux au premier ministre, M. Alain Juppé, qui m’a indiqué son intention de venir nous visiter dans le cadre des rencontres périodiques alternées des premiers ministres français et québécois.
Avant de lever mon verre, je voudrais vous remercier encore une fois, Monsieur le Président, de nous honorer de votre présence. Votre visite qui commence aujourd’hui constitue un moment exceptionnel dans le dialogue politique que nous souhaitons de part et d’autre. Pour reprendre les paroles d’une de nos vieilles chansons de folklore, sans doute d’origine française, « Oui nous l’aurons, dans la mémoire longtemps. »
Longue vie à l’amitié franco-québécoise.

[QParizeau19950911]
Monsieur le Président,
Il y a un an presque jour pour jour, le peuple québécois confiait à une majorité des membres de cette Assemblée nationale une tâche importante: celle de préparer la décision la plus naturelle, la plus noble et la plus importante que puisse prendre un peuple. Devenir souverain. Maître de ses choix.

Et nous voici tous conviés, dans le débat qui s’amorce, à poser l’un des gestes les plus démocratiques qu’une assemblée parlementaire puisse poser.

Nous nous apprêtons en effet à remettre directement aux femmes et aux hommes du Québec le pouvoir de choisir leur avenir. Il s’agit, Monsieur le Président, j’en suis intimement convaincu, de l’expression la plus fondamentale de la démocratie, donc de la liberté; la liberté de décider, la liberté de voter.
Les Québécoises et les Québécois ne voteront pas, le 30 octobre, pour élire des représentants. Ils et elles ne voteront pas pour choisir un parti, un gouvernement ou un programme. Il s’agira, pour chacun, d’investir à long terme. De décider de l’avenir du Québec. De son avenir politique. De sa place dans le monde. C’est une occasion d’accéder à l’égalité, avec les autres peuples, notamment avec notre voisin et partenaire naturel, le peuple canadien.

Il s’agira donc de voter par et pour nous-mêmes. C’est un vote pour nos enfants et ceux qui les suivront. C’est aussi à bien des égards, un vote pour ceux qui nous ont précédé et qui ont tant fait pour que le Québec existe, se développe et soit respecté.

On me permettra d’évoquer certains de ceux qui, depuis plus de 200 ans, ont occupé la charge que nos concitoyens ont bien voulu me confier et tout particulièrement, d’évoquer un des plus récents et des plus respectés: René Lévesque.
René Lévesque, avant toute chose, était un démocrate. Et en ce sens, je pense que le leader de l’opposition sera d’accord avec moi, en ce sens, tous les membres de cette Assemblée sont aujourd’hui, un peu, ses héritiers. M. Lévesque a toujours cru que notre première loyauté de parlementaire, sans laquelle ce que nous faisons a peu de sens, est notre loyauté envers le peuple du Québec.

Le débat que nous amorçons aujourd’hui et qui cédera ensuite la place à la campagne référendaire, sera caractérisé par notre volonté de bien informer nos concitoyens. Ce débat sera aussi, sans aucun doute, par moments un peu rude. Mais à la fin, quelqu’un aura le dernier mot, et ce mot nous ralliera tous. Ce quelqu’un, c’est le peuple du Québec. Ce mot, ce sera Oui ou Non.
Si c’est Non, ce gouvernement, comme celui de 1980, respectera la décision populaire et ne mettra rien en oeuvre pour modifier le statut du Québec comme province du Canada. Le chef de l’opposition sait qu’il peut compter là-dessus.

Si c’est Oui, cette Assemblée nationale sera appelée à mettre en oeuvre la volonté des Québécois de se donner un pays, et d’offrir un nouveau Partenariat au Canada, par l’adoption du projet de loi sur l’avenir du Québec. Je sais que je peux compter sur l’esprit démocratique du chef de l’opposition et de ses collègues à cet égard. Je le sais parce qu’en dernière analyse, lui et moi avons le même patron: le peuple québécois.
Cette décision du peuple du Québec se prendra à l’intérieur d’un des processus démocratiques les plus rigoureux au monde. Il faut le rappeler, la loi sur les consultations populaires, qui reprend notamment les principes de financement et de limites de dépenses que nous connaissons bien en période électorale, nous assure que la décision sera celle des femmes et des hommes du Québec, non pas celle de groupes d’intérêts particuliers, de corporations. Notre loi nous assure que le débat ne sera pas perverti par la puissance des ressources financières. Chaque option, le «OUI » comme le «NON » bénéficiera d’un budget identique.

Nous ne sommes cependant pas à l’abri d’interventions extérieures, susceptibles d’entacher le caractère démocratique du débat. Dans un document de stratégie interne dont le gouvernement fédéral a reconnu l’authenticité, Ottawa annonce sa volonté bien déterminée de violer le processus démocratique québécois en inondant le Québec de publicités plus ou moins subliminales, même dans la période de campagne référendaire proprement dite, en octobre. Cette décision est un exemple de plus du refus du fédéral de respecter les institutions et les règles que les Québécois se sont données ensemble.
L’arrogance fédérale face au Québec croît avec l’usage. Contrairement à 1980, Ottawa ne fait même plus semblant d’y mettre les formes. Son intervention dans notre débat est massive, les budgets illimités, les scrupules inexistants. Le mutisme des représentants québécois du Non à cet égard est inquiétant. Il constitue une invitation au fédéral à bafouer encore, sur d’autres plans peut-être, les institutions québécoises.

Quoiqu’il en soit, l’Assemblée nationale a aujourd’hui devant elle un projet de loi sur l’avenir du Québec de même que le texte de la question sur laquelle les citoyens se prononceront.
Ces deux textes constituent la suite logique de la marche des Québécois pour leur développement. En un sens, ils prennent le relais de plus de 400 ans d’ histoire et, en particulier, de plus de 30 ans de tentatives déterminées mais infructueuses de trouver une juste place pour le Québec au sein du Canada. Il est aussi l’aboutissement d’un parcours vieux de cinq ans, amorcé par le refus de l’Accord du lac Meech et marqué par le «NON» au référendum sur l’accord de Charlottetown.

Toute l’histoire du Québec, avant même la bataille des Plaines d’Abraham, est une quête: la quête de la reconnaissance de ce que nous sommes, et la quête de l’égalité avec les autres peuples. À l’heure de franchir l’étape qui nous mène enfin à cet objectif, vous ne m’en voudrez pas de la mettre brièvement en perspective, de l’insérer dans la chaîne des événements qui nous ont mené jusqu’ici.
Être nous-mêmes, faire nos propres choix… cette volonté était tellement présente, pendant le régime français, que nos intendants et nos régisseurs nous trouvaient déjà bien rebelles. Tout de suite, nous avons acquis une personnalité propre. L’affrontement entre Montcalm et Wolfe n’a pas mis un terme à notre entêtement de francophones. Dès 1774, par l’Acte de Québec, Londres rétablit les lois civiles et la liberté de religion des Canadiens, c’est-à-dire des Québécois d’aujourd’hui. En 1791, l’Acte constitutionnel qui instaure le parlement dans lequel nous siégeons aujourd’hui, marque d’une autre pierre le chemin qui mène à notre autonomie.

C’était d’abord un Parlement qui, sans être doté de tous les pouvoirs démocratiques, loin de là, donnait une voix aux volontés des Québécois. Une voix que Louis-Joseph Papineau a fait entendre ici. Élu et réélu au début du siècle dernier par une vaste coalition de Québécois, francophones et anglophones, il tenta de créer ici un État moderne, autonome, respectueux des minorités et ouvert sur le monde, y compris sur le monde britannique. En réclamant le gouvernement responsable pour la colonie québécoise, il voulait ce qu’on appelle aujourd’hui la souveraineté. En réclamant son maintien dans l’empire britannique, il proposait une forme d’association économique, et politique, qu’on appelle aujourd’hui le partenariat.
Mais les forces du statu quo allaient l’en empêcher, opposant la force à la volonté démocratique des Québécois. Que de temps perdu, dans l’intervalle, que d’énergies gaspillées à cause du refus britannique de reconnaître les Québécois comme distincts, à cause du refus de les traiter d’égal à égal.

Pensant mâter cette double volonté des Québécois, les autorités britanniques imposèrent l’Acte d’Union de 1840, en appliquant le rapport Durham dont les phrases les plus dures ne sont pas oubliées:
«Cette nationalité canadienne française, écrivait alors Durham, en est [-] elle une que nous devrions chercher à perpétuer pour le seul avantage de ce peuple, même si nous le pouvions? Je ne connais pas de distinctions nationales qui indiquent et entraînent une infériorité plus irrémédiable. La langue, les lois et le caractère du continent nord-américain sont anglais. Toute autre race que la race anglaise (…) y apparaît dans un état d’infériorité, c’est pour les tirer de cette infériorité que je veux donner aux Canadiens notre caractère anglais.»

Lord Durham ne faisait pas dans la dentelle.
Bien que majoritaires au sein de la population, les Québécois sont mis en position minoritaire au sein de ces nouvelles institutions. On en profite également pour endetter les Québécois en leur «transférant», contre leur gré, la moitié de la dette alors accumulée par l’Ontario du temps, le Haut-Canada. Les économistes canadiens anglais d’aujourd’hui qui veulent calculer notre part de la dette canadienne actuelle en fonction de critères historiques feraient bien de sortir leur règle à calcul. 145 ans d’intérêts composés, ça nous ferait tout un compte à recevoir. Je vois que M. Campeau prend des notes.
Reprenons le fil de notre histoire. La résistance des Québécois à l’Union forcée de 1840 fut terrible. Ni reconnus, ni traités en égaux, les Québécois ont fait en sorte que chacune des recommandations de Lord Durham morde la poussière.

En 1867, arriva finalement l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, la fédération canadienne actuelle. Le parti d’Antoine-Aimé Dorian, l’ancêtre des libéraux d’aujourd’hui était opposé à cette fédération. Ils ne croyaient pas qu’elle permettrait la reconnaissance du peuple québécois, ni l’égalité. Dorion voulait que le Québec garde, je le cite, son « indépendance propre », et suggérait de « donner les plus grands pouvoirs aux gouvernements locaux (comme celui du Québec), et seulement une autorité déléguée au gouvernement général (du Canada) ». Dorion et les libéraux de l’époque proposaient une formule qui aurait fait du Québec un État pour l’essentiel souverain, mais associé à ses voisins dans des institutions communes, légères et seulement déléguée. Une idée qui allait resurgir, encore et encore, au sein du Parti libéral. Une idée que nous appelons le Partenariat.

Au moment de l’adoption de la constitution de 1867, beaucoup de Québécois réclamèrent la tenue d’un référendum sur leur entrée dans la fédération, mais les autorités britanniques craignaient la défaite, et refusèrent de s’en remettre à la volonté populaire. L’élection de l’automne 1867, qui mettait les Québécois devant le fait accompli, s’est d’ailleurs déroulé dans des conditions troubles, nettement anti-démocratiques, et les historiens s’interrogent encore aujourd’hui pour savoir s’il y eut vraiment consentement des Québécois pour l’entrée dans la fédération.

Reste que plusieurs de nos leaders de l’époque ont cru, de bonne foi, que l’entrée du Québec dans la fédération allait satisfaire nos deux objectifs historiques: la reconnaissance et l’égalité. Ils ont présenté cette union comme celle de deux peuples fondateurs.
Le problème, c’est que cette vision du pays n’était pas partagée par le leader de l’autre peuple fondateur. Le premier ministre canadien, John A. MacDonald disait en 1865, au moment des débats sur la fédération:
«Nous avons déféré à la législature générale toutes les grandes questions de législations. Nous lui avons conféré non seulement, en les spécifiant et détaillant, tous les pouvoirs inhérents à la souveraineté et à la nationalité, mais nous avons expressément déclaré que tous les sujets d’un intérêt général, non délégué aux législatures locales, seraient du ressort du gouvernement fédéré et les matières locales, des gouvernements locaux. Par ce moyen, nous avons donné de la force au gouvernement général».
On peut difficilement ne pas convenir que John A. MacDonald décrivait assez justement ce qu »allait devenir le Canada, et donc la disparition de la notion de deux peuples fondateurs.

Et si les ancêtres politiques des libéraux s’en doutaient à l’époque, on ne pouvait, très franchement, en être certains. Il a fallu des décennies pour que la logique de centralisation se mette en branle, et devienne irréversible.
En 1963, alors que René Lévesque, la plupart des députés ministériels actuels et moi, avions encore espoir de réformer le fédéralisme, le chef de l’Union nationale, Daniel Johnson père, posait le verdict qui suit:
«Parce qu » il n’a pas été observé ni dans sa lettre ni dans son esprit, disait [-] il, le pacte de 1867 est devenu désuet. Chacune des deux parties en cause a le droit de reprendre sa liberté et de négocier un nouveau contrat, si c’est encore possible. Le temps est venu pour les représentants mandatés des deux nations de se réunir et de chercher ensemble, librement, sur un pied de parfaite égalité, quelles sont les institutions politiques qui conviendraient le mieux aux réalités canadiennes de 1963.»

On croirait entendre Louis-Joseph Papineau, on croirait entendre les libéraux de 1867, on croirait lire l’entente du 12 juin 1995. Mais en 1963, dans le contexte nouveau de la Révolution tranquille et de la modernisation en cours dans le reste du Canada, on pouvait encore penser que ces objectifs de reconnaissance et d’égalité pouvaient être satisfaits au sein de la fédération.
En 1964, le premier ministre canadien Lester Pearson déclara d’ailleurs ce qui suit. Je vous invite à prêter l’oreille, aucun leader politique canadien actuel n’accepterait de prononcer ces paroles aujourd’hui. M. Pearson disait donc: « Bien que le Québec soit une province faisant partie de la Confédération nationale, il est plus qu’une province, en ce sens qu’il est la patrie d’un peuple: il constitue très nettement une nation dans une nation. » Fin de la citation.

Une nation dans une nation. Est [-] ce qu’enfin, cette vérité allait être reconnue? Beaucoup l’ont pensé. Beaucoup ont dépensé une énergie colossale pour lui donner vie.

Et je tiens à saluer ici aujourd’hui les générations de parlementaires et de leaders québécois qui ont cru à la promesse de reconnaissance et d’égalité au sein de la fédération. Honoré Mercier et Henri Bourassa, Jean Lesage, Jean-Jacques Bertrand, Jean-Luc Pépin qui nous a quitté la semaine dernière et tous les autres, y compris, oui, le René Lévesque du « beau risque ». Je tiens à saluer leur espoir et leur combat. Je tiens à saluer leur entêtement et leur farouche détermination.

Grâce à eux, il ne sera pas dit que les Québécois ont renoncé facilement à faire du Canada un succès d’égalité et de reconnaissance. Il. ne sera pas dit que les Québécois se sont découragés à la première difficulté; qu’ils ont baissé les bras à leur premier recul; qu’ils ont abandonné devant le premier obstacle.
Non, bien au contraire. Les fédéralistes québécois du dernier siècle, et en particulier des trente dernières années, ont été les plus inventifs, les plus flexibles, les plus constructifs, dans leur volonté de créer une fédération où les Québécois se sentiraient chez eux, se sentiraient reconnus, se sentiraient accueillis, (pour reprendre une phrase célèbre), dans l’honneur et l’enthousiasme.

Il y a 15 ans, lors du référendum de 1980, le rêve des fédéralistes québécois était encore bien vivant. Dans son livre beige, le chef libéral d’alors, Claude Ryan, avait dessiné, avec les meilleures intelligences fédéralistes du Québec, comment le Canada devrait se réformer, enfin, en profondeur, pour répondre à la double promesse de reconnaissance et d’égalité. L’actuel leader de l’opposition, alors simple citoyen, avait fait une campagne de tous les instants pour convaincre ses compatriotes de voter Non. Il leur disait, et je le cite, qu’un vote pour le Non, « consiste à demander aux Canadiens des autres provinces de reconnaître à l’intérieur du Canada deux nations. »

Moi et mes collègues pensions que c’était impossible. Nous pensions avec René Lévesque que cette reconnaissance et cette égalité ne pouvaient être obtenues que par le truchement de la souveraineté. Mais on ne peut que s’incliner devant l’espoir sincère que représentaient alors MM Ryan et Johnson et beaucoup de leurs collègues ici présents.
L’histoire ne dira jamais quel fut l’impact de la promesse solennelle de Pierre Trudeau. Le 14 mai 1980, six jours avant le vote, le premier ministre du Canada disait aux Québécois:

«Je sais que je peux m’engager solennellement qu’après [une victoire du NON] nous prendrons des mesures immédiates pour renouveler la Constitution […] Et je déclare solennellement ceci à tous les Canadiens des autres provinces: nous, députés du Québec, mettons notre tête sur le billot parce que nous recommandons aux Québécois de voter Non et vous disons, à vous des autres provinces, que nous n’accepterons pas que vous interprétiez un vote pour le Non comme l’indication que tout va bien et que tout peut demeurer comme avant. Nous voulons des changements et nous sommes prêts à mettre nos sièges en jeu pour les obtenir. Chacun de nous sait ce que veut dire pour un député «mettre son siège en jeu». Chaque Québécois comprenait bien ce que voulait dire «mettre sa tête sur le billot».
Le chef du camp du Non de 1980, M. Claude Ryan était sur la scène, aux côtés de M. Trudeau et de M. Chrétien lors de ce fameux discours. Dans son récent livre, M. Ryan révèle que ce soir là il avait personnellement cru, comme plusieurs autour de lui, que M. Trudeau « envisageait alors une opération qui serait conçue et conduite de concert avec ses alliés référendaires », dont le Parti libéral du Québec. Il allait être très déçu.
Ce n’est évidemment pas les têtes des députés fédéraux qui se sont retrouvées sur le billot, ce sont les pouvoirs du Québec. Des pouvoirs en matière de langue et d’éducation qu’il avait toujours eus et que le rapatriement unilatéral de la Constitution canadienne lui retirait. Au surplus, on y introduisit une formule d’amendement qui allait faire en sorte que, jamais, le Québec ne pourrait trouver la place qu’il convoitait. Cette nouvelle constitution était l’oeuvre de Pierre Trudeau et de son ministre responsable, Jean Chrétien.

Par la suite, des journalistes ont demandé à M. Chrétien, lui qui était de toutes ces tractations avec son collègue Roy Romanow, pourquoi il n’avait pas défendu, en l’absence de M. Lévesque, certaines des revendications du Québec, les plus fondamentales parmi celles contenues dans le livre beige.
M. Chrétien avait répété, en 1980, qu’il était le fidèle lieutenant du chef du camp du Non d’alors, exactement comme, aujourd’hui, il se dit le fidèle lieutenant du chef du camp du Non d’aujourd’hui. Alors la question se pose: que M. Chrétien n’ait pas voulu discuter avec le séparatiste René Lévesque, on le conçoit. Mais lorsque les pouvoirs du Québec ont été mis en cause, pourquoi n’a [-t-] i1 pas appelé Claude Ryan? Pourquoi n’a [-t-] il pas, lui-même, défendu les pouvoirs du Québec. À cette question M. Chrétien, le p’tit gars de Shawinigan, a répondu: « je n’étais pas là pour défendre le Québec. J’étais là pour défendre le Canada. »
C’est ainsi que les fédéralistes québécois comme Claude Ryan et l’actuel chef du camp du Non, ont été lâchés par leurs alliés référendaires de 1980. Profondément québécois, il s se sont levés, dans cette chambre, pour dénoncer le geste irréparable commis par les autres membres de la fédération, sous la direction de MM. Trudeau et Chrétien.

J’entendais cette semaine le leader de l’opposition exprimer ses réserves sur le texte du préambule du projet de loi 1, texte qui indique que « nous avons été trompés en 1982 », lors du rapatriement. « Trompé », c’est un mot triste. M. Johnson en a eu de bien plus durs. Cet été encore, dans un article publié aux États-Unis, il écrit que les gestes de MM. Trudeau et Chrétien ont, et je cite, « provoqué chez les Québécois un sentiment d’isolement et de trahison… qui est encore présent aujourd’hui ». Fin de la citation.
La réalité demeure: depuis 1982, nous sommes gouvernés par une constitution que l’Assemblée nationale a formellement rejetée et qui nous fut imposée dans un contexte indigne de toute démocratie. Encore une fois, il n’y eut pas de référendum sur cette constitution. Les droits des Québécoises et des Québécois furent ignorés. Notre douce et bien partielle revanche, nos amis d’en face s’en souviendront, arriva en 1984 lorsque des milliers de militants du Parti québécois et des milliers de militants du Parti libéral du Québec travaillèrent côte à côte pour envoyer au chômage l’immense majorité des députés de Pierre Trudeau qui avaient approuvé le rapatriement unilatéral. C’était là une première esquisse de rassemblement entre Québécois, au-delà des partis.

Mais en un sens, le coup de force de 1982 était tellement gros, tellement injuste, tellement arrogant, que beaucoup de québécois ont cru qu’il serait possible de réparer cette incroyable décision.
Des gens comme Brian Mulroney, Lucien Bouchard, Robert Bourassa, Marcel Masse, Monique Vézina et des milliers d’autres, ont cru qu’une autre tentative devait être faite. Le résultat, l’accord du lac Meech, répondait bien partiellement aux deux objectifs historiques du Québec. Nulle part il n’était question d’égalité entre les deux peuples, et la reconnaissance était timide et symbolique: on y parlait de société distincte, au lieu de peuple ou de nation.

Mais s’il est un mérite qu’on peut accorder à Meech, c’est celui d’avoir démontré que jamais la Loi constitutionnelle de 1982 ne pourra être modifiée pour répondre aux aspirations du Québec. Robert Bourassa décrivait lui-même les cinq conditions de Meech comme, je le cite au texte, les cinq conditions les plus minimales Jamais présentées par un gouvernement du Québec».
Elles demeuraient inacceptables au Canada. Deux provinces, traduisant le sentiment profond de la population canadienne, reniaient leur signature initiale et faisaient échouer l’accord en juin 1990, après même que, sous la présidence de Jean Charest, un comité fédéral eut recommandé de diluer ce qui était perçu au Canada comme une concession trop généreuse envers les Québécois.

La mort de Meech a démontré que la constitution de 1982 n’était pas un accident de parcours, n’était pas le résultat d’une obsession de Pierre Trudeau et de son ministre. Meech a démontré au contraire que la vision d’un Canada intolérant envers la différence québécoise, le refus de la reconnaissance et de l’égalité, étaient maintenant bien ancrées dans l’opinion publique canadienne, qu’elles étaient désormais des principes moteur du nationalisme pancanadien.
Qu’on me comprenne bien. Beaucoup de Canadiens de bonne volonté se sont battus pour que l’Accord du lac Meech devienne réalité. Dans les provinces anglophones, des gens comme David Peterson, en Ontario ou Grant Devine, en Saskatchewan. Mais l’électorat canadien leur a signifié leur congé, entre autres à cause de leur appui à Meech. Au sein du Parti libéral du Canada, le leader de l’opposition se souviendra que son ami Paul Martin était favorable à l’entente. Les militants libéraux canadiens lui ont préféré Jean Chrétien, dont la campagne au leadership fut propulsée par le rejet de Meech, le rejet de la différence du Québec. Et le soir de son élection, l’accolade qu’il donna devant les caméras à l’autre pourfendeur de Meech, Clyde Wells, restera pour longtemps l’image symbolique qui marque la fin du rêve fédéraliste québécois.
Je compatis aujourd’hui avec les parlementaires du camp du Non, qui sont forcés par les circonstances à se plier à la volonté de M. Jean Chrétien dans la définition de leurs discours et de leurs stratégies. La semaine qui a suivi le congrès des jeunes libéraux le mois dernier a malheureusement bien montré qui était le lieutenant de qui dans les forces du Non. Je compatis avec les militants fédéralistes du Québec, forcés par les événements et par leurs leaders à donner un chèque en blanc à M. Chrétien pour ce qui se passerait si le Non l’emportait.
En 1980, il était encore raisonnable d’espérer un renouvellement. En 1995, pour les libéraux qui ne partagent pas la vision du Canada de MM Chrétien, Roy Romanow et Clyde Wells, voter Non en espérant faire progresser l’autonomie du Québec, tient de l’aveuglement. En 1980, ils ont été trompés. En 1995, ils se piégeraient eux-mêmes. Quel serait le jugement de l’histoire?

J’avoue que j’ai été un peu surpris, également, d’entendre le leader de l’opposition inviter M. Pierre Trudeau à participer au débat référendaire. M. Trudeau qui, à chaque étape depuis son discours du Centre Paul-Sauvé, a contrecarré les efforts du Parti libéral du Québec. Contre le livre beige. Contre l’accord du lac Meech. Contre l’accord de Charlottetown, parce qu’opposé à la société distincte. Compte-tenu du respect que j’ai pour le Parti libéral du Québec et pour son chef, je souhaite vivement que les Québécoises et les Québécois n’ait pas à assister, pendant la campagne référendaire, à une accolade entre Pierre Trudeau et Daniel Johnson.

D’autant qu’après l’échec de Meech, le premier ministre québécois, Robert Bourassa, tirait avec lucidité les leçons de ces événements:
« S’il y a une chose qu’on peut conclure de ces négociations, disait [-] il dans un moment solennel, c’est que le processus de révision constitutionnelle existant au Canada est discrédité […]. En outre, c’est la position de mon gouvernement de négocier dorénavant à deux et non à onze, de négocier avec le gouvernement canadien qui représente l’ensemble de la population du Canada».

J’avais, à l’époque, tendu la main au premier ministre, lui offrant notre collaboration. Le Québec était mis devant l’évidence: le statut historique de «peuple fondateur » lui était refusé. De même, le Québec était confiné de façon définitive au statu quo, c’est-à-dire qu’il continuerait d’être gouverné par une constitution qu’il ne reconnaît pas.
La mort de l’Accord du lac Meech a provoqué le grand rassemblement des Québécois. Unis dans leur volonté de reconnaissance et d’égalité, ils avaient jusque là suivi des parcours différents, choisissant pour certains la souveraineté, pour d’autres la voie du renouvellement de la fédération. La fin de toute possibilité de renouvellement et l’attitude alors apparemment ouverte des leaders du Parti libéral du Québec semblaient permettre une jonction fructueuse des deux grands courants qui ont traversé notre histoire.

Dans un geste unanime, cette assemblée mettait sur pied la Commission sur l’avenir politique et constitutionnel du Québec, la Commission Bélanger-Campeau, du nom de ses coprésidents. En mars 1991, elle déposait son rapport final, que les membres libéraux de la commission ont tous signé. Il vaut la peine de rappeler certains extraits de ce rapport:
«La vision d’une identité nationale canadienne exclusive, privilégie la centralisation des pouvoirs et l’existence d’un gouvernement national fort. Cette vision apparaît nivelante: une identité nationale canadienne exclusive, fondée sur l’égalité des individus, devient en fait, pour le Québec, une interdiction d’être différent en tant que collectivité.»
Voilà un constat qu’on retrouve clairement exprimé dans le préambule du projet de loi 1. La conclusion du rapport de la Commission était limpide: «Les attentes de la population sont élevées: elle veut voir le Québec récupérer des compétences dans tous les secteurs, qu’elles soient du domaine économique, social ou culturel. l’ lui apparaît urgent de mettre fin à l’incertitude par une démarche claire qui devra mettre fin à l’impasse et mener à des résultats sans tarder… »

Pour y arriver, le rapport proposait l’adoption d’une loi qui prévoit, je cite, « la tenue d’un référendum sur la souveraineté » et, je cite toujours, « que ce référendum, s’il est affirmatif, propose que le Québec acquière le statut d’État souverain une année jour pour jour après la date du référendum. »
Monsieur le président, j’ai signé ce rapport, j’ai apposé mon nom sous celui du chef du gouvernement de l’époque. Mon parti était disposé à se joindre au gouvernement, sous son leadership, dans son comité du Oui, pour faire avancer le Québec, et lui faire obtenir enfin la reconnaissance et l’égalité. Ce rassemblement semblait possible. Lorsqu’il est apparu que le gouvernement libéral n’avait nullement l’intention de respecter sa parole ou sa signature, mon parti a choisi de ne pas le suivre lorsqu’il a fait voter par cette Assemblée une loi, la loi 150, que le gouvernement n’avait nullement l’intention d’appliquer.
Reste que les actes de cette Assemblée montrent que le chef de l’opposition a voté en faveur d’une loi prévoyant la tenue d’un référendum sur la souveraineté et l’accession du Québec au statut d’État souverain, un an plus tard. Le chef de l’opposition a voté pour à toutes les étapes. Il n’a pas proposé d’amendement. Il n’a pas souhaité ajouter le mot « séparation » ou le mot « pays ». Il n’a pas protesté.
Il faut ajouter qu’il était en cela logique avec le programme de son parti politique.
Depuis 1991 jusqu’en 1994, pendant trois ans, la souveraineté fut au coeur du programme du Parti libéral du Québec. Dans ce qu’il est convenu d’appeler le Rapport Allaire, approuvé par 80% des militants libéraux réunis en congrès régulier, on trouve les propos suivants. Je cite:

«Dans la mesure où le référendum porterait sur la souveraineté et que la réponse serait positive, l’appel au peuple serait ensuite suivi d’une demande formelle de l’Assemblée nationale auprès du gouvernement du Canada d’engager, dans les meilleurs délais, les discussions devant mener à l’accession du Québec au statut d’État souverain et que, dans cette deuxième hypothèse, le Québec offre au reste du Canada l’aménagement d’une union économique gérée par des institutions de nature confédérale. »
Nous ne sommes pas loin, Monsieur le Président, du texte même du projet de loi numéro 1 et du libellé de la question. Nous savons maintenant que pour assurer un véritable rapport de force aux Québécois dans leur relation d’égalité avec leurs voisins, il faut voter en faveur de la souveraineté, sereinement et définitivement. Ni conditions, ni ultimatums, ni trait-d’union. Mais cela dit, on ne peut que constater que le projet de loi sur l’avenir du Québec et la question référendaire reprend les axes principaux que je viens de citer, contenus dans des documents du Parti libéral du Québec, ou dans des documents que les leaders de ce parti ont co-signés. Nous ne sommes pas loin, non plus, de Louis-Joseph Papineau, pas loin des libéraux de 1867, pas loin de Daniel Johnson père, pas loin, même, de la question de Bruxelles et de la superstructure proposée par Robert Bourassa il y a trois ans.

Je l’ai dit, nous étions prêts à participer au rassemblement que souhaitaient les Québécois en 1990, et que semblait vouloir former le Parti libéral. Mais les leaders de ce parti ont préféré gaspiller le moment que l’histoire leur présentait, et se lancer dans une ultime tentative, pourtant clairement vouée à l’échec, de renouvellement de la fédération. Cela a conduit à la campagne de Charlottetown de l’automne de 1992, pendant laquelle, on s’en souviendra, le chef du Parti libéral a tout au moins refusé d’être vu avec M. Jean Chrétien pour plus de quelques minutes.
Il y a des gens, au Parti libéral du Québec, qui ont refusé d’abandonner le combat québécois pour la reconnaissance et pour l’égalité. Il y en a, qui ont refusé d’épouser les thèses de Jean Chrétien, et d’oublier celles de Claude Ryan. Entre autres, il y en a un ici, dans cette chambre: le député de Rivière-du-loup.

Je sais qu’il y en a beaucoup d’autres, dans les circonscriptions, dans la commission jeunesse. On me dit qu’il y en a même autour du chef de l’opposition. Et ça ne me surprend pas. Parce qu’on ne peut abandonner, en quelques années, le combat de générations de libéraux.
À l’élection de l’an dernier, les Québécois nous ont donc donné la tâche de construire le grand rassemblement des Québécois que la Commission Bé1anger-Campeau avait appelé de ses voeux. Nous le faisons, ce rassemblement, en étant fidèle à la volonté, passée et actuelle, des Québécois.

Monsieur le Président, dès son élection, le gouvernement a choisi de faire confiance à la parole des citoyennes et des citoyens. C’est entre leurs mains qu’a été mise la responsabilité de dessiner l’avenir. En février dernier, aux Commissions sur l’avenir du Québec, plus de 53000 citoyens de partout au Québec ont participé à 435 activités publiques. 288 commissaires ont entendu 5000 interventions et pris connaissance de 5500 mémoires. .
Dans de telles conditions, Monsieur le Président, il était facile pour trois chefs de partis politiques de définir le projet du Québec en se fondant sur les espoirs et les besoins exprimés par les citoyens. l’entente tripartite du 12 juin 1995 entre le Bloc Québécois, l’Action démocratique du Québec et le Parti québécois est une entente naturelle parce qu’elle émane des aspirations du Québec.

Cette entente, elle traduit la convergence de trois partis déterminés à provoquer un véritable rassemblement pour un véritable changement. Il n’y a pas de menace ou d’ultimatum dans notre démarche. Pas question de mettre de couteau sous la gorge à nos partenaires, pas question de les obliger à changer leur vision de leur pays pour s’adapter à la nôtre.
Nous disons simplement: les Québécois deviendront souverains, et ils offriront à leur voisin un nouveau Partenariat économique et politique. Ils seront prêts à en discuter immédiatement, sur les bases que l’entente et le projet de loi proposent ou sur la base de contre-propositions qui pourront être faites par nos voisins. Nous voulons préserver l’intérêt économique des Québécois et des Canadiens, et nous prendrons toutes les mesures utiles pour nous en assurer.

Ces intérêts, ils sont clairs, ils sont nombreux et ils s’imposent d’eux-mêmes. Le Canada exporte pour 33000000000 $ au Québec. À l’inverse, nous exportons pour 34000000000 $ au Canada. À eux seuls, ces importants échanges donnent toute la mesure de nos intérêts mutuels. Le maintien, voire le renforcement de ce commerce, s’inscrit également dans les tendances mondiales de globalisation des marchés.
La souveraineté, c’est le seul moyen dont dispose le Québec pour obtenir sa reconnaissance en tant que peuple. le partenariat, c’est l’instrument qu’il se crée pour établir des rapports d’égalité avec ses voisins.

La souveraineté et l’offre de Partenariat constituent la véritable continuité dans l’histoire québécoise. C’est pourquoi elle est appuyée par des héritiers des partis de René Lévesque, de Jean Lesage, de Daniel Johnson père. Le projet que nous offrons aujourd’hui est la suite logique de notre histoire.
La rupture, dans l’histoire du Québec, ce serait de cautionner la vision unitaire proposée par M Chrétien. Le programme de l’après Non, il a été défini vendredi matin par M. Clyde Wells : « la seule offre sur la table, a [-t-] il dit, c’est que le Québec demeure une province comme les autres. » Voilà ce que nous promet le Non: ni égalité, ni reconnaissance. Ni tolérance, non plus, pour la volonté des Québécois d’être différents dans la gestion de leurs affaires comme ils le sont dans leur culture et dans leur langue. Le Non propose de renoncer au combat des souverainistes et des fédéralistes québécois du dernier siècle. Le Non, c’est la rupture avec ce que nous sommes et ce que nous avons toujours voulu devenir.
C’est aussi se condamner à une nouvelle période de chicanes stériles et inutiles. Si les Québécois se disaient Non, ils se mettraient immédiatement en position de se faire dire Non par le Canada. Et, l’histoire nous le démontre, ce Non ne mettrait pas fin à l’espoir des Québécois. Nous reporterions sur la jeune génération le débat sur l’avenir du Québec que nous n’aurions de toute évidence pas réglé en votant Non. Ce refus signifierait se condamner à une double chicane: chicane avec Ottawa et les autres provinces, chicane au sein même d’une nouvelle génération de Québécois. Bref, le Non est le camp de la chicane, inutile et continuelle.

Le Québec que nous proposons au contraire aujourd’hui est une société qui, libérée des chicanes fédérales-provinciales, s’affirmera au monde et travaillera en bon voisinage avec les autres peuples. Ce sera un pays de 7000000 d’habitants, qui disposera d’un produit intérieur brut de 170000000000 $. Le Québec que nous proposons deviendra le 2ge nouveau membre de l’Organisation des Nations Unies depuis 5 ans. Vous le voyez, notre arrivée ne surprendra personne.

Le Québec que nous proposons est libre-échangiste. Il sera, dès le premier jour, la seizième puissance économique au monde, et le huitième partenaire commercial des États-Unis. Ce ne sera pas un joueur des ligues mineures. Son commerce avec le géant américain représentera le commerce combiné entre les États-Unis, le Brésil, l’Argentine et le Chili. Et nous savons que, si nos échanges avec le Canada ont stagné ces cinq dernières années, elles ont augmenté de 15% par an avec nos voisins du Sud.
Ce Québec de langue et de culture communes françaises: vivra en harmonie avec une communauté anglophone dont les droits seront reconnus, et avec les nations autochtones qui disposeront de l’autonomie gouvernementale leur permettant non seulement de préserver leur langue, leur culture et leur tradition mais, aussi, de contrôler leur développement économique, social et politique.

Ce Québec maîtrisera pleinement ses leviers économiques, plutôt que de continuer à voir une large part de ses moyens financiers et de ses politiques contrôlées par un parlement fédéral où le Québec n’a jamais pu et ne pourra jamais disposer que d’une voix minoritaire.

Nous pourrons enfin sortir d’un régime fédéral qui a choisi de nous retourner nos taxes et nos impôts sous forme d’assurance-chômage et d’aide sociale, plutôt qu’en investissements développant l’emploi chez nous; un régime qui accorde depuis des années, 50 % de ses dépenses en recherche et développement à l’Ontario et 18% seulement au Québec; un régime où le Québec ne reçoit que 19 % des achats de biens et services fédéraux pourtant financés par nos taxes.
Nous pourrons enfin mettre fin aux gaspillages, aux chevauchements et aux dédoublements qu’entraîne l’existence de deux ministères des Finances, du Revenu, de l’Agriculture, de la Santé, de l’Immigration et de tant d’autres.
Nous pourrons enfin travailler à sortir du cercle vicieux du chômage chronique dans lequel nous plonge le fédéralisme canadien. Nous pourrons enfin mieux travailler à l’avenir de nos jeunes et des Québécoises exclus du marché du travail. Nous pourrons enfin contrôler toutes les politiques de formation de la main-d’oeuvre que le Québec réclame unanimement depuis tant d’années et que le gouvernement fédéral tient à contrôler.
Nous pourrons enfin répondre aux volontés des régions de rapprocher de la population les pouvoirs de décisions et les outils économiques qui leur font cruellement défaut.
Nous pourrons aussi, d’une part, mieux profiter des possibilités que nous offre l’ouverture accélérée des marchés internationaux et, d’autre part; mieux relever les défis que cette ouverture nous offre.
La question que nous proposons aux Québécoises et aux Québécois repose sur la confiance en ce que nous sommes et en ce que nous pouvons devenir.
Confiance en nos gens d’affaires: ceux des secteurs déjà bien développés comme le génie-conseil, le transport, le matériel ferroviaire, l’aéronautique, l’ agro-alimentaire, les communications et les institutions financières, les pâtes et papiers, le bois d’oeuvre, l’aluminium et le secteur minier, le logiciel et les industries culturelles.

Confiance en nos petites et moyennes entreprises, premières responsables de la création d’emploi et dont les succès de plus en plus fréquents et spectaculaires sur la scène mondiale témoignent de notre ingéniosité et de notre détermination.
Confiance dans notre volonté d’assurer le maintien de nos acquis sociaux qui illustrent notre sens de la solidarité.
Confiance dans les créateurs, les artistes, les chercheurs, bref, les femmes et les hommes du Québec.

Monsieur le Président, le projet de loi que vous avez devant vous, la proposition de question référendaire, sont des instruments qui peuvent enfin regrouper les Québécois de toutes origines et de toutes conditions sociales, de toutes tendances et de toutes appartenances pour atteindre enfin leurs objectifs d’égalité et de reconnaissance. Ce projet et cette question sont le fruit de la continuité de notre histoire et de la convergence entre les deux grands courants de l’histoire québécoise récente. Ceux qui étaient dans des camps opposés en 1980 peuvent s’y reconnaître. Ceux qui ont cru à Meech, ceux qui ont cru même à l’ultime tentative qu’était Charlottetown, peuvent s’y retrouver. Ceux et celles qui veulent mettre fin aux chicanes peuvent s’y retrouver.
Les membres du camp du changement, lorsqu’on y pense bien, sont presque tous d’anciens fédéralistes, presque tous d’anciens partisans de Jean Lesage, ou de Daniel Johnson père. J’y étais, moi, à l’époque. Comme René Lévesque, comme Jean Allaire qui militait déjà. Comme Marcel Masse. La seule différence entre les membres du camp du changement, c’est que nos chemins ont été différents, mais notre point de rencontre est le même: la combinaison de la souveraineté et du partenariat, l’année 1995.
Et c’est dans cet esprit que MM. Bouchard, Dumont et moi-même avons convenu, vendredi dernier, que nous allions faire un pas de plus dans ce rassemblement. Le projet de loi prévoit la constitution d’un comité d’orientation et de surveillance des négociations de partenariat. Des figures compétentes du Québec seront appelées à y siéger. Nous ferons connaître le nom de plusieurs membres du comité avant le référendum, en toute transparence.

Mais nous avons décidé de réserver deux sièges sur cet important comité, à des personnalités qui auront oeuvré dans le camp du Non cette année. Au lendemain de la victoire du Oui, en consultation avec le leader de l’opposition et ses collègues, nous voudrions nommer deux Québécois qui ont cru au Non, mais qui, en démocrates conséquents, voudront mener à bien la démarche collective québécoise, en toute indépendance d’esprit. Je ne m’attends évidemment pas à ce que le leader de l’opposition se commette tout de suite, mais je lui signale, aujourd’hui, notre intention de construire une solidarité plus vaste au lendemain d’un Oui.
Ce débat est celui d’un peuple, d’un pays à définir. Nous devons le mener en gardant à l’esprit que nous le faisons pour et avec les Québécoises et les Québécois. Car pour moi, et pour les membres du camp du changement, le Oui, c’est le bruit d’une porte qui s’ouvre, c’est le signal d’un rassemblement encore plus grand.

Merci.

[QParizeau19950920]

Monsieur le Président,
La question que cette Assemblée va adopter tout à l’heure est cruciale pour l’avenir des Québécois.

Elle est cruciale parce que les femmes et les hommes du Québec doivent choisir entre se donner un nouveau départ sur des bases saines en votant Oui, ou alors voter Non et rester dans une impasse ruineuse pour le Québec, néfaste pour l’emploi, débilitante pour notre économie.
L’impasse canadienne frappe les Québécois de plein fouet, dans leur dignité et dans leur porte-feuille. Cette impasse, elle « intensifie l’insatisfaction, l’incertitude et l’instabilité ». C’est un constat tellement criant que le président des Québécoises et Québécois pour le Non M. Michel Bélanger a utilisé exactement ces trois mots pour décrire le Canada actuel. L’impasse intensifie l’insatisfaction, l’incertitude et l’instabilité. Il l’a écrit, en toutes lettres, dans le rapport qu’il a signé, le rapport Bélanger-Campeau. Les membres libéraux de la commission, qui sont ses collègues d’aujourd’hui, l’ont tous signé aussi. Vont [-] ils se faire traiter de « cave » pour autant? Peut-être, mais pas par moi.

Le coût, sur l’économie québécoise, de l’impasse canadienne et de la chicane continuelle est écrasant, et le chef de l’Opposition le sait très bien. Il n’a pas nié ce matin avoir posé le diagnostic terrible qu’il faisait lorsqu’il était chargé des comptes de l’État québécois, lorsqu’il était Président du Conseil du Trésor. Dans une phrase courte et claire, il a déclaré « le fédéralisme est tout croche à cause de l’encroachment, évidemment, du fédéral, ce qui nous coûte une fortune. C’est ça qui coûte 30000000000 $ de déficit, essentiellement. » On peut chipoter sur les chiffres, mais pas sur le constat de base. Le chef des forces fédéralistes a raison: c’est le fédéralisme qui nous coûte une fortune. C’est la volonté folle des gouvernements fédéraux, notamment ceux de Pierre Trudeau et de Jean Chrétien de nous vendre leur fédéralisme à même nos cartes de crédit, qui nous coûtent une fortune. Le déficit fédéral de 30000000000 $ par année, le fardeau imposé à toutes nos générations, M. Johnson a raison, c’est le fédéralisme qui l’a créé.
Et il n’y a qu’une façon de cesser l’endettement, de mettre de l’ordre dans nos affaires, c’est de quitter ce fédéralisme, c’est de voter Oui

Depuis quelques jours, le camp du Non a entrepris une opération coup de poing: affiches illégales, accusations sans preuves, refus de reconnaître le verdict démocratique, intimidation des journalistes de Radio-Canada par son président, l’ancien ministre fédéral de la culture.
Beaucoup de fumée, M. le Président, beaucoup d’éclat. Mais pour cacher quoi. Pour cacher ce que les chefs du Non savent très bien. Pour cacher que l’empereur fédéral est nu. Pour cacher que ce pays dont on nous vante les mérites, il a été construit à crédit, avec les épargnes de nos travailleurs et en hypothéquant l’avenir de nos jeunes. Pour masquer les échecs, répétés, constants, et de plus en plus durs, de toutes les tentatives de réformer ce fédéralisme tout croche qui saigne l’économie du Québec.
L’impasse que nos amis défendent avec un tel acharnement, le régime que M. Chrétien nous promet de perpétuer sans changement et sans fin, qu’a [-t-] il donné au Québec, sinon plus de chômage et de pauvreté qu’ailleurs au Canada? Le ministre Ouellet nous l’a dit, l’autre jour: ce que le fédéralisme, ce que M. Chrétien, a fait pour le développement de Montréal: Mirabel. Ils nous ont donné Mirabel.

Bien sûr, on le sait, le Québec et le Canada disposent de beaucoup de ressources naturelles et cela fait d’eux des pays riches en ressources naturelles. Toutefois ce qui distingue le Canada des autres pays, c’est le peu d’attention qu’il porte à la qualification de sa main d’oeuvre. Ce que les chiffres de la Banque Mondiale indiquent c’est que le Canada tombe au 25e rang lorsqu’on le compare sur la base des ressources humaines. On n’a pas le droit d’abandonner les gens au chômage comme le fait le fédéral. Il faut permettre aux travailleuses et aux travailleurs d’accroître leur compétence pour qu’ils puissent conserver leur emploi et d’améliorer leur qualité de vie. .
Le régime dont les chefs du camp du Non vantent les mérites, c’est celui qui pris les taxes de nos travailleuses et de nos travailleurs, et les a divisés en deux. Il en a pris une partie pour créer des bonnes jobs, en Ontario, en recherche et en développement, en Ontario, en dépenses structurantes, en Ontario. Il a pris l’autre partie pour investir dans le chômage au Québec, c’est ça le régime qu’il veut continuer: les bonnes jobs en Ontario, le chômage au Québec.

Le chef de l’opposition parle des 30000000000 $ que nous coûte le fédéralisme. Il devrait aller plus loin. C’est sans compter l’argent qui ne revient jamais chez nous. Sans compter les petites et les grandes mesquineries du régime fédéral envers le Québec. Pour le seul ministère de la défense, le Québec a eu, depuis dix ans, un manque à gagner de 6000000000 $. En clair, Monsieur le président, si le fédéralisme avait traité le Québec avec justice et équité, nous aurions eu 6000000000 $ de plus dans notre économie depuis dix ans.
On n’a pas parlé des achats de biens et services du fédéral, de ces achats qui font rouler les entreprises et qui créent des emplois. Là encore, le Québec n’a pas eu sa juste part. là encore, le fédéralisme nous a coûté cher. Combien: en dix ans, il nous a coûté 12000000000 $. Même cette année, même dans une année référendaire, le Québec, qui forme 25% de la population canadienne ne reçoit que 16% des investissements fédéraux. Le message d’Ottawa est clair: il n’y a qu’une façon d’avoir notre juste part pour les dix, pour les 20, pour les 100 prochaines années, c’est de voter Oui et de faire la souveraineté.
Depuis quelques jours, le chef de l’opposition monte sur ses grands chevaux au sujet d’un document qu’il n’aurait pas lu, pas vu, pas approuvé. Mais où sont [-] ils les vrais documents du Parti libéral? Où est [-] elle la vraie p1ateforme du Parti libéral? Où se cachent les membres du comité constitutionnel du Parti libéral ? Depuis une semaine, ils sont muets comme des carpes, ils ne répondent à aucun appel, ne donnent aucune explication. M. Maurice Richard, président du comité, a [-t-] il le début d’un bout de papier à montrer aux Québécois sur ce qui les attendrait après un Non?
Depuis des mois, les libéraux sont censés produire des documents pour dire aux Québécois ce qui se passera si ils votent Non. Avec quel résultat? Aucun? Ils n’ont rien fait? Le chef libéral aurait [-] il nommé un comité d’incapables? Vont [-] ils être traité de « caves » par leur président? Ou est [-] ce qu’ils ont été convoqués au bureau de Jean Chrétien, comme MM Johnson et Bélanger cet été. Comme Mme Robillard la semaine dernière. Comme M. Preston Manning hier. Est [-] ce qu’on les a fait taire? Est [-] ce qu’on leur a interdit de dire ce qu’ils savent? De dire que le fédéralisme est tout croche. De dire que le fédéralisme nous coûte une fortune. De dire que l’impasse canadienne, si on vote non, va intensifier l’incertitude et l’instabilité?

Nous, nous avons des choses à dire aux Québécois. Nous, nous n’avons pas peur de mettre cartes sur table. Nous avons envoyé notre proposition dans tous les foyers, pour que chacun puisse lire, juger, commenter, questionner. Nous, nous savons que les conséquences d’un Oui, c’est d’améliorer les vies des Québécois. D’améliorer l’emploi, d’améliorer le sort des jeunes et des aînés, de cesser l’endettement et de se faire respecter, oui, comme francophones d’Amérique. Les conséquences d’un Oui, elles sont positives, constructives, emba11antes, on le sait et on le dit.
Et d’ailleurs je tiens à souligner la contribution exceptionnelle de M. André Ouellet au débat sur l’avenir du Québec. Si j’en crois une dépêche de la presse canadienne d’hier, je cite, « dressant la liste des vertus du Canada, dont la pureté de l’air et la propreté de l’eau, M. Ouellet a dit que tout cela pourrait être menacé par un Oui au référendum. » Très intelligent, M. le Président. Très fort. Évidemment j’espère que personne, de l’autre côté de la chambre, ne va le traiter de cave.

Mais les conséquences d’un Non? Pourquoi le silence de l’autre côté? Est [-] ce qu’ils savent des choses qui ne sont pas disables, pas écrivables ? Est [-] ce qu’ils savent que Jean Chrétien attend le 31 octobre pour s’attaquer aux pensions de vieillesse? Oui ils le savent. À Ottawa, la réforme est prête, mais ils la cachent. Ils la sortiront après le référendum, si les Québécois votent Non.
Est [-] ce qu’ils savent que Jean Chrétien attend le 31 octobre pour réduire les prestations de chômage et frapper de plein fouet des dizaines de milliers de femmes et d’hommes du Québec? Oui ils le savent. Ils savent que l’an dernier, le fédéral a déjà poussé 12000 foyers québécois sur l’aide sociale. Ils savent que les propositions envisagées à Ottawa pousseraient 40000 autres foyers québécois sur l’aide sociale après un Non, et réduirait les prestations de 28000 autres foyers. Ils savent qu’après un Non, les travailleurs qui ont cotisé vaillamment pour leur assurance-chômage, vont devoir se priver de 5 à 10% de leurs prestations. 10% M. le Président, ça fait tout un trou dans un budget familial.

Est [-] ce qu’ils savent que Jean Chrétien attend le 31 octobre pour couper encore dans les transferts aux provinces, et qu’il va faire payer les Québécois pour leur décision de rester dans le fédéralisme? Oui ils le savent. Mais le fédéral nous cache l’ampleur du coup qu’il s’apprête à porter au Québec. Nous l’avons évalué à 650000000 $ de coupures l’an prochain, et à presque 2000000000 $ l’année suivante. C’est autant de nos impôts, de notre argent qui ne nous sera pas retourné. C’est autant d’argent de moins pour la santé, l’éducation, la formation. Est [-] ce qu’ils savent que Jean Chrétien attend le 31 octobre pour envahir encore plus les champs d’autonomie québécoise, pour faire encore plus d’encroachment, comme le dit le chef de l’opposition officielle? Oui ils le savent. Ottawa s’est déjà donné le moyen d’imposer des normes pour l’éducation post-secondaire, et veut continuer à couper les budgets de la santé, tout en nous imposant ses normes nationales.
Ils le savent, et leur silence est coupable. Les chefs du Non ont monté une opération coup de poing, pour détourner l’attention du coup de poing que les Québécois vont encaisser du fédéral après un Non.

Les chefs du Non proposent aux femmes et aux hommes du Québec de mettre leur avenir entre les mains de Jean Chrétien, de Clyde Wells et de Roy Romanow. En cachant leur position, en taisant ce qu’ils savent, les chefs du camp du Non veulent Que les Québécois signent un chèque en blanc à Chrétien, Wells et Romanow, ceux là même qui ont passé les quinze dernières années à nous bousculer, à nous rapetisser et à nous endetter.
Ça ne marchera pas, M. Le président, ça ne marchera pas. Les femmes et les hommes du Québec ne sont pas les « caves » que décrit le président du comité du Non. Ils ne se feront pas avoir à faire confiance à des gens qui n’ont rien à faire de leur intérêt, à des gens qui ne les respectent pas. Parce qu’à la base de tout, il doit y avoir le respect. Et il en manque, M. le président. Il en manque chez nos amis d’en face, envers l’intelligence des Québécoises et des Québécois. Et il en manque au Canada, envers la dignité des Québécoises et des Québécois.

Plusieurs fois pendant le débat, les tenants du Non ont demandé une raison de faire la souveraineté. Je comprends qu’ils ont été distraits par leurs sparages, mais ces raisons, ce sont les mêmes que celles qu’ils avaient, eux, lorsqu’ils étaient favorables à la souveraineté, lorsqu’ils votaient pour une loi sur la souveraineté, lorsqu’ils adoptaient un programme contenant la souveraineté.
Mais c’est aussi la même raison pour laquelle ils ont adopté le livre beige de Claude Ryan, la même raison pour laquelle ils ont proposé l’Accord du lac Meech.

La raison, c’est que le Québec forme un peuple, et que cette réalité doit être reconnue. Pas seulement parce qu’un peuple mérite le respect et la reconnaissance, ce qui est déjà beaucoup. Mais parce qu’un peuple reconnu a la capacité de gérer ses affaires comme il l’entend. La raison, c’est aussi que ce peuple aspire à l’égalité, comme les autres peuples.
La reconnaissance et l’égalité, tous les membres de cette Assemblée, sans exception, se battent pour l’obtenir. Le fédéralisme canadien, de plus en plus dogmatique et intransigeant, refuse de les accorder au Québec.
En fait, nous avons assisté il y a quelques jours à l’exact reflet de ce que le fédéralisme dogmatique propose aux Québécois. Interrogé sur la société distincte, sur l’importance de reconnaître ce principe, le premier ministre du Canada, spontanément et avec toute la candeur qu’on lui connaît, s’est donné en exemple. Il a expliqué qu’être distinct, c’est parler anglais avec un accent.
Parler anglais avec un accent, c’est l’avenir que propose le fédéralisme dogmatique aux Québécois. Parler anglais avec un accent, c’est la vision qu’a le premier ministre canadien de l’apport des Québécois, de la vitalité de notre culture, de la noblesse de la cause de tous ceux qui se sont battus pour la reconnaissance de la société distincte. Parler anglais avec un accent: moi, ça ne m’intéresse pas comme avenir. Ça n’intéresse pas les Québécois.
Nous voulons un changement, parce que nous voulons être respectés, par nos voisins, mais aussi par nos concitoyens. Nous voulons une société où le capitaine des Canadiens de Montréal trouve normal de respecter la langue de la majorité. Nous voulons une société où un premier ministre libéral ne se moque pas de sa population francophone.

Pendant le débat des derniers jours, plusieurs membres de l’Assemblée se sont beaucoup intéressés à l’offre de partenariat. Son contenu et son fonctionnement.
Je peux vous dire, en tout cas, que l’intérêt suscité par cette offre est remarquable. Malgré le barrage de commentaires des politiciens du Canada-anglais, la moitié de nos voisins se disent favorables, je dis bien favorables à un Partenariat économique et politique. La majorité de nos voisins immédiats, de l’Ontario et des maritimes, se disent aussi favorables à ce partenariat. Et quand on demande à tous les Canadiens, au delà de leur opinion personnelle, s’ils pensent que ce Partenariat va exister, ils répondent majoritairement « Oui, il va exister ». Il y a donc, chez nos voisins, une sagesse collective qui s’installe sur ce que doivent être les rapports entre un Québec souverain et son voisin canadien. Eux aussi, au Canada, ils veulent une souveraineté tranquille. On s’en doutait. Maintenant on le sait.

Cette offre de partenariat, elle a eu un deuxième impact, au sein des élites canadiennes et québécoises. Des fédéralistes qui, tout récemment, disaient qu’un Québec souverain serait coupé du reste du monde, admettent maintenant qu’un Québec souverain aurait des relations tout à fait normales avec ses voisins, au niveau économique.
Dans la Presse de samedi dernier, M. Alain Dubuc, qui n’est pas membre de mon fan club, a écrit ce qui suit, et je cite:

« Il est parfaitement exact que le reste du Canada, face à la souveraineté, à moins d’être suicidaire, ne pourra pas fermer ses frontières au commerce et sera donc forcé de maintenir ses échanges avec le Québec. »
Il poursuit en écrivant: « cette admission aurait ravi les souverainistes, il y a quelques années ».

Je corrige: elle nous ravit aujourd’hui. Nous n’avons jamais douté de ces choses, de notre côté, car c’est l’évidence même. C’est la réalité économique qui imposera le maintien de l’espace économique et monétaire.
Mais ça fait toujours plaisir de voir des gens se rallier à notre lecture des faits. Pas tellement parce que c’est un éditorialiste fédéraliste qui parle. Mais parce que cette position est au diapason de déclarations des plus hauts responsables politiques canadiens:
Il y a une douzaine de jours, le premier ministre de l’Ontario, donc, de notre principal partenaire commercial, a indiqué qu’après un Oui, les relations commerciales avec le Québec seraient maintenues, et que l’Ontario traiterait avec le Québec, je cite: à l’égalité avec les États-Unis. Résumons [-] nous: si on vote Oui, non seulement le Québec maintiendra ses relations commerciales avec ses principaux partenaires, mais en plus, il sera reconnu et traité d’égal à égal, avec le respect que l’on doit à un voisin comme les États-Unis.
Jamais, monsieur le président, en 128 ans de négociations et d’échecs constitutionnels, nos amis d’en face n’ont réussi à obtenir un tel résultat. Depuis l’entente du 12 juin, nous, nous avons réussi.

Et ce n’est pas tout. Dimanche à Saint-Georges de Beauce, la ministre fédérale responsable des relations avec le Québec, Mme Lucienne Robillard, a indiqué que non seulement les rapports commerciaux seraient maintenus mais que le Canada pourrait « conclure une entente commerciale » avec le Québec souverain.
Alors vous voyez, en quelques mois, nous avons réussi à convaincre une majorité de Canadiens et les représentants du gouvernement ontarien et canadien qu’une association économique avec le Québec était inévitable, car elle est dans l’intérêt des deux parties. De plus, les citoyens de nos voisins immédiats sont majoritairement favorables à un Partenariat économique et politique avec le Québec de demain.

Monsieur le président, jamais le Québec n’aura abordé de négociations avec le Canada dans une situation aussi enviable. Avec Ottawa, depuis 30 ans, nos amis d’en face ont tout essayé: la politesse, la complicité, l’amitié, l’agressivité, l’ultimatum et le couteau sous la gorge. Ils n’ont rien récolté. Que du vide et encore du vide.

Mais au contraire, si les Québécois votent Oui le 30 octobre, à une souveraineté tranquille, rai sonnée, sereine, il s savent déjà qu’au minimum, les échanges économiques avec le Canada seront maintenus, et qu’il y a chez nos voisins des millions de gens qui veulent d’un Partenariat économique et politique. Des millions de gens.

Imaginez ce que ça sera, lorsque nous aurons voté Oui.

Merci M. le président.

[QParizeau19951001]
Chères Québécoises, chers Québécois

Aujourd’hui, j’ai signé le décret qui fixe la date du référendum. Chacun et chacune d’entre nous sera convié, le lundi 30 octobre, à poser un des gestes les plus importants de notre vie. Il s’agit de dire ce que nous voulons être, à nos yeux, aux yeux de nos enfants, et à la face du monde.
Choisir la souveraineté, pour un peuple, c’est toujours un moment important. Décider de se prendre en main, pleinement. Décider de faire nous-mêmes toutes nos lois et les adapter à nos valeurs et à nos besoins, sans demander de permission aux autres. Décider de prélever nous-mêmes tous nos impôts et de les dépenser selon nos priorités. Décider, surtout, de ne plus être une minorité dans le pays de nos voisins anglophones, mais une majorité dans notre propre pays. Affirmer une fois pour toutes notre langue et notre culture, francophone d’Amérique. Bref, enfin être nous-mêmes, tout simplement.

Il y a quelque chose d’un peu absurde, en cette fin de siècle, dans le refus de nos voisins de reconnaître notre existence comme peuple. Dans leur refus de nous traiter autrement qu’une province comme les autres. Dans leur refus d’accepter même d’inscrire dans leur constitution que nous formons une société distincte. Il est navrant que le premier ministre du Canada se moque de nous, comme il l’a fait il y a deux semaines, en expliquant qu’être distinct, c’est de parler anglais avec un accent.
En gros, il y a deux avenirs en jeu, le 30 octobre: notre avenir collectif, en tant que peuple, et notre avenir individuel: la qualité de nos vies et celle de nos familles.

Nos vies vont être très affectées ces prochaines années, à cause de l’endettement du fédéralisme. Le chef du camp du Non, M. Daniel Johnson, l’a lui-même très bien expliqué: la dette du fédéral a été créée à coups de 30000000000 $ par année, essentiellement parce qu’à Ottawa, des gens comme Jean Chrétien se sont mêlés de nos affaires et ont dépensé, à crédit, l’argent que personne n’avait.
Aujourd’hui ça ne peut plus continuer. Alors à Ottawa, M. Chrétien dit: il faut couper. C’est inévitable, c’est vrai, mais couper où ? Il faut faire des choix.

Si on vote Non, on va subir les choix des autres. Si on vote Oui, on fera aussi un effort collectif, c’est certain. Mais on pourra investir nos efforts dans nos choix, nos priorités, conformément à nos besoins et à nos valeurs.
Jean Chrétien et le camp du Non ont indiqué ces derniers jours ce qu’ils ont choisi, eux: si on vote Non, on subira leur choix de couper les pensions des nouveaux retraités, à quand la coupure de celles des retraités actuels? Ils ont choisi de réduire ou d’enlever les prestations d’assurance-chômage à beaucoup de gens, surtout aux femmes et aux jeunes; ils ont choisi d’imposer au Québec les plus grandes coupures budgétaires de notre histoire. D’une part, ils coupent le financement dans la santé, des garderies et des études supérieures, mais d’autre part ils se servent de nos impôts pour construire des mégaprojets de luxe, comme Hibernia à Terre-Neuve et un pont de 1000000000 $ à l’Île-du-Prince-Edouard. C’est leur choix. Des choix qui nous échappent, à nous Québécois. Ça se décide à Ottawa, où nous sommes, de plus en plus, une minorité.
Si on vote Oui, par contre, ça devient possible de choisir, nous-mêmes, comment on va gérer. Comment on va se répartir l’effort collectif. Si c’est Oui, nous, nous avons déjà choisi: nous avons choisi de protéger les pensions de retraite actuelles et futures à leur niveau d’aujourd’hui. C’est notre choix. Nous avons choisi de protéger l’accès des jeunes au Cégep et à l’Université. C’est notre choix. Nous avons choisi, aussi, de ne pas confisquer les prestations auxquelles les jeunes et les femmes ont droit. Nous avons choisi d’assurer la continuité des programmes pour les enfants, de simplifier et d’améliorer la politique familiale.

Pour faire nos choix, où prendrons [-] nous l’argent? D’abord, si c’est Oui, on va récupérer les 28000000000 $ qu’on envoie à chaque année en taxes et en impôts au Canada. Ensuite, on va économiser presque 3000000000 $ qui sont actuellement gaspillés en raison des dédoublements entre les deux gouvernements. On va enfin pouvoir décider de notre investissement en recherche et en développement. Depuis toujours, le Québec n’a pas sa juste part de ces dépenses, qui créent de l’emploi.
Mais ça ne suffira probablement pas. Il faudra faire d’autres choix. Est [-] ce qu’on pourra décider de réduire les largesses faites aux compagnies milliardaires? Décider de réformer la fiscalité pour que chacun paie sa juste part? Décider de s’assurer que les impôts sur les profits des grandes entreprises ne disparaissent pas dans d’étranges abris fiscaux? Décider de faire économiser à chaque citoyen, à chaque entreprise et à l’État, des centaines de millions de dollars et des millions d’heures de tracasserie parce qu’on abolira, d’un coup, la moitié de la paperasse, parce qu’on ne remplira plus qu’un seul rapport d’impôt?
Si la réponse est Oui, le 30 octobre, tout ça devient possible.
Mais est [-] ce que les taux d’intérêts vont monter? Est [-] ce qu’après un Oui, ça coûtera plus cher pour acheter une maison, ou une automobile? Les gens du Non essaient de nous le faire croire. Je dirais deux choses très simples, là-dessus.

Il y a deux semaines, quelqu’un qui est spécialisé dans ces questions là l’a expliqué clairement. le président de la Société des prêts hypothécaires de la Banque de Montréal, M. Tom Alton, a expliqué qu’il n’y avait aucune raison de croire que les taux d’intérêt monteraient après un Oui. Aucune raison. Tout de suite, la direction de la Banque lui a interdit de répéter ça jusqu’au référendum. Pourquoi le cacher?

Au sujet des lendemains économiques d’un Oui, moi, en tant qu’ancien ministre des Finances, je suis d’accord avec l’évaluation qu’en faisait l’ex-banquier Michel Bélanger lorsqu’il était président de la commission Bé1anger-Campeau. Il disait : « Il y aura des petits soubresauts, mais pas des choses qui seraient particulièrement différentes d’autres petits soubresauts qui se produisent sous d’autres régimes. »
Pourquoi? Parce que le Québec est la seizième économie la plus riche au monde. Nos ressources, nos épargnes et nos investissements, la compétence de nos travailleurs, de nos cadres et de nos entreprises, c’est du solide. Rien ne peut changer ça.
Surtout, nous on pense qu’un Oui, ça libérera les énergies, ça déclenchera une deuxième Révolution tranquille.

Par exemple après un Oui, ça devient possible de mettre en oeuvre, d’urgence, une stratégie nationale de création d’emploi. Comme province, nous n’avons pas tous les outils pour en faire une. Mais, dès que c’est Oui, il est possible de miser sur notre formidable capacité de concertation entre nos patrons, nos travailleurs, nos coopératives, nos villes et nos régions. Ça devient possible, aussi, d’organiser une véritable décentralisation des pouvoirs et des ressources, pour l’emploi.
Beaucoup d’autres pays qui nous ressemblent par la taille de leur population, mais qui ont une économie moins riche que la nôtre, réussissent à faire baisser le chômage en quelques années grâce à la concertation. Pourquoi pas nous? Si c’est Oui, on pourra s’y mettre.

Autre exemple: la situation du français est excellente dans presque toutes les régions du Québec. Mais ce n’est pas le cas à Montréal. D’ici 25 ans, la majorité des Montréalais ne seront plus des francophones. En tant que province, le Québec a épuisé tous les moyens à sa disposition.

Alors si on vote Non, on se condamne à assister, sans rien pouvoir faire, au déclin du français dans notre métropole. Si c’est Oui, ça devient possible de contrôler complètement notre politique d’immigration. Surtout, si c’est Oui, nos futurs immigrants vont savoir qu’ils viennent dans un pays distinct, par sa langue et sa culture francophone. Ça va faire toute une différence, dans leur attitude, et dans la nôtre.
On sait que le Québec a été construit et enrichi par des gens qui sont venus de presque partout. C’est une bonne chose et on veut que ça continue, tout en assurant notre sécurité linguistique.

Cette question de langue m’amène à vous parler du deuxième grand enjeu de notre vote du 30 octobre. On vient de voir comment ce vote peut améliorer nos vies, nos emplois, nos finances, notre langue, comment il peut protéger nos acquis sociaux et déclencher une seconde Révolution tranquille.
Mais il y a plus que ça. Finalement il faut décider si on dit à nos voisins et au monde entier qu’on existe. Si on vote Non, le 30 octobre, on leur dit: vous avez raison de nier notre existence, vous avez raison de rejeter nos revendications. Car si on vote Non, on s’enlève tout notre pouvoir de négociation. Tout notre rapport de force.

C’est triste à dire mais, si on vote Non, on remet notre avenir entre les mains de gens qui ont consacré leur carrière à faire reculer le Québec. En 1980, après le Non, Jean Chrétien a fait reculer le Québec. À l’époque, ça en avait surpris plusieurs, dont M. Johnson. Cette fois-ci, il y a une différence: cette fois-ci, on est avertis d’avance.

Dans le sens inverse, le premier ministre de l’Ontario a dit qu’il avait l’intention, non seulement de reconnaître le Québec, mais de nous considérer à égalité avec les États-Unis. Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas entendu une telle marque de respect, de la part du Canada anglais. Imaginez: traiter le Québec d’égal à égal, avec les égards dus aux États-Unis d’Amérique. Pourquoi a [-t-] il dit ça ? Parce qu’en Ontario, des centaines de milliers d’emplois dépendent de nous, les Québécois. Nous sommes un de leurs meilleurs clients. Nous avons, comme disent les épiciers, un très gros « pouvoir d’achat ». Et vous savez: dans l’expression « pouvoir d’achat », il y a le mot « pouvoir ».
Que faut [-] il faire pour obtenir ce respect? Voter Oui. Devenir souverain. Là, ça devient possible.

Nous sommes de gros clients, et nous sommes de gros vendeurs. Je le dis depuis au moins dix ans: le Québec souverain continuera à faire des affaires normalement avec ses voisins. Il n’en tient qu’à nous de garder le dollar canadien. Nous n’avons pas de permission à demander. Avec les nouveaux accords internationaux du commerce, nous sommes protégés contre une éventuelle mauvaise humeur de nos voisins. Le libre-échange nord-américain, comme l’a dit M. Chrétien, est une force « irrésistible ». Les Québécois, qui en sont les plus enthousiastes promoteurs, en feront toujours partie. Personne ne le conteste.
Il était d’ailleurs intéressant d’entendre le ministre fédéral des finances avouer cette semaine: « qu’évidemment, le Canada s’assoirait avec le Québec » souverain, pour négocier. Il était intéressant d’entendre la ministre Robillard dire qu’évidemment, le Canada signerait une entente commerciale avec le Québec. Nous sommes tous d’accord: c’est inévitable, c’est incontournable et ça suffirait largement pour préserver notre accès à l’espace économique canadien.

Mais nous, du camp du Oui, du camp du changement, allons plus loin. Depuis un an, les Québécois ont exprimé leur désir de garder, si possible, des rapports particuliers avec le Canada. Ils veulent que le Québec de demain soit le Québec de la main tendue, le Québec du bon voisinage. Le 12 juin dernier, M. Lucien Bouchard, M. Mario Dumont et moi-même avons traduit cette volonté des femmes et des hommes du Québec dans une entente que nous avons signée.
Après un Oui, l’Assemblée nationale aurait le mandat de réaliser la souveraineté du Québec. Mais avant, c’est notre engagement, le Québec va prendre le temps de faire une offre, formelle, au Canada. Une offre de partenariat économique et politique qui ira au-delà du simple maintien de l’espace économique. Une offre qui dira: arrêtons de nous chicaner sur les sujets qui nous divisent et travaillons ensemble sur les sujets qui nous unissent.

Ça signifie qu’après un Oui, on va prendre le temps de négocier dans l’ordre, sans précipitation, avec une attitude flexible et ouverte et en représentant l’intérêt de tous les Québécois.
Le texte de l’offre de partenariat, nous l’avons envoyé dans chaque foyer du Québec. On le trouve dans cette petite brochure, qui explique clairement et précisément ce qui se passera après un Oui. Lisez là, discutez-en, et si vous avez des questions, appelez le comité du Oui de votre localité.

La décision que vous prendrez dans le secret de l’isoloir le 30 octobre, elle vous appartient à vous seuls. Chacune et chacun d’entre vous avez un devoir envers vous-mêmes, envers ceux qui nous ont précédé et qui ont défendu et bâti le Québec; un devoir surtout envers les jeunes du Québec.
En 1980, avec René Lévesque, nous avons eu une première occasion de faire ce choix. Depuis 15 ans, il s’est passé beaucoup de choses. On voit mieux les enjeux, et, maintenant, nous avons une seconde chance. Ce n’est pas donné à tous les peuples, une seconde chance.

Personne ne peut prédire l’avenir, mais il est possible que le 30 octobre soit notre dernier rendez-vous collectif. Ensuite, de province comme les autres, nous deviendrons peut-être des individus comme les autres. Et à la fin, il est possible que l’histoire donne raison à H. Chrétien: notre seule différence, ce sera de parler anglais, avec un accent.
Alors vous voyez, dans cinq, dix ou vingt ans, nous devons pouvoir dire à nos enfants et à nos petits-enfants: « Moi, le 30 octobre 1995, à l’heure du choix, j’y étais. J’avais bien réfléchi et j’ai pris la bonne décision pour notre avenir. »

Bonsoir

[QParizeau19951017]

Mes amis,

Cet amphithéâtre du pavillon des Sciences Sociales, c’est pour moi un genre de passage obligé. À chaque fois que le Québec a été convié à relever un défi, il fallait venir, dans cette salle, rencontrer la jeunesse de Montréal. À chaque fois qu’un grand débat politique, social ou économique a animé notre société il fallait venir, dons cette salle, rencontrer la jeunesse de Montréal.

Cette fois-ci, ça me semble plus important encore de vous voir et de vous parler. Parce que cette fois-ci, ça vous concerne comme jamais auparavant et en un sens, je vous regarde, et je vous envie.

Je sais, pour la génération des années 1990, rien n’est facile. Les études sont plus difficiles. Le marché du travail est moins accueillant. Le chemin est jonché d’obstacles. Il y a des pièges. Le décrochage, l’exclusion. La déprime. Dans les années 1990, même l’amour peut-être est dangereux. Je sais… je sais…

Je vous envie quand même. Je vous envie parce qu’il n’y a rien de plus exaltant, dans une vie, que les commencements. Il n’y a rien de plus emballant que les démarrages. Être à l’aube d’une carrière. Concevoir un projet. Lancer une entreprise. La voir grandir. Connaître des difficultés imprévues. Inventer des solutions auxquelles personne n’avait pensé. Faire de ces solutions, la base d’une richesse nouvelle.

Les commencements. Imaginer, dans sa tête, avec quelques amis, une idée neuve. Transformer cette idée en réalité. Voir cette réalité grandir, et devenir plus grande que nous…

Un commencement, mes amis, il peut y en avoir un dans 12 jours. Un commencement plus grand que la somme de tous nos commencements individuels. Un commencement plus riche en possibilités, plus emballant et plus vivant que n’importe quelle entreprise, et que n’importe quelle carrière.

Un commencement qui n’a pas de sens, Qui ne peut pas marcher, qui ne vaut pas la peine, s’il n’est pas aussi, beaucoup, énormément, celui de votre génération.

Parce que c’est vous, la jeunesse du Québec, qui allez voir grandir ce pays. Parce que c’est vous qui allez le façonner et l’inventer. Parce que c’est vous qui allez lui donner son élan et sa vitalité. Le Québec souverain, il vous appartient.

Je dis ça, ce n’est pas à légère. Depuis des années que je me consacre à voir naître le Québec. J’ai toujours profondément cru, profondément su, que ce nouveau Québec devait être l’oeuvre conjointe de toutes ses générations.
Vous savez, quand j’étais beaucoup plus jeune, moi j’en avais souvent marre de me faire donner des leçons par dos vieux profs aux cheveux blancs. Des profs paternalistes et ringards qui me disaient: « mon jeuno, quand tu auras mon expérience, tu pourras agir. »

Moi et mes copains, on citait un proverbe un peu caustique. « l’expérience, disions nous, c’est une lampe qui se porte sur le dos… et qui éclaire le chemin parcouru. »

Vous l’essaierez sur vos vieux profs, c’est une vacherie bien envoyée.

Elle n’est pas complètement fausse. Mais ce qui est complètement vrai, par contre, c’est que la jeunesse porte une lampe il bout de bras, et cette lampe éclaire le chemin à parcourir. La lampe de la jeunesse, ce n’est pas l’expérience, c’est l’énergie et sans elle, rien ne peut se faire, rien ne peut s’accomplir,

Le Québec deviendra souverain grâce à l’énergie de la jeunesse du Québec. Et le Québec souverain sera un succès à la condition que les gens de ma génération sachent laisser la place il cette énergie.

La Commission des jeunes sur l’avenir du Québec qui a écouté cet hiver au delà de 5000 jeunes étudiants, jeunes entrepreneurs, jeunes chômeurs, jeunes bénévoles de tous les coins du Québec, appelle ça un « nouveau contrat social » entre les générations du Québec. Un nouveau pacte entre les générations. .

Moi j’y crois, à ce pacte. Moi je ne dis pas que c’est souhaitable, je dis que c’est indispensable. Il faut faire le mariage de l’énergie et de l’expérience. La force de la jeunesse, dans une société, c’est bien sûr sa capacité d’innovation. Sa curiosité et son imagination. Sa tendance aussi, il ne pas voir les choses par le même côté de la lorgnette. Ça ne donne pas les mêmes idées. Et c’est heureux.

Mais c’est plus que ça. Il y a un autre ingrédient, essentiel. Le côté rebelle, irrévérencieux, de la jeunesse. Pas le cynisme, qui est corrosif et dangereux. Pas le snobisme, qui est insupportable, Mais ce réflexe de ne rien prendre complètement pour acquis. De ne rien prendre pour certain. Cette volonté de vouloir réexaminer des institutions, des idées reçues. Cette propension de remettre en question le statu quo. Le côté rebelle de la jeunesse, c’est un de nos biens les plus précieux. C’est le moteur du changement. .

Votre recteur ne sera peut-être pas content, mais moi j’ai toujours pensé que si on avait traversé tout un cours universitaire sans jamais faire une grève générale, il manquait quelque chose à son éducation.

Alors, vous voyez, pour que le Québec souverain soit un succès, il faut réussir la jonction entre la jeunesse et l’expérience. Comment? J’y réfléchis depuis quelque temps. Et j’ai quelques pistes à évoquer avec vous aujourd’hui.

Le pouvoir des jeunes, c’est comme le pouvoir des femmes. Pour que les femmes aient du pourvoir, il faut des femmes au pouvoir. C’est aussi simple que ça. Toute la meilleure volonté des hommes les plus ouverts au monde ne remplacera jamais le fait qu’aux postes de commande, un grand nombre de femmes doivent avoir le pouvoir de décider.

J’en fais l’expérience depuis un an. Pour la première fois dans notre histoire, au gouvernement du Québec, le comité des priorités est formé à égalité de trois femmes et trois hommes. Ça signifie que tous les projets du gouvernement, le budget, les réformes, les projets de loi, les coupures et les nouveaux programmes doivent d’abord être discutées et approuvés par ces trois femmes et ces trois hommes. Je peux vous dire que ça change la dynamique de groupe, quand on a l’égalité. Les femmes ont une façon différente d’aborder les problèmes et d’inventer des solutions. Je rêve du jour où le conseil des ministres sera formé, pour moitié, de femmes.

Non, excusez [-] moi, je corrige: je rêve du jour où le conseil des ministres sera formé, en majorité, de femmes !

En attendant, nous avons inscrit dans le projet de loi sur l’avenir du Québec une disposition au sujet de la nouvelle constitution du Québec souverain, le texte fondamental qui guidera nos gouvernements et qui établira nos droits et nos responsabilités de citoyens pour les décennies à venir. Conformément au désir exprimé par les commissions sur l’avenir du Québec, nous avons résolu que cette nouvelle constitution sera conçue et rédigée par un groupe formé de femmes et d’hommes à égalité.

Ce sera, d’ici quelques années, une première mondiale. Ça ne s’est jamais fait où que ce soit dans le monde. Je vous ai parlé de l’importance des commencements. Nous allons partir du bon pied.

Des jeunes, bien sûr, devront participer pleinement à cette définition de la loi fondamentale de notre nouveau pays. Nous l’avons écrit dans « Le coeur à l’ouvrage », notre guide pour la société de demain. La participation des jeunes à la grande consultation qui produira la nouvelle constitution du Québec sera essentielle. Ils devront pouvoir y inscrire leurs valeurs, leurs espoirs, les défis qu’ils comptent relever.

Mais ça ne suffit pas. II faut donner plus pouvoir aux jeunes. Et il faut trouver 100 moyens de le faire.

Il faut vous donner à vous, la jeunesse du Québec, le pouvoir de vous instruire et le pouvoir de réformer le système d’éducation, que vous connaissez de l’intérieur. Il faut vous donner à vous, la jeunesse du Québec, le pouvoir économique de vous lancer en affaires. Il faut vous donner à vous la jeunesse du Québec, le pouvoir politique et le pouvoir de gestion dans un bon nombre d’organismes publics ou parapublics.

Parlons de ces pouvoirs un à un.

Le pouvoir de s’instruire. Partout ailleurs sur le continent américain, la tendance est à la hausse des frais de scolarité. Il n’est pas rare, aux États-Unis, que des parents doivent choisir entre s’acheter une maison, ou payer les études de leurs jeunet. C’est tellement cher qu’ils ne peuvent pas se payer les deux. Dans le reste du Canada, les réformes du gouvernement fédéral vont provoquer des hausses vertigineuses des frais de scolarité. Si on reste dans le Canada, je ne sais pas pour combien de temps le Québec pourra résister à l’impact des coupures fédérales. Mais nous, au Québec, on a une culture un peu européenne. On pense que l’accès au savoir ne doit pas dépendre de la grosseur du portefeuille des familles, mais de la qualité des cellules grises des jeunes, de leur talent et de leur coeur à l’ouvrage. Si c’est Oui, nous allons protéger le pouvoir de s’instruire.

En récupérant au Québec tous nos outils en matière d’éducation, on pourra aussi faire un grand ménage dans notre système qui prend un coup de vieux. L’éducation, vous ne savez pas toujours si vous en êtes les bénéficiaires ou les victimes. L’an prochain, la première année après un Oui, ce sera l’année de la grande réforme de l’éducation. On tiendra les États-généraux nationaux de l’éducation. Les organisations étudiantes auront un rôle majeur dans la redéfinition des orientations de notre éducation. Pour la première fois de notre histoire, les représentants des étudiants sont reconnus comme des interlocuteurs de plan dans ce débat essentiel.

Le pouvoir économique, ensuite. D’abord, ça vous prend des jobs. C’est clair. Il faut faire, pour les jeunes, plus de place sur le marché du travail. On a déjà des leviers au Québec, on ne les a pas tous mais avec votre aide, ça ne va pas tarder. Qu’est [-] ce qu’on va faire? On va faire une révolution dans la formation de la main d’oeuvre, dans l’apprentissage, dans la jonction entre l’éducation théorique et pratique. C’est ce qui permet à d’autres sociétés, notamment l’Allemagne, d’intégrer les jeunes au marché du travail dans un processus continu.

Grâce à la souveraineté nous pourrons mettre sur pied, dès l’an prochain, une véritable stratégie nationale de création d’emplois. Nous sommes les seuls en Amérique du Nord à avoir un atout majeur: notre capacité de consensus entre l’État, le patronat et les organisations syndicales. D’autres pays, surtout européens, ont réussi à tabler sur ces consensus pour faire baisser de façon significative leur taux de chômage. C’est ce qu’on va enfin faire.

Mais on peut multiplier tout de suite les mesures pour dégager plus d’espace sur le marché du travail: en multipliant le partage du travail, les horaires souples et le temps partagé, une plus grande flexibilité dans les départs en retraite ou en perfectionnement, en éliminant les abus de temps supplémentaire, on peut dégager en quelques années des dizaines de milliers d’emplois pour les jeunes.

Dans la fonction publique québécoise, il faut faire de la place aux jeunes. Nous avons eu cet objectif à l’esprit cans la récente négociation dans le secteur de l’éducation. D’ici trois ans, 7 500 personnes vont prendre des retraites anticipées. Une bonne partie de ces postes seront comblés par de jeunes recrues. Du sang neuf, en éducation, ça va faire du bien, vous ne pensez pas?

Mais ce qui m’intéresse le plus, dans le pouvoir économique des jeunes, c’est de voir émerger des petites entreprises créées par des jeunes, et avec des jeunes. Si je vous disais que d’ici six mois, on va confier à 3 200 jeunes Québécoises et Québécois comme vous une somme totale de 125000000 $ pour démarrer des petites entreprises, me croiriez [-] vous?

Ben on ne va pas le faire… on l’a déjà fait. Depuis six mois, 3 200 jeunes du Québec ont eu accès à 125000000 $ et ils sont, au moment où on se parle, en train de créer 3 200 entreprises qui vont créer d’ici peu 17000 emplois, surtout pour des jeunes. Ça s’appelle le Programme de démarrage de petites entreprises. Le plan Paillé. Ça s’appelle surtout: faire confiance à la jeunesse québécoise. Faire confiance à son énergie. Lui donner directement, le pouvoir économique.

C’est cet esprit là qui va orienter notre approche dans un Québec souverain.

J’ai parlé aussi du pouvoir politique. Vous en avez entendu des politiciens venir vous dire qu’ils allaient « écouter » les jeunes. Qu’ils allaient « se mettre à l’écoute. Sur l’air de : « cause toujours mon lapin ».

La jeunesse du Québec, elle en a vu d’autres. Elle est jeune, mais elle n’est pas née de la dernière pluie. Elle ne veut pas de belles paroles, elle veut des actes. Avec un Oui, elle va en avoir.

Avec un Oui, le Québec va hériter de sa part de toute une panoplie d’organismes publics et para publics fédéraux qui gèrent, encadrent et entourent l’État. Il y a littéralement des milliers de postes importants sur des conseils d’administration de toutes sortes. Les conservateurs et les libéraux avaient l’habitude de réserver ces postes pour leurs amis. Le fameux patronage. Nous on pense que ces postes doivent être comblés par des gens compétents, et on pense qu’une partie de cette compétence doit venir de la jeunesse.

Et ça ne coûtera pas un sou de plus !

Nous avons ouvert la voie tout récemment. La SDI, la société de développement industriel, est un des bras les plus importent du Québec, il aide les entreprises à innover et, parfois, à survivre aux crises. Nous avons nommé sur le conseil d’administration de la SDI un jeune, le jeune président de la Société d’aide aux jeunes entrepreneurs, Richard Desjardins.

Aujourd’hui, c’est l’exception. Demain, s’il n’en tient qu’il moi, ce sera la règle. Le Québec a besoin de sang neuf, d’énergie, et d’esprit rebelle partout.

Et l’exemple vient de haut. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais la souveraineté, c’est le projet de toute me vie. C’est aussi le projet du chef du Bloc Québécois, Lucien Bouchard. Mais il y a un jeune politicien québécois qui nous a convaincu, tous les deux, de regarder un peu les choses par l’autre bout de la lorgnette. Ce jeune politicien, il a signé une entente avec M. Bouchard et moi-même, il est un participant à part entière de nos réunions de stratégie. Il a un pouvoir politique considérable et c’est bien comme ça. Il s’appelle Mario Dumont.

Et moi, je suis content de savoir qu’au commencement du Québec souverain, il y a la jonction de l’expérience et de l’énergie. Je suis content de voir que l’entente qui sera le fondement du Québec souverain réunit trois partis, trois sensibilités, trois générations de Québécois, et que le plus jeune politicien du Québec y figure en bonne place.

C’est ça, aussi, l’esprit du Québec du Oui, l’esprit du camp du changement.

Il y en a qui vous invitent à dire Non à tout ça. Il y en a qui vous disent qu’on est tellement bien dans le statu quo. On est tellement bien, dans l’inertie. On est tellement bien, minoritaires dans le pays de nos voisins. On est tellement bien, dans la chicane. Il y en a qui disent qu’on est trop petits, qu’on va se faire mal, qu’on n’est pas capables.

Ça arrive souvent, ça, lorsqu’on veut essayer quelque chose de nouveau. Des gens qui nous disent qu’on n’est pas capables.

Je vais vous raconter une anecdote. Moi, eu début des années soixante, je n’avais pas encore de cheveux blancs. J’étais fringuant, un jeune économiste, et j’avais la chance de participer à un des plus beaux commencements de l’histoire du Québec. Ça s’appelait la révolution tranquille. Il y avait un politicien, un des plus jeunes à « époque, qui s’eppelait René Lévesque. Et avec quelques amis, il avait conçu un projet: libérer l’énergie du Québec, nationaliser l’électricité.

Si vous saviez le camp du Non qui s’est abattu sur ce projet-la, c’était incroyable. Ils le disaient, qu’on était trop petits. Ils le disaient, qu’on n’était pas capables. Ils disaient qu’on allait perdre notre chemise. On n’était pas assez fou pour dire qu’on perdrait un million d’emplois, mais c’était l’idée générale.

Mais on était jeunes, on avait de l’énergie… faut croire qu’on savait compter. Et on avait une grosse fibre rebelle contre l’establishment de l’époque. Ah, oui, on l’avait la fibre rebelle, ça en prenait, à cette époque là. On avait surtout l’appui du peuple québécois, Dans une élection référendaire, les Québécois nous avait dit: oui, allez [-] y, faites [-] la, la nationalisation de l’électricité.

On l’a faite, le Québec ne s’est pas appauvri, il s’est enrichi. On n’a pas perdu d’emploi, on en a créé, des dizaines de milliers. On a produit des firmes d’ingénieries qui sont maintenant des leaders mondiaux. On est même sur le point d’inventer l’automobile électrique.
Heureusement qu’on n’a pas écouté le camp du Non. À travers les années, il y a eu un camp du Non à chacune des étapes les plus importantes de notre développement. Non à la caisse de dépôt. Non à la loi de protection des consommateurs. Non à la loi 101.
Et plus le Non était agressif ou hargneux, plus il exagérait les conséquences des réformes qu’on voulait faire, plus ces réformes là étaient positives pour le Québec. En fait, quand on y pense, les meilleurs succès du Québec, c’est ceux où le Non protestait le plus fort.

A écouter le camp du Non ces jours-ci, on doit tirer la conclusion que la souveraineté, ça va être tout un succès.

Surtout qu’aujourd’hui, il y a une autre énergie qu’on veut libérer, avec « appui du peuple québécois, le 30 octobre. On veut libérer l’énergie de la jeunesse du Québec. On veut la libérer des chicanes stériles et des lourdeurs de la politique canadienne. On veut la libérer du débat constitutionnel. On veut la libérer des interdits et des obstacles que le fédéral met sur le chemin de notre imagination et de notre détermination.

Déjà, une bonne majorité des jeunes du Québec ont décidé de se dire Oui, le 30 octobre. Déjà, on sait que le Québec de demain pourra s’appuyer sur votre énergie et votre talent. Si je peux compter sur vous pour donner, d’ici douze jours, encore plus d’énergie au Oui, vous pouvez compter sur moi pour faire du Québec souverain, le Québec de la jeunesse.

Merci

[QParizeau19951030]
Mes amis,

C’est raté, mais pas de beaucoup. Puis c’est réussi, c’est réussi sur un plan. Si vous voulez, on va cesser de parler des francophones du Québec voulez [-] vous? On va parler de nous à 60 %. On a voté pour. On s’est bien battu, et nous, on a quand même réussi à indiquer clairement ce qu’on voulait. Puis on a raté par une petite marge, quelques dizaines de milliers de voix. Bon ben dans un cas comme ça qu’est [-] ce qu’on fait? On se crache dans les mains et on recommence.

J’aurais bien voulu que ça passe. J’aurais tellement voulu comme vous tous que ça passe. On était si proches du pays. Bon ben c’est retardé un peu… Pas longtemps, pas longtemps ! On n’attendra pas 15 ans cette fois là. Non, non. C’est quand même beau ce qui s’est passé, de voir dans les assemblées l’une après l’autre ces jeunes dont on disait que l’avenir de leur pays, ça n’a pas d’importance (pour eux) et qui venaient de plus en plus nombreux en disant: le pays on veut l’avoir et tant que les jeunes penseront ça, on l’aura le pays.
C’est vrai, c’est vrai qu’on a été battus, au fond, par quoi? Par l’argent puis des votes ethniques, essentiellement.

Alors ça veut dire que la prochaine fois, au lieu d’être 60 ou 61 % à voter Oui on sera 63 ou 64 % et ça suffira. C’est tout. Mais là mes amis, dans les mois qui viennent, on va écouter. Il y a des gens qui ont eu tellement peur que la tentation de se venger ça va être quelque chose et là, jamais il ne sera aussi important d’avoir à Québec ce gouvernement du Parti québécois pour nous protéger jusqu’à la prochaine !

L’indépendance du Québec reste le ciment entre nous. Nous voulons un pays et nous l’aurons ! Maintenant mes amis, on entre dans une phase, dans les jours et les semaines qui viennent, où on va avoir chacun d’entre nous, le goût de mettre le poing sur la table quand c’est pas autre chose. Restons calmes mes amis résistons aux provocations. Comme disait il y a quelques jours le premier ministre du Canada, on va en manger une belle. Vous n’avez pas idée qu’est [-] ce qui vont nous faire baver. Résistez à ça. Soyons calmes, souriants. Pas moutons, souriants….

On va l’avoir notre pays ! Là, j’ai pas l’ombre d’un doute. Quant à vous les plus jeunes, dans une immense majorité, vous avez voté pour le pays. Mais là, je vais m’adresser à mes vieux camarades de combat, les gens qui ont mon âge, qui cherchent le pays depuis des années et des années et je leur dis ne vous découragez pas, les jeunes eux commencent là-dedans. Ils viennent d’avoir un échec mais par si peu. Ils vont y arriver bientôt. Mais vous, les vieux camarades de combat, restez dans les rangs On a besoin de vous, la souveraineté on y touche.

Dans les jours qui viennent, on va se faire injurier. On va se faire dire que nous ne savons pas ce que nous voulons. On va dire: mais oui, on voit bien, ils sont comme d’habitude. Non, non ! On n’est pas comme d’habitude. N’oubliez jamais les trois cinquièmes de ce que nous sommes ont voté Oui. C’était pas tout à fait assez, mais bientôt ça sera assez. Notre pays on l’aura !

Soyez calmes. Soyez souriants. Même si c’est pas facile et dites [-] vous que c’est de cette solidarité qui de plus en plus s’étend entre nous, année après année entre les générations, entre les gens aussi bien de droite que de gauche, entre les syndicalistes et ses PME qui à toutes fins pratiques, nous font vivre. C’est entre nous. Les artistes et les étudiants, les syndicalistes et les patrons, les chômeurs et ceux qui travaillent. C’est entre nous que nous allons d’abord dans l’immédiat, ici au moins, au Québec, ne pas sacrifier au mouvement vers la droite qu’on voit envahir le reste du Canada. On sacrifiera jamais ça.

Nous allons démontrer qu’on est capables encore, à défaut d’un pays, de monter une société française qui a le coeur à l’ouvrage et le coeur accroché à la bonne place jusqu’à ce que, enfin, on prenne notre revanche et qu’on se donne un pays à nous.

Merci mes amis d’être ici ce soir. Vive l’espoir, vive le Québec !

[QParizeau19951031]

Il y a sept ans, j’ai fait un pari fou. Le pari de reprendre un combat que plusieurs disaient vain. Que plusieurs disaient fini, foutu.
J’ai fait le pari que les Québécoises et les Québécois ne se contenteraient jamais d’être autre chose qu’un peuple. Et que la seule façon que nous ayons d’être un peuple, c’est d’avoir un pays à nous.

Pendant sept ans, petit à petit, les événements ont donné raison aux héritiers de René Lévesque. Pendant sept ans, petit à petit, la souveraineté a repris ses forces, elle a essaimé dans d’autres partis, sur d’autres tribunes, elle s’est renouvelée dans son contenant comme dans son contenu.

D’autres sauront, mieux que moi, faire le bilan de ces sept années. Pour ma part, je retiendrai quatre choses:
D’abord, le fait qu’une nouvelle génération de Québécois ait repris le flambeau de la souveraineté avec un enthousiasme et une ardeur sans pareille. C’est pour moi la plus grande réalisation que le mouvement souverainiste pouvait accomplir: se donner une nouvelle jeunesse. S’inscrire définitivement dans la durée.

Puis, le fait que la souveraineté se soit étendue à toutes les générations de Québécois. Cette année, il y avait des indépendantistes aux cheveux encore plus blancs que les miens. Nous avons donc réalisé, pour la souveraineté, le mariage de la sagesse et de la fougue de la jeunesse, donc de l’expérience et de l’énergie. Une cause qui réussit cette jonction ne pourra jamais mourir. J’ajoute que nous avons su donner aux femmes une voie plus forte au sein et à la tête de notre parti et de notre gouvernement. C’est pour moi une grande victoire.
Aussi, ces dernières années, la voix souverainiste s’est enfin fait entendre sur la scène fédérale, là où elle n’avait auparavant pas droit de cité. C’est un changement majeur qui modifie toute la donne.

Finalement, nous avons su, il me semble, donner un contenu nouveau à la souveraineté. Un nouveau contenu économique, en mettant au coeur de notre projet la nouvelle réalité d’une planète qui est aujourd’hui presque un seul grand marché. Un nouveau contenu social, car nous avons su concilier notre instinct de solidarité et d’entraide et les rigueurs actuelles de la situation économique et financière.

Notre souveraineté, nous en avons fait un projet aussi humain que politique et économique, aussi individuel que mondial, nous l’avons enrichi et diversifié et c’est pourquoi, je pense, il a réussi à toucher autant de gens.
Pendant les semaines extraordinaires que nous venons de vivre, je dois dire que ce sont les gens qui m’ont le plus impressionné. Avec nous et autour de nous, des milliers de sympathisants, de militants et de porte-parole, d’artistes et de grands politiques, de religieux et de professionnels ont exprimé la richesse et la sincérité du Québec. Il y a des gens qui ont pris des risques terribles avec leur carrière pour dire publiquement Oui. Il y a des gens qui ont mis leur crédibilité au service d’une cause qui nous dépasse tous. Je voudrais les nommer, il y en a des cents et des milles. Je veux, du fond du coeur, tous les remercier. Parmi eux, il se trouvera demain, c’est une certitud, des leaders qui sauront faire franchir à la souveraineté de nouvelles frontières.

Et il y a une de ces frontières que, bien humblement, j’ai été incapable de franchir. Je n’ai pas réussi à faire en sorte qu’une proportion significative de nos concitoyens anglophones et allophones se sentent solidaires du combat de leurs voisins. René Lévesque s’était épuisé en vain sur ce même clivage. Gérald Godin avait réussi à se faire beaucoup d’amis dans ces milieux, mais bien peu de convertis. C’est pour moi une déception très grande, car je sais les efforts que nous avons tous mis depuis sept ans à transformer cette réalité. Cela explique aussi que j’ai pu, hier, formuler cette déception dans des termes qui auraient pu être beaucoup mieux choisis.
J’ai aussi parlé hier de l’argent, et je vous dirai que nous entendons appliquer avec toute la vigueur dont elle est capable la loi sur la consultation populaire que nous a léguée René Lévesque. Le camp du Non a réussi à dépenser en une journée presque la somme totale respectée par le camp du Oui pour toute la campagne. Les infractions massives infligées à notre cadre démocratique ne seront pas oubliées.
Mais assez parlé du passé.
Une des magnifiques nouvelles de la journée d’hier fut le taux de participation de 94% et la sérénité du vote, qui témoignent que nous avons ici une population qui ne connaît pas d’égal, sur le globe, quant à sa maturité démocratique. Je salue tous les électeurs et toutes les électrices.

Il s’est produit hier une autre chose extraordinairement importante. Les Québécoises et les Québécois ont signifié à leurs voisins et au monde qu’ils doivent être reconnus comme peuple. Les hochets symboliques de société distincte et d’ententes administratives doivent être remisées dans les cercueils de Meech et de Charlottetown: c’est leur place.
Les Québécois ont dit hier qu’ils veulent une véritable reconnaissance et qu’ils n’accepteront rien de moins que l’égalité.

Il faut être clair: hier, le Québec s’est levé debout. Il s’est levé pour de bon, et on ne pourra jamais le faire reculer. Hier, le Québec s’est levé debout: il lui reste un pas à faire. Il a l’élan voulu, il en a la capacité, il ne lui manque que l’occasion. Elle viendra bientôt, j’en suis profondément convaincu.
Comment ce pas doit [-] il se faire? Par où passe le chemin qui mènera au nouveau et inévitable rendez-vous avec la souveraineté? Ce n’est pas à moi de le dire, ce n’est pas à moi de le faire.

Avec mes qualités et mes défauts, j’ai contribué à conduire ce grand projet au résultat du 30 octobre.

D’autres, maintenant, lui feront franchir la dernière frontière. J’annonce aujourd’hui, qu’à la fin de la session parlementaire de l’automne, je libérerai les postes de premier ministre, de président du Parti Québécois et de député de l’Assomption, que les Québécoises et les Québécois m’ont fait l’honneur de me confier.

Dans l’intervalle, comme premier ministre, je m’emploierai à faire avancer plusieurs dossiers importants pour la bonne marche du gouvernement et pour l’avenir de nos compatriotes. Des décisions importantes, certaines difficiles, doivent être prises. J’y veillerai.
Je remercie tous ceux et toutes celles qui ont fait avec moi ce bout de chemin et je sais qu’ils seront encore plus nombreux dans les mois et les années qui viennent.

Je ne serai certes plus à leur tête, mais ils peuvent compter sur moi: je serai toujours à leurs côtés.
Merci

[QParizeau19951201]
Chers amis,
Permettez [-] moi d’abord de vous remercier, tous, pour l’extraordinaire action que vous avez menée au sein des Partenaires pour la souveraineté, au cours de la dernière année.
Avec les autres organisations syndicales, des organisations communautaires et culturelles, vous avez réussi à donner à la coalition du Oui, non seulement des militants et des énergies, ce qui est beaucoup, mais aussi une voix nouvelle, plus diversifiée, plus proche des préoccupations quotidiennes des femmes et des hommes du Québec.
Un des très grands succès, il me semble, de la campagne référendaire, fut notre capacité à donner un contenu au projet souverainiste.
Un contenu social.
Pendant l’hiver dernier, vous vous souvenez, les Québécois nous demandaient: la souveraineté, oui, mais pour faire quoi? Ensemble, nous avons répondu: pour faire un Québec qui nous ressemble plus qu’aujourd’hui, parce que chez nous plus qu’ailleurs sur le continent, nous avons une façon de vivre ensemble, de travailler ensemble, qui incarne la solidarité et l’entraide.
Un représentant européen nous disait, l’autre jour, que le Québec était un des derniers endroits, en Amérique du Nord, où l’humanisme est encore à la mode. C’est un grand compliment. Et il faut travailler fort, en cette fin de siècle, pour résister aux courants économiques et politiques qui voudraient que tous les citoyens soient réduits à la condition de statistiques: des chiffres dans des bilans d’entreprises. Il y a un courant qui croit que l’individu a toujours raison et que le groupe a toujours tort. Il y a un courant qui veut que le marché soit notre seul maître, notre seul principe, notre seule boussole.
Nous disons: non. Nous voulons une société qui donne le goût d’entreprendre, qui suscite et qui récompense la réussite économique, mais en même temps une société où la générosité et le partage ont leur place. À tâtons, souvent, nous essayons de trouver un juste équilibre entre ces objectifs, économiques et humains.

Dans le préambule du projet de loi sur l’avenir du Québec, ce souhait a été inscrit en termes un peu lyriques: « l’Être précède l’avoir; nous faisons de ce principe le coeur de notre projet ». Vous vous souvenez: « l’Être précède l’avoir ». Il ne le remplace pas, il ne le condamne pas, mais il le précède. Il est plus important, c’est pour lui qu’on travaille finalement. C’est un concept audacieux mais qu’on retrouve sous d’autres vocables: la qualité de la vie, par exemple. Aux États-unis, ils disent: « The pursuit of happiness », la recherche du bonheur. Vous voyez, ils ne disent pas « la recherche du profit ».
Nous ne sommes pas les premiers à vouloir faire cette jonction entre l’économie et l’humain, nous ne serons pas les derniers. Mais il est vrai qu’en ce coin de planète, on se sent un peu seul. Il est vrai qu’à nos frontières, l’individualisme l’emporte un peu trop souvent à notre goût, sur la solidarité. Et c’est le dangereux glissement auquel on assiste en Amérique du Nord: la recherche du profit en soi, plutôt que le profit comme un des moyens d’assurer la qualité de la vie. Ailleurs en Amérique, finalement, l’avoir précède l’être.

Pendant la campagne référendaire, on a traduit ce principe dans un petit guide du camp du changement intitulé Le coeur à l’ouvrage. Il a été beaucoup lu, beaucoup commenté. Vous, de la FTQ et vos Partenaires pour la souveraineté, avez été la preuve vivante que le projet de souveraineté est aussi un projet social, la volonté de faire les choses autrement.

Aujourd’hui, les Québécois ne nous ont pas donné le mandat de mettre en oeuvre l’ensemble de ce projet politique et social. Cependant, je pense que nous avons tous contribué, par notre campagne, à ce que plus de Québécois comprennent qu’ils portent en eux ce projet, comprennent qu’ils forment, plus qu’ils ne le pensaient, un peuple nord-américain un peu hors normes. Je pense que nous avons beaucoup contribué à une importante prise de conscience. C’est un acquis maintenant, sur lequel il faut construire. Et notre travail n’est pas terminé.
Et alors que nous nous engageons dans une difficile période de compressions budgétaires, il faut que la vision du Coeur à l’ouvrage et de la déclaration de souveraineté nous serve, aussi, de repère.

Bien sûr, on ne peut pas, aujourd’hui, économiser près de 3000000000 $ par an, en éliminant les chevauchements qu’impose le fédéralisme, ce que nous aurions fait avec un Oui majoritaire. Bien sûr, on doit, aujourd’hui, payer pour la décentralisation que nous impose le fédéral: la décentralisation du déficit.
On mesure mal l’ampleur des chocs financiers que le fédéralisme assène au Québec.

Et je voudrais faire référence à un texte assez limpide, publié en mai dernier: le budget québécois du ministre Jean Campeau. Il explique par exemple que, avec nos efforts d’assainissement entrepris depuis un an, des efforts respectueux de l’équité sociale, mais sans les nouvelles coupures fédérales, le déficit du Québec aurait été réduit, dans deux ans, à moins de 1000000000 $. Moins de 1000000000 $. À partir de là le calcul est simple: la majeure partie du déficit du Québec est le résultat de la mauvaise gestion du fédéralisme canadien. .

Il y a des gens qui affirment: il faut pas dire ça, il faut pas blâmer le fédéral, il faut pas se plaindre !
Ah Non? Il faudrait dire merci, peut-être? Disons la vérité: depuis 20 ans le gouvernement fédéral, dont l’ancien ministre des Finances Jean Chrétien, s’est servi, contre notre volonté, de notre carte de crédit pour nous vendre l’idée que le Canada est le plus beau pays au monde. Et maintenant que sa marge de crédit déborde, au lieu de faire le ménage dans ses propres dépenses, il nous impose ses factures. C’est une injustice immense. Immense.

Si M. Chrétien et son ministre des Finances Paul Martin étaient vraiment responsables, ils réduiraient leur déficit en coupant dans les seules dépenses fédérales. Ce serait difficile, mais ce serait équitable. À la place, ils ont décidé de faire un gigantesque délit de fuite. C’est un peu comme si, pendant 15 ans, ils nous avaient invités dans le plus beau restaurant de la ville, qu’ils avaient insisté pour qu’on y aille, qu’ils avaient insisté pour nous dire quoi manger en plus, mais maintenant, au moment de l’addition, ils se sauvent par la porte d’en arrière et nous laissent avec la facture.

Ils réduisent brutalement les transferts, mais ils se sauvent aussi, programme par programme. Vous qui êtes sur le terrain, le voyez tous les jours: ils réduisent chaque année un peu plus les conditions d’accès à l’assurance-chômage, ce qui pousse des dizaines de milliers de Québécois sur l’aide sociale, et c’est le Québec qui paie. Ils font ça le sourire aux lèvres, au nom de la responsabilité, et ils voudraient qu’on applaudisse.

Vous vous souvenez, pendant la campagne, on avait calculé un des coûts de la « non-souveraineté ». On avait calculé que si on avait dit Oui en 1980, grâce aux économies réalisées sur les chevauchements, la dette globale du Québec aurait été réduite de 25000000000 $. Si on appliquait les intérêts sur les emprunts pour payer ce gaspillage, on arriverait au chiffre de 42000000000 $.
Dans son budget, M. Campeau avait fait un autre calcul intéressant. Vous savez, les transferts fédéraux, c’est fait avec l’argent que les Québécois envoient à Ottawa par leurs impôts. Alors M. Campeau a calculé que si, en 1980, Ottawa nous avait laissé nos points d’impôts plutôt que de nous envoyer des transferts, s’il avait même aboli la péréquation, le Québec aurait perçu pendant cette période en impôts québécois 8000000000 $ de plus que ce qu’il a reçu en transferts. Comprenons [-] nous bien: en gardant le même niveau de services aux citoyens et sans augmenter le fardeau fiscal.

En fait, si au lieu de mal gérer nos impôts, le fédéral nous avait laissé nous débrouiller, le Québec n’aurait, dès l’an prochain, aucun déficit. Zéro. Pas de crise des finances publiques. Pas de réduction douloureuse dans les services aux citoyens. Pas de hausse de taxes.
Je ne sais pas comment le dire plus clairement: la crise des finances publiques, c’est la crise du fédéralisme… c’est le coût du fédéralisme.

Eh bien, non seulement il ne faut pas applaudir, non seulement il faut dénoncer, mais il faut tout faire pour responsabiliser le fédéral. Il faut dire à Ottawa de faire son ménage chez lui et de nous laisser faire notre ménage chez nous. Nous n’avons pas à subir en silence.
Les Québécois ont le pouvoir de limiter les dégâts. Les Québécois ont le pouvoir de dire au fédéral qu’ils n’acceptent pas le pelletage de déficit. Dimanche dernier, deux groupes de Québécoises et de Québécois se sont unis pour livrer ce message: les jeunes et les aînés.

C’est une initiative nouvelle et exemplaire. L’Association québécoise pour la défense des personnes retraitées et pré-retraitées s’est unie aux fédérations étudiantes des collèges et celles des universités pour s’opposer aux projets fédéraux de faire payer son déficit par les étudiants et les retraités. Ils étaient plus de 200 représentants jeunes et aînés et il s ont demandé tout simplement que le fédéral renonce à ses coupures dans les programmes sociaux et qu’il rende au Québec les points d’impôts équivalents à ces programmes.
J’applaudis cette démarche et j’espère qu’elle sera couronnée de succès. En ce moment, Ottawa garde nos impôts dont le rendement augmente et nous envoie des transferts dont l’importance diminue. Arrêtons les dégâts: qu’Ottawa se retire du champ de la couverture sociale, qu’il nous rende nos points d’impôts et nous allons nous débrouiller avec le reste.

Sinon, quel sera le coût, l’an prochain, de la crise du fédéralisme? D’abord, c’est le coût de l’incertitude parce qu’au moment où le gouvernement du Québec est en train de calculer ses dépenses pour l’an prochain, on ne sait toujours pas de combien, exactement, le fédéral va amputer notre budget d’ici deux mois. Comment planifier dans ces conditions?

On ne le sait pas exactement mais on en a une idée. Les prévisions de transferts fédéraux au Québec pour l’année 1996 s’élèveraient à 6300000000 $ en chute de 1300000000 $. L’année suivante, ils diminueront d’un autre 1300000000 $. En somme, Québec va perdre au cours des deux prochaines années 35 % des transferts provenant du fédéral.

Pour donner une idée de l’ordre de grandeur des sommes en cause, M. Campeau disait dans son dernier discours du budget: « 1400000000 $, c’est plus que le budget de l’enseignement collégial; c’est plus que le budget de tous les centres d’accueil pour personnes âgées et de tous les centres hospitaliers de longue durée. C’est plus que le budget entier de construction et d’entretien des routes. »

Est [-] ce qu’on veut se passer de tout ça ? Non. Est [-] ce qu’on peut se passer de tout ça ? Non.
C’est pourquoi, dans son budget, M. Campeau annonçait que, si le Québec était toujours une province du Canada en 1996, une chose allait se produire: en plus du gel des dépenses du Gouvernement et d’une compression supplémentaire de 500000000 $, il faudrait une augmentation de 1 % de la taxe de vente du Québec. C’est malheureux, mais c’est la froide réalité du coût du fédéralisme.

Évidemment, on préférerait l’éviter. C’est pourquoi l’Assemblée nationale, mercredi, a adopté une motion qui prévoit que dans la mesure où le gouvernement fédéral renonce à réduire, l’an prochain, ses transferts financiers, le gouvernement québécois renoncera de son côté à la hausse de 1% de la TVQ. Alors c’est clair, il appartient au gouvernement fédéral de décider si la « taxe Martin » de 1% sera ou non appliquée.
Mais comme nous l’avons indiqué, le principal contrecoup des coupes fédérales se fera sentir dans les dépenses du gouvernement québécois. Il faut agir. C’est difficile. Certains posent la question: pourquoi avez [-] vous commencé par l’aide sociale? Une question légitime. C’est vrai que les politiques fédérales ont poussé beaucoup de chômeurs sur l’aide sociale, ce qui a crevé le budget québécois alloué à l’aide sociale. Pour pouvoir réparer ce dégât, il fallait procéder à quelques modifications législatives. Pour modifier la loi, il fallait déposer les amendements dès cette semai ne à l’Assemblée nationale. Ce calendrier était donc incontournable. Même chose pour la réduction de l’aide québécoise aux municipalités. Il fallait faire connaître immédiatement nos intentions, parce que les municipalités du Québec en ont besoin pour faire leur budget. Les contraintes du calendrier ont donc imposé l’ordre d’arrivée de ces premières mesures.

Cela dit, nous avons refusé de faire payer aux assistés sociaux l’intégralité de ce dépassement et nous avons réparti le choc sur l’ensemble des contribuables, notamment en demandant au ministre de la Santé, M. Jean Rochon, d’assumer une partie du fardeau. Nous avons pu ainsi maintenir la prestation de base à son niveau actuel. Mais il est vrai que certains suppléments ont été touchés pour certaines catégories d’assistés sociaux. Pour ces individus dans le besoin, il s’agit d’une chute de revenu, c’est évident et c’est désolant.
Mais maintenant que c’est fait, le gouvernement du Québec peut dire au reste de la société: écoutez bien, les moins nantis d’entre nous ont déjà donné. Ils ont fait leur effort. Maintenant, c’est aux autres de consentir leur effort. Ce signal doit être bien compris. Car c’est de la base au sommet que la société québécoise sera mise à contribution pour absorber le coût du fédéralisme.

Il y en a qui ont déjà compris. Je trouvais amusant d’entendre en fin de semaine M. Daniel Johnson se porter à la défense du budget de l’aide sociale. Lui, il a compris que s’il y a un effort en bas de l’échelle, il y en aura, un aussi, en haut de l’échelle, chez ses amis du camp du Non.
M. Johnson ne veut pas qu’on coupe dans les dépenses, et il ne veut pas qu’on augmente de 1% la TVQ. Pour un parti qui a inventé les boubou-macoutes et l’impôt rétroactif, c’est assez innovateur comme approche.

Plus sérieusement, je vous dirais que l’effort collectif qui nous est imposé doit se faire dans l’équité et la rigueur. Mais il faut dire à la société québécoise qu’on n’a plus les moyens de gaspiller nos énergies, on n’a plus les moyens de se chamailler pour des bouts de chandelles, on n’a plus les moyens de tourner le dos à la solidarité.

Et en ce sens, vous de la FTQ et du mouvement syndical, montrez l’exemple. Votre accord avec la CSN, celui que vous préparez avec la CEQ, sont des signes remarquables d’un nouvel effort de solidarité. L’action renouvelée du Fonds de solidarité en régions pour la création d’emploi, est un signe de progrès et d’espoir. Vous pensez que les grandes organisations doivent s’unir pour promouvoir l’emploi, vous avez raison. Bravo !
Cette semaine, certains d’entre vous ont indiqué que les individus doivent aussi faire un effort pour que d’autres aient un emploi. Entre autres pistes d’action, votre secrétaire général, M. Henri Massé, a parlé d’une réduction graduelle du temps de travail, y inclus la baisse ou même l’abolition des heures supplémentaires. Ce qui signifie qu’au sein du mouvement syndical, parmi nos travailleuses et nos travailleurs les mieux rémunérés et les mieux protégés, on pourrait décider de s’organiser autrement pour faire de la place à ceux qui se cherchent un emploi.
Votre président Clément Godbout vous disait en début de semaine qu’il fallait avoir « l’obsession de l’emploi ». Il a raison. Il faut que l’objectif de création d’emploi l’emporte sur nos intérêts sectoriels. Toute la société québécoise, l’État, les syndicats et les patrons, se portent mieux lorsque le chômage baisse. C’est donc dire que nos actions sectorielles et individuelles doivent être pensées en fonction de la création d’emploi.
Il ne faut pas pour cela que l’on sacrifie la productivité de nos entreprises. Nous n’avons pas, nous n’aurons jamais les moyens de faire cela. Mais reconnaissons simplement qu’il n’y a pas une seule façon de procéder.
La ministre de l’Emploi, Mme Harel, étudie aussi un certain nombre de mesures en ce sens. Je vous le dis tout net, une des plus importantes réalisations de mon gouvernement aura été le Plan Paillé, qui a créé en moins d’un an 9300 nouvelles entreprises et près de 50000 emplois. Lors de la négociation collective dans le secteur de l’éducation, nous avons aussi fait en sorte que d’ici trois ans, 7500 personnes pourront prendre des retraites anticipées et une bonne partie de ces postes sera comblée par des jeunes.
Mais si vous réussissez à donner l’exemple en ce sens, j’aimerais bien voir quel effet d’entraînement ça pourrait donner chez les dirigeants d’entreprise. Est [-] ce que toutes les réductions d’effectifs auxquelles nous assistons sont vraiment indispensables? Il me semble que la mode du downsizing a fauché plus d’emplois que ce que la réelle rationalisation exigeait.
Il y a dans certaines entreprises le réflexe de dire: moins il y a d’employés, mieux on se porte. Certains sont même prêts à payer plus cher pour avoir moins de salariés, en soi. C’est une politique à courte vue qui nuit à l’ensemble du tissu social.

Il faut, au contraire, créer un climat qui nous pousse, tous à juger notre succès, au nombre d’emplois que notre action a permis de créer ou de dégager pour des jeunes. Je vois que vous commencez à penser en ces termes. Je m’en réjouis et je vous souhaite d’être contagieux.
Merci

[QParizeau19951208]
Merci Madame Sansregret, Mesdames, Messieurs,

Comme vous le savez, c’est la troisième fois en un an que j’ai le plaisir de m’adresser à votre Chambre de commerce.
C’est bien sûr la dernière fois qu’à titre de premier ministre j’ai l’occasion de vous rencontrer. Et je voudrais débuter en saluant les efforts constants déployés par votre organisation et les autres intervenants du Grand Montréal pour engager le gouvernement québécois dans les dossiers montréalais.

Je peux vous dire que votre voix porte, vos pressions sont ressenties, vos impatiences, parfois, ont une onde de choc. Vous mettez à contribution les député(e)s montréa1ais, du Parti québécois comme de l’Opposition; vous vous êtes associés avec le délégué régional, le Dr Camille Laurin, un artisan efficace dans l’avancement de plusieurs de vos dossiers. Et vous avez le tour, aussi, de vous gagner les ministres québécois qui proviennent de Montréal: comme vous le savez, cinq des sept membres du comité des priorités sont de la grande région de Montréal.

Ce qui fait que, encore ces dernières semaines, le Conseil des ministres consacre une bonne partie de son travail à se pencher sur les problèmes montré al ais et c’est bien ainsi. On ne s’entend pas toujours sur tous les diagnostics ou sur toutes les solutions, mais, en cela, nous sommes à l’image des Montréa1ais.
C’est bien beau, me direz [-] vous, que nous ayons nos entrées à Québec, mais avec quels résultats?

Quels résultats? Nous sommes au pouvoir que depuis 15 mois et avons pu régler avec célérité diverses problématiques propres à Montréal. Alors dans ce discours, je me limiterai à évoquer aujourd’hui des mesures prises par notre gouvernement pour épauler Montréal.
D’abord, il y a un important besoin de création d’emplois à Montréal. Le gouvernement a mis sur pied le Programme de démarrage d’entreprises, le Plan Paillé, lequel a permis d’injecter plus de 110000000 $ sur l’île de Montréal et à Laval et autorisera la création de 17000 emplois.

La recherche et développement a besoin d’une nouvelle impulsion. Un projet de loi adopté en mai dernier, le projet de loi 63, a porté de 1997 à 2000 la période au cours de laquelle le ministère des Finances est autorisé à verser une contribution à la Société Innovatech du Grand Montréal. Elle a déjà investi 106000000 $ qui permettront la création de 2 850 emplois.
Le Fonds de l’autoroute de l’information et le projet de consortium EPAC comptent quant à eux pour un investissement de 40000000 $, créateur de 300 emplois, la formation professionnelle et l’éducation commandaient d’importants investissements. Hier, le ministre de l’Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, monsieur Daniel Paillé, annonçait un investissement de 123000000 $ pour la mise en place d’un simulateur pour la formation des pilotes de CAE-Canadair.
Encore récemment, le ministre de l’Éducation, monsieur Jean Garon, faisait part d’un investissement de 43000000 $ pour la re1ocalisation au centre ville de l’école de technologie supérieure. En août, le gouvernement a adopté le décret créant le cégep Gérald-Godin dans l’Ouest de l’Île.

Le gouvernement a aussi reconnu que Montréal constitue le centre culturel de Québec et, dans cette perspective, l’a doté des instruments adaptés à ce statut: création de l’Institut national de l’image et du son; revitalisation du Théâtre du Nouveau Monde et de la Cinémathèque nationale, agrandissement du Centre de diffusion et de documentation cinématographique et télévisuelle; achat de locaux pour la réinsta11ation des Archives nationales et de la Bibliothèque nationale. Total des investissements: 41000000 $.

Dans l’ensemble, en moins de quinze mois, les mesures et actions adoptées par le gouvernement du Québec, en faveur de Montréal, représentent des investissements de plus de 1000000000 $, favorisant la création de près de 30000 emplois.
Reste que la situation montréa1aise est préoccupante. D’autant plus que l’économie de l’île de Montréal ne profite pas de la croissance économique observée sur les rives de Montréal. Montréal perd des emplois année après année. De 872000 en 1987, il n’en reste plus aujourd’hui que 768000. Au même moment, les régions de Laval et de la Montérégie atteignent des niveaux d’emplois inégalés.

Il y a plusieurs causes. L’une d’elle réside du côté de la lente reconversion de l’économie montréalaise. Certains secteurs traditionnels de l’activité industrielle ont ainsi subi une lente agonie sans que les nouveaux créneaux économiques n’émergent simultanément. C’est ce retard que le gouvernement du Québec entend compenser en misant sur la recherche et le développement et sur les technologies nouvelles.
La crise, puisqu’il faut utiliser ce terme, est aussi attribuab1e aux coûts supplémentaires imposés aux entreprises montréalaises, notamment par la fameuse surtaxe découlant de la réforme Ryan. Il y a deux ans, la taxe non résidentielle était de 64 % plus élevée à Montréal que chez ses voisins. Il s’agit d’un désincitatif majeur.

L’an dernier, le maire Bourque a voulu réduire cet écart et a entamé une réforme des dépenses de la ville et de sa fiscalité. Comme lui, nous arrivions au pouvoir, alors nous avons paré au plus pressé et nous avons dégagé 50000000 $ pour l’aider à boucler son budget. Entre autres, en faisant en sorte que loto-Québec se porte acquéreur de l’immeuble du Casino de Montréal, ce qui lui a permis d’investir 75000000 $ de travaux. Ce premier effort a contribué à l’effort du maire Bourque, qui a ainsi réduit à environ 60 % l’écart entre sa taxe non résidentielle et celle de ses voisins.
Cette année, il faut poursuivre cet effort. Je comprends que le maire veut réduire l’écart à 49 %. Je suis heureux de vous annoncer que le gouvernement québécois contribuera à cet effort en versant 43000000 $ à la Ville. L’an dernier, il s’agissait d’une aide d’urgence. Cette année, il s’agit d’une mesure transitoire qui combine des actions ponctuelles et, ce qui est beaucoup plus important, le début d’un transfert permanent, et je voudrais insister là-dessus.

La dernière fois que je vous ai parlé, en juin dernier, j’avais indiqué que Montréal devait jouir, au Québec, d’un statut particulier. Il n’y a pas deux métropoles au Québec, il n’y a pas deux Montréal dans le monde. Montréal est unique, des solutions doivent lui être taillées sur mesure.
Depuis un an, nous travaillons sur un nouveau Pacte fiscal pour les municipalités. En raison des problèmes spécifiques auxquels Montréal a à faire face à titre de ville-centre, le gouvernement du Québec lui versera 7800000 $ l’an prochain en 1996 et 16000000 $ l’année suivante. Mais Montréal défie encore toutes les définitions, comme d’ailleurs, à d’autres égards, la Capitale.

Alors il nous faut créer l’exception montréa1aise. Comment? Il nous semble que Montréal est le centre culturel du Québec, que c’est Montréal qui finance le plus les équipements culturels au Québec et qui soutient la culture. Pour ces raisons, Montréal doit donc profiter de son activité culturelle. C’est pourquoi dès 1996 encore, nous allons faire en sorte qu’à chaque année Montréal reçoive des revenus au titre de ceux que lui aurait procurée l’ancienne taxe municipale sur les divertissements.

Nous ne le ferons pas pour les autres villes, sauf. Québec, où l’activité culturelle est proportionnellement aussi importante.
Mais nous ferons en sorte que, dorénavant, à Montréal et pour Montréal, la culture c’est payant !

En tant qu’ancien ministre de la Culture, c’est un signal qui me réjouit doublement, car c’est une incitation à la ville de Montréal de faire encore plus, et de faire encore mieux, pour promouvoir son activité culturelle. Car il s’agit maintenant d’un investissement encore plus rentable.
Est [-] ce la fin du nouveau pacte fiscal pour Montréal? Non. Mais je crois que c’est le chemin et que nous sommes sur la bonne voie.

Donner à Montréal un statut particulier, c’est aussi lui reconnaître une problématique propre à l’égard des transports. Cela, le gouvernement l’a aussi compris en déposant à l’Assemblée nationale en Juin dernier un projet de loi qui créera l’Agence métropolitaine de transport.
Elle a pour mission de développer et de mettre en oeuvre une vision régionale du transport. Des discussions sont présentement en cours entre le ministre responsable et les porte-parole de la Table des préfets et maires du Grand Montréal. Notre objectif est simple: après quelques années de fonctionnement, nous voulons remettre entre vos mains, vous de la grande région de Montréal, le contrôle de cette nouvelle agence. C’est le chemin de la responsabi1isation de la Métropole.
Nous avions hérité de sérieux problèmes à notre arrivée aux affaires il y a 15 mois. Je dirais donc aujourd’hui que notre bilan … tient la route.

Mais j’ajouterai qu’il faudra continuer à inventer, ensemble, d’autres moyens de rendre Montréal plus autonome et plus prospère.
Je n’ai pas le moindre doute que vous exercerez sur mon successeur la même pression que celle que vous avez exercée sur moi. On perçoit de vous une sorte d’état d’urgence permanent, et il faut la partager avec vous.

Nous devons toutefois constater ensemble que Montréal et Québec ne sont pas les seuls décideurs. En fait, nous devons constater qu’un autre intervenant majeur, en l’occurrence le gouvernement fédéral, ne fait pas sa juste part pour Montréal.
D’abord parce que le gouvernement fédéral n’investit pas à Montréal notre juste part de ses budgets en recherche et développement et de ses achats de biens et services, le Québec accuse un déficit de 25000 emplois directs, permanents et de qualité, dont l’écrasante majorité se retrouve dans la région de Montréal.
25000 emplois, c’est ce que coûte l’iniquité budgétaire fédérale.

En matière de défense, il nous manque 650000000 $ par an à Montréal. Et ça dure depuis au moins dix ans. C’est beaucoup d’argent, 650000000 $ par an, parce qu’Ottawa ne donne pas au Québec sa juste part de ses dépenses en matière de défense.
Ce retard ne se comble pas, il s’aggrave. Cet été, le ministère de la Défense a donné sans appel d’offre un contrat de plus de 2000000000 $ à l’Ontario pour des véhicules blindés de transport de troupes, alors que le Québec a obtenu un contrat de remise à neuf de véhicules à chenilles qui n’aura que des retombées de 100000000 $. Ils ont fait ça pendant une année référendaire.

Ottawa a de plus aboli le programme de défense qui bénéficiait le plus au Québec, le Programme de productivité de l’industrie du matériel de défense. Pour Montréal, c’est 100000000 $ de perdu. Ils ont de plus mis un terme au Programme de relance industrielle de l’Est de Montréal.
Il nous manque aussi presque 1000000000 $ d’investissement ces 5 dernières années en matière de logement social, en raison des iniquités fédérales dans la distribution de ces fonds.

Il manque aussi à Montréal des décisions structurantes qui ne relèvent pas du gouvernement du Québec. Par exemple, l’idée d’implanter une école nationale du plastique pour former une main-d’oeuvre qualifiée pour notre industrie montréalaise, notamment dans l’Est de Montréal, ça venait de vous, du milieu des affaires montréalais. Une brillante idée. Ottawa a implanté cette école à Toronto.
Soyons clair: je ne suis pas venu vous parler de souveraineté aujourd’hui, je suis venu vous parler d’équité. Équité pour les Montréalais.
Pour Montréal, Québec peut faire plus, Québec peut faire mieux c’est certain.
Mais la façon dont le gouvernement canadien traite Montréal est malheureusement un scandale permanent.

Pendant les années 70, on affirmait que l’industrie canadienne était répartie comme suit: l’automobile en Ontario, l’aéronautique au Québec. C’est un marché de dupes. Ottawa a tout fait pour diversifier l’industrie aéronautique à l’extérieur du Québec, au profit de l’Ontario ou de l’Ouest.
Ottawa a fait construire en Ontario ses CF-la, au coût de plus de 6000000000 $. Et quand le gouvernement fédéral a octroyé à Montréal l’entretien, pas la construction, l’entretien des CF-la, ça nous a valu le ressentiment du reste du Canada.

Et je n’ai pas besoin de vous rappeler que le premier geste du gouvernement Chrétien fut d’annuler, sans contrepartie, le contrat de construction d’hélicoptères qui aurait favorisé Montréal. Pendant ce temps, le projet Hibernia à Terre-Neuve et la construction d’un pont de 1000000000 $ à l’Ile-duPrince-Edouard vont bon train.

En fait, depuis des années, c’est comme si le Canada faisait subir à Montréal une sorte de rapetissement économique progressif.
Nous étions le centre pétrochimique du pays… la ligne Borden nous a coupé l’herbe sous le pied.

Nous étions le coeur manufacturier du pays… le Pacte de l’auto a donné un gigantesque élan manufacturier à Toronto.
Nous étions la plaque tournante ferroviaire du pays… les subventions massives dans l’Ouest ont enclenché notre déclin.
Nous étions la porte d’entrée aérienne du pays: ils nous ont imposé Mirabel.
Il reste que Montréal est toujours fermement en tête de file dans plusieurs secteurs, dont: l’aérospatiale, toujours, les télécommunications et la pharmaceutique.

Dans ces trois secteurs, je vous appelle à la vigilance. En ce moment, on parle d’une école nationale de l’aéronautique. Évidemment, c’est à Montréal qu’il faut la construire. Mais monsieur Axworthy semble avoir une meilleure idée: Winnipeg.
Nous sommes les meilleurs en télécommunication, c’est indubitable. En ce moment, la Cour suprême en a décidé ainsi, c’est le gouvernement fédéral qui trace les plans de l’avenir de la télécommunication, de l’inforoute.
Mais pourquoi est [-] ce que des représentants de l’Ontario, plutôt que du Québec, dominent largement les comités et groupes de travail fédéraux sur l’avenir de l’autoroute de l’information? Pourquoi est [-] ce que ceux qui décident de l’avenir des télécommunications au Canada ne sont pas les principaux artisans des télécommunications? Des 114 membres du Comité consultatif fédéral sur l’autoroute de l’information et des groupes d’étude, seulement 17 proviennent du Québec.

Nous sommes les meilleurs en pharmaceutique. Dans un an et demi, Ottawa va réviser sa loi sur les brevets pharmaceutiques, la loi C-91. Le caucus fédéral de l’Ontario est déjà sur le pied de guerre.
Qu’est [-] ce que ça signifie, tout ça ? Ça signifie que, tant que le Québec fait partie du Canada, tant que Montréal est une ville canadienne, nous devons exiger le respect et l’équité. Et je pense que nous devons tous être plus efficaces que nous l’avons été ces dernières années. Je vais illustrer mon propos à l’aide d’une petite histoire que vous connaissez peut-être déjà.

On parle beaucoup d’Airbus en ce moment. Vous vous souvenez, en 1991, des appareils Airbus que la compagnie Lava1in avait achetés et qui ont précipité la crise de la compagnie. Monsieur Lamarre avait eu l’idée d’en vendre trois au ministère de la Défense. Pour environ 150 millions. À la défense, ils étaient intéressés, ils en avaient besoin des appareils, mais ils n’avaient pas d’argent. Ils ne les ont pas achetés. Lavalin est tombé.
Quelques mois plus tard, en 1992, le président de Canadien, aux prises avec des difficultés financières a eu, à son tour, l’idée de vendre des appareils Airbus au ministère de la Défense. Pour environ 150 millions. À la Défense, ils étaient intéressés, ils en avaient besoin des appareils, mais ils n’avaient pas d’argent. Ottawa a trouvé l’argent. Canadien a été sauvé.

Il y a bien sûr une morale à cette histoire. C’est qu’il y a des gens qui savent mieux que nous, Montréalais, tirer les marrons du feu. Il y a des gens qui pourraient nous enseigner deux ou trois choses sur l’art et la manière d’obtenir sa juste part des dépenses fédérales.
Alors en terminant, et en tant que Montréalais, je voudrais vous suggérer quelque chose: continuez à vous faire entendre haut et fort à Québec, continuez à appuyer sur tous les boutons et à actionner tous les leviers. C’est bien, c’est normal et ça rapporte.

Mais faisons en sorte d’augmenter considérablement nos efforts envers le gouvernement fédéral. Il y a là des budgets qui nous reviennent, des investissements qui devraient se faire chez nous, des stratégies qui devraient, aussi, faire de Montréal un cas particulier. Car les calculs sont simples: si Ottawa consentait à Montréal sa juste part, notre ville et notre région iraient beaucoup, beaucoup mieux.
Merci

[QParizeau19960122]

Mesdames, Messieurs, Chers amis,

Peu de temps après avoir commencer à assumer mes fonctions de premier ministre, j’ai fait de l’autoroute de l’information une de mes préoccupations prioritaires. On me demandera sans doute en quoi je la trouvais si importante pour la classer en tête de l’interminable liste des sujets auxquels un premier ministre est confronté. C’est le caractère exceptionnellement dérangeant de ce nouveau médium de communication, son impact probable sur la société tout entière et les enjeux culturels, sociaux et économiques qui y sont attachés qui me l’on fait classer ainsi.

C’est aussi le caractère horizontal du sujet, l’impossibilité de le traiter correctement uniquement à partir de ses aspects économiques, culturels ou sociaux, et donc la nécessité de l’intégrer dans les responsabilités de l’exécutif lui-même, qui m’en ont rapproché.
Je n’avais pas trouvé à l’intérieur de l’appareil gouvernemental une réflexion articulée sur les stratégies à mettre en oeuvre pour favoriser un déploiement harmonieux de l’autoroute de l’information. Par ailleurs, il me semblait approprié d’associer à cette réflexion les meilleurs compétences dans le domaine.

J’ai donc demandé à monsieur Louis Berlinguet, président du Conseil de la science et de la technologie, d’animer un comité consultatif chargé de me donner un avis, dans les meilleurs délais, sur une stratégie d’implantation, un plan d’action et des modalités de financement pour le développement de l’autoroute de l’information au Québec.
Grâce à la diligence et à l’engagement de ses membres dans leur mission, le rapport du Comité consultatif sur l’autoroute de l’information m’a été remis au mois de juillet dernier. Ce rapport a été particulièrement bien reçu; il décrivait les conditions de succès de l’implantation de l’autoroute de l’information liées à six grands thèmes: le rôle d’usager modèle du gouvernement, le partenariat entre les institutions publiques et l ‘entre.prise privée, l’égalité d’accès à l’autoroute, la préparation des citoyens à l’utilisation des nouvelles technologies de l’information, la recherche et le développement.

Le Comité renforçait également ma conviction à l’effet que l’autoroute de l’information « aura une importance aussi considérable sur la société de demain que l’ont été les grandes avancées technologiques comme l’imprimerie, le téléphone, la télévision, l’automobile et ses autoroutes. » (Louis Berlinguet; Avant-propos, Inforoute Québec: Plan d’action pour la mise en oeuvre de l’autoroute de l’information)
Au mois d’août, j’ai présenté les conclusions du rapport Berlinguet et annoncé la création du Secrétariat de l’autoroute de l’information, dont le mandat s’inscrit dans la prolongation de celui du Comité consultatif. Les responsabilités confiées au nouveau Secrétariat comprennent la gestion du Fonds de l’autoroute de l’information, dont le fonctionnement avait auparavant été marqué de quelques hésitations. Le processus de choix des projets a été complété le 21 décembre dernier. Les 54 projets acceptés totalisent un montant de subventions de plus de 47000000 $, pour des investissements anticipés de plus de 185000000 $, soit quatre fois le montant des subventions accordées.

Les projets couvrent un large éventail d’activités qui reflètent bien les ambitions du Fonds. Certains des projets s’adressent au grand public (comme la câblodistribution interactive ou l’accès à Internet dans les bibliothèques), tandis que d’autres visent des services et des clientèles cibles (comme la téléformation en sylviculture ou les réseaux de télémédecine). D’autres projets permettront pour leur part d’établir des réseaux entre musées, entre écoles, entre PME. Certaines subventions renforcent des stratégies industrielles dans la technologie de transmission des données et le commerce électronique. Plusieurs projets ouvrent de nouvelles niches commerciales et de nouveaux modes d’expression culturelle par la navigation sur Internet et l’exploitation des possibilités du multimédia. Enfin, le Fonds a aussi favorisé la réflexion et l’innovation sur les aspects sociaux, institutionnels et juridiques de l’inforoute.

En parallèle, le Secrétariat s’est attaché à la définition fine des objectifs et principes qui devraient guider le gouvernement dans ses actions à propos de l’autoroute de l’information. Pas plus tard qu’hier, le Conseil des ministres a entériné les orientations de base proposées par le Secrétariat. Six objectifs ont été énoncés: le développement économique et régional du Québec; la réalisation de gains de productivité dans l’appareil gouvernemental; le rayonnement du Québec et de l’expertise québécoise à l’étranger; une meilleure information aux citoyens, des services plus conviviaux et mieux adaptés aux conditions de vie et de travail; l’amélioration de l’éducation et le développement social; et, enfin, la promotion de la langue française et l’expression de la culture québécoise.
Trois grands principes nous guideront dans l’atteinte de ces objectifs: un accès universel et équitable, la protection de la vie privée et de la confidentialité des renseignements personnels et le respect des valeurs de notre société.

28 cibles ont été retenues. Elles devront se traduire par des actions concrètes. Et je peux vous dire que le secteur de l’éducation est au premier plan quant au développement de cette stratégie.
Les grandes orientations de base sont rassemblées dans un document intitulé «Pour une stratégie de mise en oeuvre de l’autoroute de l’information au Québec» qui sera éventuellement rendu public.

Dans les prochaines semaines, il appartiendra à tous les ministères et organismes publics de présenter un plan d’action propre à la concrétisation de ces orientations. Leurs travaux feront bien entendu l’objet de nombreuses consultations.

Le Québec sera ainsi doté d’une stratégie articulée pour participer à la mise en place de ce nouvel instrument collectif, dans le respect de ses valeurs fondamentales et dans l’intérêt de tous ses citoyens. Je suis particulièrement fier de ce résultat.
Il y aura une phase II du Fonds de l’autoroute de l’information dont les modalités de fonctionnement restent à être déterminées et le seront, je l’espère, d’ici peu.

S’il est un domaine où les enjeux du développement de l’autoroute de l’information sont considérables, c’est bien celui de l’éducation. La société de l’information, c’est la société dans laquelle nos jeunes vont évoluer. Les prophètes de malheur parlent de retard irrécupérable en éducation, d’occasion manquée, de désinvestissement au niveau des équipements, en pointant à l’occasion les gens qui oeuvrent dans le milieu. J’aurais tendance à parler davantage de « prudence » du milieu éducatif. D’ailleurs dans le document préparatoire à cette conférence, on peut lire que « plusieurs personnes rencontrées vont même jusqu’à dire qu’il vaut mieux ne rien faire plutôt que de mal faire. Cette phrase peut surprendre mais je dirais qu’elle dénote avant tout une grande maturité. Je sais, vous savez, que nous avons choisi de faire … et de bien faire. Cette rencontre que vous avez ces jours-ci est d’ailleurs une des belles manifestations de cette volonté.

Les signes à l’horizon ne mentent pas, la force du mouvement devient irrépressible. Si nous ne prenons pas rapidement le virage technologique, nous choisissons l’appauvrissement collectif. Mais, c’est nous qui devons maîtriser la route à prendre et la vitesse de croisière. L’inforoute, c’est un levier extrêmement puissant. Et le défi de l’autoroute se jouera principalement en éducation. Dans nos écoles, nos collèges et nos universités. Nous ne pouvons nous payer le luxe de travailler avec les outils du passé.
D’ici cinq ans, tous les étudiants et les enseignants, de quel niveau que ce soit, devraient pouvoir maîtriser les nouveaux outils, les faire leurs et pouvoir en suivre l’évolution.

Ayant cet horizon à l’esprit, je souhaite que l’on fasse de la rentrée scolaire de septembre 1996 une date mémorable. Mémorable pour nos élèves, leurs enseignants, leurs directeurs et l’ensemble de la communauté éducative du Québec, du primaire à l’université en passant par la formation des maîtres. Déjà à ce moment, des événements auront eu lieu, des nouveaux outils devront être en place.
Des possibilités d’enrichissement extraordinaires s’offriront aux jeunes par les réseaux d’information mis à leur portée. Tout ce que le génie créateur de l’homme a inventé, a façonné, devient accessible. En musique, en arts, en histoire, en géographie, en sciences, en mathématiques, les connaissances de l’homme deviennent à la portée de tous. Et le plus formidable, c’est que c’est en temps réel.

Une petite recherche de deux minutes sur Internet concernant le Président François Mitterand, m’indique qu’une centaine d’articles à son sujet et de multiples témoignages de condoléances se sont ajoutés depuis son décès survenu, le 8 janvier dernier. Où est l’Encyclopédie dans une bibliothèque qui peut nous informer aussi rapidement et aussi précisément? Il en est ainsi de ce qui est advenu de l’URSS depuis 1991 ou de tout autre événement majeur. Et les exemples pourraient se multiplier à l’infini. Les jeunes ne peuvent plus passer à côté d’une découverte scientifique, pour peu qu’ils s’intéressent à un sujet.
Par le micro-ordinateur, les élèves pourront effectuer leurs travaux scolaires en maîtrisant d’abord le clavier, autant commencer comme il faut en même temps qu’on apprend à écrire, puis les logiciels outils, traitements de textes, chiffriers électroniques, bases de données, les mêmes que ceux qui sont utilisés dans le monde du travail. Ainsi, nos jeunes doivent, dans un horizon de deux à cinq ans, devenir compétents en ces matières.

Ce sera un enrichissement incroyable, à partir du moment où une masse de gens maîtriseront ces outils.

Je lance ici un cri du coeur aux jeunes enseignants, à tous ceux qui ont le goût de créer, le goût de découvrir des savoirs nouveaux à chaque jour, le goût d’approfondir le cheminement qui mène l’enfant à la connaissance, le goût d’avoir du plaisir en classe avec leurs élèves. Il faut de l’audace, faire place à la créativité, lire avec les élèves, écrire avec eux, être un maître qui a le goût d’appuyer ses élèves, les soutenir, les encourager dans leur cheminement vers le savoir. Des maîtres qui ont la passion de l’éducation.
L’enseignant peut utiliser le courrier électronique rendu accessible par 1’inforoute. Cet outil, s’il est bien utilisé par des regroupements d’enseignants, leur permettra de sortir de l’isolement professionnel qui, trop souvent, est le lot de l’enseignant qui rencontre des difficultés sur un sujet donné ou dans une circonstance particulière. Ils pourront eux aussi communiquer avec des collègues pour leur faire part de leurs succès, converser avec eux sur leur situation professionnelle et échanger sur leurs expériences pédagogiques.

L’arrivée des nouvelles technologies est aussi une occasion unique pour les enseignants de passer au deuxième souffle dans leur inlassable course de fond de 35 ou 40 ans en présence de jeunes qui n’en finissent pas d’être jeunes, septembre après septembre, et qui placent l’école en position concurrentielle avec le reste du monde extérieur. Il s’agit là, d’ailleurs, d’une situation qui est de plus en plus difficile à tenir année après année, les nouvelles technologies étant toujours plus accessibles à un nombre grandissant d’élèves.

L’école s’apprête à vivre une révolution profonde et pas seulement un changement anodin. Non, non, quelque chose de fondamental qui rejoint les élèves dans leurs apprentissages, les enseignants dans leur démarche d’enseignement et ce que j’appellerais la dimension communautaire de la formation. L’élève et l’enseignant, par la puissance de la technologie, ne sont plus isolés. On le voit déjà dans beaucoup de classes, où la communication s’établit par le courrier électronique d’un élève à l’autre, d’une classe à une autre ou à plusieurs autres classes, d’un pays à l’autre. Les uns et les autres peuvent échanger sur des thèmes relatifs à leur vie, mais aussi à leur histoire, à leur économie locale comme cela se fait déjà entre les élèves de 4e année d’une quarantaine de classes dans la région de laurentides-lanaudière, et sur de multiples sujets scolaires dans leur dimension culturelle sociale ou scientifique.
La venue des nouvelles technologies de l’information dans l’environnement de l’éco1e sera accompagnée de programmes de formation et de perfectionnement destinés au personnel enseignant, aux professionnels non enseignants et au personnel de direction des écoles. Il faudra faire en sorte qu’ils en deviennent eux-mêmes des utilisateurs réguliers et qu’ils puissent avoir réfléchi à leur utilisation. Il n’y a pas d’autre moyen d’intégrer réellement les nouvelles technologies aux pratiques pédagogiques.

Il faudra aussi s’attaquer rapidement aux programmes de formation des maltres pour y introduire la formation axée sur les nouvelles technologies de l’information et des communications et prendre en compte les retombées de ces dernières en regard du processus d’apprentissage.
La maîtrise et l’appropriation par le personnel enseignant des nouvelles technologies de l’information, des outils de l’autoroute de l’information et l’intégration de ces outils au processus d’enseignement constituent la deuxième cible dans le domaine de l’éducation. Il faut apprendre toute sa vie, quand on choisit la profession d’enseignant: c’est la condition pour que nos élèves apprennent de nous, avec nous et entre eux.

Notre principal problème n’est pas la technologie, bien que nous soyons conscients de la nécessaire mise à niveau, mais l’intégration des nouvelles technologies dans la pratique de l’enseignement et la production d’une nouvelle génération de matériel didactique. Nous devrons prendre acte et agir en conséquence.
Comme je l’ai dit déjà dans une autre occasion, il faut donner accès à tous aux mêmes possibilités, la vie se chargera d’établir les différences. Il faut donner accès aux divers programmes qui s’offrent dans nos écoles, donner accès aux mêmes connaissances, aux mêmes ressources, aux mêmes possibilités d’ouverture sur le monde.

Comme tout bon pédagogue, le directeur ou la directrice d’établissement doit, pour sa part, accompagner son personnel dans ses apprentissages. Le défi est imposant; il s’avère donc nécessaire que le perfectionnement des maltres se fasse dans le contexte de la maltrise des outils en vue de refaçonner le cheminement didactique en les intégrant. Nous ne parlons pas d’une nouvelle matière, nous parlons de nouveaux outils qui ont un tel potentiel que nous ne pouvons plus les ignorer, sans risquer de marginaliser nos jeunes citoyens. Il faut compter sur le personnel de direction pour veiller à ce que le perfectionnement se fasse en ce sens.

Voilà pourquoi, pour assurer le succès de ce vaste chantier, le personnel de direction doit être imputable du perfectionnement des maltres et des compétences des élèves de leur école en matière d’utilisation des logiciels-outils dans leurs apprentissages et leurs travaux scolaires.

Septembre 1996 doit constituer une date importante pour l’exploitation directe de ces nouveaux instruments et de ces nouveaux outils que sont le micrordinateur et l’autoroute. Septembre 1998 sera davantage le moment de l’intégration de ces nouveaux outils, les uns les autres et suivra progressivement l’incorporation de ces outils aux démarches d’enseignement et d’apprentissage.
Une troisième cible, spécifique au domaine de l’éducation, a trait à la formation continue et à la té1éformation. Deux objectifs sont sous-jacents à l’entreprise ainsi envisagée.

Le premier consiste à rendre disponibles sur l’ensemble du territoire du Québec les meilleurs cours possibles. Je sais d’ailleurs que déjà, parmi d’autres initiatives, des enseignants du collégial s’apprêtent à offrir, par la voie des nouvelles technologies, de nouveaux produits sur le marché. Bientôt les étudiants de l’ensemble du Québec pourront suivre à distance des cours de japonais, par exemple, offerts dans une de nos institutions, en temps réel, donnés par le professeur le plus compétent situé n’importe où sur le territoire.
Deuxième objectif: le Québec doit devenir un producteur chevronné de cours sur l’autoroute. Si nous ne voyons pas venir le train, si nous sommes insensibles aux signes qui ne manquent pas, nous serons envahis par des cours et des programmes complets offerts par des collèges et des universités américains. Regardez de plus près, vous verrez qu’à chaque semestre les offres de cours se multiplient.

Le Québec est dans une situation privilégiée. Nous sommes la plus importante nation française en Amérique, ce qui constitue un avantage stratégique étant donné la créativité qui nous distingue aux plans culturel et technique. Si le Québec a su créer ces dernières décennies certaines des entreprises de communications les plus audacieuses et les plus innovatrices au monde, il faudra aussi qu’il s’affirme au chapitre du développement de matériels didactiques.
Ces matériels, tout en étant compatibles avec les programmes Québécois, devront ouvrir sur des apprentissages qui débordent ces seuls programmes. Ils doivent rejoindre l’intérêt de la francophonie en général, ce qui n’empêche pas qu’ils soient par ailleurs adaptés en anglais ou en une autre langue.

Notre caractère unique, les produits de notre histoire et de notre culture doivent aussi être l’objet de productions reflétant à la fois une dimension universelle et notre spécificité. Je pense à tout ce qui constitue notre patrimoine culturel et qui se retrouve dans des collections, des musées, des bibliothèques.
En conclusion, aussi puissants et présents qu’ils puissent être, il ne faudra jamais prendre les moyens pour des fins. Que nous parlions d’inforoute, d’utilisation des technologies, d’ajustement de programmes d’enseignement, d’ajout de programmes en informatique, d’achat de matériel informatique ou télématique, tous ces éléments périphériques à l’acte d’apprendre ne rendront pas l’élève plus compétent s’il n’y a pas, à la base, une relation maître/élève de qualité.

Le savoir, on peut bien dire qu’il est à la portée de la main, si tant est que l’élève est maintenant capable d’y avoir accès facilement et rapidement; mais ce savoir n’existe pas en soi. Il n’y a que les personnes qui savent. Pour exister et prendre forme, le savoir doit être reconstruit et réapproprié. L’enseignant demeurera le véhicule privilégié pour indiquer à l’élève le chemin didactique approprié et accompagner ce dernier dans sa recherche du savoir, du savoir-faire, du savoir-être.

Comme vous pouvez vous en rendre compte, puisque je parle à un auditoire averti, la mise en place de l’autoroute de l’information au Québec nécessite, pour l’éducation seulement, une infinité de maillages et d’interconnexions entre les professionnels de l’éducation de la langue, de la culture, de la création et de la production de matériels didactiques. Le déploiement de cette autoroute dans l’ensemble des secteurs d’activités où le citoyen entre en contact avec l’appareil de l’Ëtat prendra une ampleur incomparable. Les enjeux pour le développement économique, social, culturel et linguistique constituent une occasion que le Québec doit saisir.
Le XXIe siècle sera le siècle du savoir. Nos élèves doivent être placés sur l’autoroute du savoir rapidement et en utiliser les instruments pour les mettre au service de leurs études. L’éducation doit être, plus que jamais, notre meilleure valeur ajoutée. L’école de la réussite, c’est avant tout l’école de l’intérêt, voir de la passion. Il faut prendre les dispositions pour que ce soit vrai. Il ne faudrait surtout pas faire exprès pour manquer les rendez-vous.

Merci.

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